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APPROCHE PSYCHANALYTIQUE DU DESSIN D’ENFANT

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A- II : LE DESSIN D’ENFANT 7

5. APPROCHE PSYCHANALYTIQUE DU DESSIN D’ENFANT

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La psychanalyse d’enfant utilise depuis longtemps le jeu et notamment le dessin en séance, qu’elle soit en individuel ou dans un cadre groupal ou familial. « L’enfant, en dessinant, crée et organise son monde. Ainsi, le dessin vient à la place d’une absence et instaure une ‘’présence’’. Mise en acte d’un corps pulsionnel et de ses ressentis, il cherche, dès les pre-mières traces, à figurer un ‘’corps psychique’’ : il présentifie un ‘’être là’’ du sujet. L’enfant y inscrit son identité : ‘’Ici je suis’’. Le dessin est donc toujours un autoportrait : mon dessin me regarde et je me vois en lui » (Garcia-Fons, 2002; 44).

Plusieurs théories du dessin coexistent actuellement dans les approches psycho-dy-namiques concernant la production graphique enfantine. Sans s’appuyer sur des stades du dessin ou des interprétations ‘’universalistes’’ préconfigurées, chaque thérapeute d’enfants est amené à développer, au-delà des théories, un ‘’art personnel’’ de travailler avec le dessin, toujours adapté à l’enfant singulier qu’il reçoit. Il observe attentivement la structure du dessin et ses différents éléments, même les plus insignifiants, y compris bien sûr ceux que l’enfant juge ‘’ratés’’ ou ‘’mal dessinés. Il ne se cantonne à ce qu’ils représentent dans leur figuration immédiate la plus visible. Une attention majeure est portée au comportement et aux affects de l’enfant pendant qu’il dessine. Un regard particulier est donné aux liens d’attachement ainsi qu’aux affects dans la famille (Rizzi et al., 2014b).

Pour tout analyste, le dessin ne peut se comprendre que dans la relation à l’enfant. Sa sig-nification ne pourra émerger qu’à partir des commentaires de l’enfant ou de son entourage. Les thérapeutes s’appuient sur les commentaires de l’enfant (verbaux, écrits ou agis) et le contexte transférentiel de la séance. Le modèle utilisé reste l’interprétation freudienne des rêves. Sans doute, le dessin n’est pas un rêve, l’enfant qui dessine ne dort pas et le dessin est bien une réalité. Cependant, l’enfant s’y projette comme dans un rêve.

Le dessin de l’enfant est aussi proche d’une métaphore, il parait aisément lisible. Mais il ne faut surtout pas en rester à son apparence narrative, conçue comme une simple transposi-tion du fantasme ou du lien familial. En fait, les éléments figurés dans le dessin, en tant que signifiants graphiques élémentaires, ont une valeur métonymique, c’est-à-dire qu’ils sont la partie d’un tout ou se trouvent liés à d’autres représentations qui ne sont pas nécessairement représentées dans le dessin. Selon cette approche, le dessin ne dissimule pas une vérité à découvrir et il n’y a pas d’expert traducteur de dessins. Les significations qui découlent de son analyse naissent du travail avec l’enfant, et souvent avec sa famille, à partir de son dessin. Le thérapeute se laisse regarder par le dessin (Garcia-Fons, 2002) dans l’ici et maintenant de la séance (Rizzi et al., 2014a).

Nous allons analyser les apports de chaque auteur ; l’approche psychanalytique sera largement utilisée dans notre méthodologie de recherche.

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5.1 SIGMUND FREUD

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Dans ses premiers écrits, Freud met déjà en évidence la corrélation entre trauma enfantin et psychopathologie (1892) et considère le jeu comme l’expression des conflits incon-scients ainsi que comme l’instrument cathartique pour augmenter la maitrise de soi. Les enfants reproduisent dans leur activité ludique des situations de la vie quotidienne, sources de fortes émotions. Ce faisant, ils peuvent se détacher de la réalité et trouver des nouvelles ressources dans un milieu protégé (Freud, 1920).

Dès 1909, Freud fait référence au dessin d’enfant quand il raconte la situation du Petit

Hans. Dans l’analyse conduite sur le père de l’enfant, il cite un dessin, celui de la girafe. En

suite, dans le cas de l’homme aux loups (1918), un patient accompagne le récit d’un rêves qu’il avait fait à ses quatre ans, d’un dessin que Freud retranscrit dans son observation. Plus tard (1920), Freud élabore des considérations importantes sur le jeu enfantin s’appu-yant sur l’observation de son petit-fils Ernst et de son « jeu du la bobine » attachée par une ficelle. L’enfant d’un an et demi joue à faire tomber la bobine puis à la ramener à lui. Cette activité montre, selon Freud, la possibilité de réparation de l’enfant. Il répéterait un trauma-tisme malgré le déplaisir que cette répétition occasionne. Le jeu s’apparente alors à la re-viviscence de l’alternance de présence et absence de la mère que l’enfant transforme en une expérience maitrisable et donc supportable. C’est ce qui lui permet de contenir l’ango-isse de séparation et de supporter la solitude. Le jeu viendrait alors se substituer au fan-tasme, ou plutôt à l’hallucination, de perte d’objet qui ne suffit plus à combler la satisfac-tion pulsionnelle enfantine, en ajoutant le principe de réalité au principe du plaisir. L’enfant élabore cette douloureuse frustration en devenant un sujet actif grâce à une capacité de réparation imaginaire dans le jeu (et plus tard dans le dessin). La tendance à la répétition du refoulé et le désir de maitrise sont, pour Freud (1920), les moteurs essentiels de l’acti-vité ludique de l’enfant.

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5.2 SOPHIE MORGENSTERN

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En 1926, Sophie Morgenstern débute le traitement psychanalytique d'un enfant de neuf ans présentant un mutisme de nature névrotique (1927). Chez cet enfant, le dessin est l'unique moyen d'expression et Morgenstern décide de s'en servir pour le traitement. Elle

travaille alors par la médiation des dessins autour de la symbolique des objets phalliques, des angoisses de castration, des préoccupations orales ou anales, en pénétrant peu à peu dans ses terreurs et ses conflits psychologiques à l’origine du mutisme. L’auteur indique aussi ce que l’enfant a pu dire de ses dessins une fois le mutisme levé. Questionné sur le sens de ses dessins, l’enfant reste obstinément muet, voire hostile envers la possibilité de nommer les dessins précédemment faits. Ce n’est qu’à la fin du traitement qu’il se met à parler et apporte des confirmations à son analyste, concluant : ‘’Je vous ai déjà tout raconté par le dessin’’ (Ibid.).

Morgenstern propose une lecture qui repose sur les thèmes et les histoires illustrées, sur les significations symboliques du point de vue psychanalytique et surtout sur les en-chainements des dessins entre eux d’avec les interventions de l’analyste. En fait, après chaque dessin, elle proposait à l’enfant une interprétation suite à laquelle l’enfant reprenait son crayon et faisait un nouveau dessin, interprété comme une réponse à l’intervention de la thérapeute. Morgenstern conclut que les mécanismes spécifiques de l’inconscient appa-raissent dans l’élaboration du dessin. A partir de ces données cliniques, elle propose une interprétation générale, valable pour tout matériel symbolique (1937).

Elle insiste sur les analogies entre le dessin, le jeu et les rêves. La valeur expressive du dessin (et du jeu) dépasse celle du langage orale puisque symbole et réalité s’y confondent. Il s’agit d’un mode de pensée prélogique. Pour s’en rapprocher, il faut donc procéder à l’interprétation des symboles. Parmi les symboles, ceux d’origine sexuelle et ceux expri-mant les tendances agressives jouent un rôle prépondérant. Ils représentent des objets phalliques, des angoisses de castration ou des préoccupations orales et anales. Morgen-stern explique le caractère privilégié du dessin comme voie d’accès à l’inconscient de par sa fonction de sublimation. Le dessin est pour l’enfant le lieu où dépasser les exigences pulsionnelles et leur trouver une issue dans une œuvre « sociale » (Widlöcher, 1965), cul-turellement acceptable.

Morgenstern confère au dessin le status particulier de ‘’miroir’’ des conflits inconscients de l’enfant. Cependant, cherchant essentiellement à détecter le traumatisme initial, comme Freud le fit dans sa première théorie de la séduction, elle ne voit dans les dessins que des répétitions des scènes familiales et ne prend pas en compte la dimension transféro/contre-transférentielle sous-jacente (Rey, 2010). La trace se fait alors témoin d’un vécu ancien, représentante de vécus traumatiques. A. Anzieu (1996), par exemple, critique cette approche thérapeutique par manque d’un regard fondamentale en psychanalyse de l’enfant sur la dimension contre-transférentielle. Elle opère de ce fait un glissement vers une forme de « jugement surmoïque » à l’encontre des enfants (Ibid.).

5.3 ANNA FREUD

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Anna Freud (1895-1982) a apporté des concepts importants à la théorie psychanalytique du jeu d’enfant par ses travaux sur le moi et ses mécanismes de défenses. Elle constate tôt dans sa pratique qu’elle ne peut pas travailler avec l’enfant comme dans la cure type avec l’adulte. L’enfant ne parle pas, du moins pas comme l’adulte. Il n’associe pas librement et il apporte peu de récits autour des rêves. L’enfant a besoin d’agir et de voir. « Il agit au lieu de parler », regrette A. Freud (1926; 11). Il faut alors des matériaux médiateurs et le dessin s’impose comme une « ressource » dans l’analyse de l’enfant, « faute de mieux » (Ibid.; 12). Mais il reste, pour elle, un pâle substitut à la libre association puisque le matériel symbol-ique produit présente l’inconvénient d’ouvrir à l’arbitraire de l’interprétation symbolsymbol-ique. Cependant, son œuvre (1926, 1965, 1978) est centrée sur le monde fantasmatique de l’enfant et sa méthode reste le jeu, « excellent moyen d’observation pour apprendre à con-naitre l’enfant » (1926; 27). Selon A. Freud, le jeu commence chez l’enfant sous forme de jeu érotique avec le corps, le sien ou celui de sa mère. Progressivement ces objets cèdent la place à un « matériel de jeu qui ne possède pas, par lui-même, un status d’objet, mais qui sert les activités du Moi et les fantasmes qui les sous-tendent » (1926; 55-56). Ensuite se met en place le plaisir lié à l’achèvement de la tâche qui l’emporte sur le plaisir de l’action proprement dit. L’aptitude au jeu se transforme enfin en aptitude au travail grâce à la seco-ndarisation de la pensée. Reste célèbre son idée du passage « du corps au jouet et du jeu au travail » (1965; 71). En analyse, donc, l’activité ludique est, pour Anna Freud, le moyen pour accéder à l’enfant et établir une alliance thérapeutique. Ce n’est que par la suite que le psychanalyste passe à la verbalisation pour un véritable travail d’analyse. Le jeu n’est, pour Anna Freud, qu’un outil de décharge, de libération, d’un conflit psychique interne. Il est un objet investi à la fois de libido narcissique et de libido objectale, qui fait transition et qui sert de support à l’ambivalence de l’enfant.

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5.4 MELANIE KLEIN

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Melanie Klein (1882-1960) est d’un autre avis à ce sujet. Là où S. Freud soulignait que les représentations peuvent devenir conscientes par les images du rêve et les hallucinations, Klein ajoute le dessin comme lieux d’expression de l’inconscient. Pour l’auteur, le dessin appartient aux techniques adaptées à l’analyse des enfants puisqu'ils ont aux objets une relation « purement narcissique » (1932; 28). Le dessin est étroitement associé à la tech-nique du jeu, de même que le modelage, le découpage et l’utilisation de l’eau. Le jeu révèle

les conflits inconscients de l’enfant puisque « lorsqu’il joue, il agit au lieu de parler » (Ibid.). L’action, plus primitive que la pensée ou la parole, constitue la trame de son comportement. C’est donc par le jeu que l’enfant exprime, sur un mode symbolique, ses désirs, ses fan-tasmes, son vécu. L’enfant est favorisé, selon Klein, dans la cure psychanalytique «  car l’enfant possède la capacité d’exprimer directement son inconscient » (1961; 56). Le psych-analyste doit alors intervenir de façon active auprès de l’enfant et susciter sur le jeu des associations libres. Le dessin, mode d’expression naturel et privilégié chez l’enfant, serait alors l’équivalent du rêve chez l’adulte en raison de son mode d’expression archaïque et phylogénétique. « Les psychanalyses d’enfants démontrent toujours que derrière le dessin (…) se cache une activité inconsciente bien plus profonde : il s’agit de la procréation et de la production dans l’inconscient de l’objet présenté » (1923; 108). Ainsi, elle décrit le dessin comme l’expression d’une activité inconsciente à la fois sublimée et à la fois agie dans un geste magique et réparateur.

A partir de son analyse du jeu, Klein construit deux étapes normales et nécessaires à l’évolution de tout enfant : la position schizo-paranoïde et la position dépressive. Le développement et le jeu vont permettre au bébé de surmonter cette angoisse dépressive par le mécanisme de réparation. Le jeu confère à l’enfant la maitrise d’une réalité pénible, puisqu’il lui permet de mettre en œuvre ses fantasmes et débuter des activités créatrices de l’ordre de la sublimation. C’est ainsi qui commence la formation des symboles qui don-nent vie aux dessins. Le symbolisme n’est donc pas seulement la base de tout fantasme et de toute sublimation. C’est sur lui que « s’édifie la relation du sujet au monde extérieur et à la réalité en général » (1932).

Le cadre psychanalytique est symbolique et symbolisant. Il fait surgir la parole significative et il structure tout le matériel exprimé. Dans l’analyse kleinienne, l’interprétation des dessins en séance devient alors possible « quand la décision interprétative reconstructive permet à l’enfant l’accès au processus de symbolisation » (Decobert et Sacco, 1995; 20). A la différence de l’attitude pédagogique et positive d’A. Freud, Klein propose d’interpréter les angoisses, les défenses et les transferts de l’enfant. Elle interprète également le transfert négatif dans le but d’atténuer l’opposition et l’angoisse de l’enfant et d’améliorer sa coopération. Elle propose aussi l’idée de dessin libre « provoqué », quand il n’est pas spon-tané. L’enfant est incité alors à jouer ou à dessiner par l’adulte, synonyme symbolique d’une autorisation confiante. Dans ce mouvement, la pulsion du ça, régie par le principe de plaisir dans le dessin, rencontre l’autorisation du surmoi, figuré par l’analyste.

Par le dessin (et le jeu) l’enfant ressort ses fixations libidinales, ses angoisses, ses fan-tasmes, ses mécanismes de défense, ses conflits, en somme, toute la force de son

intrapsy-chique. Comme le dit Segal « l’idée géniale de Klein fut de remarquer que le mode naturel d’expression de l’enfant était le jeu, et que le jeu n’est pas simplement un jeu, c’est aussi un travail. Ce n’est pas seulement un moyen d’explorer et de maîtriser le monde extérieur mais c’est aussi, par l’expression et l’élaboration des fantasmes, un moyen d’explorer et de maîtriser les angoisses. Par le jeu, l’enfant met en scène ses fantasmes inconscients et, ce faisant, il élabore et intègre ses conflits » (1974; 28).

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5.5 FRANÇOISE DOLTO

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Pour Dolto, formée à l’analyse du dessin par Morgenstern, « le dessin libre est une expres-sion, une manifestation de la vie profonde. À travers le graphisme le sujet exprime aussi ses difficultés, ses troubles nous apparaissent non voilés, le dessin nous livre en effet l’inconsc-ient du sujet et nous révèle ainsi son ‘’climat psychologique’’, il représente donc pour nous un instantané de l’état affectif » (Dolto, 1948; 337). Le dessin de l’enfant ne se résume alors pas à un mode d’expression, ou de représentation, symbolique des émotions ni à une sim-ple projection des fantasmes inconscients. « On ne dessine pas, on se dessine et l’on se voit électivement dans une des parties du dessin (…) Non, on ne raconte pas un dessin, c’est l’enfant lui-même qui se raconte à travers le dessin. Un dessin, c’est un fantasme extempo-rané dans une analyse ; c’est comme cela qu’il faut l’écouter » (Dolto et Nasio, 1987; 12). Elle dit bien « écouter » le dessin.

Son approche originale du dessin dans la cure est étroitement liée à sa théorisation de l’image inconsciente du corps. C’est cette image qui est projetée dans le dessin qui con-stitue un « autoportrait inconscient » (Dolto, 1984). C’est en quelque sorte l’identité subjec-tive de l’enfant, ancrée dans le corps de sensations, qui se projette en dessin dans l’actuel de la séance. L’image inconsciente du corps correspond entre autre à «l’incarnation symbol-ique inconsciente du sujet désirant » (Ibid.; 22). L’expression graphsymbol-ique enfantine est une manifestation de la vie profonde de l’enfant puisque dans le dessin « tout est donné en même temps » (Ibid.; 181). Le dessin a une valeur projective, l’enfant y projetterait une im-age totale de lui-même. Elle propose une interprétation de la symbolique de l’espace graphique qui est liée à la personnalité de l’enfant, mais aussi à ses rapports avec autrui. L’image inconsciente du corps est en effet la synthèse de toutes les relations vécues dans l’histoire de l’enfant.

Pour Dolto, le travail avec l’enfant et son dessin consiste à encourager le déploiement des contenus fantasmatiques actualisés par le dessin et dans le transfert jusqu’au point maxi-mal supportable par l’enfant. Il s’agit de relancer la fantasmatisation et non d’interpréter.

Par le dessin, l’enfant montre à l’analyste ses fixations à une image du corps de son passé mais il permet aussi l’ouverture, dans le cadre de la relation transférentielle, d’un espace inédit où le désir se déploie et où l’image inconsciente du corps se construit. C’est l’acte même de dessiner, la dynamique instaurée par le dessin dans la cure, qui prime sur le con-tenu du dessin (Garcia-Fons, 2002).

Dolto a tenté de trouver une correspondance entre les particularités formelles du dessin et les éléments cliniques, en comparant les éléments signifiants dans les dessins d’enfants différents. Elle parle du «  réel d’un code général  » (1982) pour dire le sens préétabli du symbole. Ainsi, elle répertorie les différentes significations possibles des caractères repérables d’un dessin : la composition, le thème, les formes, le graphisme ainsi que les couleurs. L’image du corps s’exprimerait dans toutes les représentations du dessin : auto-portraits, dessins de personnages, d’animaux, etc. Dans les projections de l’image incon-sciente du corps sont inclus aussi les dessins d’objets ou de végétaux qui correspondent à des images spécifiques du corps à des moments de l’histoire du sujet. L’analyse des dessins permet de se faire une représentation de l’enfant « d’une part sur sa vitalité, son appétit, son équilibre, tout son métabolisme (instincts végétatifs), besoin d’air, d’eau, de lumière, de nourriture ; d’autre part sur son agressivité, sa passivité (instincts animaux), ses besoins moteurs et productifs » (Dolto, 1948; 342). Mais, attention, nous dit Dolto. Le dessin se prête à une multiplicité d’interprétations, il est nécessaire de ne pas forcer le sens de l’éclairci-ssement. « Il n’y a pas de hasard dans un dessin, tout y est nécessaire. (…) Nous ne pouvons pas toujours en comprendre tout le sens » (Dolto, 1948; 345).

L’énorme travail de Dolto sur le dessin d’enfant a laissé une trace incontournable sur la théorisation des auteurs successifs, notamment en France. Suivant la pensée de Dolto, Widlöcher (1965) dira que « chaque détail du dessin porte la marque de la vie émotion-nelle de l’enfant » (Ibid.; 92). Abraham (1985), qui travaille aussi à partir de la projection de l’image du corps dans le dessin à la suite de Dolto, souligne que les catégories séparées du physique et du psychique n’existent pas dans la réalité puisqu’elles « constituent l’unité in-divisible de l’être au monde ». Lefebure (1994), élève de Dolto, montre la progression du dessin selon les phases freudiennes de l’évolution psychique, passant du schéma corporel à l’enfance jusqu’à l’adolescence. Selon l’auteur, à la représentation des premières sensations, curiosités et découvertes des stades oral et anal, succède l’extériorisation de la personnal-ité : agressivpersonnal-ité du stade phallique, sexualpersonnal-ité et recherche du Moi de l’Œdipe. Enfin il y a les difficultés d’identifications et d’adaptation qui marquent le passage schizoïdes de l’adole-scence.

Une critique de cette approche vient d’Annie Anzieu (1996). Pour Dolto, chaque dessin est considéré comme un autoportrait inconscient où se jouent les pathologies, les dysfonc-tionnements et les conflits affectifs du dessinateur. Selon Anzieu, les interprétations des

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