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CHAPITRE III : CADRE DE RÉFÉRENCE

3.1 Intégration des trois modèles

3.1.1 Le Nursing Role Effectiveness Model de Irvine et al (1998)

Irvine et ses collaborateurs ont proposé un modèle basé sur la triade de Donabedian (1980) visant l’évaluation de la qualité des soins. En plus de cet auteur, le modèle a été influencé, entre autres, par les travaux de l’Association américaine des infirmiers et infirmières (1997) et ceux de Bond et Thomas (1991). Cette section présente comment le Nursing Role Effectiveness Model a été adapté à cette présente recherche comme élément transversal du cadre de référence pour situer la contribution distinctive et complémentaire des IC et AIC à la qualité de soins. Les auteurs du modèle affirment que la qualité des soins aux patients implique un système de soins en interaction avec la délivrance des soins dans le but d’atteindre des résultats souhaités de santé. La contribution des soignants pour les patients et les coûts de santé est gouvernée par les rôles que ces soignants assument pour donner les meilleurs soins possibles. Ainsi, la bonne mise en œuvre de ces rôles prend tout son sens.

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Irvine et al. (1998) affirment qu’il y a un lien direct entre les soins infirmiers et les résultats aux patients. Toutefois, les résultats de santé sont influencés non seulement par les prestataires de soins, mais également par une multitude de facteurs associés aux patients, aux aspects interpersonnels des soins ainsi qu’à l’environnement dans lequel les soins sont donnés. Selon les auteurs, pour identifier des résultats de soins qui sont influencés par les infirmières, ils doivent être guidés dans un cadre conceptuel qui établit des relations spécifiques entre les facteurs d’une situation de soins et l’atteinte de buts spécifiques. Les rôles professionnels sont très complexes, mais les relations entre ces rôles et comment ils influencent positivement les résultats de soins sont primordiales (Irvine et al., 1998).

Le Nursing Role Effectiveness Model reflète la tendance de la pratique appuyée par les résultats probants en représentant simultanément la contribution unique des soins infirmiers à travers différents types de rôles. Rappelons-le, le rôle est ici défini comme « un ensemble d’attentes partagées orientées sur une position particulière. Ces attentes incluent les croyances qu’a le titulaire du poste en regard des objectifs à poursuivre et les normes qui guideront son comportement » (Traduction libre, Scott, 1970, p. 58). Les relations entre la personne soignée et le soignant ou entre les professionnels sont uniques lorsque l’idéal moral de cette relation est préservé. Dans le projet, le modèle permet de reconnaître la contribution unique des IC et de leurs AIC à travers leurs composantes de rôles et les zones de complémentarité qui les relient. Le modèle s’adapte bien à ces deux types d’acteurs puisque les personnes, dans le modèle, sont vues comme étant en « relation avec » et donc qu’elles sont interdépendantes entre elles (Irvine et al., 1998). Dans le contexte du projet, cette relation complémentaire entre l’IC et l’AIC prédomine et les zones de complémentarité les touchant viennent enrichir leur caractère interdépendant. Nous verrons également que les IC comme les AIC sont en relation avec plusieurs autres acteurs tels que les patients, leur famille et les autres professionnels de la santé. Ce partenariat est nécessaire en vue d’obtenir des changements positifs sur les résultats de soins (Irvine et al., 1998). Toutefois, pour rester dans l’optique du projet, seule la relation IC-AIC a été traitée.

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Le modèle conceptuel élaboré par Irvine et al. (1998) établit les relations entre les différents rôles assumés par les infirmières et les résultats attendus des soins infirmiers prodigués. Le Nursing

Role Effectiveness Model a conservé les trois éléments principaux du modèle d’évaluation de la

qualité des soins de Donabedian (1980), soit la structure, le processus et les résultats, tout en leur donnant certaines orientations distinctes. Différentes relations ont été établies entre chaque élément de la triade et divers éléments spécifiques à chaque composante ont été proposés.

La composante majeure structure est associée à trois variables, soit le patient, le soignant et l’organisation. Les variables associées aux patients sont l’âge, les capacités physiques à l’admission, la présence de comorbidités et la sévérité des problèmes de santé qui peuvent affecter les résultats de soins et doivent être pris en considération lors de l’évaluation de l’impact du travail des infirmières sur les résultats de soins. Les variables associées aux soignants telles que le niveau d’expérience, les connaissances et les compétences peuvent affecter la qualité des soins. Les variables organisationnelles mettent l’accent sur les modèles de prestations de soins, la charge de travail, le roulement des employés et les ressources. Les auteurs donnent des exemples de variables organisationnelles qui s’appliquent très bien aux rôles associés aux IC et aux AIC. Parmi ces exemples, l’assignation quotidienne des infirmières aux patients en fonction des ressources, les ratios infirmière/patients, la disponibilité du personnel et le choix du modèle de prestation de soins. La structure réfère aux facteurs importants qui sont présents chez les patients, les soignants et l’organisation ou le système de santé directement avant la mise en œuvre des composantes de rôles des IC et AIC et la complémentarité. Ainsi, tous les éléments associés à la structure influencent les éléments du processus et vont directement ou indirectement influencer les résultats de soins. Les ressources rendues disponibles par l’organisation ou l’expérience et le comportement des soignants vont influencer la façon d’exécuter le rôle des IC et des AIC, leurs interventions sur l’unité afin de répondre le plus possible aux besoins de chacun selon leurs conditions. Bien que l’élément de structure permette de comprendre les liens théoriques du modèle, il ne sera pas considéré dans l’analyse des données en raison de l’angle de l’étude.

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La deuxième composante majeure, soit le processus implique les interventions et la pratique offertes par les soignants qui correspondent, dans le contexte de la présente étude, à la mise en œuvre des rôles et responsabilités des IC et des AIC ainsi que leur complémentarité. C’est cette composante majeure du processus sur laquelle sera centrée principalement l’analyse des données de la présente étude. Dans le Nursing Role Effectiveness Model, les éléments du processus constituent les rôles indépendants, dépendants et interdépendants des IC et des AIC ainsi que la complémentarité. Ce qui a été retenu pour les composantes de rôles issues du modèle de Mintzberg pour l’IC et de la recension des écrits pour l’AIC est exposé à la section suivante.

Les rôles indépendants sont les rôles et responsabilités pour lesquels l’IC et l’AIC sont respectivement responsables. Cela réfère aux activités réalisées par les IC et AIC qui ne requièrent pas l’aide ou l’approbation d’autres personnes. Ces interventions indépendantes de l’IC et l’AIC amènent des résultats pour les patients qui peuvent être mesurés comme des résultats de soins. Les composantes respectives des rôles de chacune issues du processus correspondent aux rôles indépendants puisque chacune a un rôle propre. Par exemple, l’infirmière-chef a à gérer des congés de maladie long terme alors que l’AIC assigne les patients aux infirmières sur un quart de travail donné. Ces relations indépendantes relèvent des rôles spécifiques et distinctifs de chacune.

Les rôles dépendants concernent les rôles et responsabilités des IC et des AIC qui dépendent de quelqu’un ou d’autres éléments, le plus souvent associés à ceux de la structure que ce soit au niveau des patients, des soignants ou de l’organisation. Certaines composantes de rôles de l’AIC peuvent dépendre de l’IC et vice-versa. Afin de respecter l’angle de complémentarité et à des fins de cohérence envers les objectifs de l’étude, ces rôles dépendants ne seront pas considérés comme constituant du cadre de référence.

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Les rôles interdépendants concernent les rôles et responsabilités pour lesquels leur réalisation par l’infirmière-chef et l’assistante infirmière-chef sont partiellement ou totalement communs. Ainsi, cela implique que la réalisation de ces rôles est partiellement ou totalement réalisée en fonction d’une autre personne, dans ce cas-ci, l’IC ou l’AIC. Les résultats visés par l’application de ces rôles incluent la qualité du travail d’équipe et la communication interprofessionnelle. Selon Irvine et al. (1998), les infirmières fonctionnent premièrement en relation avec les patients et familles, mais également en relation avec tous les autres membres du système de santé. Pour répondre au but de l’étude, seules les relations entre l’IC et l’AIC seront étudiées. En d’autres mots, ces rôles réfèrent aux activités et responsabilités que les IC et AIC partagent entre elles. C’est ici que la complémentarité d’équipe prend tout son sens au sein du présent projet. Le modèle a été adapté dans le sens où ces composantes interdépendantes de rôle ont des potentiels de complémentarité non pas pour que cette relation interdépendante s’applique aux infirmières soignantes mais de manière plus précise à l’IC et à l’AIC. Les auteurs du modèle affirment que les relations de collaboration au sein du travail d’équipe amènent une meilleure coordination des soins en plus de mener ultimement à des résultats positifs et partagés de soins.

Les résultats, troisième composante majeure du modèle, réfèrent aux résultats finaux des soins de santé (Irvine et al., 1998). Les interventions des IC et des AIC dans les trois types de rôles seraient en corrélation positive avec des résultats de santé positifs à plusieurs niveaux, soit des patients, des soignants et de l’organisation.

Les auteurs, suite à de nombreuses revues des écrits, ont défini six catégories de résultats : 1) La prévention des complications qui consiste en une responsabilité majeure des soins infirmiers. Les complications qui ont été attribuées à la qualité des soins sont la prévention des blessures, des complications reliées à l’immobilité et des complications reliées à un déséquilibre des ingesta/excreta où les IC et les AIC doivent y exercer un rôle de leader; 2) Les résultats cliniques

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incluent le contrôle des symptômes et des indicateurs du statut de santé des patients comme la

polymédication et les comorbidités; 3) Les connaissances reliées aux pathologies et leurs

traitements comprennent la connaissance du processus d’une pathologie, de la médication associée, les comportements et attitudes de santé chez les infirmières comme chez les patients. Les infirmières doivent trouver des moyens pour que les patients prennent en charge leur situation de santé, adhèrent aux comportements de santé. Cela est associé au maintien et à la mise à jour des connaissances des employés avec l’aide de l’IC et de l’AIC; 4) Les résultats fonctionnels de santé incluent les capacités physiques et sociales des patients, leur niveau d’autonomie fonctionnelle à la maison, la continence et la mobilité et l’auto-soin; 5) La satisfaction des patients est vue comme un résultat positif de santé; 6) Enfin, la gestion des coûts des soins de santé sont des résultats de santé à plus grande échelle. Ce dernier point comme résultat de qualité est moins pertinent pour les rôles de l’IC et de l’AIC.

Dans le cadre de la recherche, les résultats sont issus des processus indépendants et interdépendants des IC et des AIC au sein de la mise en œuvre de leurs rôles et à travers leurs zones de complémentarité. Les résultats sont davantage visibles à l’échelle de l’unité et ont une influence sur les trois niveaux de résultats. Plus spécifiquement, les principaux indicateurs de résultats associés aux patients sont la satisfaction des patients, leur qualité de vie, la sécurité des pratiques, les connaissances des patients en regard de leur situation de santé et leur autonomie fonctionnelle. Les résultats associés aux soignants sont la satisfaction, la qualité des pratiques, le maintien des compétences, la rétention de personnel et les absences. Les résultats associés à l’organisation sont les durées de séjour, l’adéquation des coûts et des ressources ainsi que l’efficience. L’étude vise à expliquer comment les composantes distinctives et complémentaires contribuent à ces résultats de soins.

D’abord, la structure et le processus ont été liés pour illustrer le fait que la capacité des infirmières à s’engager dans leurs rôles, indépendants et interdépendants est influencée par des variables associées aux infirmières, aux patients et aux structures organisationnelles. Irvine et al. (1998),

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dans leur modèle, ont proposé des relations spécifiques entre les différentes composantes de la triade élaborée précédemment. Les différents liens sont illustrés à la figure 1 correspondant à la schématisation du cadre de référence. Plus précisément dans le contexte, les liens entre le processus et les résultats seront abordés. Irvine et al. (1998), dans leur modèle, ne se sont pas attardés aux composantes de rôles des infirmières. Afin de répondre aux objectifs de recherche, les composantes de rôles de l’IC et celles de l’AIC ont été ajoutées au modèle dans la section sur le processus afin de le bonifier. D’abord, les dix rôles du cadre de Mintzberg (1973, 2006) représentent les composantes de rôle de l’infirmière-chef et des composantes issues de la littérature représentent celles de l’assistante infirmière-chef.

3.1.1.1 Les dix rôles du cadre de Mintzberg (1973, 2006)

Mintzberg a défini le travail d’un cadre et regroupe ces rôles en trois grandes catégories qui sont subdivisées ensuite en dix rôles plus précis : les rôles interpersonnels qui comprennent celui de leader, symbole et agent de liaison, les rôles informationnels comprenant l’observateur actif, le diffuseur et le porte-parole et les rôles décisionnels qui incluent l’entrepreneur, le régulateur, le répartiteur de ressources et le négociateur (Mintzberg, 2006). Chacun de ces rôles sera défini brièvement et dans le cadre de cette étude serviront de composantes du rôle de l’infirmière-chef, considérée comme un cadre de niveau intermédiaire selon le MSSS (2002). Mintzberg décrit ces rôles comme l’essentiel du travail d’un bon gestionnaire. Les deux types de rôle au cœur de l’étude sont ceux de l’IC et de l’AIC. Puisque de façon générale, l’infirmière-chef se définit comme une infirmière cadre qui a en charge une ou plusieurs unités de soins d’un centre hospitalier et qui exerce un travail clinique, administratif, managérial et compensatoire se définissant par une multitude de tâches (Villeneuve, 2005), les travaux de Mintzberg sur les rôles du cadre semblaient appropriés dans le présent contexte.

Le rôle de symbole réfère au fait que chaque employé devrait pouvoir voir un cadre comme un symbole, un point d’attache, un modèle à suivre. Il a une fonction de représentant dans l’organisation, un symbole de statut et d’autorité. Le rôle de leader signifie que le cadre est

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responsable de son personnel et vise à l’influencer et le motiver vers des objectifs précis. L’agent de liaison doit s’assurer d’une communication uniforme entre tous les départements de l’organisation, entre les employés et avoir de bons rapports d’information externe. Il vise le maintien de contacts en dehors de rapports hiérarchiques. Le rôle d’observateur actif signifie que le cadre doit, d’un œil actif et objectif, observer les tâches de ses différents employés. Il doit pouvoir reconnaître ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas pour pouvoir améliorer la productivité. Le rôle de diffuseur parle plus de communication interne, le cadre se doit de faire diffuser l’information provenant d’un département vers un autre, mais aussi de l’extérieur vers l’intérieur de son entreprise. Il doit s’assurer que le message se soit répandu uniformément parmi tous les employés. Il s’agit également de redistribuer de l’information privilégiée qu’il détient à ses subordonnés lorsqu’il juge cela nécessaire à leur travail. Le rôle de porte-parole permet la diffusion de l’information à l’extérieur de l’organisation et au nom de l’organisation. Cela amène les gestionnaires à avoir des interactions avec plusieurs personnes ayant une influence importante sur l’organisation. Le rôle d’entrepreneur signifie que le cadre est responsable de la progression de l’organisation, il doit faire preuve d’initiative et doit aussi se porter garant de toutes décisions prises au sein de son organisation. Il est impliqué dans de nombreux projets d’amélioration. Le rôle de régulateur prend forme lorsqu’un événement imprévu, hors de son contrôle, survient. Le gestionnaire devra éviter la crise ou gérer le problème, intervenir pour réparer les dégâts causés par certaines décisions qui ont été prises par ses subordonnés. Le rôle de répartiteur de ressources est un élément primordial chez un bon cadre. Il doit avoir les capacités de bien gérer l’allocation des ressources, dans le présent contexte, sur l’unité. L’infirmière-chef doit s’assurer que le matériel nécessaire est à la disposition des employés afin qu’ils prodiguent les meilleurs soins possibles. Le personnel doit également être ajusté en fonction de la charge de travail sur l’unité. Enfin, le rôle de négociateur englobe autant les négociations faites au sein et à l’extérieur de l’entreprise. Le cadre se doit de gérer et de s’assurer des négociations syndicales, des négociations avec des partenaires, des négociations entre départements, etc. afin de résoudre des situations conflictuelles ou améliorer certaines conditions sur l’unité.

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3.1.1.2 Les composantes du rôle de l’AIC

À notre connaissance, il n’existe pas de modèle permettant de connaître les composantes du rôle de l’AIC. L’assistante infirmière-chef se définit comme une infirmière syndiquée qui dirige les employés et coordonne les activités infirmières d’une unité pour un quart de travail particulier (Connelly et al., 2003; Morris, 2004). Ces définitions sont très générales et ne rendent pas explicites ce qu’elles font, leurs rôles et responsabilités de même que la complémentarité qui les unit.

Certains écrits ont tenté de clarifier ce rôle et c’est selon ce qui est enraciné dans les écrits que certaines composantes ont émergé pour permettre la construction de cette partie du cadre de référence. Seule l’étude de Connelly et al. (2003) s’est inspirée des travaux de Noll, Hix, et Hawley (1989) pour attribuer quatre fonctions majeures au rôle qui seront utilisées à titre de composantes du rôle : la communication, la gestion des soins et services, les horaires et les tournées de l’unité. La communication réfère aux relations et rapports à l’infirmière-chef et avec les employés, encourager la communication interprofessionnelle, la gestion des soins et services implique la gestion des pauses, des absences, assister aux urgences, coordonner les transferts de patients, s’assurer que les documents et formulaires sont remplis adéquatement, favoriser le développement professionnel des infirmières tout en assurant la qualité des soins, s’assurer de la mise à jour adéquate des plans de soins, des ordonnances médicales. La dimension d’horaires consiste à faire l’assignation du personnel sur tous les quarts de travail, s’assurer de remplacer les absences et faire la gestion des lits (admissions et départs). La dernière composante consiste à faire des tournées régulières sur l’unité de soins, prendre le rapport des patients, superviser les employés, aider à résoudre les problèmes et donner le rapport au quart suivant (Noll et al., 1989).

Cependant, ces quatre composantes n’étaient pas suffisantes pour englober les éléments du rôle de l’AIC selon d’autres auteurs qui abordent en totalité ou partiellement le rôle de l’AIC. L’étude de Connelly et al. (2003) a donc été combinée à quelques autres études pour former un ensemble plus vaste de composantes. Les sept composantes du rôle qui ont été retenues sont : la

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planification, la coordination, l’évaluation, les relations humaines, la résolution de problèmes, le leadership et le clinique (Armstrong & Hedges, 2006; Connelly et al., 2003; Flynn et al., 2010; Krugman & Smith, 2003; Morris, 2004; Wojciechowski, Ritze-Cullen, & Tyrrell, 2011).