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Les infirmières-chefs et leurs AIC : quelle est leur influence sur la qualité des soins?

CHAPITRE II : RECENSION DES ÉCRITS

2.3 Les infirmières-chefs et leurs AIC : quelle est leur influence sur la qualité des soins?

La plupart des écrits recensés affirment que les IC et les AIC ont une influence très importante sur la qualité des soins de leurs unités respectives. Bien que plusieurs en parlent, plus rares sont les auteurs qui démontrent clairement comment ce qu’elles font à même leur composante de rôle respective et complémentaire peut contribuer à la qualité des soins. Quelques études ont été plus explicites à ce sujet et seront présentées dans cette section. Il est à noter que la plupart des études de cette section ont déjà été présentées dans les sections précédentes, mais seront abordées ici plus particulièrement pour les notions se rapportant à la qualité des soins.

En ce qui concerne les infirmières-chefs, les écrits étant beaucoup plus nombreux, il va de soi que la qualité a davantage été abordée, mais plus ou moins en profondeur. Il est difficile de faire ressortir de façon explicite les éléments du rôle des infirmières-chefs qui sont directement associés à la qualité des soins. Il s’agit souvent d’une contribution indirecte au sens où elle n’est pas nécessairement sur le terrain auprès des équipes et des patients.

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L’auteure qui met le plus l’accent sur la qualité des soins et services parmi les écrits présentés est Ann Bradshaw (2010). Dans une étude d’analyse critique historique de sources archivées, elle a examiné le rôle de l’infirmière-chef au Royaume-Uni dans son contexte historique et contemporain pour faire ressortir en quoi le rôle est contributif à la qualité des soins. Parmi ses affirmations, elle indique que l’infirmière-chef n’a plus le même rôle et la même influence sur la qualité des soins qu’il y a une quarantaine d’années. C’est pourquoi elle suggère de revoir le rôle afin de s’assurer que l’infirmière-chef retrouve l’autorité et le pouvoir de contrôler la qualité des soins prodigués sur son unité. Selon Bradshaw, l’infirmière-chef doit avoir le travail des infirmières sous les yeux afin de s’assurer que les meilleurs soins sont donnés aux patients. De plus, les infirmières-chefs étaient des « professeures terrain » où toutes les opportunités étaient bonnes pour enseigner aux infirmières et donner de bons conseils. L’infirmière-chef était responsable à la fois des infirmières de l’unité et des patients et elle se devait de maintenir une atmosphère agréable et confortable sur l’unité. L’infirmière-chef devait être présente pour aider les infirmières en cas de surcharge de travail pour s’assurer que les patients recevaient des soins de qualité. Elle était également responsable de l’entretien ménager et des repas ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. Il était attendu du rôle de l’infirmière-chef qu’elle fixe les standards cliniques de l’unité et qu’elle supervise les infirmières afin de s’assurer que ces standards soient respectés. Selon cette auteure, ces responsabilités associées à l’infirmière-chef ne sont plus et c’était de cette façon qu’elle pouvait avoir une grande influence sur la qualité des soins dispensés aux patients de l’unité. Aujourd’hui, la contribution semble plus indirecte puisqu’elles ne sont plus sur le terrain, mais est tout de même visible à travers certains indicateurs de qualité. Bradshaw affirme tout de même qu’il a été démontré dans une étude du groupe Hay réalisée en 2006 que l’écart entre les infirmières-chefs performantes et non performantes d’aujourd’hui peut être clairement observé dans l’utilisation des ressources, les indicateurs de performance du roulement du personnel et les erreurs médicamenteuses. Les infirmières-chefs utilisant un leadership efficace permettent de réduire les erreurs de médicaments, augmentent la satisfaction des patients, réduisent le taux d’absentéisme du personnel ainsi que les taux de maladies (Bradshaw, 2010). Pour que l’infirmière-chef ait une pleine influence sur la qualité des soins, elle doit pouvoir transmettre ses valeurs et avoir le contrôle sur les services adjacents de l’unité, pas nécessairement sur ce qui touche la gestion administrative, mais bien le clinique (Bradshaw, 2010).

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Une étude fort intéressante qui aborde conjointement le rôle des infirmières-chefs et la qualité des soins est celle de Savage et Scott (2004). L’étude a été réalisée en deux phases interreliées. La première phase a consisté en la réalisation d’une enquête auprès de tous les directeurs des soins infirmiers à travers l'Angleterre afin de développer une image de la façon dont le rôle de la « matrone » est mis en œuvre. La deuxième phase a consisté en la réalisation de dix études de cas, dont une par organisation (trusts). Un sondage postal afin de connaître les généralités et commentaires entourant le rôle a d’abord été envoyé à toutes les « matrones » modernes en poste et 176 d’entre elles ont répondu pour un taux de participation de 69%. De plus, des entrevues semi-structurées auprès de « matrones » (n = 100) ont été réalisées pour définir le rôle de la « matrone » moderne selon un modèle hybride. Dix « matrones » ont complété un journal de bord des activités dans lesquelles elles étaient impliquées pour un nombre défini de jours. Une

« matrone » a été observée pendant une journée. De plus, un petit questionnaire a été conduit auprès de 123 patients et soignants afin de connaître leur opinion du rôle de « matrone ». Enfin, des documents ont été recueillis comme source complémentaire d’information pour l’étude.

Le modèle hybride qui s’est dégagé de l’analyse comprend une dimension clinique et une dimension administrative. Les résultats indiquent trois modèles d’infirmières-chefs en relation avec l’amélioration de la qualité des soins. Le premier modèle est la clinique où l’infirmière-chef est un membre à part entière de l’équipe clinique, passe 50% de son temps sur l’unité, est accessible, sert de modèle pour la pratique et est capable d’identifier les besoins de développement professionnel de son personnel. Il faut toutefois faire preuve de prudence et s’assurer que l’infirmière-chef n’est pas perçue comme une infirmière soignante, mais comme une gestionnaire en raison de sa trop grande implication clinique. Le deuxième modèle est l’administratif où l’infirmière-chef a une implication clinique très faible et se concentre sur les tâches administratives et fiscales et dans le développement des standards et protocoles. Le troisième modèle est hybride et combine les deux précédents et semble trouver un bon équilibre entre le rôle clinique et administratif. L’infirmière-chef hybride met une forte emphase sur le clinique, peut remplacer et aider le personnel en tout temps lors des besoins, mais est également impliquée dans les activités opérationnelles telles que la gestion des lits, répondre aux objectifs

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de l’organisation, travailler sur l’efficience des coûts et les ratios infirmières/patients de même que défendre les intérêts des soins infirmiers aux réunions de l’organisation. Cet aspect du rôle s’apparente vivement à celui de l’AIC du Québec. Seul le modèle hybride du rôle affecte à la fois la qualité technique (modèle de rôle clinique, sessions éducationnelles, supervision clinique, établissement de standards de soins), systématique (avoir un impact sur des changements tels que l’ajout ou l’amélioration de services aux patients, l’implantation d’une ligne d’aide, le contrôle des budgets et de l’environnement) et générique (la façon dont les gens se comportent entre eux, la visibilité, le respect et la dignité envers tous), définit par Joss et Kogan (1995). Le modèle clinique aura un impact faible sur la qualité systémique, mais élevé sur la qualité technique et générique. Le modèle administratif n’aura qu’un impact sur la qualité systémique. La plupart des

« matrones » (infirmières-chefs) dans l’étude ont été décrites comme des gestionnaires hybrides (Savage & Scott, 2004). De façon concrète, les auteurs affirment que les infirmières-chefs sont rapidement identifiées comme des personnes clés pour mener des initiatives associées à la qualité des soins notamment en implantant un programme de contrôle des infections, des initiatives en regard de la nutrition et de l’entretien ménager, en s’impliquant dans le développement de protocoles et en établissant un système d’audits et d’évaluation de la qualité. Dans le contexte organisationnel de l’étude avec une gestion d’unités de soins fonctionnant par programmes clientèles, la responsabilité en regard de la qualité des soins est partagée avec la direction des soins infirmiers ce qui implique que les infirmières-chefs doivent collaborer étroitement avec les deux directions pour mener des initiatives telles que présentées précédemment.

Selon Salmela et al. (2011), la contribution du gestionnaire sur la qualité des soins est encore plus visible dans sa capacité de maintenir l’ordre sur l’unité en temps de changement. Comme les changements sont continuels en regard du système de santé actuel, les indicateurs de qualité et la façon de les maintenir doivent faire partie du discours des infirmières-chefs (Salmela et al., 2011). Les auteurs affirment que la qualité des soins est maintenue par la gestion de la qualité des relations et des processus et que cette culture orientée sur la qualité doit d’abord provenir de la vision de la personne à la tête de l’unité. En effet, le modèle à trois dimensions des principales fonctions de l’infirmière-chef suggère que lorsqu’il est appliqué en processus de changement au

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sein d’une organisation, la réalisation adéquate de ces fonctions ainsi que l’appropriation des rôles permettent aux patients de recevoir des soins de qualité. Ainsi, les huit fonctions contributives à la qualité des soins sont 1) joueur d’équipe interactif; 2) coach; 3) figure parentale; 4) coordination; 5) artisan d’une tapisserie; 6) conducteur d’information; 7) création d’une atmosphère ouverte et confirmée; 8) création d’une culture de soins axée sur les résultats probants.

Drach-Zahavy et Dagan (2002), dans leur étude qualitative observationnelle, ont accordé une petite portion de leur étude à l’amélioration de la qualité comme une des catégories de fonctions principales de l’infirmière-chef. Les deux fonctions associées à cette catégorie, quoiqu’elles ne représentent pas un pourcentage élevé du travail des infirmières-chefs dans l’étude (2.15%), sont l’initiation de procédures et d’instructions pour améliorer la qualité des soins et le temps total consacré à l’engagement envers la qualité des soins. Rappelons que les soins cliniques occupaient 41% du temps des infirmières-chefs et que les fonctions de coordination étaient dédiées à 21% de leur temps.

Du côté des AIC, il semble que leur impact sur la qualité des soins ait beaucoup moins été étudié. Seulement deux études parmi les huit recensées ont abordé la qualité plus explicitement. D’abord, celle de Flynn et al. (2010) a identifié un corpus de compétences associées à l’AIC coïncidant avec les initiatives stratégiques de l’hôpital à l’étude dont certaines ont été directement associées à l’augmentation de la qualité des soins. Les compétences cliniques et techniques telles que le rapport de fin de quart, les urgences de patients, les connaissances cliniques de la population de patients et l'acuité, l’assignation, la gestion de lits, les rondes interdisciplinaires, la vérification de l’équipement sont des responsabilités étant directement reliées aux patients et comme contributif à la qualité des soins. En effet, si ces éléments étaient manquants dans les fonctions de l’AIC, la qualité et la sécurité des soins seraient compromises à plusieurs niveaux. La pensée critique de l’AIC peut également avoir une influence sur la qualité des soins sur les plans de la gestion des ressources humaines, les suivis et la coordination clinique (Flynn et al., 2010). Du côté des relations humaines, la façon dont l’AIC promeut le travail d’équipe, sert de

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modèle de rôle et la relation entre les membres du personnel peut avoir une influence sur l’efficacité et la qualité des soins. Les auteurs ont affirmé qu’une évaluation de l’incidence de cet atelier sur le travail de l’AIC a été faite un an plus tard auprès d’employés, de directeurs et de superviseurs. La confiance qui ressort chez l’AIC entraîne une meilleure gestion de l’unité et influence positivement l’atmosphère, l’efficacité et la qualité des soins et services rendus (Flynn et al., 2010).

2.4 Section intégratrice situant le niveau de connaissances en lien avec