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CHAPITRE VI : DISCUSSION

6.2 Discussion en lien avec les connaissances théoriques

Les contributions théoriques sont présentées avant les contributions empiriques, car ces contributions dépendent beaucoup de ce que le cadre de référence de la présente étude a permis de faire pour cerner les composantes de rôles générales (distinctives), les composantes indépendantes et interdépendantes ainsi que la complémentarité. De plus, ces données, en conformité avec le cadre de référence, permettent de faire ressortir la contribution spécifique de l’IC et l’AIC, qu’elle soit indépendante ou complémentaire à la qualité des soins. La cadre de référence est basé sur le Nursing Role effectiveness Model de Irvine et al. (1998). Rappelons que les éléments de structure, processus et résultats du modèle de qualité de Donabedian servent de toile de fond et que les rôles des IC et des AIC sont ancrés dans la section du processus. Dans ce modèle théorique, la contribution des IC et des AIC est représentée par deux types de rôles, soit les rôles indépendants et les rôles interdépendants. Les rôles indépendants représentent ce que font les IC et les AIC indépendamment et pour lesquels elles sont respectivement responsables. Les rôles interdépendants sont associés aux composantes communes du rôle des IC et des AIC. Ces composantes de nature interdépendante ont des potentiels de complémentarité, tels que définis par Ennen et Richter (2010). À titre de rappel, la complémentarité est vue ici comme l’interaction bénéfique des éléments d’un système où la présence d’un élément augmente la valeur des autres (Ennen & Richter, 2010) où les éléments sont ici associés aux rôles des IC et des AIC. Ainsi, les avenues explicatives de la complémentarité issues du processus contribuent à répondre à des indicateurs de qualités issus des résultats.

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6.2.1 Quelques adaptations à la théorie de Mintzberg

Pour définir le travail des IC, les composantes de rôle du cadre de référence sont issues des écrits de Mintzberg alors que les composantes de rôle du cadre de référence pour les AIC sont issues des écrits recensés à ce sujet, puisqu’aucun modèle empirique ne permettait de les identifier. En général, les composantes du rôle de l’IC qui se sont dégagées de l’étude rejoignent celles de Mintzberg avec quelques différences. Le vocabulaire a été adapté aux propos des participants pour bien garder le sens. L’utilisation théorique de Mintzberg a bien servi au développement de la première partie de l’objectif 1 pour bien cerner les rôles et responsabilités distinctives de l’IC. Les similitudes et divergences dans le modèle étaient assez uniformes auprès des participants. Aucune différence majeure n’est ressortie quant au centre hospitalier ou au type d’unité de soins. Certaines différences avec le modèle peuvent s’expliquer par le contexte organisationnel en constant changement et aux bouleversements que cela a apporté dans les rôles suite à une fusion de deux organisations pour en faire une très grande.

La composante de rôle symbole issue des écrits de Mintzberg n’a pas été explicitement abordée par les participants, mais est plutôt sous-entendue. Elle n’a donc pas été considérée comme une des huit composantes de rôles de l’IC, mais intégrée via le leadership mobilisateur. L’étude de Salmela et al. (2011) aborde toutefois cette composante de symbole comme un élément important du rôle de l’IC. Les auteurs affirment que l’infirmière-chef doit être une personne de référence qui est un modèle pour ses employés et qui réussit à faire respecter les règles établies. Mintzberg avait identifié une composante comme agent de liaison et une autre comme diffuseur. Ces deux composantes ont été intégrées à celle de gestion des ressources

informationnelles et matérielles sur l’unité puisque les résultats ne permettaient pas de les

distinguer.

La composante de rôle observateur actif est vue par Mintzberg (2006) comme une observation de la qualité du travail des employés sur le terrain en termes d’efficacité. Elle a été intégrée à la

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responsabilité d’encadrer et d’évaluer son personnel conjointement avec l’AIC. L’ajout de la coordination du personnel à cette composante de rôle a été fait pour inclure tout le volet de la gestion des ressources humaines qui semblait être survolé par Mintzberg en termes de gestion des horaires, congés, besoins de formation, etc.

La composante porte-parole réfère à la représentation de l’unité à l’extérieur de l’organisation (Mintzberg, 2006). Cette composante de rôle du cadre de référence ne correspond à aucun résultat de recherche. En effet, ce point n’a pas été abordé par les participants et peu d’écrits en font mention dans la littérature recensée. De plus, les descriptions de fonction analysées ne sont pas explicites à ce sujet. Elle a donc été retirée.

Tel que discuté plus tôt, les composantes coordination des soins et services sur l’unité, suivi et

planification du travail de même que réunions et comités avec la direction et les employés ont

émergé et ne se retrouvent pas clairement dans les dix rôles du cadre de Mintzberg. La coordination des soins et des services semble être un aspect du rôle spécifiquement vécu en contexte hospitalier alors que le cadre de Mintzberg s’adresse également à des cadres œuvrant dans d’autres contextes, ce qui pourrait expliquer cette émergence.

6.2.2 La théorie rejoint les écrits sur les AIC

Parmi les quelques écrits recensés sur le rôle de l’AIC, des composantes de rôle ont émergé et ont été intégrées au cadre de référence. Les composantes de rôles issues des résultats s’y apparentent, mais diffèrent à certains niveaux. Comme le cadre de référence avait été construit à partir des écrits scientifiques, les conclusions sont les mêmes que dans la discussion empirique qui sera l’objet de la prochaine section. Les composantes de rôles issues du cadre théorique ont été bonifiées et précisées par les résultats de la présente étude. À titre de rappel, les composantes de rôles des AIC qui se retrouvaient à la base dans le cadre de référence sont : la planification, la coordination, l’évaluation, les relations humaines, la résolution de problèmes, le

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leadership et le clinique. La majorité des composantes ressorties des écrits coïncident avec le rôle actuel des AIC en contexte hospitalier québécois, mais plusieurs ont été renommées différemment et se manifestent de différentes façons. Seule la coordination de la trajectoire

patient émerge en tant que nouvelle composante de rôle qui n’apparaissait pas dans le cadre de

référence pour un total de sept composantes de rôles pour l’AIC. Les précisions pour chaque composante du rôle de l’AIC sont présentées à la section 6.3.3.

6.2.3 Fondements théoriques de la complémentarité insuffisants?

Les fondements théoriques de la complémentarité n’étaient pas très élaborés et ne semblaient pas exister dans le domaine de l’administration des services infirmiers. C’est le modèle de Irvine et al., (1998) utilisé comme modèle principal qui a permis de faire davantage ressortir les contributions théoriques dans le domaine infirmier. La portion du cadre théorique sur la complémentarité est basée sur des écrits en économie pour combiner deux approches de complémentarité de gestion des ressources humaines et de complémentarité d’équipe et faire de ce concept une complémentarité d’équipe entre les IC et les AIC. Le cadre de référence a conduit à une distinction en termes de composantes de rôle indépendantes, interdépendantes et des conditions de complémentarité. Cette approche est la première à mettre en évidence ce que l’IC et l’AIC font de manière interdépendante et dans quelles circonstances cela peut conduire à une réelle complémentarité. En l’absence de ces conditions, l’interdépendance mène à un possible renforcement de l’ambiguïté de rôle, mais quand il y a une ou plusieurs avenues explicatives de la complémentarité réunies, les actions de l’une potentialisent les actions de l’autre.

Parmi les composantes interdépendantes avec potentiel de complémentarité, les résultats démontrent que tous les participants sont touchés par ces composantes et donc que les avenues explicatives de complémentarité les concernent tous. En ce qui a trait à cet aspect, il n’y a pas eu de différences notables dans les zones communes de travail parmi les cinq dyades IC-AIC consultées. En l’absence de ces conditions, le travail complémentaire est déficient ce qui entraîne des conséquences sur les résultats de soins. Par exemple, une communication IC-AIC déficiente prive les employés d’une diffusion de l’information qui permet d’être informée et d’agir en lien

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avec les directives énoncées ou les meilleures pratiques. Le cadre de référence ne permet pas de départager si c’est la présence ou la qualité de ces avenues explicatives de la complémentarité qui fait la différence. Cependant, les résultats indiquent que pour la communication bidirectionnelle et ses diverses modalités, elle ne doit pas seulement exister, mais être optimale. En ce qui a trait à la vision parcellaire à une vision d’ensemble, l’enjeu se situe au niveau de l’étendue des responsabilités. Si l’IC ne se préoccupe pas de cette vision d’ensemble et privilégie un quart plus qu’un autre, c’est l’absence de cette condition qui fera la différence dans la complémentarité. En d’autres mots, la complémentarité ne sera pas possible si l’AIC ne conserve pas cette vision parcellaire et l’IC sa vision d’ensemble de l’unité de soins. En ce qui a trait à l’avenue explicative des objectifs communs et de la mobilisation du personnel, c’est sa présence seule qui fait la différence. En l’absence d’une ou l’autre de ces trois dernières avenues, la complémentarité est inexistante entre l’IC et l’AIC. Par contre, la présence seule de l’avenue sur la communication ne suffit pas, elle doit être de qualité pour qu’il y ait une complémentarité optimale dans leur travail.

De plus, l’AIC exerce son rôle propre dans un but de bien faire fonctionner l’unité sur son quart de travail, mais également pour fournir les données nécessaires à la réalisation du travail de l’IC. De son côté, l’IC bonifie le travail de l’AIC en lui facilitant l’accès aux ressources et en lui permettant de pleinement exercer son rôle. Dans l’étude, certaines composantes de rôles jugées interdépendantes pourraient être interprétées comme dépendantes au sens du modèle d’Irvine et al. (1998), puisqu’elles sont réalisées en fonction de l’une ou l’autre même si elles réalisent des tâches communes, mais l’étude ne visait pas ce propos, c’est pourquoi, elles n’ont pas été abordées en ce sens. Bien que les rôles dépendants, rôles qui doivent être exercés en fonction de quelqu’un d’autre, ne font pas partie de l’objet de l’étude, et représentent une contrainte à l’autonomie de l’une et de l’autre, ils auraient pu être approfondis en termes de dépendances à l’une et à l’autre. Ces informations ont été intégrées dans le premier constat affirmant que le rôle de l’AIC est défini en fonction de l’IC. En complément de ce constat, il aurait donc été intéressant d’explorer aussi les composantes dépendantes, mais selon les résultats, l’autonomie de l’AIC demeure habituellement mise à profit plutôt que limitée par l’IC, ce qui justifie le choix de laisser ce type de composante de côté.

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6.2.4 Implications au plan de la qualité des soins : plus que de la théorie

Des implications sur le plan de la qualité des soins ont émergé comme résultats du troisième objectif de la présente étude. La plupart des résultats corroborent les éléments issus du cadre de référence. Les implications distinctives et complémentaires constituent des éléments du rôle qui influencent la qualité des soins. Bien que certaines ne se retrouvent pas explicitement dans le modèle à l’étude. À titre d’exemple, l’élaboration d’objectifs clairs et communs et la communication optimale sont des éléments se retrouvant à même les composantes de rôle. La création d’une atmosphère favorisant la complémentarité d’équipe constitue une implication provenant du cadre de référence et permettant de confirmer l’hypothèse que la complémentarité permet des soins de qualité. Pour les implications relevant des éléments de résultats, le suivi des indicateurs de qualité, la création d’une atmosphère favorable au travail d’équipe, le maintien des compétences et la sécurité des patients sont tous en concordance avec le cadre de référence préalablement élaboré. Les éléments intégrés à la section résultats du cadre de référence qui n’ont pas été constatés dans les résultats de l’étude sont la qualité de vie, les connaissances et l’autonomie fonctionnelle des patients/familles, la rétention et les absences pour les soignants et l’efficience pour l’organisation de santé. Le dernier élément est tout de même sous-entendu dans les propos des participants, mais pas abordé spécifiquement.

En mettant l’accent sur la contribution distinctive (indépendante), cela permet de mettre en lumière ce qui serait perdu en l’absence de l’IC ou de l’AIC en plus de soulever la perte de leur complémentarité à même une majorité de composantes de rôles interdépendantes.