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Les théories libérale, communautarienne, ré- ré-publicaine et postmoderne de la citoyenneté

6 Le modèle libéral

6.3 Le niveau institutionnel

De manière générale, les libéraux d’inspiration rawlsienne, donc appartenant au courant déontologique dominant (Kekes, 1993), prônent la thèse de la neutralité des institutions poli-tiques. Pour Larmore (1987 : 42), il n'y a pas de doute, “ the distinctive liberal notion is that of the neutrality of the state ”.

De même, selon Kymlicka (1989 : 883), “ a distinctive feature of contemporary liberal theory is its emphasis on ‘neutrality’ - the view that the state should not reward or penalize particular conceptions of the good life but, rather, should provide a neu-tral framework within which different and potentially conflict-ing conceptions of the good can be pursued ”. Fondamentale-ment, cette thèse s'appuie sur deux types d’arguments, l'un de nature empirique, l'autre de nature normative.

L'argument empirique porte sur le constat sociologique selon lequel, dans les démocraties libérales, les individus ont des vi-sions divergentes, parfois conflictuelles ou incommensurables du bien (Lukes, 1991). Comme le dit Rawls (1993b : 216-217),

“ we assume that the diversity of reasonable religious, philo-sophical, and moral doctrines found in democratic societies is a permanent feature of the public culture and not a mere

113 Voir par exemple la place de la famille dans le processus d’éducation chez Ackerman (1980 : 140 et ss).

cal condition soon to pass away ”. Dans le même sens, selon Larmore (1990 : 340), “ over the past four centuries, the nature of the good life in a great many of its aspects has come to seem a topic on which disagreement among reasonable people is not accidental, but expectable ”. Ainsi, le fait du pluralisme consti-tue une caractéristique immanente à toute société libérale et démocratique (Rawls, 1993a : xxiv, 36 ; Gould, 1988). Son éradication ne pourrait s’opérer que par l’action d’un système politique coercitif, annihilant la liberté individuelle. Si les liber-tés civiles sont garanties, la gestion du pluralisme implique la nécessité d'un Etat neutre, capable, justement par sa neutralité procédurale, de garantir son rôle d’arbitre entre les différentes doctrines compréhensives du bien. Par l’établissement de pro-cédures et d’institutions moralement neutres, l’Etat est en me-sure de respecter les deux principes constitutifs de la philoso-phie libérale, notamment la liberté (de poursuivre sa propre conception du bien) et l’égalité (dans l’égalité de traitement que les institutions garantissent aux individus)114.

L’argument de nature normative consiste dans l’idée selon laquelle, pour les libéraux déontologiques la neutralité repré-sente donc le seul modèle politique apte à permettre l'instaura-tion d'un consensus politique minimal parmi les acteurs sociaux.

Considérée dans cette perspective, la neutralité représente une modalité politique, au sens d’une réponse institutionnelle desti-née à la gestion la plus satisfaisante possible de la variété des conceptions du bien qui caractérise les sociétés libérales (Lar-more, 1987 : 43-45). Si, dans la sphère privée, l'individu est libre de poursuivre sa propre vision du bien, l'Etat, agissant dans la sphère publique, n'est pas formellement habilité à en adopter une, puisque un tel choix porterait alors atteinte aux droits et aux libertés des citoyens qui ne s'y reconnaissent pas.

C’est pour cette raison que les institutions doivent être neutres, se limitant à instituer un cadre procédural dont l’objectif est de

114 Ackermann (1980 : 11) définit la neutralité de la manière suivante : “ no reason is a good reason if it requires the power holder to assert : (a) that his conception of the good is better than that asserted by any of his fellow citi-zens, or (b) that, regardless of his conception of the good, he is intrinsically superior to one or more of his fellow citizens ”.

réglementer les interactions entre les acteurs sociaux et poli-tiques. Cette fonction régulatrice exercée par les institutions libérales implique l'octroi de droits aux citoyens et la mise en œuvre de procédures censées garantir une résolution raison-nable115 et pacifique des conflits qui traversent la société libé-rale. Considérée sous cet angle, la modalité de neutralité est une sorte de garant politique de l'idée libérale selon laquelle “ the function of the political realm is to render service to individual interests and purposes, to protect citizens in the exercice of their rights, and to leave them unhindered in the pursuit of whatever individuals and collective interests and purposes they might have ” (Oldfield, 1990 : 2). Ainsi, la liberté négative (donc la liberté des individus par rapport à l’ingérence de l’Etat) est protégée par la présence d’un système de droits individuels fondamentaux; la liberté positive des acteurs est renforcée par la possibilité qui leur est offerte de participer à la délibération publique, et ceci quelles que soient leurs conceptions du bien.

En permettant la réalisation de ces deux formes de liberté, la neutralité constitue un élément nodal des institutions libérales.

Elle participe de l’idée qu’en situation d’incertitude quant aux fondements ultimes du pouvoir (Lefort, 1986 : 28 et ss), il est nécessaire - selon les libéraux - de concevoir et d'instituer des procédures institutionnelles qui, pouvant être acceptées par tous les concernés, seraient en mesure de permettre la définition collective des valeurs et d'assurer la légitimité des décisions politiques qui en découlent (Habermas, 1994).

Au-delà du principe de préservation des libertés, la thèse de la neutralité institutionnelle se fonde aussi sur les principes

115 En anglais reasonable. Audard (in Rawls, 1993: 29), discutant l'oeuvre de Rawls, utilise ce terme pour représenter des individus “ capables de s'abstraire de leurs préoccupations immédiates pour envisager des situations éloignées d'eux dans l'espace social et dans le long terme ”. Dans la conception de Rawls, raisonnable renvoie à l'idée du juste; par exemple, pour Rawls (1993 : 91), les termes équitables de la coopération peuvent être raisonnablement acceptés par chaque participant à condition que tous les autres les acceptent également. Cette notion s'oppose à celle de rationnel, qui exprime “ le désir qu'ont les personnes de réaliser et d'exercer leurs facultés morales et de garan-tir le progrès de leur conception du bien ” (idem). Ainsi, si l'individu est rai-sonnable envers le juste, il est rationnel à l'égard du bien.

d’égalité de traitement et d’égal respect. Selon Dworkin (1984 : 76), la “ constitutive morality [of liberalism] is a theory of equality that requires official neutrality among theories of what is valuable in life ”. Etant donné qu’aucune conception du bien ne peut être jugée comme étant par définition supérieure aux autres, toute imposition de la part de l’Etat d’une conception particulière du bien va à l’encontre de l’égalité de traitement des citoyens. C'est donc dans l'établissement d'une structure de droits, apte à protéger l'autonomie du citoyen, que Dworkin voit la meilleure expression de l'égalité et de la liberté des citoyens par rapport à d'éventuelles ingérences de l'Etat ou de la volonté majoritaire116. Larmore (1987 : 61), quant à lui, insiste plutôt sur l’idée que la neutralité politique “ wish to show everyone equal respect ”. Le fait que l’Etat incarne un conception du bien implique une remise en question du respect dont jouissent les individus choisissant des conceptions du bien différentes.

Comme le résume de manière efficace Gutmann (1994 : 4),

“ our lack of identification with institutions that serve public purposes, the impersonality of public institutions, is the price that citizens should be willing to pay for living in a society that treat us all as equals, regardless of our particular ethnic, reli-gious, racial or sexual identities ”. Ainsi conçue, la neutralité publique constitue la pierre d’achoppement d’une conception procédurale de la justice qui esl la seule, selon les libéraux dé-ontologiques, est à permettre une gestion efficace et légitime des conflits opposant des conceptions différentes du bien117.

Si on se réfère à la discussion proposée précédemment sur les vertus libérales, il n’est cependant pas surprenant de consta-ter que les libéraux ne sont pas unis dans l’acceptation de la

116 Pour Dworkin (1992b), un argument qui est employé par les communauta-riens pour contester le principe libéral de neutralité (ou de tolérance), réside dans l'idée que la communauté est incarnée par la volonté majoritaire. Selon cet argument, la communauté a le droit d'utiliser la loi (adoptée en fonction du principe majoritaire) pour sanctionner sa conception de la moralité. Une telle perspective est inacceptable pour les libéraux, qui voient les dangers d’une tyrannie de la majorité (Holmes, 1993).

117 “ En matière de pratique politique, aucune conception morale générale ne peut fournir un fondement publiquement reconnu pour une conception de la justice, dans le cadre d'un Etat démocratique moderne ” (Rawls, 1993a : 208).

thèse de la neutralité institutionnelle. Ceci en raison de deux arguments généraux, l’un portant sur la désidérabilité de la neu-tralité et l’autre sur les possibilités de sa réalisation. Le premier argument est défendu - entre autres - par les théoriciens libéraux perfectionnistes. A leur sens, étant donné que le libéralisme constitue une vision particulière du bien, l’Etat libéral a comme mission d’appliquer et de promouvoir les valeurs libérales.

Concrètement, l’Etat doit prôner une série de mesures aptes à protéger et cultiver les vertus et valeurs libérales (Macedo, 1990 ; Galston, 1991, 1995). Pour ces auteurs, les valeurs libé-rales sont supérieures aux autres, et il est donc nécessaire de les objectiver par les institutions et les actes politiques118. Contrai-rement aux libéraux ‘neutralistes’, les ‘perfectionnistes’ esti-ment qu’il est impossible de fonder le libéralisme politique sans recourir à une doctrine morale. Pour eux, il n’est pas possible de justifier de manière neutre l'idée de neutralité. Ainsi, la défense de la neutralité implique la référence à une conception du bien119. Comme le résume Raz (1994 : 70), “ there can be no justice without truth ”120.

Le deuxième argument, concernant les possibilités de réali-sation de la neutralité, est invoqué par ceux qui estiment que le principe de neutralité des institutions politiques libérales est

118 En ce sens, selon Macedo (1990 : 259), “ liberals have positive political values and political institutions and practices designed to embody and sustain these values. What liberals often fail to recognize is that these values, institu-tions and practices exert a pervasive effect on the lives and the character of liberal citizens. Because liberalism is not neutral [...] and because liberal citizens may (and should) affirm and act from liberal values, we can speak of a distinctive liberal ‘character’ ”. Pour Galston (1995 : 524), l'Etat “ is properly characterized as a community organized in pursuit of a distinctive ensemble of public purposes. It is these purposes that undergird its unity, structure its institutions, guide its policies and define its public virtues ”.

119 Voir en ce sens Larmore (1987 : 53 ss), pour qui il est possible de justifier de manière neutre le principe de neutralité par le recours au dialogue ration-nel.

120 Dans le même sens, pour Beiner (1992: 24 et ss), “ liberalism, no less than socialism, feudalism, or any other social order, is a global dispensation - that is, a way of life that excludes other ways of life. [...] Liberalism itself instanti-ates one particular vision of the good, namely, that choice in itself is the high-est good. [...] Liberal neutralism is therefore a mirage ”.

contre-factuel, donc empiriquement infondé. Même en admet-tant que la neutralité se justifie d’un point de vue normatif, di-sent ces auteurs, elle ne pourrait pas pour autant être réalisée.

Toute institution confère inéluctablement une préférence à cer-taines valeurs au détriment d’autres. Okin (1989: 52), par exemple, se demande comment l’Etat peut être considéré comme neutre à l’égard de politiques telles que la famille, le mariage et le divorce. Kymlicka (1995), quant à lui, remarque que tout Etat promeut, directement ou indirectement, une cer-taine culture sociétale par son système d’éducation, un certain type de politique des langues, etc.121.

Larmore (1987 : 43-44) avance deux arguments susceptibles de contrecarrer une partie de ces critiques. Premièrement, la neutralité libérale ne concerne pas les résultats des décisions, mais les procédures aptes à permettre d’aboutir à des décisions.

Ainsi, “ political neutrality consists in a constraint on what factors can be invoked to justify a political decision. Such a decision can count as neutral only if it can be justified without appealing to the presumed intrinsic superiority of any particu-lar conception of the good life ”. La neutralité des valeurs pro-cédurales découle (i) du fait qu’elles ne sont pas issues d’une conception particulière du bien et (ii) du fait qu’elles peuvent être acceptées par tout individu, même si ce dernier adhère à une conception du bien spécifique. Par ailleurs, l’acceptation de valeurs procédurales ne remet nullement en cause la possibilité pour les individus d’adopter une conception substantielle du bien en dehors de l’espace politique. Deuxièmement, Larmore précise que la neutralité n’implique pas que l’Etat soit neutre à l’égard de la morale : l’Etat “ cherche plutôt une neutralité à l’égard des différentes conceptions controversées de la vie

121 Comme l’exprime de manière très efficace Galston (1991: 96-97), “ what-ever its decision, the polity unavoidably commits itself to specific views of human personality and right conduct as well as to a range of external effects on other institutions and practices. In such cases, neutrality is never violated, because it is never possible. Every polity [...] embodies a more than minimal conception of the good that establishes at least a partial rank-order among individual ways of life and competing principles of right conduct ” [c’est nous qui soulignons].

bonne. L’Etat libéral doit toujours agir en fonction d’une mo-rale élémentaire ou commune, qui est plus susceptible de faire l’objet d’un accord raisonnable ” (1993: 164)122. Dans cette perspective, très proche de celle de Rawls, le principe de neutra-lité n’implique pas que les décisions politiques soient neutres

; ce sont les procédures permettant la prise de décision qui doi-vent l’être. Larmore concède ainsi que la neutralité est donc quelque chose de plus qu'un principe pragmatique: “ political neutrality is a moral principle, stipulating the conditions on which political principles can be justified ” (1990 : 341-342).

En suivant ces différents éléments d’analse, nous pouvons cons-tater que la différence entre libéraux déontologiques et libéraux

‘perfectionnistes’, à propos de l’aspect du fondement moral de la neutralité, tend à s’estomper. Si cette tendance se confirmait, ses implications seraient lourdes de conséquences. En effet, si les libéraux ‘neutralistes’ accordent une dimension morale subs-tantielle à la neutralité, une incohérence risque de se produire entre la justification empirique et la justification normative de la neutralité. Cette interprétation semble être étayée par le fait que même Rawls admet que son modèle de libéralisme politique incarne une dimension morale. Dans sa conception de la neutra-lité procédurale, “ la possibineutra-lité d’affirmer la supériorité de certaines formes de caractère moral et d’encourager certaines vertus morales y est conservée ” (1993 : 303, 1993a : 194). Ce-pendant, “ si un régime constitutionnel prend certaines disposi-tions afin de renforcer les vertus de tolérance et de confiance mutuelle en s’opposant, par exemple, aux diverses formes de discrimination religieuse ou raciale [...], il ne devient pas pour autant un Etat perfectionniste [...]. Il prend plutôt des mesures raisonnables pour renforcer les façons de penser et de sentir

122 Cette position rappelle l’importance que Rawls accorde aux “ idées intui-tives qui sont à la base des institutions politiques d'un régime démocratique constitutionnel et [aux] traditions publiques qui en commandent l'interpréta-tion ” (1993: 208). Le rapprochement de Rawls à l’égard de certaines posi-tions défendues par les communautariens semble indiquer que la justification de la supériorité de sa conception du libéralisme politique se fonde largement sur des critères contextuels, historiquement donnés. Pour une interprétation historiciste de Rawls, voir Rorty (1991).

qui favorisent la coopération sociale entre des citoyens consi-dérés comme libres et égaux, ce qui est tout à fait différent d’un Etat qui serait au service d’une doctrine compréhensive parti-culière ” (ibid. : 304). Ce passage permet de mieux comprendre les ambiguïtés sous-jacentes à la conception libérale de la neu-tralité. En effet, Rawls semble d’accord avec ceux estiment que la neutralité procédurale n’est pas complètement neutre. Rawls admet explicitement que certaines vertus et formes de caractère moral doivent être encouragées par les institutions libérales. Le fait qu’il s’agisse pour lui de vertus instrumentales, finalisées en vue du bon déroulement du jeu démocratique, n’enlève rien au fait que l’Etat opère des choix moraux, affirmant ainsi la supé-riorité de certaines conceptions du bien par rapport à d’autres123.

Une des implications de ce qui précède est que si l’Etat doit promouvoir des vertus, alors des formes d’intervention de sa part dans la sphère privée se justifient. Ceci peut paraître sur-prenant, car la thèse libérale de la neutralité découle, au fond, de l’importance que le modèle libéral accorde à l’idée de “ privati-sation du bien ” (MacIntyre, cité par Beiner, 1996), ou, comme le dit Rawls, à l’idée que le juste (public) est prioritaire par rapport au bien (privé). Néanmoins, pour soutenir une frontière stricte entre sphère privée et sphère publique, Rawls devrait montrer – chose qu’il ne fait pas - comment il est possible d’avoir des citoyens vertueux à partir d’individus qui ne le sont pas nécessairement dans la sphère privée124. Autrement dit, les citoyens raisonnables, à savoir ceux qui ont le désir durable de

123 Il est intéressant de remarquer que Rawls range le libéralisme de Mill et de Kant dans la catégorie des conceptions compréhensives à cause de la place qu’ils accordent à la notion d’autonomie (1993a : 145, 199). Or, même dans le libéralisme politique de Rawls, il n’est pas clair comment les individus peu-vent instituer des relations fondées sur une confiance mutuelle sans qu’ils se perçoivent, préalablement, comme étant des sujets moraux autonomes...

124 “ Rational agents may have all kinds of affections for persons and attach-ments to communities and places, including love of country and of nature; and they may select and order their ends in various ways. What rational agents lack is the particular form of moral sensibility that underlies the desire to engage in fair cooperation as such, and to do so on terms that others as equals might reasonably be expected to endorse ” (Rawls, 1993a: 51).

respecter les termes équitables de coopération sociale, ne tom-bent pas du ciel: ils émanent d’un certain contexte, baignent dans un univers symbolique donné et sont soumis à certaines formes de socialisation. Or, étant donné que les processus de socialisation ont lieu en partie au sein de la sphère privée, il est clair que si l’Etat veut cultiver les vertus, il est obligé de pren-dre des mesures qui, directement ou indirectement, exercent une influence sur les visions du bien que les citoyens adoptent dans leur sphère privée. Considérons, à titre d’exemple, la question de la discrimination culturelle. Si elle a lieu dans l’espace pu-blic, cela signifie que l’Etat n’est pas neutre, car la discrimina-tion est le produit de l’imposidiscrimina-tion ou de la valorisadiscrimina-tion de cer-taines identités au détriment d’autres. Par contre, si elle a lieu dans la société civile, la question est plus complexe. Au niveau de la sphère privée (au sens étroit), la discrimination peut être interprétée comme étant le résultat d’une certaine vision du monde (qu’elle soit religieuse, raciste, etc.). Or, si elle ne donne pas lieu à des actes concrets, préjudiciables à l’égalité et à la liberté de ceux qui font l’objet d’opinions discriminatoires (donc non libérales), il n’est pas évident d’expliquer pourquoi l’Etat devrait encourager des vertus telles que la tolérance et la confiance mutuelle parmi les individus. Autrement dit, le prin-cipe “ pas de tolérance pour les intolérants ” (Rawls, 1987 :

§35) est compréhensible quand il est appliqué à l’espace public, mais sa transposition au niveau de la sphère privée est loin d’être évidente125. Une telle démarche semble en effet contre-dire le fondement même de la thèse de la neutralité, à savoir qu’aucune décision étatique ne peut être justifiée sur la base de

§35) est compréhensible quand il est appliqué à l’espace public, mais sa transposition au niveau de la sphère privée est loin d’être évidente125. Une telle démarche semble en effet contre-dire le fondement même de la thèse de la neutralité, à savoir qu’aucune décision étatique ne peut être justifiée sur la base de