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Le désir d’inscrire son action dans l’espace

1.2. Créer un espace pour l’action présidentielle

1.2.3. Le désir d’inscrire son action dans l’espace

Nicolas Sarkozy s’est positionné comme un président de l’action, omniprésent sur tous les sujets150. Sa remarque, « Alors là, on me dit : "Mon Dieu, vous prenez beaucoup d'initiatives." Mais moi, je trouve que je n'en prends pas assez. », du discours du 26 juin 2007, marque clairement cette posture qu'il fait passer par « quatre leviers »151 : les infrastructures, l’urbanisme152, la compétitivité dans tous les domaines et l’organisation des pouvoirs en Île-de-France. Deux d'entre eux sont directement liés à l’aménagement du territoire et constituent des réponses spatialisées. Cette volonté d’inscrire son action dans l’espace est réitérée le 17 septembre 2007 à la Cité de l’Architecture et du Patrimoine :

150 Le néologisme de l’« hyperprésidence » dans les médias fait bien état de

cette attitude qui marque la présidence de Nicolas Sarkozy.

151 Discours de Nicolas Sarkozy du 26 juin 2007 à Roissy. « Pour en finir et

pour avancer, j’identifie quatre leviers de changement ». Nous pouvons souligner les deux verbes « finir » et « avancer », qui rentrent dans ce registre de l’action.

152 Par « urbanisme », Nicolas Sarkozy semble parler de composition urbaine

« L'inauguration de ce nouvel établissement culturel consacré à l'Architecture et au Patrimoine, je veux qu'elle soit l'occasion de remettre l'Architecture au cœur de nos choix politiques ».153

Au cours de ce discours, Nicolas Sarkozy annonce sa volonté de mobiliser des architectes pour « travailler au diagnostic prospectif, urbanistique et paysager, sur le Grand Paris ». Cette citation est réutilisée le 29 avril 2009 dans le même lieu, lors de l’inauguration de l’exposition des travaux des équipes, comme pour insister sur la réalisation de cette intention.

« À ceux d'entre vous qui étaient présents à cette inauguration j'avais dit : « Je veux que cette inauguration soit l'occasion de remettre l'Architecture au cœur de nos choix politiques ». Bousculant les habitudes de pensée et les comportements qui depuis des décennies plaçaient l'Architecture et l'Urbanisme au second plan dans les grandes opérations d'aménagement urbain, j'ai souhaité que la réflexion des architectes et des urbanistes constitue le point de départ de l'élaboration du projet si symbolique du Grand Paris. »154

Avec ces phrases, il semblerait que le seul fait d’avoir consulté des architectes ait déjà la valeur de transformation spatiale. La mise en scène de l’action est ici plus importante que le fait d’agir155, et le choix d’organiser une exposition à la Cité de l’Architecture et du Patrimoine rentre dans une stratégie de médiatisation de la mobilisation d’architectes afin de lui donner le caractère d’action. Soulignons que les architectes sont plus mis en avant que les autres professionnels mobilisés. Ce choix ne nous semble pas anodin puisque les discours de Nicolas Sarkozy mobilisent souvent des formes architecturales afin de signifier des expressions spatiales de l’action présidentielle156. Mais au-delà de la simple convocation d’archétypes

153 Discours de Nicolas Sarkozy du 17 septembre 2007 à la Cité de

l’Architecture et du Patrimoine.

154 Discours de Nicolas Sarkozy du 29 avril 2009 à la Cité de l’Architecture et

du Patrimoine.

155 La même analyse est faite par d’autres recherches sur la communication des

projets urbains. Matthey, Laurent, et al., Faire des histoires ? Du récit d’urbanisme à l’urbanisme fictionnel : faire la ville à l’heure de la société du spectacle, Genève, Fondation Braillard Architectes, 2013.

156 « Il n'y aura pas de France forte et ambitieuse si l'Île -de-France se

architecturaux supposés représenter la réussite économique d’une ville, c’est l’expression visible de la croissance économique et de l’avancée technologique qui est recherchée. Nicolas Sarkozy invoque ainsi ces éléments dans un objet synthétisant ces qualités pour exprimer l’« ambition » qu’il porte pour l’Île-de-France : le projet de transport porté par Christian Blanc. Le 29 avril 2009, au moment de conclure son discours, Nicolas Sarkozy dit :

« Le développement des grandes zones qui portent l'avenir économique du Grand Paris appelle un nouveau système de transport rapide, à grande capacité qui permettra de relier les grandes polarités urbaines de demain. C'est le sens du projet élaboré par Christian Blanc dont le schéma est un schéma de principe qui est soumis à la concertation. Il anticipe le changement d'échelle. C'est un projet ambitieux : 130 km ! Je souhaite que là où c'est possible, il soit aérien, que son design, son ergonomie, sa technologie soient exemplaires, qu'il soit une vitrine mondiale de notre savoir-faire en matière de transport et qu'il permette que se déplacer redevienne un plaisir. »157

La description du système de transport de Christian Blanc reprend des thématiques que nous avons évoquées précédemment. En premier lieu, il s’agit d’un projet porté par le Président, comme l’indique l’expression « je souhaite », dont l’image porte un enjeu pour exprimer la compétitivité du territoire francilien sur la scène internationale. Il est lui aussi « ambitieux ». Son efficacité est quantifiable (rapidité, grande capacité, 130 km de réseaux). Mais le canal visuel et l’aspect esthétique jouent également un rôle important dans ce discours. Ainsi, la forme prise par l’action présidentielle est aussi importante que l’action elle-même.

Ces quatre discours présidentiels nous ont permis d’insister sur trois valeurs qu’ils diffusent, le fondement moral de porter une « ambition » pour l’Île-de-France dès lors que son destin est lié à celui du pays, le fait de se positionner dans une continuité par rapport à l’action de figures historiques nationales qui ont contribué à l’aménagement de l’Île-de-France, ce qui

permet à Nicolas Sarkozy de jouir de leur aura symbolique, et enfin l’enjeu que cette action s’inscrive dans l’espace, empruntant par la même la figure du Président bâtisseur (Devillard, 2001), et que l’expression de cette inscription affirme la compétitivité francilienne et nationale sur la scène mondiale.

Cette question de l’affirmation de l’espace francilien comme un territoire économiquement compétitif et engagé dans la compétition internationale des « villes globalisées » (Sassen, 1996) constitue la quatrième valeur fondant l’action présidentielle. Afin de l’explorer plus en détail, nous proposons d’aborder les usages faits du terme « métropole » pour analyser les représentations qu’il diffuse de l’agglomération parisienne.