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Des interrelations dynamiques : le « contrat triangulaire »

3. Consultation de 2008 et Secrétariat d’État : des transferts de capitau

3.2. Des relations d’interdépendances et des différences de valeurs inscrites dans la

3.2.2. Des interrelations dynamiques : le « contrat triangulaire »

En 2008, l’organisation de la consultation semble bien permettre un transfert de capital symbolique entre le projet de « Grand Paris », les équipes et le Président de la République, qui vise à légitimer l’action de ce dernier. Or le Secrétariat d’État occupe une position extérieure à ce cercle qui ne suffit donc plus à décrire l’ensemble de ces relations, notamment les tensions entre Christian Blanc et les équipes. Il semble qu’il existe des interférences entre les différentes actions présidentielles constituant le « dispositif » du « Grand Paris ». Nous avons d’ailleurs mentionné que certains architectes mobilisés dans la consultation de 2008 tentaient de délégitimer le Secrétariat d’État.

Afin que ce processus soit décrit de manière plus dynamique, les notions de « contrat triangulaire » (English, 1978) et de circulation des énergies dans ce type de relations (Berne et al., 2005) semblent utiles. Elles proposent d’observer les relations qui se développent entre trois acteurs et leurs dynamiques. L’utilisation de la figure triangulaire nous permet d’analyser les rapports entre deux groupes d’acteurs de manière indépendante.

En utilisant ce modèle, nous constatons que le Président de la République est lié par des relations fortes avec les deux autres acteurs. D’un côté, avec les équipes mobilisées par la consultation, se met en place un « cercle vertueux » de légitimation mutuelle qui passe notamment par l’occupation de l’espace médiatique. Cette relation est forte car sa rupture nuirait aux deux parties. De l’autre côté, avec le Secrétariat d’État, la relation est hiérarchique. Le président donne comme mission au Secrétaire d’État de préparer l’action opérationnelle en lui donnant un cadre législatif et une faisabilité technique.

D’autre part, les équipes sollicitent le Secrétariat d’État dans l’espoir de pouvoir agir. Nous voyons que ces relations sont déterminées par ce que chacun des acteurs peut apporter à l’autre, donnant un caractère opportuniste de ces relations. Elles peuvent être remises en cause si les relations sont déséquilibrées. Nous les qualifierons donc de relations faibles. D’ailleurs, si le Secrétaire d’État bénéficie des effets de la médiatisation des travaux des équipes, les équipes, elles, n’accèdent pas à une capacité d’action.

Les équipes occupent une place dans ce « contrat triangulaire » par leur capacité à produire des discours et des représentations sur l’agglomération parisienne. Leur intervention touche ainsi le domaine du

logos339. Le Secrétaire d’État, quant à lui, obtient une position par sa capacité

à agir, qui lui est conférée par le Chef de l’État. Il se situe dans le champ de la

praxis340. Notons également que ces relations se définissent dans les trois

espaces d’inscription de la communication présidentielle, tels que décrits par Valérie Devillard (Devillard, 2001). Les équipes par leur renommée et leur capacité à produire des discours et des images sur l’agglomération parisienne, occupent et animent la sphère médiatique (propre au logos). Le Secrétariat d’État, par le rôle qui lui est donné par le Président de la République, existe dans une sphère plus technique étroitement liée à la praxis. L’action communicationnelle du Président de la République passe par la production de discours politiques qui, en s’appuyant sur les deux autres acteurs, relie la sphère médiatique avec celle de l’action. Il occupe alors conjointement les domaines du logos et de la praxis.

339 Nous employons à dessein le terme de logos dans deux de ses acceptions,

son sens lié à la linguistique, signifiant la capacité d’utiliser les signes verbaux, et son sens philosophique signifiant la capacité à ordonner avec raison et logique afin de donner du sens à la réalité, faisant ainsi référence à la démarche scientifique.

340 Le terme de praxis renvoie à l’idée de la pratique, mais aussi de l’action,

qui se pose en opposition à la théorie, ou à la contemplation. Dans notre cas, la praxis se distingue du logos dans le sens où il se distingue également de l’activité de production de discours.

Figure 14 : Le contrat triangulaire, d’après le modèle décrit par Fanthy English en 1978, appliqué aux relations entre le Président de la République, les équipes sollicitées en 2008 et le Secrétariat d’État en charge du Développement de la Région Capitale. Source : G Duranel

Le modèle de « contrat triangulaire » permet de décrire la situation où les relations entre deux acteurs seraient brisées mais où le système continuerait à fonctionner grâce à un tiers qui maintient des liens avec les deux autres (de Mirbel, 2009). Ainsi, au courant de l’année 2009, les tensions entre le Secrétariat d’État et les équipes provoquent une rupture de leurs relations. Ces dernières, en comprenant qu’elles n’auraient pas accès à des opportunités opérationnelles, tentent de questionner la légitimité du Secrétaire d’État. Néanmoins, cette rupture ne remet pas en cause le « dispositif » du « Grand Paris », puisque Nicolas Sarkozy maintient des relations avec les équipes et le Secrétaire d’État, faisant d’ailleurs du projet du « Grand Paris » un projet plus présidentiel que gouvernemental.

L’application du modèle du « contrat triangulaire » nous permet de décrire le déséquilibre intrinsèque qui existe dans les relations entre les équipes et le secrétariat d’État. Nous constatons également que la présence du Président de la République dans le schéma, empêche les équipes de transformer cette relation pour retrouver une forme d’équilibre. Ce déséquilibre s’institutionnalisera d’ailleurs en 2010.

3.2.3. Inscription dans la loi de deux entités : la SGP et