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Le complexe Yb(tta) 3 L”

7.2 Etude comparative de trois complexes d’ytterbium(III)

7.2.2 Le complexe Yb(tta) 3 L”

On s’intéresse maintenant au cas du complexe Yb(tta)3L”, noté (11) [3] (Fig. 7.3), qui possède une structure géométrique et chimique très proche de celle du complexe (10) (Fig. 7.1).

FIGURE 7.3 – Représentation de la structure chimique du complexe (11). Les sphères noires corres-pondent aux atomes de carbone, les sphères bleues claires, aux atomes d’azote, les sphères rouges, aux atomes d’oxygène, les sphères vertes, aux atomes de fluor, les sphères jaunes, aux atomes de soufre et la sphère violette, à l’atome d’ytterbium. Les atomes d’hydrogène sont omis par soucis de clarté.

Pour ce complexe, l’ion ytterbium(III) se trouve également dans un environnement N2O6 de sy-métrie D4d (antiprisme à base carrée), avec les deux atomes d’azote provenant du même ligand L” et les six atomes d’oxygène provenant cette fois de 3 ligands tta. Pour ce complexe, la plus petite dis-tance Yb-Yb est de 11.37 Å, suggérant également l’absence de couplage entre les ions de molécules voisines.

En terme de propriétés magnétiques et optiques, la proximité entre les complexes (10) et (11) est notable (Fig. 7.4). Ces deux complexes possèdent en effet une valeur quasi-identique du produit χT b. Il faut en effet garder à l’esprit que le choix des opérateurs de Stevens utilisés pour simuler la courbe expérimentale est basé sur des approximations de symétrie. Plus précisément, seuls les opérateurs caractéristiques de la symétrie de la première sphère de coordination sont conservés. Cependant, même en faisant abstraction de la composition chimique hétérogène de cette première sphère de coordination (qui brise d’une certaine façon la symétrie), celle-ci est rarement de symétrie idéale.

à basse température, avec 1.09 cm3.K.mol−1pour le complexe (11), contre 1.06 cm3.K.mol−1pour le complexe (10), suggérant que dans les deux cas l’état fondamental est composé presque exclusivement de l’état propre |MJi = | ± 5/2i.

FIGURE7.4 – Représentation (i) des courbes de susceptibilité magnétique et d’aimantation à 2K pour les complexes (10) et (11), (ii) de leur spectre énergétique obtenu par l’intermédiaire d’opérateurs de Stevens et (iii) de leur spectre d’émission. Les lignes noires correspondent aux spectres enregistrés à 77K et les lignes grises, aux spectres enregistrés à température ambiante.

De même, pour ces deux complexes, les courbes de magnétisme sont quasiment confondues sur toute la gamme de températures étudiées (Fig. 7.4, i), impliquant que les énergies des micro-états du multiplet 2F7/2 sont pour les deux complexes. Ceci est confirmé par la simulation des données de magnétismes (Stevens), au moins dans la limite des premiers états (Fig. 7.4, ii). Enfin, les deux complexes présentent à des spectres d’émission très proches (Fig. 7.4, iii), avec l’émergence de pics de luminescence aux mêmes énergies : 10204 cm−1, 9960 cm−1, 9920 cm−1, 9750 cm−1, 9695 cm−1 et 9630 cm−1 pour complexe (10) et 10214 cm−1, 9920 cm−1, 9745 cm−1, 9660 cm−1 et 9580 cm−1 pour complexe (11).

De façon assez surprenante, cette proximité entre les complexes (10) et (11) n’est pas suffisante pour garantir le succès de l’approche ab initio sur le complexe (11). En effet, que ce soit au niveau

CASSCF ou au niveau CASPT2, l’approche ab initio ne parvient pas à reproduire la valeur du produit χT mesurée à basse température pour le complexe (11), la surestimant d’environ 0.5 cm3.K.mol−1 (Fig. 7.5). Cet écart entre théorie et expérience est caractéristique du fait que l’état fondamental du système est mal décrit, en terme de fonction d’onde, par l’approche ab initio. En effet, la valeur expérimentale du produit χT à basse température implique que l’état fondamental du système est composé presque exclusivement de l’état propre |MJi = |±5/2i (Tab. 7.2), comme c’était le cas pour le complexe (10). Ce résultat est d’ailleurs confirmée par la simulation des données expérimentales (Stevens, Tab. 7.1). Le calcul donne par contre un état fondamental composé principalement de l’état propre |MJi = | ± 7/2i (Tab. 7.2), expliquant la différence entre expérience et théorie.

FIGURE 7.5 – Représentation des courbes de susceptibilité magnétique et d’aimantation à 2K du complexe (11) mesurée (ligne pointillée noire) et calculées (lignes pleines bleue et rouge).

Egalement, le comportement en température de la susceptibilité magnétique est loin d’être en aussi bon accord avec l’expérience qu’il ne l’était pour le complexe (10). Enfin, pour ce qui est du spectre énergétique, l’accord est relativement mauvais entre expérience (Stevens et émission) et théorie (Tab. 7.2), avec des différences d’une centaine de nombres d’onde. En particulier, l’addition de la corrélation dynamique n’améliore pas l’accord expérience/théorie pour l’énergie du premier état spin-orbite excité, qui se retrouve soit 100 cm−1 trop bas (CASSCF) soit 100 cm−1 trop haut (CASPT2). Pour les autres doublets de Kramer du multiplet 2F7/2, l’accord expérience/théorie est cependant bien meilleur (Tab. 7.2).

Au final, le complexe (11) fait donc partie des complexes pour lesquels ni l’approche CASSCF/SI-SO, ni l’approche CASSCF/PT2/SI-SO ne parviennent à décrire correctement le comportement ma-gnétique. Ceci provient notamment d’une incapacité de ces approches à converger sur la bonne fonc-tion d’onde pour l’état fondamental, et donc à fournir le bon spectre énergétique spin-orbite (i.e. en accord avec l’expérience). Cet échec est d’autant plus étonnant que l’approche ab initio parvient à décrire correctement le comportement magnétique du complexe (10) mais également de l’analogue dysprosium du complexe (11) [3]. Les raisons de cet échec restent malheureusement indéterminées. Il peut en effet être provoqué soit par une limite de l’approche ab initio, tel que, par exemple, le

choix de l’espace actif, soit par une origine différente du comportement magnétique du complexe (11) (i.e. ne pouvant être décrite correctement par l’approche CASSCF/PT2/SI-SO pour un espace actif ne contenant que les électrons et orbitales 4f). Ces résultats suggèrent également que l’origine du comportement magnétique du complexe (11) est différente de celle du complexe (10).

Tableau 7.2 – Energies relatives (en cm−1) et composition en terme d’états propres |MJi des 4 dou-blets de Kramer du multiplet fondamental 2F7/2 pour le complexe (11). Ces données sont obtenues soit en utilisant les opérateurs de Stevens1, soit par l’intermédiaire du spectre d’émission, soit par un calcul ab initio2.

Energies relative (cm−1) Fonctions d’onde

Stevens1 Emission CASSCF CASPT2 Stevens1 CASSCF CASPT2

0 0 0 0 | ± 5/2i | ± 7/2i | ± 7/2i

271 294 188 368 | ± 3/2i | ± 5/2i+| ± 1/2i | ± 5/2i+| ± 1/2i 584 469 292 501 | ± 1/2i | ± 3/2i+| ± 5/2i | ± 3/2i+| ± 5/2i 681 554 460 687 | ± 7/2i | ± 1/2i+| ± 3/2i | ± 1/2i+| ± 3/2i

1Les opérateurs de Stevens utilisés sont les suivants : ˆH = B0 2Oˆ0

2+ B0 4Oˆ0

4 + B0 6Oˆ0

6, pour l’environnement de symétrie D4ddu complexe (11).

2Voir l’annexe p. 197 pour les détails calculatoires.