• Aucun résultat trouvé

L’approche CASSCF / PT2 / SI-SO

2.5 Exemple d’application : étude des propriétés magnétiques du complexe [Dy(tta) 3 (L)]

2.5.2 L’approche CASSCF / PT2 / SI-SO

De façon générale, dans les molécules aimant contenant un ou plusieurs ions lanthanide triva-lents, ce sont principalement les électrons de la couche 4f de cet ion qui gouvernent le comportement magnétique de la molécule. En effet, dans les ions lanthanide trivalents, la couche 4f n’est que par-tiellement remplie, conduisant à l’apparition d’un moment angulaire orbitale−→

L et/ou de spin−→ S non nul(s) dans la molécule. Du fait de la quantification de ces moments, il y a plusieurs configurations électroniques possibles pour la couche 4f . Par exemple pour l’ion dysprosium(III), qui possède 9 électrons dans sa couche 4f , il y a 2002 configurations électroniques différentes, parmi lesquelles, 42 correspondent à des états de spin sextets (S = 5/2), 490 à des états quadruplets (S = 3/2) et 1470 à des états doublets (S = 1/2).

Sous l’effet de la répulsion électronique, du couplage spin-orbite et du champ cristallin, la dé-générescence de ces configurations est levée (au moins en partie), et c’est finalement la distribution énergétique de ces configurations (ou états électroniques), et l’évolution de leur population avec la température qui gouvernent le comportement magnétique de ce type de complexes. Ainsi donc, pour modéliser les propriétés magnétiques d’un complexe de lanthanide, il est indispensable d’avoir avant tout une bonne description des états électroniques du système, en terme d’énergie mais aussi de fonc-tion d’onde, au moins dans la limite des états accessibles aux températures où le complexe est carac-térisé (i.e. le bas du spectre).

Dans ce contexte, une approche multidéterminantale s’impose. Du fait du caractère localisé des orbitales 4f , qui ne se recouvrent que très peu voire pas du tout avec les orbitales des ligandsh et avec les autres orbitales de l’ion lanthanide trivalent,i c’est finalement l’approche CASSCF qui est choisie. Typiquement, pour les complexes de lanthanide, l’espace actif est composé des orbitales et

h. Les interactions de l’ion lanthanide trivalent avec les ligands qui l’entourent sont électrostatiques à plus de 90%. i. Les configurations excitées les plus proches en énergie des configurations 4fn avec n le nombre d’électrons 4f sont de type 4fn−15d1, et sont situées au moins 40000 cm-1au dessus de la configuration 4fnla plus stable.

électrons 4f de l’ion en présence. Toutefois, un tel espace actif ne permet pas d’inclure les effets de corrélation dynamique au niveau CASSCF, d’où la nécessité de réaliser en plus un calcul de type CASPT2. Enfin, pour tenir compte explicitement du couplage spin-orbite, un calcul CASSI-SO est également indispensable, puisque dans le code MOLCAS [15] le traitement relativiste fait intervenir un hamiltonien quasi-relativiste.

En première approximation, et par analogie au spectre de l’ion libre (voir Fig. 1.9, chapitre 1), les états électroniques obtenus à l’issue d’un calcul CASSCF/PT2/SI-SO peuvent être vus comme des niveaux de Stark, caracterisés par une valeur de L, S, J et MJ, respectivement, les moments angulaires orbital, de spin et total (i.e. des valeurs propres des operateurs→−

L ,−→ S et−→

J ), et la projection du moment angulaire total sur l’axe de quantification Z (i.e. valeur propre de l’opérateur ˆJZ). Par exemple, pour les complexes de dysprosium(III), les 16 premiers états CASSCF/PT2/ SI-SO (i.e. ceux accessibles à température ambiante) sont dégénérés 2 à 2, formant un ensemble de 8 doublets, correspondant aux 8 doublets de Kramer issus du multiplet fondamental6H15/2. Pour l’ion libre, ces doublets sont associés à des valeurs de MJ comprises entre +15/2 et −15/2 (MJ = +15/2, +13/2, ..., −15/2). Pour un complexe contenant un tel ion, en fonction de la symétrie de l’environnement, différents mélanges de ces états |MJi seront possibles. Les doublets du complexe peuvent donc être vus comme des combinaisons linéaires des états |MJi de l’ion libre.

La base d’états CASSCF

Dans la partie CASSCF [3, 4] du calcul, ce sont en fait plusieurs calculs CASSCF de type state-averaged qui sont réalisés, à savoir, un calcul par ensemble d’états (ou de configurations) de même multiplicité de spin. Par exemple, pour l’ion dysprosium(III), en faisant abstraction du spin des élec-trons 4f (puisque les états CASSCF sont spin-free), il ne reste plus que 735 configurations différentes pour la structure électronique 4f9, parmi lesquelles, 21 sont sextets, 224, quadruplets et 490, doublets. Pour un système contenant un ion dysprosium(III), ce sont donc trois calculs SA-CASSCF qui sont réalisés : un pour les états sextets, un pour les états quadruplets et un pour les états doublets.

Dans chacun de ces calculs, plus le nombre de configurations prises en compte est important, plus la fléxibilité de la fonction d’onde des états spin-free est grande. Dans l’idéal, il faudrait donc tenir compte de toutes les configurations possibles. Toutefois, dans le code MOLCAS [15], le nombre de configurations qu’il est possible d’inclure dans un calcul SA-CASSCF est limité à 300. Pour un complexe de dysprosium(III), les trois calculs SA-CASSCF sont donc réalisés, respectivement, pour les 21 états sextets, les 224 états quadruplets et 300 des 490 états doublets.

L’ajout de la corrélation dynamique

La partie CASPT2 [5, 6] du calcul permet d’ajouter les effets de la corrélation dynamique aux énergies (et fonctions d’ondej) obtenues au niveau CASSCF. Typiquement, il est nécessaire de réaliser un calcul de ce type pour chaque état CASSCF. Cependant, en utilisant l’approche MultiState (MS-CASPT2 [32]) il est possible de restreindre le nombre de calculs (MS-CASPT2 au nombre de calculs SA-CASSCF (un calcul par ensemble d’états de même multiplicité de spin).

Néanmoins, l’expérience nous a montré que pour les systèmes qui contiennent un ou plusieurs ions lanthanide trivalents compris entre le praséodyme(III) (Z = 59) et le thulium(III) (Z = 69) dans la série des lanthanides, la correction apportée par la corrélation dynamique est négligeable, i.e. au mieux de quelques nombres d’onde sur des différences d’énergie entre états de l’ordre de la centaine de nombres d’onde. Par contre, dans le cas du cérium(III) (Z = 58) et de l’ytterbium(III) (Z = 70) cette correction est indispensable pour décrire correctement le magnétisme des systèmes associés. Le comportement de ces deux ions en particulier s’explique par le fait qu’ils possèdent respectivement un seul électron (cérium) et un seul trou (ytterbium) dans leur couche 4f . De ce fait, il existe 7 configurations électroniques différentes pour ces deux ions. Le cas écheant, un calcul MS-CASPT2 est réalisé. Ce comportement remarquable est discuté plus en détails dans le chapitre 7, consacré aux complexes d’ytterbium.

Le couplage spin-orbite dans le calcul CASSI-SO

Dans un calcul CASSI-SO [13], le couplage spin-orbite résulte de l’interaction de configurations spin-freeentre elles. A priori, comme seuls les états spin-orbite de plus basse énergie présentent un réel intérêt en terme de magnétisme, il n’est pas nécessaire d’inclure tous les états spin-free dans le traitement du couplage spin-orbite. Toutefois, plus le nombre d’états spin-free est grand, plus la flexibilité de la fonction d’onde contenant le couplage spin-orbite est grande. Egalement, il existe dans MOLCAS une restriction sur le nombre d’états spin-free qu’il est possible d’inclure dans un calcul CASSI-SO : cette limite est de 300 états.k Par conséquent, à partir du moment où le complexe étudié contient un ion lanthanide trivalent possèdant plus de 300 configurations électroniques, ce qui est le cas pour tous les ions compris entre le prométhium(III) et l’holmium(III), une étude est nécessaire pour déterminer le nombre d’états spin-free à inclure dans le calcul CASSI-SO de façon à ce que les énergies des états spin-orbite soient convergées.

Dans le cas du complexe (1), la convergence de couplage spin-orbite est testée pour l’ion dys-prosium(III) seul, placé dans un environnement de charges ponctuelle de symétrie D4d(antisprisme à base carrée). Les charges ponctuelles permettent de tenir compte, dans une certaine mesure, des effets de champ cristallin. Elles sont placées à 2.5 Å de l’ion et fixées à -0.375 e. L’ion dysprosium(III) est décrit pas une base de type ANO-RCC [27, 28, 29] triple ζ, avec la contraction 8s7p4d3f 2g1h. Se limiter à l’ion seul permet de limiter les coûts d’une telle étude en temps et en ressource, et de la rendre valide pour tout complexe monométallique de dysprosium(III) avec un environnement de sy-métrie D4d. Les états spin-free sont et doivent être ajoutés par ordre énergetique CASSCF croissant et par ensemble d’états appartenant à un même terme spectroscopique2S+1L, de multiplicité 2L + 1. Par exemple, pour l’ion dysprosium(III), les états spin-free du multiplet6H sont considérés en premier ; sont ensuite ajoutés les états relatifs aux multiplets6F ,4I,4F ,4M ,4G,4K,4L,4D,4H,6P ,2L,4P ,

4G, 2K, 2P , 2N , 2F , 2M , 4F , 4I,2H, 2D,2G, 2O et enfin2I, pour arriver à un total de 292 états spin-free. La convergence du calcul du spin-orbite est testée à la fois pour les énergies du multiplet fondamental6H15/2(corrélées avec les propriétés magnétiques du complexe) et pour les valeurs prin-k. Cette limite de 300 états peut être contournée en modifiant les options de compilation du code MOLCAS. Néan-moins, la taille des matrices produites par le calcul du couplage spin-orbite croit rapidement avec le nombre d’états spin-free, approchant les limites des machines en terme de stockage.

cipales du tenseur d’anisotropie magnétique (gX, gY et gZ).lSi le complexe étudié venait également à présenter des propriétés de luminescence, les énergies du multiplet excités4F9/2 devraient également être testées pour la convergence. Les états |MJi de ce multiplet sont en effet à l’origine des émissions les plus intenses observées dans le visible pour les complexes de dysprosium(III).

D’après la figure 2.7, l’énergie absolue de l’état fondamental (avec le couplage spin-orbite) tend à se stabiliser lorsque le nombre d’états spin-free inclus dans le calcul CASSI-SO augmente, mais ne converge jamais. Ce comportement est dû au caractère perturbatif et non variationnel de la mé-thode CASSI-SO. Il en va de même pour l’énergie de tous les états du spectre CASSCF/SI-SO. Les différences d’énergie entre états spin-orbite convergent quant à elles relativement vite, avec des diffé-rences d’énergie toujours inférieures au nombre d’onde pour les micro-états du multiplet6H15/2(Fig. 2.8). Même avec un petit nombre d’états spin-free (par exemple, uniquement les 11 états sextets du multiplet6H), les états spin-orbite du bas du spectre semblent décrits correctement.

FIGURE2.7 – Energie (u.a.) de l’état spin-orbite fondamental en fonction du nombre d’états spin-free inclus dans le calcul CASSI-SO. L’énergie de réference correspond au cas où le nombre d’états spin-freeinclus est minimal, avec uniquement les 11 états associés au multiplet6H. Les lignes verticales correspondent au nombre de racines effectivement présentes à chaque calcul.

Pour un environnement de symétrie D4d, le couplage orbite est supposé laisser les états spin-orbite de l’ion dysprosium(III) (dans un complexe) relativement purs en terme d’état propres |MJi, stabilisant d’avantage des états associés aux plus grandes valeurs de MJ(en terme de valeur absolue). Dans le cas présent, les valeurs principales du tenseur d’anisotropie magnétique indiquent que l’état fondamental est majoritairement composé de l’état propre |MJi = | ± 15/2i, avec des valeurs de gX et gY toujours très proches de zéro et des valeurs de gZoscillant entre 19.98 et 19.78.

De façon générale, lorsque les micro-états du multiplet fondamental 6H15/2 sont faiblement mé-langés en terme d’états propres |MJi, la convergence des énergies et fonctions d’onde spin-orbite est rapide. Par contre, dans le cas d’environnements favorisant des états spin-orbite correspondant à des combinaisons linéaires d’états propre |MJi, cette convergence est plus lente.

l. Dans le code MOLCAS, et dans le cas particulier des complexes de dysprosium(III) dont les états spin-orbite sont tous doublement dégénérés, ce tenseur est déterminé dans l’approximation du pseudo-spin ˜S=1/2 (voir p. 34) [22, 23, 24, 25, 26]. Du fait de cette approximation, les 8 doublets de Kramer du multiplet fondamental6H15/2sont considérés comme indépendants. Il est donc possible, pour chacun d’eux, de déterminer un tenseur d’anisotropie magnétique.

FIGURE 2.8 – Convergence de l’énergie des doublets de Kramer du multiplet fondamental 6H15/2 de l’ion dysprosium(III). Les lignes verticales correspondent au nombre de racines effectivement présentes à chaque calcul. Les différentes courbes correspondent aux différentes doublets de Kramer du multiplet fondamental6H15/2.

Pour le complexe (1), le choix est donc fait d’inclure les 21 états sextets, 128 états quadruplets et 130 états doublets dans le calcul du couplage spin-orbite, ce qui correspond au nombre d’états spin-freepour lequel les énergies relatives (spin-orbite) des multiplets6H15/2 (Fig. 2.8) et4F9/2(non représenté) sont sur un plateau de convergence.