• Aucun résultat trouvé

Le choix des fonctions de base

2.5 Exemple d’application : étude des propriétés magnétiques du complexe [Dy(tta) 3 (L)]

2.5.3 Le choix des fonctions de base

L’approche CASSCF [3, 4] se distingue des autres approches multiconfigurationelles notamment par l’optimisation simultanée des coefficients des déterminants et des coefficients des orbitales dans chaque déterminant. Ainsi, en plus de dépendre du nombre d’états spin-free inclus dans le calcul CASSI-SO, la flexibilité de la fonction d’onde des états spin-orbite dépend également de la qualité des fonctions de base utilisées pour décrire les différents atomes du système. Il convient donc de tester la convergence des énergies et fonctions d’onde spin-orbite par rapport à la qualité de ces fonctions de base.

Si les 119 atomes du complexe (1) sont décrits par des fonctions de base triple ζmun total de 3067 fonctions de base est nécessaire pour décrire le système dans son intégralité, ce qui dépasse (de loin) les ressources à disposition (typiquement, pour un complexe de dysprosium(III), la limite se situe aux alentours de 1000 fonctions de base). Si des fonctions de base de qualité moindre sont utilisées pour les atomes d’hydrogène,n 2611 fonctions de base restent tout de même nécessaires. Même en passant à des fonctions de base double ζ pour tous les atomes (sauf les atomes d’hydrogène) il n’est pas possible de passer la barre des 1000 fonctions, avec un total de 1295 fonctions de base.

m. Les fonctions de base utilisées dans cette thèse sont de type ANO-RCC [27, 28, 29], telles que définies dans la librairie de MOLCAS [15]. Ces fonctions de base sont des combinaisons linéaires d’orbitales atomiques centrées sur les atomes et décrites mathématiquement par des fonctions gaussiennes. Elles sont obtenues par diagonalisation des blocs diagonaux de la matrice densité, dans un hamiltonien quasi-relativiste de type DKH.

n. Les atomes d’hydrogène étant en règle générale relativement éloignés de l’ion dysprosium(III) et ayant une rôle négligeable en terme de magnétisme, une contraction 2s est suffisante.

Une alternative pour diminuer le nombre de fonctions de base consiste à ne pas traiter tous les atomes du système avec la même qualité. En règle générale, l’ion lanthanide trivalent et ses premiers voisins sont traités avec des fonctions de base triple ζ, et les atomes restant au moins avec des fonc-tions de base double ζ (en fonction de la taille du système). Il est également possible de simplifier la structure du complexe en éliminant certains atomes ou en les remplaçant par des atomes plus légers. Cette alternative est discutée dans le paragraphe 2.5.4.

Dans ce contexte et pour une version simplifiée du complexe (1) (i.e. sans les parties methyl-pyridine et 4,5-bis(propylthio)-tetrathiafulvalene du ligand L, Fig. 2.12, ii), la convergence des éner-gies et fonctions d’onde spin-orbites (en terme d’états propres |MJi) est testée en fonction de la taille des fonctions de base des groupes d’atomes suivant : (i) l’atome de dysprosium seul, (ii) ses premiers voisins, (iii) ses seconds voisins et les atomes périphériques (Fig. 2.3). On s’intéresse également aux valeurs principales du tenseur d’anisotropie magnétique de l’état fondamental (gX, gY et gZ) ainsi qu’aux orientations associées dans la molécule, mais aussi à l’évolution des courbes de susceptibilité et d’aimantation.

Qualité de la fonction de base de l’atome de dysprosium

Dans un premier temps, on teste la fonction de base de l’atome de dysprosium, avec des fonc-tions de base de qualité double et triple ζ, avec et sans foncfonc-tions de polarisationo : 7s6p3d2f (DZ), 7s6p3d2f 1g (DZ+P), 8s7p4d3f 2g (TZ) et 8s7p4d3f 2g1h (TZ+P). Pour les autres atomes du sys-tème, des fonctions de base double ζ sans polarisation sont utilisées : 3s2p pour les atomes de carbone, d’azote, d’oxygène et de fluor, 4s3p pour les atomes de soufre et 2s pour les atomes d’hydrogène.

Pour les 4 fonctions de base considérées, les différences entre expérience et théorie sont notables. Tout d’abord, les courbes de susceptibilité calculées ne reproduisent pas l’allure de la courbe expé-rimentale, avec des valeurs calculées trop faibles à basse température, et trop grandes entre 50 K et 150 K (Fig. 2.9). Il n’y a qu’au-delà de 150 K que les courbes calculées rattrapent la courbe expéri-mentale. Egalement, l’aimantation calculée à 2 K ne sature pas à hauts champs comme c’est le cas sur la courbe expérimentale (Fig. 2.9). Ce désaccord entre expérience et théorie est dû à une mauvaise description du spectre énergétique. En effet, pour les 4 fonctions de base, les premiers niveaux excités sont trop bas en énergie, par rapport à ceux du spectre expérimental,p suggérant que le modèle ab initioest incomplet (en terme de structure ou de précision des fonctions de base).

Concernant l’anisotropie magnétique de l’état fondamental, les 4 modèles conduisent à des orien-tations de l’axe facile du tenseur d’anisotropie magnétique très proche de celle de l’axe déterminé o. Les fonctions de polarisation sont utilisées pour améliorer la description des atomes loin du noyau. En terme d’or-bitales atomiques, elles correspondent généralement à des ord’or-bitales dont l’ordre est supérieur (d’après la règle de Klech-kowski) à celui des plus hautes orbitales déjà comprises dans la base. Par exemple, pour un atome décrit avec une base minimale, les fonctions de polarisation correspondent aux orbitales atomiques de la première couche électronique laissée vacante.

p. On pourrait également remettre en question le spectre expérimental puisque pour fitter les données de magnétisme avec un nombre raisonnable de paramètres, l’hamiltonien de Stevens est simplifié sur la base de considérations de sy-métrie qui ne sont pas effectives dans le complexe mais uniquement dans la première sphère de coordination de l’ion dysprosium(III). Par exemple dans le cas présent, l’hamiltonien est effectif pour une symétrie moléculaire d’ordre 4 alors que seul l’environnement proche du complexe (1) possède à peu près une symétrie d’ordre 4. Toutefois, même avec une telle approximation, le premier niveau excité est en général bien positionné en terme d’énergie.

expérimentalement, avec des angles de déviation de moins de 20, soit moins que l’incertitude expé-rimentale. De plus, les valeurs obtenues pour la composante principale de ce même tenseur (i.e. gZ) sont proches de 18 et suggèrent donc une anisotropie magnétique fortement axiale. De prime abord, ces valeurs sont en bon accord avec la valeur expérimentale de 18.65. Toutefois, cette dernière est très certainement sous-estimée. En effet, la valeur expérimentale du produit χT à basse température suggère plutôt un état fondamental |MJi = | ± 15/2i quasi-pur et donc une valeur de gZ plus proche de 20. D’ailleurs, malgré une contribution importante de l’état propre |MJi = | ± 15/2i les fonctions d’onde calculées pour l’état fondamental sont relativement mélangées (Fig. 2.9).

FIGURE 2.9 – Comparaison des grandeurs expérimentales avec les grandeurs calculées avec des fonctions de base double ζ sans polarisation (en bleu), double ζ avec polarisation (en vert), triple ζ sans polarisation (en cyan) et triple ζ avec polarisation (en rose) sur l’atome de dysprosium. En haut à gauche, les courbes de susceptibilité (entre 2 K et 300 K) et d’aimantation (à 2 K), avec en noir les courbes expérimentales brute et réévaluée par un facteur 1,05 (Ce facteur de réévaluation correspond à l’erreur faite sur la détermination de la masse de l’échantillon utilisé pour faire les mesures) ; en bas à gauche, les valeurs principales du tenseur d’anisotropie magnétique de l’état fondamental avec la déviation entre les orientations de l’axe facile associé et de l’axe d’anisotropie magnétique mesuré (δ, en), la composition de la fonction d’onde de l’état fondamental en terme d’états propres |MJi ; et à droite, les spectres énergétiques du multiplet fondamental6H15/2. Le spectre expérimental est obtenu en fittant les données expérimentales avec un hamiltonien de type Stevens.??

Au final, même avec une fonction de base triple ζ avec polarisation sur l’atome dysprosium(III), le comportement magnétique du complexe (1) n’est pas décrit correctement, en particulier à basse température. Il est donc indispensable de tester également la taille des fonctions de base des premiers voisins de l’atome de dysprosium.

Qualité des fonctions de base des premiers voisins

Les fonctions de base des premiers voisins de l’ion dysprosium(III), i.e. les six atomes d’oxygène provenant des trois ligands ttaainsi que les deux atomes d’azote provenant du ligand L, sont testées avec des fonctions de base de qualité double et triple ζ, avec et sans polarisation : 3s2p (DZ), 3s2p1d (DZ+P), 4s3p2d (TZ) et 4s3p2d1f (TZ+P). Concernant les atomes restants du système, une fonction de base triple ζ avec polarisation est utilisée pour l’atome de dysprosium 8s7p4d3f 2g1h, et des fonctions de base double ζ sans polarisation 3s2p pour les atomes de carbone, d’azote (restants) et de fluor, 4s3p pour les atomes de soufre et 2s pour les atomes d’hydrogène.

L’augmentation de la qualité des fonctions de base des premiers voisins de l’ion dysprosium(III) permet d’améliorer de façon significative la description du comportement magnétique du complexe (1) (Fig. 2.10). Notamment, le simple ajout de fonctions de polarisation aux fonctions de base double ζ, conduit à un bien meilleur accord entre le spectre énergétique calculé et le spectre expérimental du multiplet6H15/2. Il en résulte que la courbe de susceptibilité magnétique calculée reproduit bien plus fidèlement la courbe expérimentale. Il en va de même pour ce qui est de la saturation de l’aimanta-tion (2 K) à hauts champs. Très probablement, en augmentant la taille des foncl’aimanta-tions de base sur les premiers voisins, l’effet du champ cristallin sur les niveaux énergétiques de l’ion dysprosium(III) est mieux décrit.

FIGURE 2.10 – Comparaison des grandeurs expérimentales avec les grandeurs calculées avec des fonctions de base de taille variable pour les premiers voisins de l’atome de dysprosium (DZ en bleu, DZ+P en vert, TZ en cyan et TZ+P en rose). En haut à gauche, les courbes de susceptibilité (entre 2 K et 300 K) et d’aimantation (à 2 K), avec en noir les courbes expérimentales brute et réévaluée (facteur 1,05) ; en bas à gauche, les valeurs principales du tenseur d’anisotropie magnétique de l’état fondamental avec la déviation entre les orientations de l’axe facile associé et de l’axe d’anisotropie magnétique mesuré (δ, en), la composition de la fonction d’onde de l’état fondamental en terme de valeurs de MJ; et à droite, les spectres énergétiques du multiplet fondamental6H15/2.

Concernant l’anisotropie magnétique de l’état fondamental, des valeurs de gZ proche de 20 sont obtenues, en bon accord, à la fois, avec les valeurs de susceptibilité à basse température (autour de 12 cm3.K.mol-1), et avec une fonction d’onde composée presque exclusivement de l’état propre |MJi = | ± 15/2i (Fig. 2.10). Enfin, pour tous les modèles de base considérés, l’orientation prédite pour l’axe facile associé au tenseur d’anisotropie magnétique de l’état fondamental est en bon accord avec celle déterminée expérimentalement.

Au final, avec des fonctions de base double ζ sur les premiers voisins, il est indispensable d’ajouter des fonctions de polarisation. Cependant, comme dans le cas du couplage spin-orbite, cette taille de base peut être insuffisante dans les cas où la symétrie de l’environnement favorise des états spin-orbite mélangés en terme d’états propres |MJi. Dans ce cas, une base triple ζ avec polarisation peut être nécessaire.

Qualité des fonctions de base des seconds voisins

Pour finir, la qualité des fonctions de base des atomes reliant entre eux les atomes de la première sphère de coordination (aussi appelés seconds voisins), i.e. les atomes notés de C1à C11(Fig. 2.3), est testée avec les fonctions de base suivantes : 3s2p (DZ) et 3s2p1d (DZ+P). Du fait de la distance entre ces atomes et l’ion dysprosium(III), et donc du faible impact attendu de la qualité de leur traitement sur la description du comportement magnétique du complexe (1), aucune fonction de base triple ζ n’est testée. Dans cette étude, une base triple ζ avec polarisation est utilisée pour l’atome de dysprosium, des fonctions de base double ζ avec polarisation pour les atomes adjacents d’oxygène et d’azote, et des fonctions de base double ζ sans polarisation pour les atomes restants : 3s2p pour les atomes de carbone, d’azote et de fluor, 4s3p pour les atomes de soufre et 2s pour les atomes d’hydrogène.

Peu importe les fonctions de base utilisées, les différences expérience/théorie restent minimes (Fig. 2.11). Dans l’état fondamental, le degré d’axialité du tenseur d’anisotropie magnétique est élevé, avec des valeurs de gZ proches de 20 et en accord avec la valeur expérimental de 18.65. Ces va-leurs sont cohérentes avec les vava-leurs de susceptibilité obtenues à basse température (autour de 12 cm-3.K.mol-1), mais aussi avec la saturation de l’aimantation autour de 5N β à hauts champs, ou en-core avec une fonction d’onde principalement composée de l’état propre |MJi = | ± 15/2i. Enfin, pour les deux modèles, l’orientation de l’axe facile associé au tenseur d’anisotropie magnétique de l’état fondamental est en bon accord avec l’orientation déterminée expérimentalement.

La seule différence notable entre expérience et théorie apparait pour les états de plus haute énergie dans le spectre du multiplet fondamental6H15/2(Fig. 2.11). Ceci explique que la correspondance entre les courbes théoriques et expérimentale ne soit pas parfaite à haute température. Toutefois l’allure générale de la courbe est bien reproduite.

Pour le complexe (1) des fonctions de base double ζ sans polarisation semblent donc suffisantes pour les seconds voisins. Cependant, comme précédemment, cette qualité peut être insuffisante dans les cas où la symétrie de l’environnement favorise des états spin-orbite très mélangés en terme d’états propres |MJi. Dans ce cas, il est bien souvent suffisant d’ajouter des fonctions de polarisation aux fonctions double ζ.

Au final, le choix est fait d’utiliser une base triple ζ avec polarisation pour l’atome de dysprosium, des fonctions de base double ζ avec polarisation pour les premiers voisins et des fonctions de base

double ζ sans polarisation pour les atomes restants. Cependant, la taille de ces fonctions de base peut être amenée à changer avec le système étudié, notamment en fonction de la taille de ce dernier, de sa symétrie ou encore en raison d’interactions faibles et/ou supramoléculaires.

FIGURE 2.11 – Comparaison des grandeurs expérimentales avec les grandeurs calculées pour des fonctions de base double ζ sans polarisation (en bleu) et des fonctions de base double ζ avec po-larisation (en rose) sur les seconds voisins. En haut à gauche, les courbes de susceptibilité (entre 2 K et 300 K) et d’aimantation (à 2 K), avec en noir les courbes expérimentales brute et réévaluée (facteur 1,05) ; en bas à gauche, les valeurs principales du tenseur d’anisotropie magnétique de l’état fondamental avec la déviation entre les orientations de l’axe facile associé et de l’axe d’anisotropie magnétique mesuré (δ, en ), la composition de la fonction d’onde de l’état fondamental en terme d’états propres |MJi ; et à droite, les spectres énergétiques du multiplet fondamental6H15/2.