• Aucun résultat trouvé

Compétition entre la position de la molécule d’eau, l’environnement chimique

6.2 Influence de la molécule d’eau sur le comportement magnétique du complexe

6.2.2 Compétition entre la position de la molécule d’eau, l’environnement chimique

Maintenant que la rotation de l’axe d’anisotropie magnétique avec la rotation de la molécule d’eau autour de l’axe Dy-OH2O est établie, on cherche à comprendre les raisons de cette rotation, et plus précisément, à savoir si la molécule d’eau en est la seule maîtresse ou si l’environnement du complexe et/ou la symétrie moléculaire du complexe jouent également un rôle.

Pour ce faire, 4 nouveaux modèles structuraux sont considérés en plus des modèles (i) et (ii) (Fig. 6.4). Le modèle (iii) correspond au modèle (i) [ou (ii)] sans sa molécule d’eau en position apicale de l’ion dysprosium(III). Les modèles (iv), (v) et (vi) correspondent quant à eux à des analogues des modèles (i), (ii) et (iii) pour lesquels ce qu’on considère être l’environnement chimique proche du complexe (i.e. groupements carboxylates des molécules voisines et atomes de sodium) est éliminé (Fig. 6.4). Pour les modèles (i), (ii), (iv) et (v), la molécule d’eau est conservée perpendiculaire au plan du ligand DOTA4−.aLes résultats de l’étude ab initio pour ces 6 structures modèles sont résumés dans la figure (6.4) et dans le tableau (6.2).

Pour chacun des 6 modèles, il apparait que l’état fondamental possède toujours une anisotropie magnétique fortement axiale, avec une valeur de gZ relativement proche de 20, et systématiquement a. Si l’on souhaite rester dans le cadre d’une analyse simple et efficace, il est indispensable de travailler avec des

modèles structuraux simples, c’est-à-dire, dans le cas présent, de faire abstraction des résultats de l’optimisation de structure, qui tend à incliner la molécule d’eau par rapport à l’axe Dy-OH2O.

plus grande que les valeurs de gX et gY (Tab. 6.2). Concernant l’orientation de l’axe d’anisotropie magnétique associé, que l’environnement chimique du complexe soit inclus [modèles (i) et (ii)] ou pas [modèles (iv) et (v)] dans la description (Fig. 6.4), on constate que, comme précédemment (Fig. 6.3), la rotation de la molécule d’eau d’un angle de 90autour de l’axe Dy-OH2O est invariablement suivie d’une rotation de cet axe d’anisotropie magnétique.

FIGURE 6.4 – Représentation des modèles structuraux (i), (ii), (iii), (iv), (v) et (vi) associés au com-plexe (9). Pour tous ces modèles, l’axe vert correspond à l’axe d’anisotropie magnétique de l’état fondamental, et l’axe rose, à l’axe d’anisotropie magnétique du premier état excité.

Tableau 6.2 – Différence d’énergie entre l’état fondamental et le premier niveau excité du multiplet

6H15/2de l’ion dysprosium(III) (∆E / en cm−1) et valeurs des trois composantes principales du tenseur d’anisotropie magnétique associé pour chacun des 6 modèles considérés à l’état fondamental mais aussi au premier niveau excité.

(i) (ii) (iii) (iv) (v) (vi)

∆E 60 21 25 26 57 29 état fondamental gX 0.1 0.4 0.5 0.6 0.2 0.6 gY 0.1 1.4 2.5 2.2 0.4 2.4 gZ 19.6 18.5 17.7 17.9 19.4 17.7 1eétat excité gX 0.8 0.5 1.1 1.0 0.7 1.2 gY 0.9 1.0 1.4 1.3 1.0 1.2 gZ 18.4 17.7 16.4 16.6 18.4 16.6

En comparant cette fois les modèles [(i) et (iv)] et [(ii) et (v)] (Fig. 6.4), on constate que pour une même orientation de la molécule d’eau, l’axe d’anisotropie magnétique de l’état fondamental s’oriente dans la même direction. L’environnement chimique du complexe (i.e. les ions sodium et les

groupements carboxylates des molécules voisines) ne semble donc pas affecter en soi l’orientation de l’axe d’anisotropie magnétique de l’état fondamental. Cependant, pour les modèles (iii) et (vi), dépourvus de molécules d’eau, (Fig. 6.4), l’orientation de l’axe d’anisotropie magnétique de l’état fondamental n’est pas conservée d’un modèle à l’autre, suggérant cette fois que l’environnement chimique du complexe joue également un rôle dans la détermination de l’orientation de l’axe d’aniso-tropie magnétique du complexe (9). Pour les modèles (iii) et (vi), le changement d’orientation de l’axe d’anisotropie magnétique peut être rationalisé par la cartographie du potentiel électrostatique généré par les ligands qui entourent l’ion dysprosium(III) et par l’environnement chimique du complexe, dans le cas du modèle (iii) (Fig. 6.5).

FIGURE 6.5 – Représentation des cartes de potentiel obtenues pour les modèles (iii) et (vi), en ne tenant compte (a) que des charges atomiques, (b) que des moments dipolaires atomiques et (c) que des moments quadrupolaires atomiques [7]. Sur les cartes (a) et (c), les zones bleues correspondent à des potentiels plus négatifs que les zones rouges et inversement pour la carte (b). L’échelle de couleur est volontairement omise car on ne s’intéresse qu’à la forme du potentiel et non à l’intensité du potentiel. Ces cartes représentent le potentiel dans le plan parallèle au ligand DOTA4− contenant l’ion dyspro-sium(III), sur une surface de 1 Å× 1 Å, et sont centrées sur la position de l’ion dysprosium(III). La structure des modèles (iii) et (vi) est représentée à gauche dans la position pour laquelle le potentiel a été cartographié. L’orientation de la molécule est la même dans les deux modèles. L’axe d’aniso-tropie magnétique associé à l’état fondamental, déjà représentée sur la figure (6.4), est représenté en vert. L’axe d’anisotropie magnétique du premier état excité est représenté en rose. Les axes pointillés noirs sur les cartes (b) symbolisent le gradient de potentiel auquel se superpose l’axe d’anisotropie magnétique de l’état fondamental.

Sur les cartes ainsi obtenues (Fig. 6.5), on constate, tout d’abord, que la forme du potentiel généré par les charges ponctuelles et les moments quadrupolaires atomiques est relativement sphérique. Ces contributions ne semblent donc pas être à l’origine du changement d’orientation de l’axe d’anisotropie magnétique. Dans les cartes provenant de la contribution des moments dipolaires atomiques, une structure plus complexe est observée. Plus précisément, ces cartes ne sont pas de symétrie sphérique

mais possèdent plutôt un gradient linéaire qui se corrèle bien avec la direction de l’axe d’anisotropie magnétique de l’état fondamental (Fig. 6.4 et 6.5). En particulier, on constate que la carte obtenue pour le modèle (iii) est identique à celle obtenue pour le modèle (vi), à une rotation de 90près, expliquant finalement la rotation de l’axe d’anisotropie magnétique observée entre ces deux modèles. En d’autres termes, le fait de tenir compte de l’environnement chimique du complexe entraine des changements dans la forme du potentiel électrostatique, eux-même responsables du changement d’orientation de l’axe d’anisotropie magnétique du complexe (9).

Une hypothèse possible est donc que l’orientation de l’axe d’anisotropie magnétique de l’état fondamental du complexe (9) dépende à la fois de l’orientation de la molécule d’eau et de l’envi-ronnement chimique du complexe, mais que l’effet de la molécule d’eau prenne le pas sur celui de l’environnement chimique du complexe. De cette façon, il est possible d’expliquer que l’orientation de l’axe d’anisotropie magnétique de l’état fondamental du complexe (9) est conservée entre les modèles [(i) et (iv)] et [(ii) et (v)], mais pas entre les modèles [(iii) et (vi)]. Pour confirmer cette hypothèse, le potentiel électrostatique est également cartographié pour les modèles [(i) et (iv)] et [(ii) et (v)]. Cependant, la perturbation apportée par la molécule d’eau complique considérablement la forme du potentiel électrostatique généré autour de l’ion dysprosium(III). De ce fait, il n’est donc pas possible, à partir de ces cartes, de tirer de conclusion définitive sur la force relative des effets de la molécule d’eau et de l’environnement chimique du complexe.

De façon intéressante, pour les différents modèles considérés (i-vi), on constate que l’anisotropie magnétique du premier état excité est elle aussi fortement axiale, avec une valeur de gZproche de 20, et systématiquement plus grande que les valeurs de gX et gY (Tab. 6.2). Energétiquement parlant, ce premier état excité est toujours très proche de l’état fondamental, avec des barrières allant de moins de 20 cm−1 à 60 cm−1(Tab. 6.2). On constate également que l’axe d’anisotropie magnétique associé à ce premier état excité s’oriente systématiquement à 90de l’axe d’anisotropie magnétique de l’état fondamental (Fig. 6.4). A ce stade, il ne semble donc y avoir que deux orientations possibles pour l’axe d’anisotropie magnétique du complexe (9), de sorte que celle qui n’est pas associée pas à l’état fondamental l’est forcément au premier niveau excité.

Cependant, pour les deux orientations de la molécule d’eau choisies pour les modèles [(i) et (iv)] et [(ii) et (v)], il apparait que l’axe d’anisotropie magnétique de l’état fondamental du complexe (9) est toujours orienté perpendiculairement au plan de cette même molécule d’eau (Fig. 6.4). On peut donc se demander s’il n’existe vraiment que deux orientations possibles pour cet axe, ou si, au contraire, sa direction n’est pas plutôt gouvernée par l’orientation de la molécule d’eau (i.e. toujours perpen-diculaire à cette dernière), rendant infini le nombre de directions possibles pour l’axe d’anisotropie magnétique.

Pour tenter de répondre à cette question, de nouvelles orientations de la molécule d’eau sont considérées. En prenant comme référence le modèle (iv), pour lequel l’environnement chimique du complexe est négligé (i.e. les ions sodium Na+ et les groupements carboxylates de molécules voi-sines), la molécule d’eau est tournée autour de l’axe Dy-OH2Ode 30, 60, 90(ce qui correspond en fait au modèle (v)), 120et 150. Pour toutes ces orientations, on s’intéresse en particulier à l’orien-tation de l’axe d’anisotropie magnétique de l’état fondamental, ainsi qu’à la valeur gZ du tenseur d’anisotropie magnétique (Fig. 6.6).

envi-sagées de la molécule d’eau, sauf pour la rotation de 150, où l’anisotropie magnétique s’avère être planaire. En se restreignant aux cas où l’anisotropie magnétique est bien axiale, on constate qu’il n’existe bien que deux directions possibles pour l’axe associé, à 90 l’une de l’autre (Fig. 6.6), et en accord avec les orientations déterminées précédemment (Fig. 6.4). La transition entre ces deux orientations semble pouvoir se faire de deux façon différentes : soit de façon relativement abrupte, tel que c’est le cas entre les rotations à 30et 60; soit de façon plus douce, en passant par une situation d’anisotropie planaire, tel que c’est le cas pour la rotation de 150.

FIGURE 6.6 – Evolution de l’orientation de l’axe d’anisotropie magnétique (en noir) par rapport à l’orientation déterminée pour le modèle (iv) et de la valeur de la composante gZ(en rouge) pour l’état fondamental du système, en fonction de l’angle de rotation de la molécule d’eau autour de l’axe Dy-OH2O. La ligne pointillée symbolise le fait que, pour un angle de 150, l’anisotropie n’est pas axiale mais planaire. On ne peut donc pas parler d’angle de déviation à proprement parler.

Clairement, il semble que l’influence de la symétrie moléculaire du complexe est déterminante pour l’orientation de l’axe d’anisotropie magnétique de l’état fondamental, puisque peu importe la position de la molécule d’eau, il n’existe que deux directions privilégiées pour l’axe d’anisotropie magnétique, à 90 l’une de l’autre (Fig. 6.4 et 6.6). Le fait de n’observer que deux orientations pri-vilégiées semble directement lié à la symétrie moléculaire d’ordre 4 du complexe (9). L’hypothèse selon laquelle la symétrie moléculaire du complexe (9) stabilise intrinsèquement deux orientations possibles pour l’axe d’anisotropie magnétique de l’état fondamental est en quelque sorte confirmée. Au final, la symétrie moléculaire du complexe, la molécule d’eau et l’environnement chimique du complexe jouent un rôle dans l’orientation prise par l’axe d’anisotropie magnétique. Les effets de la symétrie moléculaire du complexe et de la molécule d’eau semblent cependant plus importants que celui de l’environnement chimique du complexe.