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Corrélation de l’orientation de l’axe d’anisotropie magnétique avec les liai-

4.2 Elucidation de l’orientation de l’axe d’anisotropie magnétique

4.2.2 Corrélation de l’orientation de l’axe d’anisotropie magnétique avec les liai-

Afin de compléter l’étude présentée dans le paragraphe précédent, on envisage maintenant la pos-sibilité que les protons impliqués dans les liaisons hydrogène puissent se trouver dans une configu-ration antisymétrique, i.e. que pour l’une des molécules d’eau, ce proton soit positionné à proximité

de l’atome d’oxygène de cette même molécule d’eau, et pour l’autre molécule d’eau, qu’il soit posi-tionné à proximité de l’atome d’azote de la molécule de 4-styryl-pyridine. Deux nouveaux modèles structuraux sont considérés : (iv) et (v).Dans le modèle (iv) les deux atomes d’hydrogène se situent respectivement à 0.91 Å et 1.82 Å de l’atome d’azote de la molécule de 4-styryl-pyridine voisine. Inversement dans le modèle (v)(Fig. 4.8).Comme seul un des deux ions dysprosium(III) est traité comme tel dans le calcul (voir annexe p. 130), et comme, pour un même ion dysprosium(III), les deux distances Dy-OH2O ne sont pas strictement identiques (2.336 Å et 2.338 Å), ces deux modèles sont bien différents.

FIGURE 4.8 – Représentation de la structure chimique associée aux modèles (iv) et (v), avec un schéma pour la disposition des atomes d’hydrogène. Les atomes d’hydrogène impliqués dans les liaisons hydrogène de part et d’autre de la molécule sont représentés en bleu sur le schéma du modèle (iv) et en rouge sur le schéma du modèle (v).

De telles configurations vont cependant à l’encontre des considérations de symétrie sur le com-plexe (4), puisqu’elles font fi du centre d’inversion de la molécule. Plusieurs hypothèses permettent cependant d’envisager malgré tout ces configurations anti-symétriques. Par exemple, on pourrait considérer une maille cristalline avec non pas une mais deux unités moléculaires dont les protons seraient disposés anti-symétriquement. Dans ce cas, en déplaçant le centre d’inversion entre deux molécules voisines, il est finalement possible de conserver le groupe d’espace P1 du complexe (4). Dans un autre registre, il est également possible que le proton ne soit pas statique mais en mouve-ment perpétuel entre deux positions extrêmes. Dans ce cas, si la fréquence d’oscillation du proton est

suffisamment importante, on peut espérer qu’intrinsèquement la symétrie ne soit pas affectée. Dans l’éventualité d’une telle dynamique, des effets tunnel quantique sont également à envisager pour per-mettre le passage d’une configuration à l’autre, en particulier pour les molécules aimants à base d’ions lanthanide trivalents, où de tels effets sont souvent observés.

Les résultats obtenus pour ces deux nouveaux modèles sont résumés dans le tableau 4.1. Dans les deux cas, l’anisotropie magnétique de l’état fondamental est fortement axiale avec des valeurs de gZ (i.e. 19.66 et 18.87 respectivement) proches de 20. Egalement, pour les deux modèles, l’état fondamental est presque exclusivement composé de l’état propre |MJi = | ± 15/2i, tout comme le suggère la simulation des données de magnétométrie (Stevens). Enfin, le premier état excité est plus ou moins bien placé à chaque fois : environ 40 cm−1 trop haut en énergie pour le modèle (iv) et environ 20 cm−1trop bas en énergie pour le modèle (v). Les courbes de susceptibilité et d’aimantation sont quant à elles semblables à celles obtenues pour les modèles (i) et (iii) (non reproduites).

Malheureusement, concernant l’orientation de l’axe d’anisotropie magnétique de l’état fondamen-tal, les deux modèles conduisent à une orientation à nouveau déviée d’environ 45 de l’orientation déterminée expérimentalement (Fig. 4.8). Pour le modèle (iv), la direction obtenue est proche de celle obtenue pour le modèle (iii). Par contre, pour le modèle (v), l’orientation est différente, i.e. intermé-diaire entre celles des modèles (i) et (iii).

FIGURE 4.9 – Représentation de l’orientation des axes d’anisotropie magnétique associés aux ions dysprosium(III) du complexe (4). Les axes noirs correspondent aux axes déterminés expérimentale-ment, les axes bleus, à ceux issus de la moyenne des orientations obtenues pour les modèles (i), (iv) et (v), et les axes rouges, à ceux issus de la moyenne pondérée des orientations obtenues pour les modèles (i), (iv) et (v).

En considérant maintenant la différence d’énergie absolue (ab initio) entre les différents modèles considérés (i-v), il apparait que le modèle (iv) est le plus stable, suivi des modèles (v) et (i), respecti-vement 62 cm−1et 217 cm−1plus hauts en énergie (Tab. 4.1 et Fig. 4.10). Les modèles (ii) et (iii) sont quand à eux beaucoup plus hauts en énergie (> 2000 cm−1). A température ambiante (via l’agitation thermique du système), il est donc possible de peupler les micro-états de plus basse énergie du mul-tiplet 6H15/2 pour les modèles (i), (iv) et (v). Cependant, la moyenne des orientation obtenues pour l’état fondamental de chacun des trois modèles est loin d’être en accord avec l’orientation déterminée

expérimentalement, avec un écart de 63 (i.e. axes noirs et bleus de la figure 4.9). On décide donc de pondérer cette moyenne par la probabilité de population de l’état fondamental des modèles (i), (iv) et (v). Cette probabilité est calculée par l’intermédiaire d’une loi de Boltzmann. La figure (4.11) représente l’évolution de la différente entre les axes d’anisotropie magnétique déterminés expérimen-talement et par pondération des orientations ab initio pour l’état fondamental des modèles (i), (iv) et (v).

FIGURE 4.10 – Représentation schématique des niveaux énergétiques fondamentaux des modèles (i), (iv) et (v) (lignes noires pleines). Les flèches grises représentent l’éclatement énergétique total du multiplet fondamental 6H15/2 pour chacun des modèles. La ligne pointillée rouge correspond à une température de 300 K. La ligne pointillée bleue correspond à une température de 110 K (i.e. température de trempe effectuée pour réaliser les mesures de magnétométrie.

On constate qu’il n’y a qu’à haute température, entre 200 K et 300 K que la différence entre les deux axes d’anisotropie est de l’ordre de la vingtaine de degrés voire inférieur, c’est-à-dire de l’ordre de la barre d’erreur expérimentale (Fig. 4.11). A basse température (entre 2 K et 10 K), i.e. la gamme de température dans laquelle l’orientation est déterminée expérimentalement, la déviation est par contre importante (Fig. 4.11). Cependant, pour effectuer une telle mesure, l’échantillon subit une chute brutale de sa température entre 300 K et 110 K, qui correspond à son entrée dans le magné-tomètre SQUID. Dans ce contexte, pour rationaliser l’orientation de l’axe d’anisotropie magnétique observée expérimentalement, on peut envisager deux hypothèses. Tout d’abord, on peut supposer qu’il existe une dynamique de relaxation très rapide entre les puits de potentiel associés aux modèles (i), (iv) et (v), et qu’en abaissant brusquement la température du système, la probabilité de population associée aux modèles (i), (iv) et (v) est figée, i.e. elle est la même à basse température qu’à tempéra-ture ambiante. Le modèle (i) possède en effet une énergie plus grande que l’énergie thermique (217 K contre 110 K), se retrouvant donc isolé des modèles (iv) et (v) à 110 K. Le modèle (v) semble, quant à lui, pouvoir encore être lié au modèle (i) à 110 K, puisque son énergie n’est que 62 K plus

importante que celle du modèle (i). Cependant, au vu des énergies associées aux modèles (ii) et (iii), il y a fort à parier que la barrière séparant les modèles (iv) et (v) dépasse l’énergie thermique (i.e. 110 K). Il est donc possible que l’orientation de l’axe d’anisotropie déterminée expérimentalement corresponde à la moyenne pondérée des orientations associées aux modèles (i), (iv) et (v) (Fig. 4.11). Dans un second temps, on peut également envisager l’existence de phénomènes de relaxation passant sous les barrières énergétiques qui séparent les modèles (i), (iv) et (v), i.e. par effet tunnel. De tels phénomènes, qui impliquent les micro-états du multiplet fondamental6H15/2 autres que le multiplet fondamental, ne sont en effet pas inclus dans le modèle de Boltzmann, mais pourraient venir perturber la probabilité de population associée aux différents modèles. En effet, chacun de ces états possède une anisotropie magnétique qui lui est propre et une probabilité de population qui n’est pas nul à 110 K.

FIGURE 4.11 – Représentation de l’évolution de l’orientation de l’axe d’anisotropie magnétique obtenue par pondération des orientations calculées pour les modèles (i), (iv) et (v) avec la température. Cette évolution est suivie par l’intermédiaire de l’angle qui sépare l’orientation des axes expérimental et théorique.