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Le commerce parallèle, remède inefficace aux disparités réglementaires

Section 2 : L’irrémédiable cloisonnement des marchés nationaux illustré

II. Le commerce parallèle, remède inefficace aux disparités réglementaires

Le commerce parallèle des produits de santé se trouve entravé du point de vue tant théorique (A), que pratique (B), et ne saurait constituer un catalyseur viable d’extension des marchés géographiques en la matière. 


A. Le commerce parallèle, remède inadapté sur le plan théorique

La notion « d’homogénéité », requise afin de délimiter des marchés géographiques, et utilisée par la CJUE dans sa définition , n’est pas conçue par celle-ci de façon restrictive, comme une exigence d’identité stricte dans 272

les conditions de concurrence à l’intérieur d’un marché géographique fini. Il suffit que les différences entre les zones géographiques ne soient pas de nature à entraver l’accès à certaines parties de ce marché aux firmes opérant dans d’autres parties du marché . Le critère central est donc la possibilité pour l’acheteur, quelle que 273

soit sa localisation au sein d’un marché géographique donné, de se procurer des produits auprès de fournisseurs établis ailleurs dans ce marché. Allant à l’encontre de ce raisonnement, la Commission a considéré à plusieurs reprises que l’existence de conditions de concurrence non similaires suffit à établir des marchés séparés, sans qu’il soit nécessaire d’examiner si ces différences donnent lieu à des entraves aux échanges.

La logique de l'arrêt Hilti portant sur des produits alimentaires, produits anodins, consistant à considérer que les disparités de prix d’un État Membre à un autre, sont la manifestation d’échanges parallèles encore trop sous- développés , ne saurait être transposée aux produits de santé. En effet, tel que rappelé précédemment, le prix 274

résulte d’un enchaînement de prises de décisions et de négociations entre les fabricants de ces produits et les régimes nationaux d’assurance maladie. D’une part, l’effet réel d'uniformisation des prix résultant du commerce parallèle est remis en question . D’autre part, le commerce parallèle des produits de santé, s’il garantit parfois 275

l’accès abordable dans certains États membres à plusieurs produits de santé, ne saurait à lui seul homogénéiser le facteur prix entre ces États. Si les importations parallèles favorisent la concurrence intra-marque sur le marché de gros de l’approvisionnement en produits de santé, son impact réel sur l’étendue du marché géographique est en débat. Cet obstacle théorique se double d’un obstacle pratique.

CJCE, 8 avril 2003, Pippig Augenoptik GmbH & Co. KG contre Hartlauer Handelsgesellschaft mbH et Verlassenschaft nach dem verstorbenen 271

Franz Josef Hartlauer, C 44/01, pt. 63 CJCE, United Brands, op. cit. 272

BLIN, J-P., op. cit. 273

Ibid 274

Competition Council of the Republic of Lithuania, 17 décembre 2003, Press Release on the liberalization of a pharmaceutical market, « The 275

Lithuanian Competition Council closes an investigation an accepts remedies on vertical restraints implemented by several pharmaceutical undertakings and gives a recommendation to the Ministry of Health on ways to promote parallel imports of pharmaceuticals »

B. Le commerce parallèle, remède inadapté sur le plan pratique

La formation des prix entre États membres constitue donc un obstacle théorique à la « démocratisation » du commerce parallèle et de son potentiel d’homogénéisation des conditions de vente. Plusieurs obstacles pratiques se dressent également en matière de produits de santé. D’une part, la réception du commerce parallèle dans les législations nationales est fluctuante. Certains États, à l’image du Royaume-Uni et des Pays-Bas ont conçu leurs systèmes de telle sorte que le pharmacien et les systèmes de sécurité sociale tirent un avantage financier à promouvoir les produits importés. L’Allemagne, quant à elle, impose depuis 2002, légalement et contractuellement, un quota de délivrance de produits importés . Cette différence de législation s’explique par 276

la perception qu’ont les différents États du rôle des grossistes-exportateurs mais également des purs-exportateurs. De nombreux États se montrent hostiles à l’égard du commerce parallèle par crainte que ces derniers n’exploitent les différences de prix afin d’en tirer un quelconque bénéfice, et ce avant même de s’acquitter de leurs obligations de service public de fourniture des produits de santé. En se montrant hostiles ou tout du moins indifférents face aux pratiques de commerce parallèle, les États membres neutralisent les effets « décloisonnants » de telles pratiques .

Les laboratoires et industriels s’adonnent en outre à des pratiques visant à restreindre le potentiel du commerce parallèle. Si ces pratiques seront étudiées ultérieurement, elles comptent parmi elles le refus de vente, le contingentement, mais aussi le reconditionnement des produits. Les fabricants tentent en effet d’enrayer ces importations qui minimisent les profits de leurs filiales dans les États où les prix pratiqués sont élevés. Les laboratoires ont notamment justifié leurs comportements comme prévention du free-riding.

Les positions prises par les autorités de concurrence ne permettent néanmoins pas systématiquement de définir une solution claire quant aux diverses stratégies mises en œuvre par les fabricants pour tenter de limiter ce commerce parallèle . Tantôt les autorités de concurrence sanctionnent les fabricants s’adonnant à des pratiques 277

visant à neutraliser le commerce parallèle, tantôt celles-ci justifient pleinement leurs comportements. Si l’analyse contextuelle à laquelle s’adonnent les autorités de concurrence abonde dans le sens d’une plus grande réception des spécificités sanitaires , le commerce parallèle ne saurait définitivement être qualifié de catalyseur d’une 278

homogénéisation des conditions de marché entre États Membres. En l’absence d’harmonisation réelle à l’échelle de l’Union, les initiatives privées visant à contourner l’hétérogénéité des législations sont légion. Les réactions des autorités de concurrence, convergeant généralement en faveur des restrictions apportées par les pouvoirs publics nationaux, sont donc un mal nécessaire en l’absence de volonté politique unifiée à l’échelle de l’Union.

VAN DEN BRINK H., FALLET P., « Les importations parallèles de médicaments au sein de l’Union européenne présentent-elles une menace 276

pour la santé publique ? », Revue générale de droit médical, n°33, décembre 2009, pp. 349-364 ANCELIN, O., op. cit.

277

DAWES, A., « Chronique sous CJCE, gr. ch., 16 septembre 2008, aff. jtes C-468/06 à C-478/06, Lélos kai Sia EEG », Revue De l’Union 278

Européenne, n° 4, Dalloz, p. 847, « les importateurs parallèles de médicaments ne peuvent plus trouver refuge dans une jurisprudence sans aucune relation avec les caractéristiques particulières de ce secteur et qu’une entreprise pharmaceutique détenant une position dominante doit pouvoir adopter les mesures raisonnables et proportionnées à la nécessité de préserver ses propres intérêts commerciaux ».

§ 2 : L’e-commerce des produits de santé, dépassement des frontières nationales cantonné par les pouvoirs publics

L’e-commerce en santé constitue un domaine d’application des technologies de l’information et de la télécommunication au service de la santé . Cette pratique présente le potentiel de bouleverser la façon dont les 279

autorités de concurrence appréhendent le marché géographique et de les inciter à fonder leur analyse sur des critères différents (I). Ces autorités, si elles ont reconnu le potentiel du commerce de produits en ligne veillent cependant à l’encadrer de façon stricte et renvoient presque unanimement à une compartimentation des marchés (II).

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