• Aucun résultat trouvé

Chapitre 3 : Les caractéristiques des systèmes écrits des langues arabe et portugaise

2. La langue portugaise

Le portugais est la langue officielle de plusieurs pays dits lusophones et subit de ce fait des variations importantes. Les grammaires portugaises distinguent ainsi deux normes linguistiques, celle du portugais du Brésil et celle du portugais européen, en vigueur au Portugal et dans les pays lusophones d’Afrique et d’Asie (Teyssier, 1992). Les différences entre le portugais

59 brésilien et européen concernent tous les aspects de la langue. Cette diversité ne remet toutefois pas en cause l’unité de la langue portugaise (Cortez Gomes, 1997; Teyssier, 1992). Ainsi, nous opterons pour la norme brésilienne, puisque c’est au Brésil qu’ont eu lieu les expérimentations. L’acception générique du terme portugais ou langue portugaise sera toutefois adoptée de manière à mettre en valeur l’unité de cette langue.

D’autre part, dans les pays d’Afrique et d’Asie où il est pratiqué, de même que dans certaines régions du Brésil et du Portugal, le portugais est en contact avec d’autres langues. Ce contact a favorisé la créolisation de la langue portugaise, à tel point que le portugais créole est une langue reconnue dans certains pays d’Afrique (Cap Vert, São Tomé et principe, Guinée-Bissau), qui connaissent des situations de diglossie. Cependant, ce phénomène reste relativement circonscrit et ne correspond pas à la situation linguistique majoritaire du Brésil et du Portugal.

Un bref aperçu descriptif du système écrit du portugais permettra de mettre en évidence les différences avec le système arabe et les relations de proximité avec les autres langues romanes notamment le français.

2.1 Le système écrit du portugais

2.1.1 Caractéristiques orthographico-phonologiques

Le portugais utilise, comme le français, l’alphabet latin. Le système de correspondance graphophonologique de ces deux langues est donc grossièrement assez similaire. Cependant, quelques précisions peuvent être apportées.

L’alphabet du portugais ne comporte, normalement, que 23 lettres, car les lettres K, W et Y n’en font pas partie. Elles sont toutefois employées pour transcrire des mots étrangers et leurs dérivés portugais (wagneriano = wagnérien). Les redoublements se limitent aux lettres S (de façon à obtenir, comme en français, le phonème [σ] entre deux voyelles) R (qui devient grasseyé entre deux consonnes) et éventuellement C. Notons également l’utilisation de plusieurs digrammes, dont certains sont les mêmes qu’en français (e.g. <ch> se prononçant toujours [Σ]) mais d’autres non. On trouve ainsi en portugais le digramme <lh> [×] et <nh> [⎟], ce dernier étant de même valeur que le digramme <gn> français, cette séquence se prononçant pour sa part toujours [γν] en portugais. De façon beaucoup plus systématique qu’en français, la lettre H en situation isolée est muette (Cantel, 1999) et la seule que l’on peut clairement répertorier comme telle en brésilien. Mais, si le portugais présente très peu de lettres muettes, plusieurs graphèmes sont inconsistants. Parmi les exemples, témoignant en outre de différences par rapport au français, nous pouvons citer les graphèmes :

60 - T et D prononcés [τ] et [δ] mais pouvant aussi être palatalisés (i.e. prononcés [τσ] et [δΖ]),

- L correspondant au phonème [λ] lorsqu’il n’est pas dans un digramme mais qui subit une forte

vocalisation en fin de syllabe ([ω] par exemple dans Brasil).

- X correspondant selon les cas aux consonnes ou groupes consonantiques [Σ] (abacaxi

[ β ∪α∪Σι] = ananas), [ζ] (exercício [ιζ↔ρ∪σισϕυ] = exercice) ou [κσ] (táxi [∪τακσι]= taxi) (Teyssier, 1992).

Le système phonétique du portugais se caractérise, d’une part, par sa richesse et sa complexité vocalique. Les voyelles représentent, en effet, dans le discours, environ 47% des phonèmes (Morais-Borbosa, 2007). On y trouve une abondance de diphtongues et de voyelle nasalisées. Cette nasalisation est souvent notée graphiquement à l’aide du tilde « ˜ » suscrit sur les lettres A et O (mãe [∪µ∫∫ ∫∫ι]= mère ; corações [κυρ ∪σõιΣ]= cœurs). Cependant, la structure syllabique des

mots portugais reste simple, comparée à celle d’autres langues comme l’anglais (Seymour et al., 2003).

Le portugais est une langue à forte accentuation tonique, à la fois en durée et en intensité (Cantel, 1999). Dans les mots plurisyllabiques, l’accent tonique peut porter sur la dernière ou l’avant dernière syllabe selon la terminaison du mot, mais aussi sur la syllabe antépénultième. La syllabe accentuée peut être graphiquement marquée à l’aide d’un signe diacritique suscrit (un accent aigu ou circonflexe), notamment dans le cas où l’accentuation fait exception aux règles des terminaisons. L’accent tonique a une importance fondamentale en portugais. En effet, si l’on en fait abstraction, de nombreux mots deviennent homographes et inintelligibles (e.g. cântara

[∪κ νταρα]= cruche, cantara [κ ν∪ταρα]= il avait chanté, cantará [κ ντα∪ρα]= il chantera).

Ainsi, l’écriture du portugais complète le système alphabétique de plusieurs marques diacritiques indispensables pour prononcer et lire correctement les mots, mais contrairement à l’arabe, ces éléments font partie intégrante du système d’écriture et ne peuvent être éludés.

2.1.2 Caractéristiques morphologiques

Comme cela est apparu dans le domaine graphophonologique, le portugais partage avec le français de nombreuses similitudes morphologiques. Ainsi, le système de construction interne des mots portugais est concaténatif. Les mots morphologiquement complexes sont composés

61 d’une base ou d’un radical auquel s’affixe un ou des morphèmes liés. Ces affixes peuvent être en portugais des préfixes (accolés avant la base) ou des suffixes (accolés après la base).

Bechara (2002) explique, d’une part qu’en portugais, le processus de dérivation lexicale s’effectue généralement à l’aide de radicaux de type latin et parfois de radicaux spécifiques au portugais, lorsque ces derniers reflètent une évolution propre à la langue, d’autre part que les principaux préfixes sont d’origine latine et grecque. Il en recense plus d’une soixantaine. L’application des suffixes apparaît en revanche plus complexe à définir et moins régulière. Plus de 150 suffixes sont répertoriés dans son ouvrage, dont de nombreux homophones et homonymes. Parmi ces affixes, et même parmi les bases, une ressemblance peut être trouvée avec la construction de mots en français (in/corrigível = incorrigible ; en/terrar = enterrer ;

re/ssaltar = ressortir ; dent/ista = dentiste ; sorvet/eria = sorbetière ; folh/agem = feuillage).

Ainsi, on retrouve dans ces deux langues de nombreux morphèmes identiques (e.g : trans-, sub- …) mais d’autres ont subi des modifications plus ou moins importantes ou sont étymologiquement différents (e.g. sobre- = super- en français ; -inha : diminutif51).

Concernant la morphologie flexionnelle, les principes sous-jacents aux règles de construction sont comparables à celles du français ou d’autres langues indo-européennes. Les marques flexionnelles du portugais sont toujours suffixées. Celles portées par les verbes peuvent apporter des informations sur le temps (passé, présent, futur), le mode (indicatif, impératif, subjonctif, infinitif), l’aspect (inconclu, conclu, habituel etc.) ainsi que la personne (1e, 2e et 3e) et son nombre (singulier, pluriel) (Morais-Borbosa, 2007). Pour une même conjugaison, les diverses désinences sont toutefois moins nombreuses qu’en arabe (six au total), du fait de l’absence du duel et d’une même forme fléchie au masculin et au féminin.

En ce qui concerne les flexions nominales et adjectivales, il est possible de remarquer la relative productivité du marquage de genre « o/a » et la systématicité de la marque « –s » du pluriel, flexions que l’on retrouve également sur les articles et de nombreux pronoms (um/uma/uns/unas = un/une/des. ; cujo/cuja/cujos/cujas = dont) (Morais-Borbosa, 2007 ; Teyssier, 1992)

En portugais, contrairement au français les marques flexionnelles sont généralement perceptibles

à l’oral (e. g : « Ele colhe uma bela flor »

☯ il cueille une jolie fleur ; « Eles

colhem belas flores » ☯ = ils cueillent

des jolies fleurs). Le portugais se caractérise donc par une absence de morphogrammes.

51 Les grammaires portugaises soulignent la disposition du portugais à utiliser les suffixes augmentatifs ou diminutifs. Ces nuances affectives peuvent ainsi apparaître dans de nombreux morphèmes.

62

2.1.3 Quelques caractéristiques syntaxiques

La langue portugaise est une langue à ordre relativement fixe avec comme structure canonique la séquence SVO (Cortez Gomes, 1997). Elle n’échappe également pas aux règles d’accord sujet/verbe (os gatos morreram = les chats moururent) et article/nom/adjectif (estas gatas

pequenas = ces petites chattes). Elle accepte favorablement l’omission des pronoms personnels

sujets, les désinences verbales donnant généralement suffisamment d’informations pour identifier l’agent (Cantel, 1999). Il existe en portugais plusieurs temps composés ou périphrases verbales. Parmi les plus utilisés, se trouvent :

- le passé composé (prétérito perfeito composto) exprimant la continuité d’un évènement jusqu’à un moment présent. Il est formé à l’aide d’un seul auxiliaire (ter) et du participe passé, qui est, dans ce cas, toujours invariable (e.g. Maria tem saído = Marie est sortie).

- la forme estar + gérontif (ou participe présent, également invariable), exprimant le déroulement d’une action en cours (e.g. estou escrevendo = je suis en train d’écrire).

Enfin, notons la présence de formes contractées, telles que l’intégration d’un pronom à une préposition (e.g. de + ele = dele, de lui, com + mim = comigo avec moi).

63

Chapitre 4 : Dimensions phonologique, morphologique,