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E LABORATION D ’ UNE DEMARCHE ANALYTIQUE DU DEVELOPPEMENT TERRITORIAL

3. L A PROTECTION DE LA NATURE COMME INSTRUMENT DE LA CONSTRUCTION DU DEVELOPPEMENT TERRITORIAL

3.1. E LABORATION D ’ UNE DEMARCHE ANALYTIQUE DU DEVELOPPEMENT TERRITORIAL

Derrière l’emploi du vocable de développement territorial, nous voulons éviter toute digression conduisant à alimenter « l’inflation sémantique »76 de l’usage des termes de territoire comme de développement. L’établissement de définitions précises des deux termes est donc une étape préalable indispensable.

75 VOURCH A., 1989, "Survie des espaces naturels", in Actes du Colloque franco-espagnol sur les espaces

naturels, MAPA, Madrid, 950 p. ; FRITZ-LEGENDRE M., 1997, La protection de la biodiversité en droit international et en droit comparé, Thèse de Droit public, Université de Dijon.

76 RIPOLL F. & VESCHAMBRE V., 2000, "Face à l’hégémonie du territoire : éléments pour une réflexion

critique", communication aux journées d’étude "Peut-on lire les territoires", Centre de recherche Ville, société, territoire, Université F. Rabelais, Tours, 9-10/2000.

Nous savons que tout objet de recherche spatialisé ne peut être qualifié de territoire. Par l’emploi de ce terme dans l’expression de "développement territorial", nous faisons ici référence aux processus de gestion et d’organisation de l’espace œuvrant dans le cadre de l’action collective, et non pas à un découpage associé à une préconstruction de l’espace (prescription territoriale). Savoir si le territoire n’est que le produit d’interactions sociales ou si d’autres éléments qui lui préexistent sont à prendre en compte constitue l’une des problématiques "métaphysiques" de la géographie77, d’autres disciplines participant activement à cette réflexion. Nous nous appuyons tout d’abord sur une définition générale du territoire, comme celle proposée par exemple par Alain Chauvet78 :

« Le territoire est d’abord une étendue de la surface terrestre occupée et artificialisée par un groupe humain selon des stratégies qui s’expriment concrètement dans des lieux et des paysages. […] C’est à partir du moment où une société entreprend une œuvre de structuration des lieux que l’œkoumène, espace terrestre et artificialisé, devient véritablement un territoire, espace terrestre organisé et polarisé. »

Joël Bonnemaison nous rappelle néanmoins que « le territoire est bien autre chose qu’un espace clos protégé par une frontière » ; celui-ci peut être pensé comme « un ensemble de lieux hiérarchisés connectés à un réseau d’itinéraires […] la combinaison d’un espace social produit et d’un espace culturel animé »79. A l’instar de Guy di Méo, nous considérons le territoire comme un construit social80 et non comme un espace institutionnalisé, finalisé et "géographiquement indispensable".

Nous nous inscrivons dans l’interprétation proposée par Claude Raffestin qui admet que la construction d’un territoire s’accompagne toujours de la production de systèmes de signes et de représentations propres81, et correspond à un processus de discrimination. Les économistes du territoire vont eux aussi dans le sens de cette acception82. Selon ce postulat, les processus de construction puis de dynamisation d’un territoire reposent d’abord sur la singularisation d’un dedans par rapport à un extérieur.

Le territoire se nourrit des constructions précédentes. Il se caractérise d’une certaine manière comme ce qui survit aux mobilités et aux mutations de

77 Objet de recherche qui, rappelons-le, n’a finalement été introduit dans le champ conceptuel de la

géographie que tardivement par rapport à d’autres sciences, naturelles (écologie, éthologie) mais aussi sociales (ethnologie, anthropologie sociale).

78 CHAUVET A., "L’image des campagnes de demain dans les stratégies territoriales d’aujourd’hui",

Cahiers de géographie sociale, n° 12, p 473-481.

79 BONNEMAISON J., 1981, "Voyage autour du territoire", L’Espace géographique, n°4, p. 249-262. 80 DI MEO G., 1998. Géographie sociale et territoires, Nathan Université, Paris, 318 p.

81 RAFFESTIN Cl., 1980, op. cit.

l’organisation de l’espace. Comme produit d’une mise en relation des pratiques d’acteurs, il traduit surtout l’interpénétration localisée de la sphère sociale et de la sphère physique. Un territoire est donc par nature singulier. C’est un processus qui évoque une proximité et une interdépendance entre acteurs sociaux et agents physiques. Selon cette acception, son étude peut dès lors être appréhendée comme une construction systémique. Nous retiendrons surtout l’idée qu’il sert un projet porté par celui qui le revendique. Claude Raffestin nous enseigne que « le territoire est le résultat d’une action conduite par un acteur syntagmatique […] c’est un lieu de relations »83. Il y aurait donc un objectif dans le territoire.

Dans la même perspective, la notion de développement est envisagée comme un construit social. Nous percevons d’abord l’idée de développement comme l’expression d’un processus fondé sur la mise en œuvre d’un choix collectif84. Nous savons aussi que l’idée de développement renvoie à l’existence de processus de reproduction, de créativité et d’innovation permettant la conduite d’actions susceptibles d’augmenter la qualité de vie d’une communauté. Le développement est d’abord un déplacement.

Territoire et développement sont donc tous deux appréhendés comme des constructions sociales. La combinaison des deux notions, le développement territorial, apparaît comme la coordination de leurs actions par des acteurs opérant sur un espace conjoint. Le développement territorial est un processus qui se caractérise comme « un changement généré par les réorganisations des rapports sociaux, la construction d’une capacité d’action territorialisée et par la saisie et l’appropriation d’opportunités ». Nous ne débattrons pas sur la notion de changement social. Il est entendu ici dans le sens de l’innovation85 laquelle contribue à la restructuration des stratégies d’acteurs et des systèmes d’action et d’organisation sous-tendant la régulation, entendue ici comme « l’activité de création de normes »86.

Le développement territorial ne doit donc pas être nécessairement compris comme le synonyme du développement local. Il n’est pas replié sur l’endogénéité de l’action et il est par essence conflictuel puisqu’il redéfinit les rôles et les places des acteurs. Hervé Gumuchian notamment a posé une définition théorique de cadrage du développement territorial, en le situant à la conjonction de quatre processus87 :

 le recours par les acteurs à l’identité territoriale

 la mise en place de partenariats et de réseaux intercatégoriels

83RAFFESTIN Cl., 1980, op. cit

84 BARRUE-PASTOR M. (Ed.), 2004, Forêts et développement durable au Chili – Indianité mapuche et

mondialisation, PUM, coll. "Paysage et environnement", 286 p.

85 CROZIER M. & FRIEDBERG E., 1977, L’acteur et le système, Le Seuil, 493 p.

86 REYNAUD J.-D., 1989, Les règles du jeu : l'action collective et la régulation sociale, 3ème éd. A. Colin,

coll. U, 348 p.

 l’existence d’un système territorial

 la prise en compte de la notion de développement durable

Dans notre hypothèse centrale, les démarches de préservation du patrimoine naturel élaborées dans le cadre de la protection de la nature participent à la dynamique de recomposition des territoires. En nous fondant sur le support que nous offre le modèle d’interprétation des interactions entre protection et développement territorial ci-dessus, nous avons étayé une réflexion théorique qui nous a servi à la construction de notre analyse. Nous proposons de déconstruire chacun des attributs qui structurent le modèle de développement territorial, afin de retirer pour chacun d’eux les éléments qui viennent alimenter notre questionnement général.

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