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2. Cadrage théorique

2.8 Le label

Nous souhaitons terminer notre cadrage théorique en abordant la notion de label. Ce choix nous semble pertinent pour deux raisons :

- nous envisageons la possibilité de mettre en place un label comme un aboutissement ultime et non comme le but premier de notre recherche, d’où le positionnement de cette thématique en fin de cadrage théorique,

- il nous paraissait important de poser une base théorique solide avant d’aborder la question du label pour comprendre dans quel contexte nous situons la mise en place de celui-ci. Ce n’est donc pas parce que la notion est secondaire que nous la traitons en fin de cadrage théorique, mais plutôt dans le but d’expliquer au préalable quels sont les éléments qui nous amènent au label.

En novembre 2006, l’association lab-elle24 a été créée pour lancer le débat sur les stéréotypes de genre encore très présents dans la littérature jeunesse. Face à ce constat, Dafflon Novelle (2006), avec l’aide de différents partenaires, proposa d’apposer un autocollant sur les albums qui abordaient la question des genres de manière non stéréotypée.

L’élaboration du label genre s’est donné pour but d’atteindre quatre objectifs principaux que nous modifierons dans la suite de ce travail pour les rendre pertinents pour notre propre label:

- « Mise en évidence, grâce à un label, des albums illustrés pour enfants qui présentent le féminin de manière valorisée, ouvrent les horizons aussi bien des filles que des garçons, offrent une part belle à la diversité et permettent ainsi aux enfants de développer leur personnalité et leurs potentiels, librement, sans être restreints par des stéréotypes de genre.

- Prise de conscience par un large public que les livres pour enfants publiés actuellement proposent des histoires beaucoup plus stéréotypées que la réalité elle-même ; ce décalage porte à conséquence pour le développement des enfants et les choix qu’ils effectuent pour leur avenir.

- Sensibilisation au fait qu’il est important de promouvoir l’égalité entre les sexes dès l’enfance plutôt que consacrer toute l’énergie à réparer des inégalités entre hommes et

24 http://www.lab-elle.ch

femmes – plafond de verre, lutte contre la violence, inégalité salariale, orientation professionnelle, etc.

- Promotion de la lecture: à l’école, l’apprentissage de la lecture se fait très majoritairement à l’aide de livres pour enfants »25.

Comme nous l’avons souligné au début de notre recherche, la situation en matière de stéréotypes culturels semble similaire à celle décrite par Dafflon Novelle (2006) concernant le genre. Il serait donc possible d’effectuer des parallèles entre les éléments propres au label genre et le label interculturel dont nous souhaitons tester la pertinence. D’autre part, les quatre objectifs propres à lab-elle, légèrement adaptés à notre sujet26, semblent également pertinents pour notre label.

Après avoir pris connaissance des travaux de Dafflon Novelle (2006), nous regrettons que le concept de label ne soit pas davantage explicité. Payet (2006) qui s’est également appuyé sur la notion qui nous intéresse pour analyser le concept de label « sensible » ne développe pas non plus les éléments théoriques qui pourraient se situer en amont. Pour le Larousse (2005), le label est défini comme étant une « marque distinctive créée par un syndicat professionnel et apposée sur un produit destiné à la vente, pour en certifier l’origine, en garantir la qualité et la conformité avec les normes de fabrication » (p.616). Pour relier cette définition à notre label, la mise en place de celui-ci représenterait un choix de critères et un gage de qualité par rapport aux contenus des livres sélectionnés et aiderait le lecteur dans ses options parmi les milliers d’albums qui paraissent chaque année en littérature jeunesse.

25 Source : voir note infra n°23

26 Les quatre objectifs repris et adaptés sont les suivants :

- mise en évidence d’albums illustrés qui présentent avec respect la diversité culturelle qui caractérise notre société

- prise de conscience du public que certains livres proposés sont stéréotypés culturellement parlant et qu’il existe un décalage entre les albums et la réalité

- sensibilisation à l’importance de la promotion de l’égalité entre les individus dès l’enfance plutôt que de réparer des inégalités une fois adulte

- promotion de la lecture non seulement à l’école, mais également dans les librairies, bibliothèques, centre commerciaux…

Un petit nombre d’auteurs se sont penchés sur le sujet, mais en mettant essentiellement en évidence l’aspect économique du concept : « le label est d’abord un document qui définit la spécification technique d’un bien, d’un service ou d’un processus ; - il est approuvé et publié par un organisme tiers et indépendant ; - il est établi dans le but de résoudre des problèmes répétitifs » (Mambi-Sendegele, 2001, p.142, 143).

A l’heure actuelle, il existe de nombreux labels, car le public semble très demandeur en la matière. Dans un monde en constante évolution et transformation, un label représente, aux yeux des consommateurs, une marque rassurante qui prouve que ceux-ci peuvent avoir confiance dans le choix d’autres personnes et la qualité du produit qu’ils achètent. Le label bio pour les produits alimentaires, Ecocert pour les cosmétiques, Max Havelaar pour le commerce équitable ou encore la norme ISO dans le domaine de la formation sont quelques exemples de labels les plus connus.

Comme le souligne Mambi-Sendegele (2001), « […] aujourd’hui, les normes sont en phase de devenir un outil efficace de percée commerciale » (p. 133). Ceci se vérifie notamment dans les parts d’achat d’aliments bio en forte hausse, relevées dans les magasins d’alimentation. Le label interculturel aurait peut-être également une influence dans le domaine commercial en favorisant la vente d’un certain type de livres.

Toujours selon Mambi-Sendegele (2001), le rôle d’un label est de réduire la complexité du marché économique. Cette complexité est décrite comme découlant de la multiplicité des fournisseurs, des « bons et des moins bons » (Mambi-Sendegele, 2001, p.138). Le label interculturel permettrait, quant à lui, de proposer un modèle parmi d’autres aux personnes qui cherchent à acheter des livres interculturels et qui ne se retrouvent pas dans la diversité qui caractérise la situation en matière de parutions.

En parlant de diversité du marché, les détracteurs du concept regrettent une certaine uniformisation inhérente au label. Cet aspect est à relativiser dans le contexte dans lequel s’inscrit notre recherche.

Mambi-Sendegele (2001) souligne encore que la certification a une durée limitée dans le temps. Il faudrait donc régulièrement remettre en question les critères de base qui fondent notre label dans le but de l’adapter au mieux aux transformations et à l’évolution du marché.

Par le biais d’un label interculturel, nous souhaitons mettre en évidence non pas des livres qui remplacent le petit pot de beurre par du couscous (Perrot, 1995), mais plutôt des livres qui abordent des thèmes de manière subtile en mettant en avant diversité et ressemblances de

manière simple et naturelle par le biais de personnages au travers desquelles chacun peu se retrouver pour mieux se distancer ensuite.

Proposer la mise en place d’un label interculturel destiné à la littérature jeunesse justifie notre insistance sur le fait qu’aujourd’hui, la diversité croît chaque jour davantage, ce qui demande à chacun de développer sans cesse des compétences d’ouverture, de remise en question et surtout de communication interculturelle. Pour faire face à cette évolution, nous pensons que le label serait un bon moyen afin de confronter les enfants le plus tôt possible à d’autres normes, d’autres codes culturels en insistant notamment sur des livres qui mettent en scène des personnages « […] tantôt imprévisibles, tantôt contradictoires ou incompréhensibles, tantôt déroutants ou choquants » (Mellouki, 2004, p.32), dans le but de prévenir l’apparition de préjugés ou de stéréotypes par la mise en confrontation, la discussion sur ce que ces personnages aux multiples visages font émerger chez les jeunes lecteurs.

Au-delà de cet aperçu théorique, essentiellement basé sur des dimensions commerciale et économique du label, il serait pertinent de proposer également une définition plus

« humaine » et plus littéraire de notre sujet. Malheureusement, la faible quantité de travaux effectués sur celui-ci ne nous permet pas de développer cet aspect-là. Il nous semblerait par exemple nécessaire d’étudier de quelle manière les précédents labels (lab-elle) ont rempli les buts de leurs concepteurs. Enfin, à nos yeux, un label a le mérite d’attirer l’attention sur des éléments importants inhérents à un produit donné, mais qui ne sont pas forcément perceptibles au premier abord.