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1. Introduction

1.1 Choix du sujet et but de la recherche

La littérature jeunesse peut-elle avoir une influence sur la façon dont les enfants vont peu à peu construire leurs représentations sur le monde et leur place dans la société plurielle tant du point de vue socioculturel que linguistique ?

Depuis quelques années, la littérature jeunesse est un sujet à la mode, notamment dans le monde de la recherche. En effet, une réelle prise de conscience a été effectuée quant à l’idée que la littérature enfantine est bien moins anodine que ce que nous pourrions penser, car un livre est souvent porteur d’un message et de significations, cachées ou non.

Au-delà du phénomène d’engouement qui touche notre sujet, plusieurs recherches ont constaté que les ouvrages pour la jeunesse comportent souvent des stéréotypes d’ordres divers, tout en n’étant pas ou peu représentatifs de la diversité sociale qui nous entoure (Courette & Lehmann 2007, Dafflon-Novelle, 2006, Mc Andrew, 1987, Vincent & Arcand, 1979). Nous n’avons donc plus à prouver le caractère discriminatoire de certains livres pour enfants. Pourtant, même si le monde de la recherche tente de faire prendre conscience du problème aux différents acteurs concernés, il semble que, dans la pratique, les changements concernant l’édition sont timides. En effet, nous sommes encore régulièrement interpellés dans la vie de tous les jours par des propos déplacés, des photographies stéréotypées ou des articles discriminatoires qui, si nous n’y faisons pas attention, passent presque inaperçus. Pour en revenir à la littérature jeunesse, c’est à nous adultes que revient la tâche de choisir ce que nous souhaitons que les enfants aient entre les mains. Sans vouloir que nos propos revêtent un caractère propagandiste, nous tenons à souligner que, si nous souhaitons que les consciences changent, il faut que dès leur plus jeune âge, les enfants aient l’occasion de s’initier à une pensée pluriculturelle.

Face aux différents constats exposés ci-dessus, nous avons souhaité réfléchir à la pertinence de développer un label du même type que le label lab-elle mis au point par Dafflon-Novelle (2006)1 concernant les stéréotypes de genre, mais qui dans notre recherche, aiderait les lecteurs sensibles à la diversité culturelle à sélectionner des livres qui transmettent un message d’ouverture. Ce label prendrait la forme d’une marque visuelle distinctive qui

1 Voir point 2.8

permettrait d’identifier au premier coup d’œil un livre soucieux de représenter au mieux les dimensions multiculturelles2 qui caractérisent notre société.

Nous souhaitons nous interroger de manière plus générale sur la façon de faire des choix par rapport à l’offre en matière de littérature jeunesse. A quoi doit servir la lecture ? Et tout particulièrement la littérature de jeunesse3 ? Celle-ci peut par exemple être considérée comme un simple moyen de distraction ou alors être utilisée à des fins didactiques. Est-il possible de faire changer les mentalités par le biais de livres ouverts à la diversité culturelle ? Si les enfants lisaient davantage de livres dans lesquels les personnages sont issus d’origines et de cultures variées, est-ce qu’une fois adultes, ces derniers seraient plus tolérants, plus ouverts à l’Autre ? Comment représenter cette diversité de manière à être cohérent par rapport à la réalité ? Derrière cette question, nous nous demandons s’il suffit d’illustrer un personnage d’origine camerounaise entrant en contact avec une personne d’une autre culture pour se dire que le livre est représentatif de la diversité culturelle qui nous entoure.

Le but du présent travail est d’amorcer une réflexion sur les problématiques liées aux stéréotypes encore trop souvent présents dans la littérature jeunesse. Notre recherche s’appuie sur deux axes4 : la théorie et le terrain. La majeure partie de notre cadrage théorique aborde la question de la littérature jeunesse en lien avec des concepts centraux tels la discrimination, les stéréotypes, l’identité culturelle ou encore l’interculturalité5. La seconde partie de notre revue littéraire propose un prolongement de notre réflexion vers la notion de label6. Notre réflexion sur la littérature jeunesse nous permettra de nous interroger sur l’impact du livre en tant qu’objet culturel pouvant donner lieu à de l’interculturel.

2 Ici, le terme multiculturel est utilisé à titre descriptif, dans le sens où plusieurs cultures sont en contact dans un même lieu. Dans la suite de ce travail, le terme interculturel, quant à lui, sous-entend un changement, une transformation (de notre vision du monde) amorcés par le contact entre différentes cultures.

3 Dans cette étude, les termes « littérature jeunesse » et « littératures de jeunesse » sont considérés comme synonymes. Le choix des mots dépend de l’auteur qui emploie la notion. Habituellement, « littérature jeunesse » est un terme davantage employé au Québec et en Suisse, alors que « littérature de jeunesse » est préféré en France.

4 Voir point 1.2

5 Voir points 2.1 à 2.7

6 Voir point 2.8

Après avoir exposé nos différentes questions de recherche7, nous tenterons de répondre plus particulièrement à une question qui découle de notre réflexion théorique : est-il pertinent de développer un label interculturel pour la littérature jeunesse ? Nous présenterons notre démarche méthodologique8 avant d’entamer notre second axe de recherche qui consistera à nous rendre auprès de différents professionnels en lien avec le monde de la littérature jeunesse. Le fruit de nos entretiens sera présenté au point 5 de notre étude, alors que ceux-ci seront analysés dans le chapitre suivant9.

7 Voir point 3

8 Voir point 4

9 Voir point 6