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1.3 Des solutions pour répondre aux défis de l’enseignement de l’oral

1.3.2 La question de l’évaluation et de l’autoévaluation

À l’instar des activités de communication orale, les pratiques évaluatives d’oral ne semblent pas occuper une grande place ni être marquées par une variété de moyens et d’outils. Selon les enseignants interrogés par Lafontaine et Messier (2009), elles n’ont lieu en moyenne que trois ou quatre fois durant une année scolaire, sont peu diversifiées et constituent majoritairement des évaluations sommatives, laissant peu de place pour le travail formatif des élèves. De plus, elles constituent une source d’insécurité chez les enseignants, étant donné le certain flou qui règne autour de leur mise en place (Lafontaine et Préfontaine, 2007). Pour cette

raison, plusieurs enseignants disent être plus tolérants dans l’évaluation des productions orales de leurs élèves, puisqu’ils considèrent cette évaluation comme étant plus subjective que celle des productions écrites ou des compréhensions de lecture. Aussi, ils attribuent aux élèves différents rôles (commentateurs, observateurs, etc.) permettant de pallier l’effet de subjectivité (Dumais, 2010a ; Lafontaine et Le Cunff, 2006).

Ce rôle que jouent les pairs dans l’évaluation de l’oral a été étudié par Dumais (2008 ; 2012), dans le cadre de sa recherche de maîtrise, menée auprès de 28 élèves et visant à « décrire les effets de l’évaluation par les pairs sur les pratiques d’expression orale d’élèves de troisième secondaire » (p. 8). Les résultats démontrent bien que l’évaluation par les pairs à l’aide d’une grille d’observation progressive aide grandement au développement de la compétence en communication orale, autant pour les élèves évalués que pour ceux procédant à l’évaluation. D’ailleurs, ces résultats corroborent ce que Lafontaine (2011) a fait ressortir : les élèves souhaitent recevoir de la rétroaction écrite sur leurs grilles d’évaluation « car, selon eux, ce sont ces commentaires qui leur permettent de s’améliorer, peu importe leur note » (p. 84).

L’importance de l’autoévaluation dans un contexte d’enseignement-apprentissage de l’oral a également été mise de l’avant dans les travaux de plusieurs chercheurs. D’abord, Lafontaine (2007) indique, dans la présentation de son modèle didactique, que nous détaillerons à la section 2.1.2, que cet aspect de l’évaluation permet à l’élève de prendre une place centrale dans ses apprentissages puisqu’il est en mesure de constater par lui-même les forces et les difficultés auxquelles il fait face. Ainsi, pour l’appuyer dans cette démarche, elle suggère de fournir des grilles d’autoévaluations construites sous forme de questions encourageant les réponses construites comportant des phrases complètes et permettant à l’élève de réfléchir en profondeur sur ses activités de communication orale, et ce, tant au point de vue de la qualité de ses présentations que de la qualité de la préparation et de la participation (Lafontaine, 2007).

La recherche de maîtrise de Dumais (2008), dont nous avons parlé un peu plus haut, propose également quelques considérations à propos de l’autoévaluation. Il a en effet demandé aux élèves participant à sa recherche de s’autoévaluer « à chaud », à l’oral, sans recourir à un enregistrement audio ou vidéo de sa performance et devant les autres élèves de la classe. Les résultats qui ressortent de son étude démontrent que les élèves ont su apprécier la valeur des autoévaluations, qui leur ont permis « de confronter [leur] propre perception de l’oral avec la

perception des pairs » (Dumais, 2008, p. 284). En revanche, une forte majorité d’élèves interrogés ont affirmé avoir rarement ou jamais reçu un enseignement explicite de la rétroaction (Dumais, 2008).

De son côté, Sénéchal (2016) a également inclus dans les séquences didactiques conçues et expérimentées dans le cadre de sa recherche doctorale une part d’autoévaluation. Les élèves ont réalisé cette autoévaluation de leurs productions orales après celles-ci, mais cette fois en ayant recours à des grilles d’autoévaluations. Cette évaluation de leurs forces et défis a été faite, à l’instar de Dumais (2008), sans avoir recours à l’autoscopie, soit l’observation et l’évaluation de sa propre performance grâce, entre autres, à l’utilisation d’un enregistrement vidéo de celle- ci (Tochon, 2002).

Ainsi, l’usage de la vidéo proposé dans différentes recherches sert davantage aux chercheurs et aux enseignants. Dumais (2008) n’enregistre les présentations orales que pour être en mesure de procéder à une évaluation complète et méthodique de celles-ci pour vérifier si la mise en œuvre d’une séquence didactique d’enseignement de l’oral se révélait efficace pour l’élève. La recherche de Sénéchal (2016) présente également une utilisation des enregistrements vidéo pour appuyer l’enseignement, par exemple en début de séquence didactique, et souvent pour un nombre limité d’élèves. Elle évoque également le fait que quelques élèves ont refusé d’apparaître à la caméra, et que l’équipement semblait en rebuter certains. Pour pallier cette difficulté, Sénéchal (2016) suggère que l’utilisation d’appareils comme les tablettes numériques avec caméra peut constituer une avenue intéressante, étant donné le caractère moins invasif de ces appareils.

De leur côté, Lafontaine et Hébert (2015) ont mené auprès de quatre classes de troisième cycle du primaire et de trois classes de troisième secondaire une recherche qualitative portant sur la reformulation dans les cercles de lecture. Dans leur cas, les élèves ont eu recours à la vidéo pour appuyer l’autoévaluation de productions orales. Toutefois, cette démarche s’inscrivait dans un tout, et bien que les résultats aient démontré que les élèves s’étaient améliorés à différents points de vue dans cette compétence, les chercheuses ne se sont pas concentrées spécifiquement sur l’autoévaluation à partir d’enregistrements.

À la lumière de ce qu’indiquent plusieurs chercheurs (Charbonneau et Ouellet, 2007 ; Dolz et Schneuwly, 1998 ; Lafontaine, 2007, 2011), le recours aux enregistrements vidéo constitue un incontournable pour appuyer le processus d’autoévaluation et d’évaluation par l’enseignant, surtout compte tenu de la présence plus importante des outils technologiques chez les élèves (Steeves, 2014).

En somme, nous constatons que la recherche en didactique de l’oral a identifié l’autoévaluation comme étant une activité métacognitive importante de l’apprentissage de l’oral. Pour Lafontaine (2007), l’élève qui porte un jugement sur ses propres performances prend en charge sa communication orale puisqu’il est amené à réfléchir à sa démarche, à son implication et au développement de sa compétence. Même constat chez Charbonneau et Ouellet (2007), pour qui la grande variété de ressources externes (personnes, outils technologiques, lieux, supports, etc.) que peut utiliser l’élève pour communiquer oralement nécessite qu’il soit « actif métacognitivement » (p. 153), c’est-à-dire « convié à poser un regard critique sur sa pratique et sur lui-même en tant qu’actant et apprenant qui conditionne et régit son agir » (p. 154). Or, ces recherches ont été réalisées il y a plus de dix ans, et à notre connaissance, aucune nouvelle étude québécoise n’a permis de valider cette affirmation et de dresser un portrait de l’évolution des pratiques. Compte tenu du fait que cette importance accordée à la métacognition est clairement identifiée dans les programmes ministériels (MÉQ, 2006a ; MÉQ, 2006b ; MELS, 2009a), peut- on affirmer que les compétences des élèves en ce sens se sont accrues ? Un élève du secondaire est-il aujourd’hui en mesure de réaliser une évaluation juste de ses propres forces et défis ? De plus, dans les exemples que nous avons cités, l’autoscopie n’était pas une variable étudiée. Pour ces raisons, il nous apparaît intéressant de vérifier de manière plus précise l’apport de tels enregistrements sur le contenu et la qualité des autoévaluations réalisées par les élèves.