• Aucun résultat trouvé

d’autorégulation : concepts au cœur du portfolio numérique d’apprentissage au secondaire

2.6 Engagement affectif et portfolio numérique d’apprentissage

2.6.1 Trois dimensions de l’engagement

Cette difficulté qu’éprouvent plusieurs chercheurs à proposer une définition unique de l’engagement, qui fasse l’unanimité, conduit à l’élaboration de définitions plus pointues de ce qu’il convient d’appeler des dimensions de l’engagement, présentes dans plusieurs études (Appleton et al., 2008 ; Fredricks et al., 2004 ; Fredricks et al., 2016a ; Reschly et Christenson, 2012 ; Wang et Degol, 2014).

Parmi les différentes dimensions mises en lumière par les chercheurs qui se sont intéressés à l’engagement, trois dominent dans la littérature et contribuent à enrichir la définition de ce concept. Il s’agit de la dimension comportementale, de la dimension cognitive et de la dimension affective (Appleton et al., 2008 ; Bernet, 2010 ; Fredricks et al., 2016a ; Jimerson, Campos et Greif, 2003). Par contre, ces dimensions ne sont pas toujours présentes simultanément. En effet, il semble que plusieurs modèles n’incluent qu’une ou deux dimensions à la fois, les abordant de manière séparée, sans nécessairement montrer leur interrelation (Fredricks, Blumenfeld et Paris, 2005). Or, Fredricks et al. (2004 ; 2005) indiquent qu’il est difficile de procéder ainsi, étant donné la dynamique entre ces dimensions.

2.6.1.1 La dimension comportementale

De façon générale, la dimension comportementale fait partie de la plupart des conceptualisations de l’engagement (Appleton et al., 2008). Reschly et Christenson (2012) la définissent comme la participation des élèves aux différentes activités de l’école, qu’elles soient académiques, sociales ou parascolaires. Fredricks et al. (2004) ajoutent que l’engagement comportemental peut se définir de trois manières. D’abord, on note la présence de comportements positifs, comme l’adhésion aux règles de classe, et l’absence de comportements perturbateurs, comme le fait de manquer l’école. Ensuite, on souligne les comportements liés à l’implication dans les tâches scolaires (l’effort, la concentration, le fait de poser des questions, etc.). Finalement, on retrouve l’implication dans les activités parascolaires.

L’utilité de mesurer la dimension comportementale de l’engagement réside dans le fait qu’elle est considérée comme jouant un rôle crucial dans la réussite scolaire et dans la prévention du décrochage scolaire (Fredricks et al., 2005, Fredricks et McColskey, 2012). Ces éléments constituent d’ailleurs des raisons qui poussent les chercheurs à s’intéresser à ce concept (Appleton et al., 2008 ; Fredricks et al., 2004, 2005 ; Fredricks et al., 2016a ; Reschly et Christenson, 2012).

2.6.1.2 La dimension affective

La dimension affective se retrouve elle aussi dans la plupart des modèles conceptuels de l’engagement et côtoie généralement la dimension comportementale (Wang et Degol, 2014). On la retrouve également sous la dénomination engagement psychologique (Appleton, Christenson, Kim et Reschly, 2006 ; Appleton et al., 2008). Plusieurs chercheurs associent cette dimension de l’engagement à la présence de réactions affectives dans deux contextes différents. D’abord, elle implique le contexte de classe, touchant à la fois les émotions plus générales, celles liées à la relation enseignant-élève et celles liées au travail effectué (Appleton et al., 2006 ; Fredricks

et al., 2004 ; Wang, Fredricks, Ye, Hofkens et Schall Linn, 2016). Ensuite, elle touche le

contexte plus large de l’école, entre autres le sentiment d’appartenance (Appleton et al., 2006 ; Appleton et al., 2008 ; Fredricks et al., 2004, 2005 ; Fredricks et al., 2016a ; Wang et Degol, 2014). Dans ces deux contextes, on retrouve par exemple des éléments faisant référence à l’attitude positive ou négative face à l’apprentissage, à la joie, la tristesse, l’intérêt, l’ennui, l’anxiété, etc. D’ailleurs, il semble, selon Fredricks et al. (2005) que la présence de réactions affectives positives dans le contexte de classe renforce le lien d’appartenance à l’école.

Eccles et Wang (2012) se sont intéressés, grâce à leur Expectancy-value theoretical

model (EEVT), aux éléments affectifs qui prédisent l’engagement de l’élève. En effet, pour eux,

les attentes de succès de l’élève ainsi que la valeur qu’il attribue à la tâche sont également associées à cette dimension de l’engagement, puisqu’ils en déterminent l’intensité et le niveau. Dans leur modèle, les chercheurs identifient quatre composantes déterminant la valeur des tâches scolaires. Ils évoquent d’abord l’intérêt face aux activités réalisées, référant au plaisir éprouvé en réalisant la tâche. Ensuite, la valeur liée à la réalisation de soi réfère au fait que la tâche permettra à l’élève de manifestation des besoins personnels d’accomplissement, ainsi que

ses identités personnelle, liée aux caractéristiques qui le rendent unique par rapport aux autres, et sociale, liée à son appartenance au groupe. Puis vient l’utilité des tâches en fonction des

objectifs futurs, faisant référence au fait que la tâche permette l’atteinte des buts proches et

lointains. Finalement, le « coût » de l’implication dans les tâches à réaliser implique des facteurs comme le temps, l’énergie et les efforts nécessaires à la réalisation de la tâche. Ainsi, recueillir des données sur ces composantes affectives permet, selon Eccles et Wang (2012), de mieux prédire le niveau d’engagement des élèves dans les activités scolaires et, de surcroît, le degré d’appartenance à l’école.

Ce recours aux prédicteurs de l’engagement affectif engendre toutefois une conséquence dont il importe de tenir compte. En effet, selon Finn et Zimmer (2012), le fait que la mesure de la dimension affective de l’engagement s’effectue majoritairement par des indicateurs externes fait en sorte qu’on ne mesure pas l’état interne réel. Cette réalité cause une grande variété de mesures, qui ne s’appuient pas nécessairement sur la définition du concept, comme l’évoquent Eccles et Wang (2012). De plus, bien qu’elle soit souvent évaluée de manière indépendante des autres dimensions grâce aux outils comme les questionnaires autorapportés, il semble qu’elle ait un rôle à jouer sur les autres dimensions de l’engagement, le tout ayant évidemment une incidence sur l’apprentissage (Finn et Zimmer, 2012).

Cette dimension de l’engagement nous intéresse tout particulièrement, puisqu’elle comporte un grand nombre de paramètres qui sont liés à l’utilisation du portfolio numérique d’apprentissage, entre autres en raison du fait que cet outil place l’élève au cœur de ses apprentissages et demande un investissement important en matière de réflexion et de temps (Abrami et al., 2013 ; Dolsmans et Van Merriënboer, 2016 ; Scallon, 2007 ; Simon et Forgette- Giroux, 1994). De plus, étant donné qu’à notre connaissance, la didactique de l’oral n’a pas réalisé d’études spécifiques portant sur cette dimension de l’engagement dans le cadre de l’utilisation du portfolio numérique d’apprentissage, mais qu’elle ait identifié le stress et l’intérêt face aux tâches d’oral comme étant des éléments de préoccupations (Dumais, 2008 ; Plessis- Bélair, 1994 ; Sénéchal, 2012), il nous apparaît nécessaire d’y jeter un regard scientifique plus pointu.

2.6.1.3 La dimension cognitive

La présence de la dimension cognitive dans la conceptualisation de l’engagement des élèves ne s’observe pas dans tous les modèles. En effet, dans la revue de la littérature effectuée par Bernet (2010), 7 des 18 recherches qu’il a répertoriées traitent de cette dimension. Or, il semble qu’elle ait son rôle à jouer dans l’ensemble des paramètres qui permettent de constater l’engagement d’un élève dans ses apprentissages (Appleton et al., 2008).

Fredricks et al. (2004) illustrent bien la complexité de définir cette dimension de l’engagement, étant donné que la littérature qui la concerne touche soit spécifiquement l’engagement à l’école ou bien l’apprentissage et l’enseignement. Or, de manière plus générale, la dimension cognitive de l’engagement est associée au fait d’être stratégique et disposé à fournir tous les efforts nécessaires pour comprendre les idées qui sont complexes, et ce, en déployant judicieusement des stratégies et en démontrant leur maîtrise (Fredricks et al., 2016b). Parallèlement, Jimerson et al.(2003) parlent des perceptions et de croyances de l’élève face à différents aspects liés aux apprentissages, tels que son sentiment d’autoefficacité et ses aspirations.

De leur côté, Wolters, Pintrich et Karabenick (2005), auxquels Fredricks et al. (2005) font référence pour la question de la mesure de la dimension cognitive de l’engagement, définissent trois catégories de stratégies cognitives allant des plus superficielles aux plus complexes, à savoir les stratégies de répétition (soit la mise en place de stratégies superficielles comme la répétition), les stratégies d’élaboration (par exemple la capacité de résumer ou de mettre dans ses mots) et les stratégies d’organisation (par exemple la capacité de prise de notes ou de schématisation). Enfin, Wolters et al. (2005) identifient également des stratégies métacognitives, telles que la fixation des buts ou le monitorage, c’est-à-dire l’observation de l’effet des stratégies cognitives sur son apprentissage, comme faisant partie des composantes mesurables de l’engagement cognitif.

Comme certains de ces paramètres recoupent l’utilisation de stratégies d’autorégulation, nous nous y attarderons plus en détail dans la section 2.6, en posant un regard scientifique sous l’angle du modèle théorique de l’autorégulation des apprentissages de Zimmerman (2000).