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Pour que les élèves puissent réaliser des apprentissages solides, ils ont tout avantage à s’investir dans des activités durant lesquelles ils pourront porter un regard critique sur la démarche d’apprentissage. D’ailleurs, plusieurs solutions évoquées dans la section 1.3 présentent une part de métacognition essentielle à l’apprentissage. Ainsi, les processus et stratégies d’autorégulation, qui comportent une variété d’activités métacognitives, doivent faire partie du parcours des élèves. D’ailleurs, des prescriptions ministérielles ont été prévues en ce sens dans le PFÉQ.

1.4.1 Les activités métacognitives dans le PFÉQ

Le programme de français, langue d’enseignement, présenté dans le PFÉQ, accorde une place importante aux activités métacognitives chez les élèves du secondaire. En effet, chacune des compétences à développer, soit la lecture, l’écriture et la communication orale, comporte la composante Réflexion sur sa pratique, qui implique des activités métacognitives permettant aux élèves d’identifier leurs forces et leurs défis, ainsi que les moyens à mettre en place pour s’améliorer (MÉQ, 2006b ; MELS, 2009a).

Une des activités qui tient une place importante dans les activités métacognitives est l’autoévaluation, définie par Legendre (2005) comme étant un « processus par lequel un sujet est amené à porter un jugement sur la qualité de son cheminement, de son travail ou de ses acquis au regard d’objectifs prédéfinis et tout en s’inspirant de critères précis d’appréciation » (p. 143). Pour arriver à porter ce jugement, l’élève doit prendre une certaine distance face au travail accompli afin de déterminer entre autres s’il arrive à porter un jugement concordant à celui de son enseignant.

Le PFÉQ encourage également l’élaboration d’un dossier d’apprentissage ou d’un portfolio afin de conserver des traces de ses apprentissages au fil du temps. Ces outils de consignation doivent être élaborés progressivement, et avec l’aide de l’enseignant. En effet, du début à la fin du secondaire, l’élève devra passer d’un niveau où il complète son outil de compilation en collaboration avec l’enseignant à un niveau où il procède de manière autonome, en réévaluant ou ajustant sa démarche au regard de sa connaissance de soi, développée au fil du temps.

1.4.2 Le portfolio numérique et l’apprentissage : une solution potentielle

Développer et mettre en œuvre des stratégies métacognitives efficaces nécessite pour les élèves un apprentissage complexe et un accompagnement structuré de la part de l’enseignant (Famose et Margnes, 2016 ; Noël, 2016). Pour arriver à accompagner les élèves adéquatement dans cet apprentissage, différents outils, dont le portfolio, peuvent s’avérer fort pertinents, à la condition qu’ils soient utilisés judicieusement. D’ailleurs, dans son document d’information portant sur les portfolios numériques, la Direction des ressources didactiques du ministère de l’Éducation du Québec (MÉQ, 2002) avait comme objectif de fournir aux acteurs du milieu scolaire, tant au primaire qu’au secondaire, un cadre de référence afin de mieux comprendre cet outil d’évaluation dont le Programme de formation de l’école québécoise (PFÉQ) suggère l’utilisation.

« Sa popularité grandissante s’explique par la nécessité pour les enseignantes et les enseignants de trouver des instruments de régulation et d’évaluation liés aux nouvelles pratiques pédagogiques et aux nouvelles approches en éducation. Le portfolio se veut un témoin et un instrument de développement des compétences de l’élève. » (MÉQ, 2002)

Depuis cette publication, et avec l’arrivée du PFÉQ dans le milieu scolaire québécois (MÉQ, 2006a ; MÉQ, 2006b ; MELS, 2007), l’utilisation du portfolio numérique3 est encouragée afin de permettre à l’élève de garder des traces de ses travaux et apprentissages, et de réfléchir sur ces derniers afin de déterminer ses forces et ses défis (Abrami, Venkatesh, Meyer et Wade, 2013 ; Hartnell-Young et al., 2007). La Politique d’évaluation des apprentissages

3 Un portfolio numérique peut se définir comme un contenant numérique permettant à l’élève de consigner et

d’organiser des documents multimédias illustrant ses apprentissages et le processus ayant permis de les réaliser. (Abrami et al., 2013)

(MÉQ, 2003) précise aussi qu’il constitue l’un des outils permettant d’assurer la communication entre l’école et les parents pour témoigner de la progression des apprentissages de l’élève. Dans ce qui suit, nous proposons de jeter un bref regard sur l’utilisation du portfolio pour appuyer l’apprentissage des élèves.

1.4.3 La place du portfolio à l’école

Ayant fait son apparition au milieu des années 1980 en Grande-Bretagne, le portfolio utilisé comme instrument d’évaluation, inspiré de celui que construit un artiste pour présenter ses œuvres, a vu sa popularité dans les milieux scolaires grandir au fil des années (Scallon, 2007 ; Simon et Forgette-Giroux, 1994). D’abord utilisé pour résumer les réalisations des élèves, le portfolio a vu son utilisation évoluer jusqu’à constituer un témoignage de l’effort et des progrès des élèves à travers le temps (Simon et Forgette-Giroux, 1994). Traditionnellement dans les écoles primaires et secondaires, le portfolio est un outil qui se réalisait sur support papier, et les artéfacts étaient conservés, par exemple, dans des classeurs, des boîtes d’archives ou des porte-documents occupant un grand espace physique dans les classes (Goupil et Lusignan, 2006), ce qui a parfois rendu la tâche difficile pour les enseignants qui souhaitaient mettre en place un tel outil (Simon et Forgette-Giroux, 1994). Or, la venue du numérique a permis de pallier plusieurs de ces difficultés d’ordre organisationnel, et a même contribué à accroître de manière significative le potentiel de cet outil (Chang, 2009).

Au secondaire, cette réalité semble avoir toujours été plus complexe à mettre en œuvre. En effet, les contraintes organisationnelles et pédagogiques, que ce soit en matière de gestion du nombre d’élèves pour les enseignants, du manque d’intérêt pour les élèves ou de complexité quant à la mise en œuvre de cet outil, ont fait en sorte que sa popularité y a été moins grande qu’au primaire (Hartnell-Young et al., 2007). Quoi qu’il en soit, il est possible de constater que certaines expériences démontrent l’utilité et la faisabilité de la mise en œuvre du portfolio numérique, et ce, à différents niveaux scolaires à travers le monde. Nous présenterons ces exemples détaillés dans la section 2.2 de notre cadre théorique.

1.4.4 L’aspect numérique du portfolio pour travailler l’oral

Le contexte scolaire actuel et les changements technologiques qui s’y opèrent, notamment ceux qui sont associés à la présentation du Plan d’action numérique (MÉES, 2018), nécessitent qu’on accorde une attention particulière à l’aspect technologique lié à l’utilisation du portfolio, entre autres dans un contexte d’apprentissage de l’oral. D’ailleurs, il est intéressant de noter que selon l’organisme HabiloMédia (Johnson, Riel et Froese-Germain, 2016), les enseignants du secondaire disposent en grande majorité d’ordinateurs fournis par l’école (63 %) ou d’appareils mobiles apportés par les élèves (84 %) pour réaliser des activités d’apprentissage en classe. De son côté, le CÉFRIO (2017) montre que les jeunes de 12 à 15 ans possèdent en majorité un téléphone cellulaire (51 %) et une tablette numérique (63 %). Le pourcentage de jeunes de 16 à 18 ans possédant un téléphone cellulaire grimpe à 89 %, tandis qu’il baisse à 46 % lorsqu’on regarde ceux qui possèdent une tablette. Ces données nous montrent que plusieurs jeunes qui fréquentent les écoles secondaires sont en contact régulier avec le monde des technologies, dans leur vie personnelle ou à l’école, et que le milieu scolaire a tout avantage à en exploiter le potentiel pour appuyer les élèves dans leurs apprentissages.

Dans ses travaux, Lafontaine (2007) présente le portfolio comme un outil très intéressant, mais peu documenté dans le domaine de la didactique de l’oral, pour réaliser une consignation du travail des élèves, dresser un portrait de leur évolution et consigner des traces de leur progression sur une période donnée. Cet aspect longitudinal constitue un élément central du portfolio numérique, le distinguant des autres outils présentés à la section 1.3, puisqu’il permet de démontrer, grâce aux traces qui y sont consignées, la progression de l’apprenant et des données relatives à la démarche d’apprentissage (Abrami et al., 2013 ; Hartnell-Young et

al., 2007). Comme les technologies ont permis de bonifier l’utilisation de cet outil, entre autres

en simplifiant la consignation des fichiers multimédias (Karlin, Ozzogul, Miles et Heide, 2016), il nous apparaît donc intéressant de nous pencher sur un aspect particulier des technologies lié à l’utilisation du portfolio, soit le recours à des enregistrements audio et vidéo. Comme nous l’avons évoqué plus haut, l’oral est un matériau volatil (cf. 1.3.1) qui occasionne certaines difficultés liées à l’évaluation et à l’autoévaluation. En ce sens, il convient de rappeler que le PFÉQ prévoit que l’élève doit recourir « à des enregistrements qui lui permettent de s’observer en action et d’évaluer l’efficacité de sa démarche » (MÉQ, 2006b, p. 120). Ces enregistrements

permettent également de garder des traces des productions orales des élèves, permettant ainsi de constater leur progression sur une période de temps plus longue (Smith et Tillema, 2003). Ainsi, l’utilisation d’outils permettant les enregistrements audio ou vidéo consignés dans le portfolio pourrait faciliter grandement l’atteinte de ces buts et amènerait l’élève à prendre en charge ses apprentissages de l’oral, et ce, en réfléchissant à sa démarche de locuteur afin de déterminer les stratégies à utiliser lors de situations subséquentes de prise de parole (Lafontaine, 2007). D’ailleurs, Pellerin (2014 ; 2018a ; 2018b), dont les travaux s’intéressent principalement à l’apprentissage du français langue seconde chez des élèves du primaire, montre que l’utilisation des technologies mobiles en classe offre aux élèves des moyens de développer leur autonomie et leur sens de l’agentivité. En fait, les élèves utilisent les fonctionnalités multimodales offertes par les outils technologiques, dont la possibilité de réaliser des enregistrements audio et vidéo, pour observer leurs pratiques et prendre en charge leur processus d’apprentissage (Pellerin, 2018b).

« The physical and cognitive affordances of the mobile devices (Hartson, 2003) supported and contributed to the learners’ development of metacognitive skills and processes, which in turn fostered a sense of agency in their learning process. » (Pellerin, 2018, p. 297)

Cette autonomie et cette capacité d’auto-observation et d’autoévaluation sont au cœur du modèle de l’autorégulation des apprentissages de Zimmerman (2000), et constituent des éléments importants de la démarche réflexive caractéristique du portfolio numérique (Venkatesh

et al., 2013). Ces observations étant davantage associées au primaire, est-il possible de dresser

des constats similaires au secondaire ? Ces outils permettraient-ils, sans trop empiéter sur le temps de classe, de maximiser les effets des situations d’apprentissage où s’effectue un travail sur l’oral, tout en permettant de bonifier ou de maximiser les apprentissages dans cette compétence chez les élèves ? Ces différentes questions nous amènent à présenter nos objectifs de recherche ainsi que la pertinence de celle-ci.