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Chapitre 2 : Cadre théorique

II- Oral utilisé comme objet d’enseignementI Oral utilisé comme médium d’enseignement

6. Activité métacognitive Consolidation des apprentissages grâce à une ou plusieurs activités métacognitives, et ce, afin de favoriser la réflexion

2.2 Portfolio numérique au secondaire

2.2.5 Des exemples d’application à l’école

Nous l’avons vu, plusieurs paramètres doivent être considérés lors de la mise en œuvre d’un portfolio d’apprentissage à l’école. Nous présenterons donc dans cette section différents exemples d’implantation de portfolios d’apprentissage afin d’illustrer l’utilité de cet outil à différents niveaux scolaires à travers le monde.

ePEARL – Un portfolio québécois qui s’utilise du primaire à l’enseignement postsecondaire

Au Québec, d’abord, l’équipe du Centre for the Study of Learning and Performance de l’Université Concordia a développé une interface de portfolio numérique axé sur la réflexion et le développement des stratégies d’autorégulation, le ePEARL8 (Venkatesh et al., 2013). Ce portfolio, dont la conception s’appuie sur le modèle théorique de l’autorégulation des apprentissages de Zimmerman9 (2000, 2013 ; Zimmerman, Schunk et DiBenedetto, 2017) est organisé en quatre différents niveaux afin de répondre aux besoins et au développement des élèves des différents ordres d’enseignement : niveau 1 pour les élèves de la 1re et de la 2e année du primaire ; niveau 2 pour les élèves de la 3e à la 6e année du primaire ; niveau 3 similaire au niveau 2, mais avec une terminologie et un visuel adapté pour le secondaire ; niveau 4 pour un public d’âge adulte (Venkatesh et al., 2013). Une version de ce portfolio numérique a également été adaptée afin de s’inscrire dans la démarche de développement professionnel dans laquelle s’engagent les élèves à travers le cours Projet personnel d’orientation (Costain, 2014 ; MELS, 2009a). La mise en œuvre de ce portfolio a permis, entre autres, le développement d’habiletés cognitives chez les élèves du primaire et du secondaire qui ont eu l’occasion de l’expérimenter (Abrami et al., 2008 ; Abrami, Venkatesh, Meyer et Wade, 2013 ; Bures, Barclay, Abrami et Meyer, 2013 ; Venkatesh et al., 2013).

8 ePEARL : Electronic Portfolio Encouraging Active and Reflective Learning. 9 Ce modèle est présenté dans la section 2.6.1.

Un projet taïwanais de portfolio numérique au secondaire

Le portfolio numérique a également fait l’objet de travaux de recherche du côté de la

National Normal Taïwan University. En effet, l’équipe du professeur Chi-Cheng Chang a réalisé

une série d’études portant sur différents aspects liés à la mise en œuvre du portfolio numérique. Dans tous les cas, les élèves qui ont participé aux recherches de cette équipe ont utilisé un portfolio afin de réfléchir à leurs apprentissages réalisés dans le cadre d’un cours lié à l’informatique et, dans certains cas, ont recouru à cet outil afin d’alimenter la démarche d’évaluation du cours. De façon générale, des bénéfices ont entre autres été constatés par rapport à la motivation des élèves (Chang, 2009), à l’évaluation par les pairs (Chang, Tseng, Chou et Chen, 2011) et par l’enseignant (Chang et Wu, 2012), à la capacité réflexive et au développement des stratégies d’autorégulation (Chang, Chen et Chen, 2012 ; Chang, Tseng et Liang, 2014 ; Chang, Liang, Shu, Tseng et Lin, 2015 ; Chang, Liang, Chou et Liao, 2018).

Les deux exemples que nous venons de présenter brièvement permettent de constater que l’utilisation du portfolio numérique au secondaire peut amener les élèves à tirer des avantages intéressants. Bien sûr, comme nous l’avons vu dans la section précédente de notre cadre théorique, ces avantages s’accompagnent nécessairement de défis. Quoi qu’il en soit, cet outil mérite certainement une attention particulière afin d’évaluer la possibilité de l’utiliser dans un contexte d’apprentissage de la production orale au secondaire.

Le Portfolio européen des Langues

Bien que la littérature scientifique portant sur la didactique de l’oral soulève le fait que le portfolio constitue un moyen intéressant de permettre à l’élève de conserver des traces de ses apprentissages en oral, il ne semble pas y avoir, à notre connaissance, d’exemples précis illustrant comment un tel outil a été mis en œuvre au Québec. Or, en Europe, la situation est différente. Le Portfolio européen des langues (PEL) occupe en effet une grande place.

Cet outil d’accompagnement à l’apprentissage d’une langue étrangère a été conçu selon les principes énoncés par le Cadre européen commun de référence pour les langues (CECR), attaché au Conseil de l’Europe, et dont l’objectif est d’appuyer les apprenants, les acteurs du milieu scolaire et les autorités compétentes dans leurs efforts afin de garantir un apprentissage des langues étrangères solide et ancré dans la réalité (Conseil de l’Europe, 2018). En ce sens, le

CECR établit six niveaux communs traduisant la compétence développée par un apprenant en langue étrangère. De manière plus précise, 3 niveaux généraux sont présentés, et chacun de ces niveaux se subdivise en deux, tel que l’illustre la figure 8. Ces niveaux permettent une évaluation des compétences langagières autour de 5 capacités : écouter, lire, prendre part à une conversation, s’exprimer oralement en continu et écrire (Conseil de l’Europe, 2011).

Figure 8 : Les niveaux communs du CECR (Conseil de l’Europe, 2001, p. 25)

L’utilisation du PEL s’inscrit directement dans une démarche organisée et balisée de développement de compétences linguistiques et s’appuie sur les objectifs du Conseil de l’Europe (Conseil de l’Europe, 2011). Parmi ceux-ci, notons la volonté « d’approfondir la compréhension mutuelle entre citoyens en Europe », « de contribuer au développement personnel de l’apprenant en langues » et « de contribuer au développement de la capacité d’apprentissage autonome des langues » (Conseil de l’Europe, 2011, p. 4).

Pour atteindre ces objectifs, le PEL est organisé en trois parties devant répondre à des spécifications bien précises. Propriété de l’apprenant, il inclut d’abord le Passeport de Langues, partie dans laquelle se retrouve le bilan des savoir-faire et des capacités exprimées en lien direct avec les niveaux de compétence du CECR (Conseil de l’Europe, 2011). Les progrès y sont consignés sur une base régulière de sorte qu’ils montrent le profil linguistique du porteur du PEL. On y retrouve ensuite la Biographie langagière, constituant en quelque sorte la partie réflexive et métacognitive du portfolio de l’apprenant. Ce dernier y présente, grâce à des descripteurs proposés par le CECR, ses démarches de travail, ses objectifs personnels et son programme d’apprentissage. Il est invité à y présenter ses expériences langagières, vécues dans différents contextes linguistiques, à savoir des contextes plus formels comme l’école, ou plus

A Utilisateur élémentaire B Utilisateur indépendant C Utilisateur expérimenté A1 Introductif OU de découverte A2 Intermédiaire OU de survie B1

Niveau seuil Avancé OU B2 indépendant

C1

personnels comme la maison (Castellotti et Moore, 2006). Finalement, le Dossier permet à l’élève de déposer une collection de réalisations appuyant les informations présentées dans les deux autres sections (Conseil de l’Europe, 2011 ; Frath, 2008).

Différentes versions de ce portfolio ont été réalisées, dont celui adapté pour les élèves de niveau collège en France (Castellotti et Moore, 2006). Pour les auteures, le but était de proposer aux élèves de ce niveau un portfolio axé davantage sur l’apprenant plutôt que sur l’évaluation, en favorisant « le développement d’une conscience réflexive sur l’apprentissage et l’usage des langues à plusieurs niveaux » (Castellotti et Moore, 2006, p. 1).

Bien que les visées premières de cet outil soient intéressantes et attrayantes, il semble toutefois que des difficultés liées à la structure du PEL aient été observées au moment où son implantation gagnait en popularité. Mis à part une certaine incompréhension des visées de l’outil par différents intervenants du milieu, Frath (2008) soulève entre autres certaines difficultés liées à l’opposition entre le principe de l’autonomie, et donc de la mise en œuvre de l’outil, et le cadre formel et traditionnel de l’enseignement secondaire, où l’enseignant joue un rôle de passeur de connaissances et d’autorité évaluative. Pour pallier cette difficulté, il suggère de créer des

Centres de ressources en langues pour permettre aux élèves de venir travailler volontairement

sur leurs lacunes et être accompagnés par des enseignants formés pour le faire.

Des observations similaires ont été faites dans une recherche-action portant sur l’utilisation du PEL et à laquelle ont participé 28 enseignants d’anglais langue première du primaire et du secondaire en Turquie (Sahinkarakas, Yumru et Inozu, 2010). De façon générale, les enseignants ont manifesté différentes inquiétudes à propos de la capacité des élèves à réaliser des autoévaluations justes et honnêtes de leurs capacités langagières, ainsi qu’à propos du temps à investir dans la mise en œuvre de ce nouvel outil, que ce soit pour la rétroaction ou pour la préparation des documents pour les élèves. Or, comme ces inquiétudes se sont avérées dans certains cas, l’accompagnement des chercheurs a permis une réflexion professionnelle juste de la part des enseignants, et des ajustements ont pu être envisagés. Il apparaît donc clair que davantage de soutien aux enseignants est nécessaire pour mener à bien un projet d’implantation comme celui vécu en Turquie.

Cette réflexion s’est également déroulée plus près de nous, dans la région de Toronto, dans un projet de recherche s’étant intéressé « aux défis liés à l’introduction du CECR dans la réalité des salles de classe et à la reconsidération des pratiques évaluatives que cette introduction implique » (Piccardo, 2013, p. 387). De cette étude, à laquelle ont participé 12 enseignants de français langue seconde au secondaire, différents constats intéressants sont ressortis. D’abord, plusieurs enseignants ont été à même de découvrir la pertinence de séparer production et interaction orale dans leur pratique. De plus, le potentiel des indicateurs de performance des élèves dans les autoévaluations sous forme de « je peux » a permis aux participants de revoir leurs conceptions de l’évaluation et de lier celle-ci aux visées métacognitive, communicative et formative du PEL. Toutefois, parmi les constats et observations effectuées, retenons que les « contraintes institutionnelles et des cultures d’évaluation existantes […] semblaient incompatibles avec l’intégration de standards partagés » (Piccardo, 2013, p. 400), ce qui indique la nécessité de revoir les pratiques institutionnelles en matière d’évaluation en prenant soin d’informer adéquatement les différents acteurs du milieu scolaire, direction et parents y compris, afin que les principes et concepts qui sous-tendent le PEL soient mieux compris et fassent l’objet d’un consensus au sein des organisations (Sahinkarakas et al., 2010).

En somme, l’outil que représente le PEL a visiblement offert à de nombreux élèves de tous âges de développer leurs compétences dans l’apprentissage d’une langue, et ce, malgré les limites et difficultés soulevées dans les différents projets de recherche (Castellotti et Moore, 2006 ; Frath, 2008 ; Piccardo, 2013 ; Sahinkarakas et al., 2010). Or, la recherche en didactique de l’oral montre qu’il s’agit d’un outil peu utilisé dans le cadre de l’enseignement et de l’apprentissage de l’oral au Québec (Lafontaine, 2007). Ainsi, est-il possible de penser qu’un outil semblable puisse être utilisé dans les classes de français du secondaire et apporter aux élèves un appui intéressant et pertinent dans le développement spécifique de la compétence orale ?