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l’instauration du diplôme de Cadre De Santé en 1995

3. Le processus d’universitarisation de la formation infirmière en France infirmière en France

3.2. La poursuite du processus d’universitarisation

Dans cette partie, nous allons dans un premier temps nous intéresser aux réflexions autour de la réingénierie de la formation des cadres de santé et de ses conséquences pour les formateurs IFSI. Puis nous nous attarderons, dans un second temps, sur la création de la discipline universitaire des sciences infirmières et les perspectives engendrées.

3.2.1. La réingénierie inachevée de la formation des cadres de santé

Conjointement à la réingénierie de la formation infirmière, une réflexion sur la réingénierie de la formation des cadres de santé a été initiée dès 2009 sans avoir encore aboutie à ce jour.

Début 2009, Chantal de Singly est missionnée par la ministre de la Santé pour mener une réflexion sur « la formation, le rôle, les missions et la valorisation des cadres hospitaliers » (C. de Singly, 2009, p. 3). Le rapport qui en découle est centré sur les cadres hospitaliers occupant des fonctions de management. La formation des cadres de santé doit être universitarisée et conduire à un master, les IFCS se transformant en institut supérieur du management en santé à un niveau régional avec une formation commune avec tous les autres cadres hospitaliers (cadres administratifs, adjoints des cadres, ingénieurs…). Ainsi cette réforme induit une redéfinition des référentiels métiers et compétences des cadres hospitaliers (Divay & Gadéa, 2012). Dans la lignée de la réforme de la formation des cadres de santé de 1995, ce rapport réaffirme et prolonge la volonté d’uniformisation de la fonction cadre hospitalier, en incorporant dans une formation commune les cadres administratifs notamment.

Les formateurs IFSI sont évoqués avec une orientation demandée vers un master : « Les cadres formateurs en instituts de formation paramédicale qui vont désormais préparer des

57 professionnels obtenant un grade licence, devraient eux-mêmes être recrutés avec le niveau universitaire master » (C. de Singly, p. 54). La création de disciplines universitaires paramédicales est évoquée, avec possibilité pour les formateurs IFSI de préparer un doctorat et ainsi de s’orienter vers une carrière d’enseignant-chercheur :

À terme, cela pourra conduire certains d’entre eux à se mettre en perspective de préparer la thèse de doctorat en vue d’occuper des postes universitaires futurs. Pour les cadres formateurs, futurs enseignants-chercheurs, cette évolution est étroitement liée au développement à l’université des sciences paramédicales (Ibid.).

Ce rapport interroge le parcours professionnel des formateurs IFSI et propose « que soit possible pour ceux qui le souhaitent une carrière partagée entre un exercice professionnel de cadres en établissement et une activité de formation » (Ibid.). L’alternance des fonctions de management et de formation est ainsi suggérée pour les formateurs IFSI. Ce travail de réflexion se prolongera et débouchera sur un autre rapport, générateur de polémiques.

Le rapport intitulé « Quelles formations pour les cadres de santé hospitaliers ? » de Michel Yahiel et Céline Mounier parait en novembre 2010. Il rejoint cette notion de carrière partagée, allant même plus loin que le rapport précédent de Chantal de Singly (2009) en ne proposant plus mais en estimant indispensable de « garantir des allers-retours beaucoup plus réguliers entre périodes d’enseignement et fonctions opérationnelles (Yahiel & Mounier, 2010, p. 3). Tout en reconnaissant l’investissement des formateurs IFSI dans les formations universitaires et l’adaptation de ceux-ci à la réforme de la formation infirmière de 2009 avec

« beaucoup de rapidité et de professionnalisme » (Ibid., p. 27), ce rapport critique

« l’immobilisme de la carrière des cadres formateurs » (Divay & Gadéa, 2012, p. 49). La mission a retrouvé dans plusieurs cas des affectations « de longue, voire de très longue durée sur ces fonctions pédagogiques » (Yahiel & Mounier, 2010, p. 27) et il ne lui « semble ni souhaitable, pour les intéressés, pour les élèves et pour le système hospitalier, ni possible, dans un contexte de raréfaction des ressources, de le laisser perdurer » (Ibid.). Les auteurs recommandent alors d’instaurer une alternance régulière entre les fonctions de formation et les fonctions d’encadrement (recommandation 11). Ceci permettant aux formateurs IFSI « de faire valoir une crédibilité parfois remise en cause par leurs collègues du terrain » (Ibid.). Pour ce faire, le rapport propose que la durée des affectations soit fixée par une convention tripartite (établissement gestionnaire, centre de formation et formateur) et ne dépasse pas trois ans, renouvelable une fois. De plus dans la recommandation 13, il est exigé trois à cinq ans de pratique en tant que cadre de proximité avant de devenir formateur. L’alternance des cadres entre le management et la formation vient ici comme une réponse à la légitimité des formateurs

58 IFSI, tout en permettant de répondre à des enjeux institutionnels en termes de déficit de cadres de santé dans les unités de soins. Cependant la fonction de formation semble perçue comme un passage transitoire dans un métier de cadre de santé centré sur la fonction managériale.

Nous notons que l’intérêt de cette alternance ne semble bénéfique qu’aux formateurs IFSI. En effet, celle-ci n’est même pas évoquée pour les cadres de proximité qui souhaiteraient uniquement réaliser leur carrière dans le management. Le rapport Yahiel et Mounier (2010) a fait réagir le CEFIEC et d’autres associations professionnelles qui ont obtenu du ministère qu’il ne soit pas donné suite aux conclusions de ce rapport. La réflexion sur la réingénierie de la formation des CDS a alors pris une autre orientation.

Initiée en juillet 2011, la réingénierie de la formation des CDS a débouché sur deux référentiels d’activités et de compétences distincts pour les cadres de proximité et pour les formateurs (DGOS, 2012), décrivant ainsi deux métiers différents avec des compétences communes et des compétences spécifiques. Pour le CEFIEC cette séparation des activités du CDS formateur et du CDS manager était souhaitable pour une meilleure lisibilité dans le but de favoriser la reconnaissance des activités et des compétences des CDS formateurs IFSI (Charpentier & Pastol, 2012). Les travaux devaient reprendre en juin 2013 avec l’élaboration de référentiels de formation. Plusieurs questions se posaient alors aux niveaux du cursus de formation en lui-même et de sa durée (Hedef-Capelle, 2013). La formation va-t-elle s’orienter vers une durée de quatre semestres (contre deux actuellement) et ainsi correspondre à un niveau master ? Cette modification de la durée aurait une incidence sur le financement de la formation. Par ailleurs, cette formation des cadres de santé se construira-t-elle avec un tronc commun et des spécificités aux deux fonctions ? Une formation unique est-elle encore envisageable avec des acquisitions de compétences différenciées (Lenoir-Salfati, Dardel, &

Monnier, 2013) ? Faut-il alors élaborer deux cursus différents ? Quid dans les deux cas de la mobilité possible actuellement entre le management et la formation pour les cadres de santé infirmiers ? Quelques réponses semblaient avoir été apportées. Pour Benque (2017), « les membres du groupe de travail […] ont séché sur le référentiel de formation. Un processus en Y, avec un tronc commun d’un an, puis une seconde année différenciant les formations de manager et de formateur, avait la préférence des protagonistes ». Mais plusieurs écueils identifiés, « les éventuelles passerelles entre ces deux disciplines, les coûts liés à la deuxième année de formation, ainsi que le grade sanctionnant ce diplôme » (Ibid.), ont conduit la DGOS à repousser ce projet. Les travaux n’ont pas repris depuis et restent donc à ce jour inachevés.

Mais il existe sans doute d’autres raisons que celles évoquées ci-dessus pour expliquer l’arrêt de cette réingénierie.

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3.2.2. La création d’une discipline universitaire en sciences infirmières et