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P ARTIE IV R ESULTATS

1. Analyse quantitative

1.1. Le processus biographique : un changement dans la continuité

1.1.3. Les identités visées des formateurs IFSI

Nous allons maintenant nous intéresser aux identités visées (Dubar, 2010) par les formateurs IFSI en interrogeant leurs perspectives d’évolution professionnelle.

Graphique 52 : Perspectives d’évolution professionnelle ?

53,4 % des personnes ayant répondu ont des perspectives d’évolution professionnelle.

Certaines vont s’inscrire dans la continuité de leur fonction actuelle, d’autres davantage dans la rupture. Logiquement ce sont les formateurs les plus jeunes qui ont très significativement

185 (p-value = < 0,01 ; Fisher = 18,56) le plus de perspectives d’évolution professionnelle (année de naissance moyenne = 1970,86 contre 1965,8 pour ceux qui n’en ont pas).

Graphique 53 : Perspectives d’évolution professionnelle envisagées

Parmi les formateurs ayant des perspectives d’évolution professionnelle, 38,3 % ambitionnent de devenir cadre supérieur de santé sans plus de précision. Le diplôme de cadre de santé étant commun au cadre de proximité et au cadre formateur, la personne peut envisager un poste de cadre supérieur de santé dans le management ou dans la pédagogie.

Dans les deux cas, la personne pourra conserver son identité héritée infirmière si elle l’a conservée jusque-là dans son identité actuelle de formateur/formatrice. Le raisonnement est le même pour les 11,7 % des personnes interrogées qui pensent à un retour ou à une entrée dans le management hospitalier de proximité.

Dans le cas des personnes (10,4 %) qui envisagent une évolution vers un poste de Direction, la rupture avec la profession infirmière semble s’accentuer. Mais cela reste sans doute discutable, comme pour les 14,9 % qui envisagent de se diriger vers la recherche par le biais d’un doctorat par exemple. À première vue, cela semble les éloigner de leur identité héritée infirmière, mais la création d’une discipline universitaire dédiée met cet a priori en questionnement. Ce sont les personnes les plus jeunes qui ont envie de s’orienter très significativement (p-value = < 0,01 ; Fisher = 7,11) vers la recherche par le biais d’un doctorat.

Pour les 14,9 % qui souhaitent poursuivre leur fonction de formateur, mais dans un contexte différent d’un IFSI, nous pourrions parler de rupture avec l’identité héritée infirmière dans le cas où le lieu d’exercice envisagé ne soit plus en lien avec la profession infirmière (ce qui exclut les écoles ou les instituts de spécialisations infirmières)

Enfin, 9,1 % des formateurs déclarant avoir des perspectives d’évolution professionnelle n’ont pas encore défini précisément leur projet.

186 Graphique 54 : Inscription dans un master envisagée ?

Parmi les 43,1 % de formateurs IFSI interrogés non titulaires d’un master (cf. graphique n° 23), environ les deux tiers (61,1 %) envisagent de suivre une formation en master.

Graphique 55 : Champ disciplinaire du master envisagé

Cette formation en master se déroulerait majoritairement (64 %) dans le champ de la pédagogie, de la formation, puis dans le champ du management (19,1 %) ou dans un autre champ disciplinaire à 14,6 % (sciences infirmières, éthique, philosophie…). Logiquement, les formateurs les plus jeunes (moyenne d’année de naissance = 1972,18 versus 1961,47) envisagent davantage de s’y inscrire avec une très grande significativité (p-value = < 0,01 ; Fisher = 35,95).

Il n’apparait pas de différence entre les hommes et les femmes sur l’existence de leurs perspectives d’évolution professionnelle (p-value = 0,25 ; Khi2 = 1,30 ; ddl = 1,00). En revanche, quand des perspectives d’évolution sont présentes, les hommes s’orientent significativement (p-value = 0,04 ; Khi2 = 16,47 ; ddl = 8,00) davantage vers des projets de formation ailleurs qu’en IFSI ou vers des postes de Direction. Les hommes de l’étude représentent 39,1 % des personnes envisageant de devenir formateur ailleurs qu’en IFSI et 43,8 % des répondants qui se projettent dans des fonctions de direction.

187 Au final cette donnée reste peu exploitable en l’état. Environ la moitié des formateurs IFSI interrogés a des perspectives d’évolution professionnelle, mais un questionnaire ne nous permet pas d’accéder aux logiques internes des individus. Cette limite ne permet pas de percevoir avec précision si cette évolution se traduira par une rupture ou par une continuité avec leur identité héritée d’infirmier.

1.1.4. Synthèse

Le processus biographique relie l’analyse de la trajectoire antérieure et les perspectives de l’avenir par une transaction interne, subjective entre les identités héritées et les identités visées (Dubar, 2010).

Le profil type de ce corpus de formateurs est très majoritairement féminin (82,9 % de la population étudiée), avec un âge moyen de 49 ans, vivant en couple (80,8 % des répondants) avec un ou des enfants (88,2 % des répondants), titulaire d’un baccalauréat le plus souvent général (74,7 % des répondants), ayant exercé comme infirmier environ quinze ans principalement en services de médecine ou de chirurgie (65,7 % des répondants), de réanimation ou d’urgence (46,7 % des répondants). Les formateurs interrogés sont majoritairement cadres de santé (96 % des répondants) et formateurs à temps plein (86,3 % des répondants) depuis une dizaine d’années. Pour les deux tiers d’entre eux (68,6 %), il existe une expérience antérieure d’encadrement d’équipe paramédicale et un peu plus de la moitié (56,9 %) est titulaire d’un master. Un tiers d’entre eux (34 %) a pris ses fonctions de formateur avec un statut de faisant-fonction. Il est à noter le peu de mobilité de cette population : près de la moitié des répondants (42,3 %) exerce actuellement dans le lieu de leur formation infirmière initiale.

Le dénominateur commun du point de vue de l’identité héritée (Dubar, 2010) est ce passé d’infirmier/infirmière : tous les formateurs interrogés ont obtenu un diplôme infirmier.

Mais qu’en est-il actuellement au niveau de l’identité investie dans le présent (Gravé, 2002) ? Les personnes interrogées se sentent-elles encore infirmier/infirmière ? Se présentent-elles, se définissent-elles encore ainsi ? Dans une très forte proportion (79,7 %), nous remarquons que cela est effectivement le cas, que l’identité héritée infirmière est fortement présente chez les formateurs IFSI et qu’ils semblent donc s’inscrire en grande partie dans une certaine continuité vis-à-vis de celle-ci au niveau de leur identité investie dans le présent.

188 Au niveau des perspectives d’évolution professionnelle, révélatrices des identités visées (Dubar, 2010) par les formateurs IFSI, il apparaît que la fonction de formateur IFSI n’est pas l’aboutissement systématique d’une carrière professionnelle. En effet un peu plus de la moitié des formateurs interrogés (53,4 %) a des perspectives d’évolution professionnelle qui peuvent être diverses : cadre supérieur de santé, cadre de proximité manager, poste de Direction, formateur/formatrice hors IFSI, recherche… Chaque évolution envisagée peut être perçue par l’intéressé dans une dynamique de continuité ou de rupture avec ses identités héritées, ce qui conduit au fait que cette donnée reste peu exploitable en l’état. Si nous relevons qu’environ la moitié des formateurs IFSI interrogés a des perspectives d’évolution professionnelle, un questionnaire ne nous permet pas d’accéder aux logiques internes des individus. Cette limite empêche de percevoir avec précision le projet de Soi pour soi (Kaddouri, 2002) des formateurs interrogés, et ainsi de saisir avec précision si cette évolution se traduira par une rupture ou une continuité dans leur processus biographique.