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ESPRIT CONSCIENCIEUX (E)

I.6. La personnalité et le comportement du consommateur

Nombre de chercheurs en sciences humaines et plus particulièrement en psychologie, s’intéressent à la relation entre la personnalité du consommateur et le comportement d’achat de celui-ci vis-à-vis d’un produit ou d’une marque. Ces chercheurs ont posé comme hypothèse que les traits de la personnalité du consommateur allaient influencer son comportement, d’où la possibilité de prévoir ce comportement en se basant sur ses traits de personnalité. La personnalité est considérée comme le reflet de la valeur intrinsèque d’une personne. Elle est une construction liée de manière robuste aux objectifs d’un individu, y compris à ce qu’il s'efforce d'obtenir et à ce qu’il a obtenu grâce à la quantité et la qualité de sa consommation. Autrement dit, le comportement du consommateur est le reflet de sa personnalité par rapport à sa consommation.

La théorie des traits d’Allport et Odbert (1936) a également confirmé que les traits de

personnalité créaient la tendance comportementale. Les traits sont définis comme « les

tendances déterminées de façon générale et personnalisée, les façons cohérentes et stables d’un individu à s’ajuster à son environnement » (Allport et Odbert, 1936). C'est-à-dire que les traits créent une tendance à se comporter de manière stable, peu importe le moment (la semaine dernière, tout autant que cette semaine) et peu importe la situation (il prodiguera sa gentillesse au voisin âgé, ainsi qu’au chien boiteux). C’est ainsi que les traits de personnalité sont considérés comme des outils permettant de prévoir le comportement du consommateur. En prenant appui sur cette littérature fondamentale, Evans (1959) a fait des expérimentations pour déterminer si le choix d’achat selon la marque des automobiles était influencé par la personnalité du propriétaire de la firme. Comme résultat, il n’a pas trouvé de différence de personnalité entre les propriétaires de la marque Chevrolet et ceux de la marque Ford. Westfall (1962) a fait encore une fois des expérimentations sur les propriétaires de marques d’automobile différentes. Or, les résultats obtenus montrent une différence de personnalité entre des groupes de propriétaires de véhicules de marques différentes.

L’effet de la personnalité sur le comportement peut s’amplifier dans plusieurs domaines. Par exemple, Hogan (1984), Bowen et Schneider (1995) se sont intéressés à l’effet de la personnalité des employés du secteur des services, sur la qualité de ceux-ci. Ses études expérimentales ont confirmé que la personnalité des employés dans le secteur des services est considérée comme prédictive de la qualité du service. Ones et Viswesvaran (1996), et Harris

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et Lee (2004) se sont focalisés sur l’effet de la personnalité des chefs des ventes et des vendeurs sur leurs performances. Ils ont proposé que la personnalité des chefs des ventes et des vendeurs ait un effet sur la capacité de réaliser les objectifs de vente et de servir les consommateurs. Hough (1992) a confirmé une relation positive significative entre l’esprit consciencieux et l’effort de travail. De leur côté, Goff et Axkerman (1992) ont trouvé une relation positive significative entre l’esprit consciencieux et la notation (en points) des étudiants.

Plus concrètement, les chercheurs étudient l’effet de chacune des dimensions de Big-five sur le comportement. Hogan (1988), Barrick et Mount (1991), et Hurley (1998) ont confirmé que la personnalité était un outil utile pour prévoir la performance des employés. Les deux facteurs « agrément » et « extroversion » influent sur la façon dont une personne établit une relation avec autrui. Les personnes agréables et extraverties nouent plus facilement des relations avec autrui. En conséquence, ces deux facteurs ont un effet sur la performance du service.

Par ailleurs, Paunonen (2003) et Hong (2008) ont confirmé la capacité de prévision du comportement du consommateur à partir des dimensions de Big-five. Par exemple, les personnes agréables ont tendance à fumer, et les extravertis ont tendance à consommer plus d’alcool. Witt (2002), Fraj et Martinez (2003, 2006) ont démontré que les extravertis s’efforçaient d’améliorer leur conduite. Les consommateurs de cette catégorie s’engagent souvent à protéger l’environnement, préfèrent acheter des produits écologiques et boycottent les produits des entreprises polluantes.

Les résultats obtenus par des études similaires ont démontré clairement qu’il existait une relation entre la personnalité des consommateurs et les produits qu’ils consomment. Mais ces résultats ne sont pas robustes, ou le sont partiellement. Par exemple, pour la série des études concernant la détermination, s’il y a une différence de personnalité entre les propriétaires d’automobiles de marques différentes (Evans, 1959; Evans et Steiner, 1961; Westfall, 1962; Evans, 1968), des chercheurs ont mis en place plusieurs études avec des méthodologies différentes, mais ils n’ont pas pu confirmer une relation robuste entre la personnalité des propriétaires d’automobiles et leur choix respectif de telle marque d’automobile. Jusqu’à

1968, Evans a aussi confirmé que « la relation entre la personnalité et le comportement du

consommateur, et le rôle des variables personnelles dans des études de marché, sont encore des questions sans réponse ». C’est pourquoi des fondements théoriques s’avèrent nécessaires

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pour expliquer clairement la relation entre la personnalité des consommateurs et les produits qu’ils consomment.

Il est évident qu’il existe une relation entre la personnalité d’un individu et son comportement, mais plusieurs chercheurs ont confirmé que cet effet n’était pas très élevé : environ 10% (Kassarjian, 1971a; Prentice, 1987), car le comportement est influencé par d’autres variables ; par exemple, situationnelles. C’est pourquoi les chercheurs ont essayé de relever d’autres théories plus robustes, pour expliquer la relation entre la personnalité et le comportement d’une personne.

En 1957, Pierre Martineau a suggéré que le comportement du consommateur était déterminé par l’interaction entre sa personnalité et l’image du produit acheté. Il a également suggéré que l’image du produit ou de la marque était le symbole de la personnalité du client. Dans la même ligne, Duesen-Berry (1964) suggère que les consommateurs s’intéressent plus aux bénéfices symboliques du produit qu’aux bénéfices fonctionnels (cité par (Grubb et Grathwohl, 1967)). Plus récemment, ont été développées d’autres approches théoriques pour expliquer la relation entre la personnalité et le comportement du consommateur basé sur le concept de soi. Ce dernier est plus restreint et plus facile à mesurer que la personnalité (Grubb et Grathwohl, 1967). Et comme l’explique Bryne (1996), le concept de soi est très souvent exploité en sciences sociales, car il constitue une variable médiatrice entre la personne et d’autres « variables résultats ». C’est pour cela que dans le chapitre 2 suivant, nous

présenterons le concept de soi et la théorie de la congruence comme base théorique

permettant d’expliquer la relation entre la personnalité et le comportement du consommateur.

I.7.CONCLUSION

Aucune entité n’est plus complexe que la personne, et notamment la personnalité humaine.

La personnalité humaine est même une notion si sophistiquée qu’il n’existe pas de définition concrète de cette dernière. La personnalité est considérée comme l’ensemble des caractéristiques psychologiques communes à tous les êtres humains, à la nature humaine ainsi qu’aux différences individuelles. Cependant, étant donné sa complexité, aucune des définitions proposées ne peut couvrir tous ses aspects.

La personnalité humaine

Cela n’empêche pas qu’il existe plusieurs études de la personnalité humaine, dont chacune

s’intéresse à un aspect. L’approche psychanalytique de Freud vise à comprendre l’être

humain. Pour lui, l’individu est constitué de trois pôles (le ça, le moi, et le surmoi) qui sont en

perpétuel conflit, et la personnalité est le reflet de ce conflit interne. L’approche

phénoménologique cherche à comprendre comment les individus se connaissent eux-mêmes,

connaissent les autres et le monde, avec la structure-clé qui est le soi. Il est important de

signaler que cette idée est séduisante en marketing, en particulier pour justifier les

comportements d’achat spécifiques. L’approche cognitive se focalise sur un aspect interne

particulier, les processus cognitifs. Cette approche a pour objectif de faire comprendre comment nous percevons les événements qui nous entourent, les interprétons et nous

comportons en tenant compte de ces interprétations. Enfin, la théorie des traits est une

démarche uniquement descriptive de la personnalité.

La théorie de la personnalité est intéressante pour notre recherche, pour deux raisons. D’une part, elle est exhaustive et universelle. D’autre part, d’un point de vue méthodologique, le

concept des traits est celui qui nous donne le plus de marge pour manipuler les données et

surtout, les transposer dans le champ du marketing. Comme le souligne Rolland (1993), de

nombreuses recherches montrent que les traits et les dimensions de personnalité permettent

d’effectuer des « prédictions critérisées fiables ».

Par ailleurs, le modèle Big-five est le modèle le plus approprié pour étudier la relation entre la personnalité et le comportement du consommateur. Comme Caprara et al.(1994) l’ont

confirmé, « la force du modèle en cinq facteurs se situe essentiellement dans ses applications.

Ce modèle peut notamment constituer une passerelle entre la psychologie de la personnalité et la psychologie sociale ». Ainsi, l’approche des traits et le modèle Big-five apparaissent comme les orientations les plus « exploitables » pour appréhender la personnalité du consommateur et les éventuelles influences de celle-ci sur son comportement.

Cadre conceptuel

Ch.3 – La personnalité de la marque

- De la congruence de soi à la personnalité de la marque

- Les mesures de la personnalité de la marque

- La personnalité de la marque : une valeur ajoutée pour le consommateur

Ch.2 – Le concept de soi

- Le concept de soi - La congruence de soi

Ch.1 – La personnalité humaine

- La personnalité humaine : les concepts et les différentes théories de la personnalité humaine

- Le modèle de Big-five et ses mesures

Méthodologie de la recherche

Ch.5 – Cadre de recherche et hypothèse

- La relation entre la personnalité de la marque et le capital-marque - La conséquence du capital-marque : la relation marque-consommateur - La relation entre la personnalité et les variables relationnelles

Ch.6 – Outils de mesure

- Construction d’une échelle de mesure de la personnalité de la marque et de celle du consommateur

- Construction d’une échelle de mesure du capital-marque - Echelles de mesures des variables relationnelles

Résultat de la recherche

Ch.7 – Analyses et discussions

- Conditions de validation du modèle de recherche - Analyse et test des hypothèses

Conclusion générale Introduction générale

Ch.4 – Le capital-marque

- Le capital-marque : le rôle et les valeurs de la marque

- Le capital-marque du point de vue du client

- Les conséquences du capital-marque : la relation capital- marque-consommateur

Le concept de soi

CHAPITRE II : LE CONCEPT DE SOI

Introduction

Parmi les questions majeures du marketing figure celle de comprendre pourquoi les consommateurs choisissent un produit ou pourquoi ils préfèrent une marque. Comme nous l’avons exposé au chapitre 1 précédent, les chercheurs dans le domaine du marketing s’intéressent depuis longtemps à la relation entre la personnalité humaine et le comportement du consommateur. Des études expérimentales ont alors été mises en place pour confirmer l’effet de la personnalité humaine sur le comportement du consommateur. A titre d’exemple, on peut citer l’étude d’Evans (1959) cherchant à déterminer s’il existe des différences dans la personnalité des propriétaires d’automobiles de marques différentes.

Cependant, les résultats des études de l’effet de la personnalité sur le comportement du consommateur ne sont pas robustes, ou ne le sont que partiellement. Le concept de la personnalité n’est pas clairement formulé (Birdwell, 1968). En plus, il n’y a pas de théories précises pour expliquer concrètement la base de la relation entre la personnalité humaine et le comportement du consommateur. Les chercheurs se donnent donc une idée de l’étude de l’effet du concept de soi sur le comportement du consommateur. Le concept de soi est la perception d’un individu sur ses capacités, ses limites, son apparence, en somme les caractéristiques qui constituent sa personnalité (Graeff, 1996b). Il s’agit d’un concept acceptable de la personnalité, né à partir des théories de la personnalité (Birdwell, 1968). Un cas de figure : la théorie de la personnalité de Cattell, et celle de Freud, ont considéré le

concept de soi comme un fondement important de la personnalité. Et selon Rogers, le soi est

le concept structural-clé de la personnalité. En conséquence, le concept de soi est utilisé directement comme la base de certaines théories de la personnalité (Belch et Landon, 1977a; Belch et Landon, 1977b).

Selon Pervin (2001), on a mis l’accent sur le concept de soi pour trois raisons. D’abord, notre

conscience de nous-mêmes représente un aspect important de notre expérience phénoménologique ou subjective. Ensuite, de nombreuses recherches révèlent que la façon dont nous nous percevons nous-mêmes influe sur notre comportement dans différentes situations. Enfin, le concept de soi est une hypothèse qui permet de rendre compte des aspects organisés et unifiés du fonctionnement de la personnalité humaine.

Le concept de soi

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En plus, le concept de soi est plus facile à mesurer que la personnalité (Grubb et Grathwohl, 1967). Ainsi depuis longtemps, dans les études concernant le comportement du consommateur, le concept de soi est utilisé comme remplaçant le concept de la personnalité humaine. Birdwell (1968) est considéré comme le premier chercheur à placer le concept de soi au cœur de ses recherches concernant l’effet de la personnalité humaine sur son comportement d’achat.

A la suite des travaux de Birdwell (1968), la plupart des théoriciens se sont intéressés à la recherche de théories pour expliquer la relation entre le concept de soi et le comportement. Jusqu’à maintenant, il existe des théories fondamentales telles que la théorie de

l’interactionnisme interpersonnel, la théorie de l’interactionnisme symbolique, la théorie du

renforcement du soi et la théorie de congruence de soi, qui expliquent clairement la base de la relation entre le concept de soi et le comportement du consommateur.

À l’heure actuelle, dans le domaine du marketing, on ne peut pas se passer de la relation entre l’image de soi (le consommateur) et l’image du produit/de la marque ; et on ne peut contourner non plus l’effet de cette relation sur le comportement du consommateur. Or, vu les difficultés liées à la mesure de l’image du produit/de la marque, les chercheurs se sont penchés sur un autre concept : la personnalité de la marque. C’est pourquoi dans le cadre de

notre thèse, nous nous intéresserons à la congruence entre la personnalité de la marque

et celledu consommateur.

Ce chapitre sera donc consacré à cerner l’origine du concept de soi, et à expliquer les

principales études relevées dans la littérature du concept de soi. On y abordera les bases

théoriques pour expliquer la relation entre le concept de soi et le comportement, et des études antérieures pour confirmer l’effet de la congruence entre l’image de soi et l’image de la marque sur le comportement du consommateur. Cette littérature du concept de soi et de la

congruencede soi sert de base pour développer la littérature concernant la personnalité de la marque, et la congruence entre personnalité de la marque et personnalité du consommateur.

Le concept de soi

Section I :

Le concept de soi

Le concept de soi est envisagé comme la réponse à la question « qui suis-je ? ». L’individu a

diverses réponses possibles en fonction des relations interpersonnelles. « Je définis qui je suis

en déterminant où je suis, à la maison, à l’entreprise, dans une conférence… » (Taylor, 1989).