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La parabole cart´esienne solution du probl`eme de Pappus

2.4 La parabole cart´esienne

2.4.1 La parabole cart´esienne solution du probl`eme de Pappus

2.4.1

La parabole cart´esienne solution du probl`eme de

Pappus

Que soient donn´ees cinq lignes droites dont quatre parall`eles AB, IH, ED, GF et `a ´egale distance (AI = AE = GE) l’une de l’autre, et une cinqui`eme exemples en faisant varier la configuration des droites et l’´equation du probl`eme de lieu. Cf. [Rabuel(1730), p. 146-253].

72Cf. par exemple [figure 2.7, p. 66].

73En effet, les coefficients de l’´equation (2.49) donnent m = 4 3, o = 7 9, p = 16 27 et (7 9) 2<4 × 16 9 × 4 9.

74Cf. [Descartes(1637c), p. 408-410]. Pour plus de d´etails, on peut voir la reconstruction

et l’´etude donn´ee par Henk Bos. Cf [Bos(2001), p. 274-276 et p. 325-333]. Henk Bos propose ´egalement une conjecture sur l’invention de la parabole cart´esienne par Descartes dans [Bos(1992)].

74 CHAPITRE 2. LA SOLUTION DE DESCARTES

droite GA perpendiculaire aux autres. Qu’on suppose ´egalement que les pro- jections du point C sur ces lignes droites se fassent `a angles droits et qu’on obtienne ainsi les points B, H, D, F et M. On cherche alors le lieu des points C v´erifiant

CF× CD × CH = CB × CM × AI. (2.50) o`u AI est constante.

Qu’on pose CB = y, CM = x et AI = a. On se place ainsi dans un rep`ere `a coordonn´ees rectangulaires d’axe AB et d’origine A. On notera de plus que AGrepr´esente pour nous l’axe des ordonn´ees.

Si on suppose que le point C se trouve entre les lignes AB et DE, il est ais´e de d´eduire l’´equation

y3 − 2ay2− a2y+ 2a3 = axy. (2.51) Descartes suppose d’autre part dans sa figure, sans le dire, que le point C se trouve au-dessus de la droite AG. Il est clair qu’on obtiendrait la mˆeme ´equation en se pla¸cant au-dessous de la droite, et donc un arc de courbe g´eom´etrique sym´etrique par rapport `a la droite AG du premier obtenu au- dessus.

D’autre part, on peut calculer les ´equations qu’on obtiendrait en choisis- sant les quatre autres positions possibles pour le point C75, `a savoir :

au del`a de GF : y3− 2ay2− a2y+ 2a3 = axy, (2.52) entre GF et DE : y3− 2ay2− a2y+ 2a3 = −axy, (2.53)

entre AB et IH : y3+ 2ay2 − a2y− 2a3 = −axy, (2.54) au del`a de IH : y3 + 2ay2− a2y− 2a3 = axy. (2.55) Ce faisant, on constate bien qu’on obtient deux courbes comprenant chacune deux branches. Il s’agit des deux courbes d’´equations respectives, au sens moderne, (2.51) et (2.53) repr´esent´ees dans la figure 2.11 qu’on obtient en ´ecrivant l’´equation du lieu

y(a − y)(2a − y) = ±axy. (2.56) Le vocabulaire adopt´e par Descartes nous paraˆıt assez significatif. Il nomme ainsi les deux branches sym´etriques par rapport `a l’axe des abs- cisses « adjointes », tandis qu’il nomme les deux branches sym´etriques par

75Notons qu’en supposant que C se situe au del`a de GF, on obtient la mˆeme ´equation

2.4. LA PARABOLE CART ´ESIENNE 75

Fig. 2.10 – G´eom´etrie(1637), p. 336.

rapport `a la droite IH « contrepos´ees » des branches paraboliques76. En ce

cas donc, il semble reconnaˆıtre en un sens plutˆot quatre courbes que deux, ces quatre courbes ´etant obtenues `a partir d’une premi`ere parmi celles-l`a par des transformations successives permettant d’obtenir une adjointe et deux contrepos´ees. Bien sˆur, de telles transformations, bien que pouvant ˆetre interpr´et´ees g´eom´etriquement, seront des transformations portant sur les ´equations alg´ebriques obtenues lors de l’analyse du probl`eme. Mais qu’en

76 CHAPITRE 2. LA SOLUTION DE DESCARTES E I G A C M F D B H

Fig. 2.11 – Les deux courbes solutions du probl`eme de Pappus `a cinq lignes

est-il du rapport entre courbe g´eom´etrique solution et ´equation alg´ebrique ? Pla¸cons-nous ainsi dans le demi plan sup´erieur d´elimit´e par la droite AG, axe des ordonn´ees. Autrement dit, pour nous, de fa¸con moderne, consid´erons seulement les abscisses x positives. Ajoutons qu’une telle consid´erationest toute naturelle pour un g´eom`etre classique du fait de la sym´etrie de la courbe g´eom´etrique. Ne fait-on pas de mˆeme dans le cas des coniques rapport´ees `a leur axe par leur symptoma ?

On remarque donc qu’on obtient quatre ´equations distinctes. Ces ´equa- tions sont reli´ees par deux types de changement de variables x → −x et

2.4. LA PARABOLE CART ´ESIENNE 77

y → −y. Pour Descartes qui ne d´enote par des lettres que des quantit´es positives, le premier changement de variable permettrait d’obtenir l’´equation alg´ebrique de la courbe pour les abscisses n´egatives, tandis que le second joue le mˆeme rˆole pour les ordonn´ees n´egatives. Mais on peut aussi interpr´eter ce changement, eu ´egard au vocabulaire cart´esien pr´ec´edemment d´ecrit, comme portant sur les quatre branches des deux courbes g´eom´etriques.

Ainsi, dans notre exemple, l’´equation (2.55) (resp. (2.54)) est obtenue `a partir de l’´equation (2.52) ou (2.51) (resp. (2.53)) par le changement de va- riables y → −y, et r´eciproquement. Ce faisant on obtient trois arcs de la premi`ere (resp. seconde) courbe g´eom´etrique solution dans la partie corres- pondant aux abscisses positives77. Pour obtenir la courbe g´eom´etrique com- pl`ete, il faut proc´eder au changement de variables x → −x dans chacune des ´equations (2.51) et (2.53). On se rend compte alors que ces deux ´equations se correspondent par ce mˆeme changement de variables, du fait de la sym´etrie des courbes par rapport `a l’axe des y.

Apparaˆıt ici une difficult´e r´esultant du choix cart´esien d’´ecarter les quan- tit´es n´egatives. Deux courbes g´eom´etriques distinctes sont exprim´ees par la mˆeme famille d’´equations alg´ebriques. La diff´erence provient du fait que cha- cune de ces ´equations alg´ebriques correspond pour l’une et l’autre courbe g´eom´etrique `a des parties diff´erentes du plan. `A nouveau, on retrouve la mˆeme caract´eristique des ´equations alg´ebriques obtenues par analyse alg´ebrique d’un lieu g´eom´etrique. Elle n’exprime ici qu’un arc de courbe pris dans une demi-bande du plan.

Ainsi, l`a o`u nous consid´erons une ´equation alg´ebrique comme expri- mant une courbe g´eom´etrique dans le plan, comme c’est le cas pour les ´equations (2.51) et (2.53) qui expriment de fa¸con moderne chacune une cu- bique solution, Descartes consid`ere quatre ´equations alg´ebriques obtenues par les changements de variable x → −x et y → −y `a partir de l’´equation (2.51). Ajoutons que de tels changements de variable ´echangeant racines n´egatives et racines positives de l’´equation, soit en x, soit en y, il n’est donc besoin pour Descartes que de consid´erer la ou les racines positives pour une ´equation alg´ebrique donn´ee repr´esentant un arc de la courbe. La th´eorie cart´esienne paraˆıt ainsi bien fond´ee et coh´erente, bien que sujette `a des com- plications et `a des risques de confusions.

78 CHAPITRE 2. LA SOLUTION DE DESCARTES

2.4.2

La description de la parabole cart´esienne par

mouvement compos´e

Descartes avait initialement pr´esent´e la solution du probl`eme de Pappus `a cinq lignes dans ce cas tr`es particulier en disant :

[...] le point cherch´e sera en la ligne courbe, qui est descrite par le mouvement d’une parabole en la fa¸con cy dessus expliqu´ee.78

Il faisait ici r´ef´erence `a une description par mouvement d’une courbe par l’intersection d’une r`egle glissante et d’une courbe donn´ee mue selon une droite79.

Fig. 2.12 – La G´eom´etrie, p. 321

Apr`es donc avoir obtenu l’´equation par une analyse alg´ebrique du probl`e- me g´eom´etrique, Descartes allait montrer que cette ´equation est celle de la courbe d´ecrite par le mouvement compos´e d’une droite et d’une parabole. Il ´ecrit ainsi :

78Cf. [Descartes(1637c), p. 408]. Pour une ´etude de la relation entre ces deux modes de

donation de la parabole cart´esienne suivie d’une tentative de reconstruction de la d´emarche de Descartes, cf. [Bos(1992)].

2.4. LA PARABOLE CART ´ESIENNE 79

Apr´es cela ie considere la ligne courbe CEG, que i’imagine estre descrite par l’intersection, de la parabole CKN, qu’on fait mouvoir en telle sorte que son diametre KL est tousiours sur la ligne droite AB, & de la reigle GL qui tourne cependant autour du point G en telle sorte qu’elle passe tousiours dans le plan de cete Parabole par le point L.80

Posant KL = a et prenant ´egalement le cˆot´e droit de la parabole ´egal `a a, Descartes consid`ere alors le point C, situ´e entre les droites AB et DE, comme ´etant un point de la parabole. Du fait des triangles semblables GMC et CBL, on a GM: MC = CB : BL soit 2a + y x = y BL, (2.57) et BL = xy 2a − y d’o`u BK = 2a2− ay − xy 2a − y . (2.58) D’autre part, le point C appartient `a la parabole de cˆot´e droit a, d’o`u

BK: BC = BC : a soit 2a2 −ay−xy 2a−y y = y a. (2.59) On d´eduit ensuite finalement bien l’´equation (2.51).

Le commentaire de Descartes qui suit nous paraˆıt essentiel. Il ´ecrit : Et il [le point C] peut estre pris en tel endroit de la ligne CEG qu’on veuille choisir81, ou aussy en son adiointe cEGc qui

se descrit en mesme fa¸con, except´e que le sommet de la Parabole est tourn´e vers l’austre cost´e, ou enfin en leur contrepos´ees NIo, nIO, qui sont descrites par l’intersection que fait la ligne GL en l’autre cost´e de la Parabole KN.82

Ce que Descartes ne dit pas, c’est l’´equation qu’on obtiendra en prenant le point C en une position quelconque de la courbe CEG. Il nous suffira de donner la figure 2.1383 pour montrer que si un tel point C se trouve sur la courbe CEG entre les droites DE et FG84, et donc que pour nous il admette

80Cf. [Descartes(1637c), p. 408-409]. 81C’est moi qui souligne.

82Cf. [Descartes(1637c), p. 409-410].

83Dans ce cas GM = AG − AM = 2a − y et BK = BL + LK. Cette somme au lieu d’une

diff´erence explique le changement d’´equation.

80 CHAPITRE 2. LA SOLUTION DE DESCARTES

une abscisse n´egative, on obtiendra l’´equation (2.53) qu’on devra interpr´eter cette fois-ci comme renvoyant `a la courbe CEG et non `a la courbe cEGc, comme c’´etait le cas dans l’analyse alg´ebrique donn´ee par Descartes. De la mˆeme fa¸con, on v´erifie qu’on obtient les trois autres branches de courbe, ainsi que l’indique Descartes, comme exprim´ees par les ´equations trouv´ees lors de l’analyse alg´ebrique correspondant `a la position du point C donn´ee relativement aux droites du probl`eme.

a x y a A G L K C M B

Fig.2.13 – La description de la parabole cart´esienne par mouvement compos´e Reste qu’`a nouveau la correspondance entre ´equation alg´ebrique et courbe g´eom´etrique apparaˆıt ici bien plus compliqu´ee que ne la pr´esente Descartes et de surcroˆıt en contradiction avec celle correspondant `a l’analyse alg´ebrique d’un probl`eme de lieu g´eom´etrique. En effet, l’interpr´etation de l’´equation alg´ebrique (2.53) ne renvoie pas `a la mˆeme cubique solution que dans la solution du probl`eme de Pappus `a cinq lignes.

On retrouve ainsi, dans le cas d’une description d’une courbe par mouve- ment, les mˆemes difficult´es dans l’´etablissement d’une correspondance entre ´equation(s) alg´ebrique(s) et courbe g´eom´etrique que celles rencontr´ees lors de l’analyse alg´ebrique.

2.4. LA PARABOLE CART ´ESIENNE 81

Il est toutefois remarquable que Descartes choisisse de donner l’´equation alg´ebrique qui peut ˆetre lue par nous comme exprimant l’une des deux courbes g´eom´etriques solutions enti`ere.

Chapitre 3

Une histoire du probl`eme de

Pappus avant la G´eom´etrie

:

1631-1637

Comme on le sait bien, le probl`eme de Pappus fut sugg´er´e par Golius1

`a Descartes `a la fin de l’ann´ee 16312. Deux lettres de Descartes `a Golius,

la premi`ere dat´ee par Adam et Tannery de janvier 1632, la seconde, du 2 f´evrier 1632, en portent t´emoignage3. Dans la seconde lettre, Descartes se

f´elicite du « favorable jugement » de Golius sur son analyse du probl`eme4.

La premi`ere lettre, bien plus d´etaill´ee, contient des informations int´eressantes sur la solution donn´ee par Descartes `a la fin de l’ann´ee 1631.

3.1

La lettre `a Golius de janvier 1632

Dans cette lettre `a Golius de janvier 1632, Descartes commence par se reprocher au sujet des lignes courbes solutions du probl`eme « [d’en avoir]

1Le personnage de Golius est `a de nombreux ´egards int´eressant et myst´erieux. Pro-

fesseur de math´ematiques et de langues orientales `a Leyde, il est d’autant plus ´etrange, comme le notent Adam et Tannery, que dans une lettre du 1er mars 1638 `a Mersenne,

Descartes se plaigne que Golius n’entende pas sa G´eom´etrie. Cf. [Descartes(1964-1974), II, p. 30].

2Au sujet de cette premi`ere ´etude par Descartes du probl`eme de Pappus, cf. [Bos(2001),

Chap. 19, p. 271-283].

3Cf. [Descartes(1964-1974), I, resp. p. 232-234 et 236-237]. 4Cf. [Descartes(1964-1974), I, p. 236-237].

84 CHAPITRE 3. AVANT LA G ´EOM ´ETRIE : 1631-1637

seulement expliqu´e quelques especes, au lieu d’en definir les genres tous en- tiers », puis indique comme il aurait pu faire5. Nous laissons de cˆot´e cette

premi`ere critique qui n’int´eresse pas notre propos6. Remarquons simplement

que la premi`ere partie du livre II de la G´eom´etrie de 1637 d´eveloppe ces arguments7 bien que Descartes, un peu plus loin, soit bien oblig´e d’avouer

qu’il ne pourra pas donner la classification en esp`eces pour le probl`eme de Pappus `a cinq lignes8.