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La construction de l’´equation du lieu et la d´etermination

2.3 La solution cart´esienne

2.3.5 La construction de l’´equation du lieu et la d´etermination

Descartes propose ensuite la d´etermination et la construction de la co- nique exprim´ee par l’´equation (2.29), selon les diff´erents cas, dans la suite du

2.3. LA SOLUTION CART ´ESIENNE 65

livre II de la G´eom´etrie47 et ne consid´ere donc explicitement qu’une conique

solution.

Pour ce faire, il extrait la racine en y de l’´equation (2.31) et d´eduit l’´equation y = m −nx z + s m2 2mnx z + n2x2 z2 + bcf glx− bcfgx2 ez3− cgz2 . (2.36) Posant ensuite48

« pour abr´eger »

o= −2mn z + bcf gl ez3 − cgz2 et − p m = n2 z2 − bcf g ez3− cgz2, (2.37)

il obtient finalement l’´equation

y= m − n zx+ r m2+ ox − p mx 2. (2.38)

Il commente ensuite cette ´equation en ´ecrivant :

Et il est evident que, la question n’estant propos´ee qu’en trois au quatre lignes, on peut tousiours avoir de tels termes ; except´e que quelques uns d’entre eux peuvent estre nuls, & que les signes + & − peuvent diversement estre chang´es.49

Descartes, pour garantir la g´en´eralit´e de l’´equation (2.38), s’appuie ainsi sur des changements de signes des termes de l’´equation, argument qu’il a d´ej`a donn´e plusieurs fois auparavant, ainsi que sur la possibilit´e de consid´erer certains des termes comme nuls. En effet, on peut supposer par exemple que le terme en y — resp. le terme en xy — dans l’´equation (2.31) est nul, auquel cas on obtient m = 0 — resp. n = 0 —.

Dans le premier cas, le changement des connues qui conduit `a introduire

p

m dans l’´equation (2.37) peut ˆetre effectu´e de la mˆeme fa¸con en rempla¸cant

m par une autre lettre m′. Les expressions qu’on trouve dans la discussion

donn´ee `a la suite par Descartes dans le cas o`u m 6= 0 peuvent ainsi ˆetre

47Cf. [Descartes(1637c), p. 398-406]. Cf. aussi [Scott(1952), p. 108-111], [Bos(2001),

p. 320-325] et [Galuzzi et Rovelli(s.p.), p. 33-38].

48Nous ajoutons le signe − devant p

m qui manque dans l’´edition de 1637 et dans les

´editions latines de 1649 et 1659-1661. Descartes fait son calcul en effet dans la suite comme si le signe figurait. Cf. [Descartes(1637c), p. 399].

66 CHAPITRE 2. LA SOLUTION DE DESCARTES

reprises pour traiter le cas m = 0 `a condition de diff´erencier dans celles-ci la lettre m qui r´esulte du changement des donn´ees (2.32) et doit ˆetre ´egal´ee `a 0 de celle qui r´esulte du changement des donn´ees (2.37).

Fig. 2.7 – G´eom´etrie(1637), p. 331

Descartes construit50 ensuite le segment KI ´egal et parall`ele `a l’abcisse

BA tel que BK = m. La ligne KL = n

zx est obtenue en tirant la droite IL

d´efinie par la proportion IK : KL = z : n. Mais alors LC =pm2+ ox − p mx2.

D’autre part, le rapport KL : IL est donn´e. Descartes le pose ´egal au rapport n: a et obtient IL = a

zx.

Selon le signe de m et n

zx dans l’´equation g´en´erale du lieu de Pappus

dont l’´equation (2.38) fournit un exemple, Descartes doit indiquer dans quel sens il trace les segments correspondants, ce qui complique sa pr´esentation puisque les lettres d´esignent toujours des segments non orient´es, c’est-`a-dire des quantit´es positives51.

Les deux autres cas `a consid´erer dans la discussion, lorsque les coefficients mou n

zxsont nuls, sont mentionn´es en passant par Descartes

52. Nous verrons

50Cf. [Descartes(1637c), p. 400].

51Hudde sera le premier semble-t-il `a d´esigner par des lettres des quantit´es n´egatives

dans son trait´e [Hudde(1659a)] publi´e dans la seconde ´edition latine de la G´eom´etrie de 1659-1661. Cf. [Scott(1952), p. 106].

52Descartes se contente de dire qu’il ne faut point tirer dans ce cas les lignes IK et IL

2.3. LA SOLUTION CART ´ESIENNE 67

dans la suite que Debeaune ins´erera une observation dans les Notes Br`eves o`u il donne la d´etermination et la construction des coniques solutions dans ces cas dans ces deux cas53.

Bien sˆur, l’´equation de la droite IL dans le rep`ere d’axe AB, d’origine A et d’ordonn´ee BL est y = m − n

zx mais comme on l’a vu auparavant Descartes

consid´ere une proportion pour d´efinir cette droite.

Descartes d´etermine ensuite les coniques solutions en proc´edant `a une discussion portant sur le terme mpx2. Il ´ecrit :

Or, cela fait, il ne reste plus, pour la ligne LC, que ces termes

LC= r

mm+ ox − p mxx

d’o`u ie voy que, s’ils estoient nuls, ce point C se trouveroit en la ligne droite IL ; & que, s’ils estoient tels qua la racine s’en pust tirer [...] ce point C se trouveroit en une autre ligne droite qui ne seroit pas plus malays´ee a trouver qu’IL. Mais lorsque cela n’est pas, ce point C est tousiours en l’une des trois sections coniques, ou en un cercle, dont l’un des diametres est en la ligne IL, & la ligne LC est l’une de celles qui s’appliquent par ordre a ce diametre, ou au contraire LC est parallele au diametre auquel celle qui est en la ligne IL est appliqu´ee par ordre. A s¸cavoir, si le terme mpxx est nul, cette section conique est une Parabole ; & s’il est marqu´e du signe +, c’est une Hyperbole ; & enfin, s’il est marqu´e du signe −, c’est une Ellipse. Except´e seulement si la quantit´e aam est ´egale `a pzz, & que l’angle ILC soit droit : auquel cas on a un cercle au lieu d’une Ellipse.54

Descartes mentionne ainsi une alternative pour la d´etermination de la conique solution : soit la ligne IL correspond au diam`etre et la ligne LC `a l’ordonn´ee55, soit la ligne LC est parall`ele au diam`etre et la ligne IL correspond

alors `a l’ordonn´ee56.

Il pr´ecise ensuite pour le premier cas le sommet, le cˆot´e droit, ainsi que le centre et le cˆot´e traversant, pour chaque conique solution57 en se r´eclamant

53Cf. infra [section 4.2.3, p. 104]. 54Cf. [Descartes(1637c), p. 401].

55C’est le cas du cercle solution ´etudi´e par Descartes. Cf. [figure 2.7, p. 66]. 56Cette situation est repr´esent´ee par une hyperbole. Cf. [figure 2.8, p. 71]. 57Cf. [Descartes(1637c), p. 402-405].

68 CHAPITRE 2. LA SOLUTION DE DESCARTES

pour la construction de ces derni`eres des probl`emes associ´es dans le Livre I des Coniques d’Apollonius58. On peut bien sˆur se poser la question de

savoir comment Descartes a trouv´e une telle construction59, autrement dit

retrouver l’analyse cach´ee qui lui a permis de d´eterminer l’expression de la position du sommet et du centre, ainsi que celle du cˆot´e droit et du cˆot´e traversant `a partir de l’´equation (2.38). Une telle recherche ne nous semble pas artificielle. Descartes ´ecrit en effet dans une lettre du 31 mars 1638 `a Mersenne la c´el`ebre formule :

Mais le bon est, touchant cete question de Pappus, que ie n’en ay mis que la construction & la demonstration entiere, sans en mettre toute l’analyse, laquelle ils s’imaginent que i’ay mise seule : en quoy ils tesmoignent qu’ils y entendent bien peu. Mais ce qui les trompe, c’est que i’en fais la construction, comme les Architectes font les bastimens, en prescrivant seulement tout ce qu’il faut faire, & laissant le travail des mains aux charpentiers et aux masons. [...] Pour l’analyse, i’en ay omise une partie, affin de retenir les esprits malins en leur devoir ; car si ie leur eusse donnee, ils se fussent vantez de l’avoir sceue long tems auparavant, au lieu que maintenant ils n’en peuvent rien dire qu’ils ne descouvrent leur ignorance.60

Connaissant « l’´equation g´en´erale » d’une conique61

Y2 = rX ± r qX

2 (2.39)

tir`ee des symptoma des Coniques d’Apollonius, o`u X d´esigne l’abscisse me- sur´ee `a partir du sommet, Y l’ordonn´ee correspondante, r le cˆot´e droit et q le cˆot´e traversant, l’´equation (2.38) sugg`ere de reconnaˆıtre dans la droite IL le diam`etre de la section conique solution, et dans IL et LC l’abscisse et l’or- donn´ee du point C relativement `a ce diam`etre.

58Il s’agit respectivement des propositions 52 et 53 pour la parabole, 54 et 55 pour

l’hyperbole, 56 `a 58 pour l’ellipse. Cf. [Apollonius(1959), resp. p. 97-100, 101-106, 106- 112] et [Apollonius(1896), p. 42-52]. Cf. ´egalement infra [section 6.4.2, p. 197].

59Henk Bos a propos´e une reconstruction fond´ee sur l’usage de la m´ethode des coefficients

ind´etermin´es. Cf. [Bos(2001), p. 323-324].

60Cf. [Descartes(1964-1974), II, p. 83].

61Descartes emploie ainsi dans la m´ethode des normales une ´equation semblable `a

2.3. LA SOLUTION CART ´ESIENNE 69 En posant  x′ = a zx y′ = y − m +n zx (2.40) on d´eduit de l’´equation (2.38) y′ = r m2+oz a x′ − pz2 ma2x′2. (2.41)

Comme le remarque Massimo Galuzzi62, lorsque pz2 = ma2 et que l’angle

c

ILC est droit, on d´eduit aussitˆot que l’´equation (2.41) est celle d’un cercle qui correspond `a la figure 2.7 donn´ee par Descartes. De mˆeme, lorsque mp = 0, on obtient clairement une parabole dont le sommet N, qui se trouve sur la droite IL, est d´etermin´e par IN = amm

oz et dont le cˆot´e droit est ´egal `a oz

a.

`

A pr´esent, on peut d´eterminer les deux sommets de la conique `a centre consid´er´ee en r´esolvant l’´equation quadratique en x correspondant `a la valeur nulle de l’expression (2.41) de y′. On peut ainsi d´eduire le demi-cˆot´e traver-

sant et le centre de la conique. On obtient ainsi, dans le cas de l’ellipse, pour l’´equation (2.41) x′ = aom 2pz + s a2o2m2 4p2z2 + a2m3 pz2 . (2.42)

en ne consid´erant que la racine positive `a la mani`ere de Descartes. On d´eduit ais´ement de l’´equation (2.42) le centre M de l’ellipse d´etermin´e par

IM= aom 2pz, (2.43) le cˆot´e traversant s a2o2m2 p2z2 + 4a2m3 pz2 , (2.44) et le cˆot´e droit s o2z2 a2 + 4m p z 2a2, (2.45)

car comme l’indique Descartes dans sa propre construction « pour le cˆot´e traversant, il faut trouver une ligne qui soit a ce cost´e droit comme aam est

62Cf. [Galuzzi et Rovelli(s.p.), p. 36]. Massimo Galuzzi ajoute n´eanmoins avec prudence

70 CHAPITRE 2. LA SOLUTION DE DESCARTES

e pzz »63. Une justification possible pour obtenir cette proportion consiste `a

identifier dans les ´equations (2.38) et (2.41) les coefficients en X2 et x′2.

Le raisonnement pr´ec´edent est de nature alg´ebrique et ne s’appuie pas v´eritablement sur la r´esolution d’un probl`eme g´eom´etrique, il ne n´ecessite d’ailleurs pas de figure. N´eanmoins, il peut ˆetre interpr´et´e de cette fa¸con, en se fondant par exemple sur la r´esolution des probl`emes plans dans le Livre I de la G´eom´etrie64, et ˆetre ainsi employ´e de fa¸con l´egitime en G´eom´etrie.

D’autre part, il s’inscrit naturellement dans le contexte de l’alg`ebre consid´er´e comme une th´eorie des ´equations qui est developp´ee par Descartes dans le Livre III de la G´eom´etrie. De ce point de vue, cette « divination » de l’analyse cach´ee par Descartes est ainsi fid`ele `a l’auteur de la G´eom´etrie.

Schooten propose un ´eclaircissement pour l’analyse cart´esienne dans son ´edition latine de 1659-1661 o`u il ´etudie l’ensemble des cas de figure corres- pondant aux coniques solutions65. Dans le cas de l’ellipse, par exemple, en

identifiant l’expression de LC2 tir´ee de l’´equation (2.38) `a r

2cNL× LQ, o`u Q

d´esigne le sommet oppos´e `a N, r le cˆot´e droit et c le cˆot´e traversant, tir´ee du symptoma de l’ellipse, il d´etermine en usant de la m´ethode des coefficients ind´etermin´es le centre, le cˆot´e droit et le cˆot´e traversant de l’ellipse66.

Pour l’hyperbole, on peut reconstruire le mˆeme raisonnement que pr´ec´edemment, sauf dans le cas o`u le discriminant de l’´equation en x tir´ee de l’´equation (2.41), ou bien de fa¸con ´equivalente de l’´equation (2.38), est n´egatif, soit o2− 4pm < 0. L’´equation en x tir´ee de (2.41) n’admet alors pas

de solutions r´eelles. Descartes consid`ere ce cas `a la suite des pr´ec´edents. Il ´ecrit ainsi :

Mais quand, cette section estant une Hyperbole, on a +mm, & que la quantit´e oo est nulle ou plus petite que 4pm, on doit tirer du centre M la ligne MOP parallele a LC, & CP parallele a LM; & faire MO esgale a qmm oom4p ; ou bien la faire esgale a m, si la quantit´e ox est nulle ; puis, considerer le point O comme le sommet de cete Hyperbole dont le diametre est OP, & CP la

63Cf. [Descartes(1637c), p. 403]. Descartes donne d’abord le cˆot´e droit puis le cˆot´e tra-

versant.

64Cf. [Descartes(1637c), p. 374-375].

65Il s’agit de la note CC. Cf. [Descartes(1659-1661), I, p. 182-206].

66Le cas de l’ellipse est ´etudi´e par Massimo Galuzzi qui juge que Schooten « suit

fid`element Descartes, bien que de mani`ere un peu gauche ». Cf. [Galuzzi et Rovelli(s.p.), p. 36-37] et [Descartes(1659-1661), I, p. 185-195].

2.3. LA SOLUTION CART ´ESIENNE 71

ligne qui luy est appliqu´ee par ordre [...]67

Fig. 2.8 – G´eom´etrie(1637), p. 331

LCrepr´esentant une ordonn´ee, pour d´eterminer le sommet de l’hyperbole, il suffit de d´eterminer le minimum de l’expression (2.41). Pour ce faire, on peut par exemple identifier l’´equation en x

m2 − y′2+ oz a x

pz2

ma2x

′2. (2.46)

`a une ´equation qui poss`ede une racine double, en s’inspirant de la m´ethode des normales de Descartes. On trouve ainsi

x′ = mao 2pz et y ′ = s m2 o2m 4p . (2.47)

Comme pr´ec´edemment, on peut alors d´eduire le cˆot´e droit et le cˆot´e traver- sant68, bien que nous devions reconnaˆıtre que notre « divination » est dans

ce cas plus contourn´ee.

67Cf. [Descartes(1637c), p. 403-404].

68Schooten donne une analyse de mˆeme inspiration que celle pr´ec´edemment d´ecrite dans

cas de l’ellipse et donc plus ´el´ementaire que la notre. Cf. [Descartes(1659-1661), I, p. 204- 206].

72 CHAPITRE 2. LA SOLUTION DE DESCARTES

Descartes donne enfin une d´emonstration synth´etique « fort ´evidente » en prenant l’exemple de l’ellipse qui, bien sˆur, se limite `a une v´erification, ne procurant ainsi aucune explication sur la fa¸con de trouver les expressions du cˆot´e droit et du cˆot´e traversant ainsi que le centre de l’ellipse69.