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La liberté de réunion encadrée par la loi

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La société numérique, un cadre hétérogène de protection des libertés

Section 1. Les droits fondamentaux dans la société numérique Comme précisé par le Conseil d’État, « l’ensemble de la législation existante s’applique aux

A) La liberté de réunion encadrée par la loi

La liberté de réunion, ou droit de réunion, est une liberté publique et politique généralement considérée comme fondamentale et en vertu de laquelle un groupe de personnes a la possibilité de se rassembler et de se réunir temporairement en un même lieu, de façon pacifique et sans armes, dans toute finalité licite et conforme à la loi. Au niveau national, les réunions sont libres538. Au niveau international, elle est mentionnée dans l’article 20 de la Déclaration universelle des droits de l’homme539 et dans l’article 21 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques540. Au niveau européen, ce sont l’article 11 de la Convention européenne des droits de l’homme541 et l’article 12 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne542 qui protègent cette liberté.

537 « Près de 50 000 personnes s’invitent à un anniversaire via ‑acebook », France Info, 26 avril 2012, URL : http://www.franceinfo.fr/high-tech/pres-de-50-000-personnes-s%‐2%80%99invitent-a-un-anniversaire-via-facebook-597821-2012-04-26 consulté le 10 mai 2012.

538 Loi du 30 juin 1881, art. 1er : « Les réunions publiques sont libres.

Elles peuvent avoir lieu sans autorisation préalable, sous les conditions prescrites par les articles suivants ».

539 Déclaration universelle des droits de l’homme, Article 20 « 1. Toute personne a droit à la liberté de réunion et d'association pacifiques.

2. Nul ne peut être obligé de faire partie d'une association ».

540 Pacte international relatif aux droits civils et politiques, Article 21 « Le droit de réunion pacifique est reconnu.

L'exercice de ce droit ne peut faire l'objet que des seules restrictions imposées conformément à la loi et qui sont nécessaires dans une société démocratique, dans l'intérêt de la sécurité nationale, de la sûreté publique, de l'ordre public ou pour protéger la santé ou la moralité publiques, ou les droits et les libertés d'autrui ».

541 Convention européenne des droits de l’homme, Article 11 – Liberté de réunion et d’association

« 1. Toute personne a droit à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association, y compris le droit de fonder avec d’autres des syndicats et de s’affilier à des syndicats pour la défense de ses intérêts.

« 2. L’exercice de ces droits ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. Le présent article n’interdit pas que des restrictions légitimes soient imposées à l’exercice de ces droits par les membres des forces armées, de la police ou de l’administration de l’État ».

542 Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, Article 12 Liberté de réunion et d’association

« 1. Toute personne a droit à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d'association à tous les niveaux, notamment dans les domaines politique, syndical et civique, ce qui implique le droit de toute personne de fonder avec d'autres des syndicats et de s'y affilier pour la défense de ses intérêts.

« 2. Les partis politiques au niveau de l'Union contribuent à l'expression de la volonté politique des citoyens de l'Union ».

Dans de nombreux pays, les Autorités se réservent le droit d’interdire certaines réunions, notamment en cas de risque de trouble à l’ordre public ou d’atteinte aux personnes et aux biens, ce qui est susceptible d’être interprété comme une forme de censure.

1)L’encadrement de la liberté de réunion et de manifestation en France

Longtemps, les réunions publiques ont été organisées exclusivement sous l’égide de l’Église (processions, entrées princières, etc.), à l’exception des bans seigneuriaux. La situation évolue au XVIIIe siècle avec la mode des salons et des cafés, où s’élaborent en partie les idées des Lumières, et qui donne naissance aux premiers clubs : le club breton, le club des Jacobins, etc.

préfigurant les partis politiques543. La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen institutionnalise les clubs en proclamant en son article 11 la « libre communication des pensées et des opinions », mais les mots « liberté de réunion » ou « liberté de se rassembler » ne sont pas directement écrits dans la Déclaration de 1789544. La Constitution de 1791 garantit le droit des citoyens de se réunir paisiblement545. Une première mesure d’interdiction est le décret de fermeture du Club des Jacobins546, le 12 novembre 1794, voté par la Convention nationale dans le cadre de la Réaction thermidorienne. ‐lle sera suivie, sous le Directoire, de l’interdiction du Club du Panthéon le 8 ventôse an IV (27 février 1796) par Bonaparte547, et sous le Consulat, de

543 Raymond Huard, « Chapitre 1. Retour sur un passé lourd de pesanteurs. La Révolution et l'‐mpire », dans La naissance du parti politique en France. Paris, Presses de Sciences Po (P.‑.N.S.P.), « Académique », 1996, pp. 25-46. URL : https://www.cairn.info/la-naissance-du-parti-politique-en-france--9782724606833-page-25.htm consulté le 14 mars 2018.

544 Pierre-Henri Prélot, Droit des libertés fondamentales, Hachette, 2e éd., 2010, pp. 289 et s.

545 ‐xtrait de l’article 1er de la Constitution de 1791, «La Constitution garantit pareillement, comme droits naturels et civils : […] La liberté aux citoyens de s’assembler paisiblement et sans armes, en satisfaisant aux lois de police»

546 « La fermeture du club des Jacobins, qui suivit de peu la condamnation à mort de Carrier, signifiait bien le démantèlement de l’héritage idéologique de la Révolution, la condamnation du mouvement qui avait conduit le système de régénération des Lumières à l’horreur. C’est bien ce qu’écrit, le 25 brumaire an II, la Gazette historique et politique de la France et de l’Europe à la double nouvelle de la condamnation à mort de Carrier et de la fermeture du club des Jacobins : "Ils ne nous noieront plus, ils ne nous mitrailleront plus, ils ne canonneront plus le peuple français pour le rendre meilleur". » (‐xtrait de Jean-Marc Varaut, « 5 - Le tour de ‑rance de la Terreur », dans La Terreur judiciaire. La Révolution contre les droits de l'homme. Paris, Éditions Perrin, « Hors collection », 1993, pp. 221-270. URL : https://www.cairn.info/la-terreur-judiciaire--9782262010119-page-221.htm consulté le 14 mars 2018).

547 « Sur décision des directeurs, Bonaparte, commandant de l’armée de l’Intérieur et proche de Barras, ferme le club du Panthéon le 27 février 1796 et, dans le même mouvement, en fait autant pour les sociétés aristocratiques du Salon des princes, de la maison Serilly, de la Société des échecs. Les troupes parisiennes sont déplacées ou licenciées lorsqu’elles refusent. En juin, les chouans, Cadoudal, Scépeaux, Frotté se soumettent, laissant les directeurs face à des adversaires liés à la sans-culotterie et à la Montagne. » (‐xtrait de Jean-Clément Martin,

« Le nouveau régime », dans Nouvelle histoire de la Révolution française. Paris, Éditions Perrin, « Pour

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la fermeture autoritaire du club du Manège par ‑ouché le 26 thermidor an VII (13 août 1799)548. Désormais, toute réunion publique est soumise à autorisation préalable. L’article 291 du Code pénal de 1810 prévoit notamment que «Nulle association de plus de vingt personnes, dont le but sera de se réunir tous les jours ou certains jours marqués, pour s’occuper d’objets religieux, littéraires, politiques ou autres, ne pourra se former qu’avec l’agrément du Gouvernement, et sous les conditions qu’il plaira à l’autorité publique d’imposer à la société.»

Ce point de vue est réaffirmé par tous les régimes successifs à de multiples reprises : article 20 de l’ordonnance des 5-6 juillet 1820, « loi d’inquiétude » du 10 avril 1834, etc.

Sous l’impulsion de Rouher, Napoléon III autorise en 1868 les réunions publiques sous réserve qu’on s’abstienne d’y délibérer de questions politiques ou religieuses549. Les réunions politiques seront toutefois autorisées pendant la campagne électorale (décision du 6 mai 1868).

Dans un contexte de crise, le gouvernement de la défense nationale impose de nouveau (par décret du 22 janvier 1871) l’obligation d’autorisation des réunions publiques. L’autorisation est remplacée par une simple déclaration aux autorités vingt-quatre heures à l’avance avec la loi du 30 juin 1881 qui affirme dans son article 1er : «les réunions publiques sont libres». La loi sur la liberté de réunion du 28 mars 1907550 lèvera définitivement cette injonction de déclaration en disposant que «Les réunions publiques, quel qu’en soit l’objet, pourront être tenues sans déclaration préalable», les réunions publiques sont libres à la condition de ne pas se tenir sur la voie publique551.

Pour toute manifestation sur la voie publique, défilé, concert, exposition, une autorisation de la commune ou de la préfecture reste nécessaire sous couvert du respect de l’ordre public et de la

l'histoire », 2012, pp. 488-521. URL : https://www.cairn.info/nouvelle-histoire-de-la-revolution-francaise--9782262041748-page-488.htm consulté le 14 mars 2018)

548 Jean-Philippe Rey, « Brumaire », dans Histoire du Consulat et du Premier Empire. Paris, Éditions Perrin,

« Synthèses historiques », 2016, pp. 17-36. URL : https://www.cairn.info/histoire-du-consulat-et-du-premier-empire--9782262069858-page-17.htm consulté le 14 mars 2018.

549 « Le Conseil d’État et les députés entourent la liberté de réunion accordée par le texte d’un grand luxe de précautions. Les réunions ne sont libres que si elles ne portent ni sur la politique ni sur la religion. Si l’on veut traiter de ces deux matières, il faut une autorisation préalable et la réunion doit se tenir en présence d’un fonctionnaire de l’ordre judiciaire qui peut la dissoudre à tout moment. Les réunions électorales sont autorisées sous certaines conditions. » (‐xtrait de Jean-Claude Yon, « Une libéralisation mal maîtrisée », dans Le Second Empire. Politique, société, culture. Paris, Armand Colin, « U », 2012, pp. 59-81. URL : https://www.cairn.info/le-second-empire--9782200246075-page-59.htm consulté le 14 mars 2018).

550 Loi du 28 mars 1907 relative aux réunions publiques publiée au journal officiel de la République française du 29 mars 1907 p. 2493.

551 Loi du 30 juin 1881 sur la liberté de réunion, article 6. « Les réunions ne peuvent être tenues sur la voie publique ; elles ne peuvent se prolonger au-delà de onze heures du soir ; cependant, dans les localités où la fermeture des établissements publics a lieu plus tard, elles pourront se prolonger jusqu'à l'heure fixée pour la fermeture de ces établissements ».

sécurité publique552. L’autorisation peut être soumise à la mise en place d’un service d’ordre par les organisateurs. Ainsi, une manifestation « spontanée », organisée impromptu via les réseaux sociaux reste illégale. Si la liberté de réunion est reconnue et consacrée, la liberté de manifestation est contrainte par l’obligation de la préservation de l’ordre public.

2)La liberté d’association et d’affiliation à des syndicats

La liberté de réunion comprend aussi la liberté d’association et d’affiliation à des syndicats. La liberté d’association est régie par la loi du 1er juillet 1901553. ‐n 1971, la loi Marcellin tente d’introduire un contrôle préalable qui sera rejeté par le Conseil constitutionnel car contraire à la libre constitution des associations554 en s’appuyant sur le préambule de la Constitution. Dès 1950, le Conseil d’État a rangé la liberté d’association au nom des libertés publiques fondamentales555, puis en 1956, il la qualifie de principe fondamental reconnu par les lois de la République556. Il existe des types d’associations particulières, en particulier les syndicats professionnels. Ils permettent aux professionnels de s’assembler pour défendre leurs intérêts.

Le droit syndical est rappelé dans le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 : «Tout homme peut défendre ses droits et ses intérêts par l’action syndicale et adhérer au syndicat de son choix». Dans la société numérique, les syndicats utilisent les techniques de communication comme la messagerie pour diffuser les informations syndicales en remplacement des distributions de tracts aux sorties des bureaux ou usines.

Alors que sous l’ancien régime, les professions se regroupaient en corporations avec des règles de fonctionnement très strictes, la loi Le Chapelier des 14 et 17 juin 1791 a prohibé tout groupement professionnel557. La loi du 21 mars 1884 reconnaît la liberté syndicale, liberté consacrée constitutionnellement558 dans le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946,

552 Code la sécurité intérieure, articles L.211-1 à L.211-4.

553 Loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association, publiée au JOR‑ du 2 juillet 1901 page 4025.

554 Conseil constitutionnel, Décision n° 71-44 DC du 16 juillet 1971, Loi complétant les dispositions des articles 5 et 7 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association.

555 Conseil d’État, Décision du 1er février 1950, Girard.

556 Conseil d’État assemblée plénière, Décision du11 juillet 1956, Amicale des Annamites de Paris et sieur Nguyen-Duc-Frang.

557 René Mouriaux, « Les origines », dans Le syndicalisme en France. Paris, Presses Universitaires de ‑rance,

« Que sais-je ? », 2009, pp. 9-25. URL : https://www.cairn.info/le-syndicalisme-en-france--9782130576112-page-9.htm consulté le 14 mars 2018.

558 Conseil constitutionnel, Décision no 89-257 DC du 25 juillet 1989, Loi modifiant le code du travail et relative à la prévention du licenciement économique et au droit à la conversion.

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alinéa 6 à 8. Le Code du travail précise que tout salarié peut librement adhérer à un syndicat professionnel de son choix559. Cette liberté d’adhésion a pour corollaire la liberté de ne pas adhérer à un syndicat. ‐n ‑rance, certaines catégories de fonctionnaires connaissent des restrictions à la liberté syndicale pour des raisons d’intérêt général560. La Cour européenne des droits de l’homme a jugé que l’interdiction absolue des syndicats au sein de l’armée française est contraire à l’article 11 de la Convention européenne des droits de l’homme561. Mais elle a reconnu à l’État français la possibilité de dissoudre une association de supporters d’une équipe de football dans un but d’intérêt général562. ‐t, alors qu’un avocat doit le respect aux autorités judiciaires et doit contribuer au respect de l’ordre, la cour reconnaît le droit à un avocat de participer à une manifestation non prohibée dès lors qu’il ne commet, lui-même, à cette occasion, aucun acte répréhensible563.

Pour fonctionner correctement, un syndicat doit pouvoir communiquer librement avec ses adhérents et les informer. Concernant la diffusion des informations syndicales dans l’entreprise, l’article L.2142-6 du Code du travail prévoit que les outils numériques disponibles au sein d’une entreprise peuvent être utilisés dans les conditions et modalités de diffusion établies par un accord d’entreprise564. La diffusion de tracts ou d’informations syndicales en utilisant la messagerie de l’entreprise ou son intranet reste liée à la conclusion d’un accord d’entreprise565. La négociation de tels accords n’est pas imposée à l’entreprise, donnant ainsi la possibilité à l’employeur de s’y soustraire.

Sans accord particulier, les informations et tracts peuvent toutefois être mis à disposition sur un site syndical accessible par Internet, solution utilisée par tous les syndicats. Cette possibilité leur permet de diffuser des informations vers des employés non présents physiquement sur le site de l’entreprise, télétravail, détachement, etc. Les employés peuvent également s’inscrire sur ces sites pour recevoir dans leur messagerie personnelle ou professionnelle ces informations

Pierre Avril, Jean Gicquel, « Liberté syndicale et liberté personnelle du salarié » [Note sous décision n° 89-257 DC], Pouvoirs, janvier 1990, n° 52, p. 187, URL : http://www.revue-pouvoirs.fr/IMG/pdf/Pouvoirs52_p175-195_ccf.pdf consulté le 15 mars 2018.

559 Code du travail, article L.2141-1.

560 Loi n° 72-662 du 13 juillet 1972 portant statut général des militaires.

Code de la défense, article L.4121-4.

561 Cour européenne des droits de l’homme, Affaire Matelly c/ France du 2 octobre 2014, requête no 10609/10.

562 Cour européenne des droits de l’homme, Affaire Les Authentiks et Supras Auteuil 91 c/ France du 27 octobre 2016, Requêtes nos 4 696/11 et 4 703/11.

563 Cour européenne des droits de l’homme, Affaire Ezelin c/ France du 26 avril 1991, requête no 11800/85.

564 Conseil constitutionnel, Décision no 2013-345 QPC du 27 septembre 2013, Syndicat national Groupe Air France CFTC.

565 Antoine Cristau, « Vie syndicale et accès aux NTIC de l'entreprise », LEGICOM, 2002/2 (N° 27), pp. 57-67.

URL : https://www.cairn.info/revue-legicom-2002-2-page-57.htm consulté le 14 mars 2018.

syndicales. Alors qu’une diffusion par messagerie est passive pour l’employé, la consultation d’un site syndical nécessite une action volontaire566. Les informations proposées sont diverses : aide à la négociation, information juridique, actualité des prud’hommes, conseil et formation des délégués et élus professionnels, etc. les sites des syndicaux peuvent être ouverts à tous pour certaines informations génériques ou réservées aux adhérents pour des informations ciblées567.

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