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La liberté de déplacement et la géolocalisation

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La société numérique, un cadre hétérogène de protection des libertés

Section 1. Les droits fondamentaux dans la société numérique Comme précisé par le Conseil d’État, « l’ensemble de la législation existante s’applique aux

A) La liberté de déplacement et la géolocalisation

La liberté d’aller et venir est avec la sûreté, un droit fondamental de l’individu. Il peut se déplacer sans être suivi, espionné. La géolocalisation peut être utilisée pour un voyage privé comme pour un voyage d’affaires. Dans des pays à la sécurité aléatoire, la géolocalisation peut

575 «Comment le Darknet peut-il améliorer la vie des gens ? », publié le 18 janvier 2105 à https://lucieetval.wordpress.com/tag/edward-snowden/, consulté le 1 mars 2017.

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être utilisée pour sécuriser un voyage576. Mais les moyens numériques utilisés lors d’un déplacement peuvent constituer une entrave avec ces droits, une liberté surveillée n’est plus la liberté577.

1)Les sources de la liberté de déplacement

La liberté de se déplacer, d’aller et venir est une des libertés fondamentales578. ‐n ‑rance, le Conseil constitutionnel lui a reconnu une valeur constitutionnelle579. Cette liberté se déduit de l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789580. ‐lle est garantie par l’article 66 de la Constitution du 4 octobre 1958581. Au niveau européen, cette liberté découle de l’article 5 «Droit à la liberté et à la sûreté » de la Convention européenne des Droits de l’Homme ou de l’article 6 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne582. Pour la Cour européenne des droits de l’homme, la privation de liberté ne se limite pas à l’emprisonnement, mais peut être liée à l’exiguïté de la zone de confinement et à une surveillance quasi permanente583. Pour déterminer si un individu se trouve « privé de sa liberté » au sens de l’article 5, la Cour part de sa situation concrète et prend en compte un ensemble de critères comme le genre, la durée, les effets et les modalités d’exécution de la mesure

576 David Amsellem, Kevin Limonier, « L’utilisation des outils cartographiques dans la sûreté des déplacements d’affaires », Sécurité et stratégie, 2014/4 (19), pp. 5-12. URL : https://www.cairn.info/revue-securite-et-strategie-2014-4-page-5.htm consulté le 14 février 2018.

577 ‐mmanuel Valjavec, « Internet, un nouvel espace de liberté sous surveillance », Études, 2013/3 (Tome 418), pp. 317-327. URL : https://www.cairn.info/revue-etudes-2013-3-page-317.htm consulté le 13 février 2018.

578 Jean Rivero, Hugues Moutouh, Libertés publiques, Tome II, 7e édition, Presses universitaires de ‑rance, p.102.

579Conseil constitutionnel, Décision n° 79-107 DC du 12 juillet 1979 Loi relative à certains ouvrages reliant les voies nationales ou départementales, considérant no 3 « […] la liberté d'aller et venir est un principe de valeur constitutionnelle […] ».

Conseil constitutionnel, Décision no 2004-492 DC du 2 mars 2004 Loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, considérant no 4 « […] l'exercice des libertés constitutionnellement garanties ; qu'au nombre de celles-ci figurent la liberté d'aller et venir, l'inviolabilité du domicile privé, le secret des correspondances et le respect de la vie privée, protégés par les articles 2 et 4 de la Déclaration de 1789, ainsi que la liberté individuelle, que l'article 66 de la Constitution place sous la surveillance de l'autorité judiciaire ».

580 Déclaration du 26 août 1789 des droits de l'homme et du citoyen. - Article 4 « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui. Ainsi, l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi ».

581 Constitution du 4 octobre 1958 - Article 66 « Nul ne peut être arbitrairement détenu.

« L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi ».

582 Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, article 6 : « Toute personne a droit à la liberté et à la sureté ».

583 Cour européenne des droits de l’homme, Affaire Guzzardi c/ Italie, Requête no 7367/76, Arrêt du 6 novembre 1980.

considérée584. La notion de privation de liberté comporte un aspect objectif, l’internement d’un individu dans un espace restreint pendant un laps de temps non négligeable, et un aspect subjectif, le fait que cet individu n’a pas consenti à cet internement585. La privation de liberté peut exister dans des situations autres qu’une arrestation ou une incarcération, ce peut être un placement dans un hôpital psychiatrique586, un confinement dans une zone de transit d’un aéroport587, une assignation à domicile588, etc.

Cette liberté peut être restreinte par le législateur pour des raisons de sauvegarde d’autres droits : prévention de l’ordre public, recherche d’auteurs d’infractions, etc. Les simples restrictions à la liberté de circulation sont régies par l’article 2 du Protocole no 4, la différence restant une différence de degré ou d’intensité et non de nature. Les restrictions doivent être des mesures nécessaires «à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au maintien de l’ordre public, à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui», et prévues par la loi. Des mesures alternatives à l’emprisonnement existent et limitent la liberté de déplacement des individus sous le contrôle du juge des libertés : assignation à résidence, bracelet électronique589. Dans ces cas, l’individu ne peut sortir d’un périmètre défini et contrôlé, le bracelet électronique permettant de le localiser en temps réel.

Ce même protocole précise que toute personne présente régulièrement sur le territoire d’un État a le droit d’y circuler librement, toute personne est en droit de quitter n’importe quel pays y compris le sien. Le traité de Rome du 25 mars 1957 instituant la communauté européenne a reconnu la libre circulation des personnes au sein de la communauté, principe repris dans l’article 3 du traité de Lisbonne (Traité sur l’Union européenne) signé le 13 décembre 2007 :

«l’Union offre à ses citoyens un espace de liberté, de sécurité et de justice sans frontières intérieures, au sein duquel est assurée la libre circulation des personnes».

584 Ibid.

585 Cour européenne des droits de l’homme, Affaire Storck c/ Allemagne, Requête no 61603/00, Arrêt du 16 juin 2005.

586 Ibid.

587 Cour européenne des droits de l’homme, Affaire Amuur c/ France, Requête no 19776/92, Arrêt du 25 juin 1996.

588 Cour européenne des droits de l’homme, Affaire Mancini c/ Italie, Requête no 44955/98, Arrêt du 2 août 2001.

589 Dan Kaminski, Sonia Snacken, Michel van de Kerchove, « Mutations dans le champ des peines et de leur exécution », Déviance et Société, 2007/4 (Vol. 31), pp. 487-504. URL : https://www.cairn.info/revue-deviance-et-societe-2007-4-page-487.htm consulté le 4 avril 2018.

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2)Les restrictions à la géolocalisation

La liberté de se déplacer implique que toute personne, en dehors des contraintes légales dues à une restriction de se déplacer prononcée par un juge des libertés, peut espérer ne pas être suivie dans ses déplacements. La géolocalisation permet de localiser dans l’espace un individu au travers d’un équipement qui lui est associé. Ainsi, l’individu faisant l’objet d’une liberté surveillée est localisé via son bracelet électronique fixé à sa cheville.

La géolocalisation existe dans notre société numérique au travers de nombreux équipements : le système GPS installé dans un véhicule, qui enregistre les déplacements de ce véhicule ; les smartphones qui utilisent plusieurs techniques de géolocalisation pour présenter des services proches du lieu où ils ont localisé leur porteur : restaurants de proximité, artisans, etc.590, les appareils photo numériques ou les caméscopes qui utilisent le positionnement GPS pour situer le lieu de prise de vue sur une carte, les systèmes GPS autonomes utilisés par les randonneurs pour effectuer une randonnée sans risque de s’égarer591.

Les smartphones utilisent plusieurs sources d’information pour géolocaliser leur position : le signal GPS provenant des satellites, le signal GSM de la téléphonie mobile provenant des antennes GSM, les identifiants Wi-‑i des bornes d’accès relevés et cartographiés par Google ou d’autres prestataires. Ainsi, même sans signal GPS, le smartphone peut à l’aide d’une base de données des identifiants connaître sa position avec précision pour offrir des services de proximité. Par exemple, l’application Pages Jaunes utilise cette localisation pour présenter des adresses proches du lieu de situation, avec calcul de la distance pour y parvenir.

La Commission de l’informatique et des libertés considère que les données de géolocalisation sont des données à caractère personnel et estime que la géolocalisation de terminaux de communication s’apparente à des interceptions de contenu des communications électroniques592.

Dans sa décision du 25 mars 2014, le Conseil constitutionnel autorise la géolocalisation d’une personne ou d’un véhicule dans le cadre d’une enquête préliminaire sous le contrôle d’un procureur pour une durée limitée à quinze jours, d’un juge des libertés et de la détention ou

590 Stéphane Bourliataux- Lajoinie, Arnaud Rivière, « L'enjeu des m-services en marketing touristique territorial : proposition d'un cadre d'analyse », Recherches en Sciences de Gestion, 2013/2 (N° 95), pp. 65-82. URL : https://www.cairn.info/revue-recherches-en-sciences-de-gestion-2013-2-page-65.htm consulté le 14 février 2018.

591 Laëtitia Schweitzer, « Surveillance électronique », Communications, 2011/1 (n° 88), pp. 169-176. URL : https://www.cairn.info/revue-communications-2011-1-page-169.htm consulté le 4 avril 2018.

592 Commission nationale informatique et liberté, Délibération no 2013-404 du 19 décembre 2013 portant avis sur un projet de loi relatif à la géolocalisation.

d’un juge d’instruction593. Le Conseil d’État avait déjà validé594 les dispositions d’une ordonnance de 2010 relative au dopage des sportifs et autorisant la localisation de ces sportifs dans le cadre de la lutte contre le dopage595.

La géolocalisation peut être autorisée dans le cadre de certaines actions de prévention, limitant ainsi la liberté de déplacement des individus concernés. Ainsi, les outils puissants, mis à disposition des personnes pour les aider dans leurs déplacements, peuvent aussi servir à connaître les déplacements de ces personnes et ainsi contrôler ou surveiller leurs allées et venues. Des dispositifs de surveillance peuvent ainsi être installés dans des véhicules de livraison, pour optimiser les trajets de livraison, mais aussi contrôler ces trajets et les temps impartis à chaque livraison.

Les techniques de géolocalisation sont de plus en plus précises. Si avec l’apparition des premiers GPS, la localisation était réalisée avec une marge d’erreur de plusieurs dizaines de mètres, cette précision était de moins de dix mètres après l’arrêt du brouillage volontaire par l’armée américaine qui contrôlait tous les satellites de positionnement. Avec le nouveau système européen GALIL‐O en cours de déploiement, la précision de la localisation est inférieure à un mètre, voire quelques centimètres pour le service commercial596.

La géolocalisation peut être utilisée dans le cadre d’une enquête préliminaire ou d’une enquête judiciaire. ‐n 2013, la Cour de cassation, dans deux arrêts597 portant sur la géolocalisation dans le cadre d’une procédure pénale, considère que la technique de géolocalisation d’une personne par suivi de son téléphone mobile est une ingérence dans la vie privée et doit être réalisée sous le contrôle d’un juge en conformité avec l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme. ‐n réaction à ces arrêts, un projet de loi sur la géolocalisation est adopté par le parlement598. L’objectif de ce texte est de mettre le droit français en conformité avec la

593 Conseil constitutionnel, Décision no 2014-693 DC du 25 mars 2014, Loi relative à la géolocalisation.

Loi no 2014-372 du 28 mars 2014 relative à la géolocalisation publiée au journal officiel de la République française no0075 du 29 mars 2014 p. 6123.

594 Note sous Conseil d’État du 24 février 2011, no340122, mentionné aux tables du recueil Lebon.

595 Ordonnance no 2010-379 du 14 avril 2010 relative à la santé des sportifs et à la mise en conformité du code du sport avec les principes du code mondial antidopage publiée au Journal officiel de la République française du 16 avril 2010 p. 7157.

596 Nathalie Mayer, « Grâce au GPS, il est possible de se situer où que l'on se trouve sur le globe terrestre, et ce, parfois, avec une précision étonnante, pouvant aller... jusqu'au centimètre ! », Futura Tech, URL : https://www.futura-sciences.com/tech/questions-reponses/technologie-precision-gps-6801/ consulté le 5 avril 2018.

597 Cour de cassation, Chambre criminelle, Audience publique du 22 octobre 2013, No de pourvoi 13-81.945.

Cour de cassation, Chambre criminelle, Audience publique du 22 octobre 2013, No de pourvoi 13-81.949

598 Loi no 2014-372 du 28 mars 2014 relative à la géolocalisation, publiée au JOR‑ no 0075 du 29 mars 2014 p. 6123.

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Convention européenne des droits de l’homme599 et les décisions précitées de la Cour de cassation. La géolocalisation n’est possible que lorsque les nécessités de l’enquête l’exigent pour des crimes ou des délits punis d’au moins de trois ans d’emprisonnement. Sa durée est limitée dans le temps.

La géolocalisation peut être également utilisée dans le cadre industriel pour suivre une flotte de véhicules, optimiser des tournées de livraison600. Pour la Commission de l’informatique et des libertés, cette utilisation doit respecter des règles afin de respecter la vie privée des salariés601 : les salariés doivent être informés du dispositif, le système doit être justifié par une finalité précise et déclaré à la CNIL. Il ne doit pas être utilisé en dehors du temps de travail ni sur le trajet domicile-trajet de l’employé. Il ne doit pas être utilisé pour contrôler la vitesse du véhicule en temps réel et ne doit pas permettre la géolocalisation des représentants du personnel dans le cadre de leur mandat. ‐n cas de non-respect de ces règles, l’employeur peut être obligé de désinstaller le dispositif sur sa flotte de véhicules602.

La géolocalisation d’un employé expatrié peut aussi être utilisée pour sa sécurité et pour mesurer son exposition aux risques dans certains pays603. Outre la sécurité, les applications disponibles sur smartphone peuvent apporter des aides au déplacement des personnes physiques.

B) Les aides au déplacement apportées aux personnes physiques par les techniques

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