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En France, une limitation provenant de la loi sur la liberté de la presse de 1881

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La société numérique, un cadre hétérogène de protection des libertés

Section 1. Les droits fondamentaux dans la société numérique Comme précisé par le Conseil d’État, « l’ensemble de la législation existante s’applique aux

A) Les fondements juridiques et l’encadrement de la liberté d’expression : de la presse écrite à l’Internet

1) En France, une limitation provenant de la loi sur la liberté de la presse de 1881

‐n ‑rance, cette liberté trouve ses restrictions dans la loi sur la presse de 1881230, loi qui a été modifiée par la loi de 2004 pour la confiance dans l’économie numérique (LC‐N)231 afin de prendre en compte le nouvel environnement créé par Internet232. La liberté d’expression ne doit pas nuire à autrui, à la sécurité de l’État et à la prévention du crime233. Comme l’écrivent les sénateurs ‑rançois Pillet et Thani Mohamed Soilihi234 : «Tout en affirmant cette liberté [la liberté de la communication publique], la loi du 29 juillet 1881 fixe également le cadre de la répression de ces abus, considérant que répression n’est pas restriction de la liberté d’expression». Le 24 août 1789, Mirabeau déclarait235 : «On vous laisse une écritoire pour écrire une lettre calomnieuse, une presse pour un libelle, il faut que vous soyez punis quand le délit est consommé. Or ceci est répression et non restriction. C’est le délit que l’on punit, et l’on ne doit pas gêner la liberté des hommes sous prétexte qu’ils veulent commettre des délits».

a)La répression de l’injure et de la diffamation

L’injure et la diffamation sont des délits incriminés par les articles 29 à 35 quater de la loi sur la presse de 1881. La diffamation consiste à alléguer ou imputer à une personne ou un corps, un fait qui porte atteinte à son honneur ou à sa considération. L’injure est toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait236.

230 Loi du 29 juillet 1881, Loi sur la liberté de la presse parue au JOR‑ du 30 juillet 1 881 p. 4201.

231 Loi no 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique parue au JOR‑ no143 du 22 juin 2004 p. 11168.

232 Basile Ader, « La loi de 1881, réceptacle naturel de toutes les infractions de "publication", depuis la presse et l’imprimerie jusqu’à Internet», LEGICOM 2016/2 (no 57), pp. 19-21.

233 Voir supra la Convention ‐uropéenne des Droits de l’Homme, article 10 § 2.

234 ‑rançois Pillet, Thani Mohamed Soilihi, Rapport d’information relatif à l’équilibre de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse à l’épreuve d’Internet enregistré à la Présidence du Sénat le 6 juillet 2016.

235 Cité dans ‑rançois Pillet, Thani Mohamed Soilihi, Rapport d’information relatif à l’équilibre de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse à l’épreuve d’Internet, Op.cit.

236 Loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, article 29.

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La loi pour la confiance dans l’économie numérique rappelle dans son article 1er la liberté de communication au public237, et elle modifie l’article 23 de la loi sur la presse de 1881, réprimant l’incitation à commettre un crime ou délit en y ajoutant tout moyen de communication au public par voie électronique.

‐n ajoutant aux moyens traditionnels de communication, la multiplication des possibilités de publier et faire circuler l’information sur Internet, la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse n’aura jamais eu autant d’importance. ‐lle constitue, en effet, la base des procès en matière d’injure ou de diffamation quel que soit le support utilisé238. La Cour de cassation affirme même que c’est la seule possibilité ouverte en justice pour se plaindre d’un abus de la liberté d’expression. ‐n effet, par un arrêt en date du 11 février 2010239, la première chambre civile de la Cour de cassation a clairement rappelé le principe de l’exclusion de toute action en réparation fondée sur l’article 1382 du Code civil240. De plus, avant la promulgation de la loi du 27 janvier 2017241, le juge ne pouvait pas requalifier une infraction en cas de poursuite mal qualifiée, ce qui entraînait de facto l’abandon de ces poursuites.

Une des principales limitations de la liberté d’expression par tout moyen de communication électronique ou par la presse reste l’injure et la diffamation242 prévues par les articles 23, 29 et 32243 de la loi sur la presse du 29 juillet 1881, modifiée par la LC‐N du 21 juin 2004. Mais

237 Loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique , article 1er : «La communication au public par voie électronique est libre.

« L’exercice de cette liberté ne peut être limité que dans la mesure requise, d’une part, par le respect de la dignité de la personne humaine, de la liberté et de la propriété d’autrui, du caractère pluraliste de l’expression des courants de pensée et d’opinion et, d’autre part, par la sauvegarde de l’ordre public, par les besoins de la défense nationale, par les exigences de service public, par les contraintes techniques inhérentes aux moyens de communication, ainsi que par la nécessité, pour les services audiovisuels, de développer la production audiovisuelle».

238 Nicolas Verly, « Le point sur la diffamation et l’injure pour les blogueurs, la responsabilité des éditeurs de sites en cas de contributions extérieures (commentaires, forums de discussion...) », LEGICOM, 2016/2 (N° 57), p. 35-43. URL : https://www.cairn.info/revue-legicom-2016-2-page-35.htm consulté le 23 mars 2018.

239 Cour de cassation, 1ère chambre civile, 11 février 2010, no 08-22.111 : «les abus de la liberté d’expression prévus et réprimés par la loi du 29 juillet 1881, tels que, en l’espèce, l’injure, ne peuvent être réparés sur le fondement de l’article 1382 du code civil».

240 Code civil, article 1382 : « tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer », abrogé et repris par l’article 1240 à compter du 1er octobre 2016 (Ord.

n° 2016-131, 10 février 2016).

241 Loi no 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté publiée au JOR‑ no 24 du 28 janvier 2017, Chapitre IV : Dispositions améliorant la lutte contre le racisme et les discriminations ; Section 1 : Dispositions modifiant la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et le code pénal.

242 Xavier Agostinelli, « Diffamation, injure et provocation à la discrimination raciale », LEGICOM, 2002/3 (N°

28), pp. 47-60. URL : https://www.cairn.info/revue-legicom-2002-3-page-47.htm consulté le 8 décembre 2017.

243 Modifiée en son article 23 par la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique (LC‐N), la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881 incrimine les infractions de diffamation et d’injure.

«Article 23. — Seront punis comme complices d’une action qualifiée crime ou délit ceux qui, soit par des discours, cris ou menaces proférés dans des lieux ou réunions publics, soit par des écrits, imprimés, dessins,

alors que le délai de prescription, de trois mois, institué par la loi de 1881 part du jour de la publication, le projet de loi pour la confiance dans l’économie numérique prévoyait de faire partir ce délai de prescription du dernier jour de la parution sur Internet du texte incriminé.

Cette modification a fait l’objet d’une décision du Conseil constitutionnel244 justifiée par : «la différence de régime instaurée, en matière de droit de réponse et de prescription, par les dispositions critiquées dépasse manifestement ce qui serait nécessaire pour prendre en compte la situation particulière des messages exclusivement disponibles sur un support informatique».

Le Conseil constitutionnel, qui semble accepter dans ses considérants que le support numérique puisse faire l’objet de différentiation de régime par rapport au support papier, rejette la différenciation proposée rappelant ainsi la nécessité d’égalité et de proportionnalité des moyens au but recherché245. Cette décision peut cependant sembler défavoriser les victimes. ‐n effet, un écrit sur papier est vite oublié et peu accessible en cas de recherche alors qu’une publication sur Internet est mémorisée et peut être accédée facilement par un moteur de recherche. La date de constat de la publication avait été retenue par certains juges246, d’autres avaient considéré la

gravures, peintures, emblèmes, images ou tout autre support de l’écrit, de la parole ou de l’image vendus ou distribués, mis en vente ou exposés dans des lieux ou réunions publics, soit par des placards ou des affiches exposés au regard du public, soit par tout moyen de communication au public par voie électronique, auront directement provoqué l’auteur ou les auteurs à commettre ladite action, si la provocation a été suivie d’effet.

« Cette disposition sera également applicable lorsque la provocation n’aura été suivie que d’une tentative de crime prévue par l’article 2 du code pénal ».

« Article 29. — Toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation. La publication directe ou par voie de reproduction de cette allégation ou de cette imputation est punissable, même si elle est faite sous forme dubitative ou si elle vise une personne ou un corps non expressément nommés, mais dont l’identification est rendue possible par les termes des discours, cris, menaces, écrits ou imprimés, placards ou affiches incriminés.

« Toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait est une injure ».

« Article 32. — La diffamation commise envers les particuliers par l’un des moyens énoncés en l’article 23 sera punie d’une amende de 12 000 euros.

« La diffamation commise par les mêmes moyens envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée sera punie d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende ou de l’une de ces deux peines seulement.

« Sera punie des peines prévues à l’alinéa précédent la diffamation commise par les mêmes moyens envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation sexuelle ou de leur handicap.

« En cas de condamnation pour l’un des faits prévus par les deux alinéas précédents, le tribunal pourra en outre ordonner l’affichage ou la diffusion de la décision prononcée dans les conditions prévues par l’article 131-35 du code pénal ».

244 Conseil constitutionnel, Décision no 2004-496 DC du 10 juin 2004 - Loi pour la confiance dans l’économie numérique. Journal officiel du 22 juin 2004, p. 11182.

245 Philippe Blanchetier, « Point de départ du délai de prescription des délits de presse sur internet : l'occasion manquée », La Semaine juridique. Édition générale, 14 juillet 2004, n° 29, p. 10117.

246 TGI Paris, 13 novembre 1998 : Expertises janvier 1999, p. 443.

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publication sur Internet comme un acte continu247. Mais après quelques hésitations, la date de publication initiale avait déjà été retenue par la Cour de cassation dans deux de ses arrêts248. Le délai de prescription a été porté à un an dans le cas où la diffamation publique a été proférée en raison d’une discrimination spécialement interdite249, par exemple une diffamation publique portant sur l’origine, le sexe, l’ethnie, la race, la religion, le handicap, un crime contre l’humanité. Une harmonisation du délai de prescription à un an pour les délits de presse racistes et discriminatoires, publics ou non, a été retenue dans la loi relative à l’égalité et à la citoyenneté250 modifiant certains articles de la loi du 29 juillet 1881, mais il débute toujours au premier jour de la publication. Ainsi malgré une mise à jour renouvelée jusqu’au 20 juin 2015 de propos déposés initialement sur un site le 30 mai 2014, le Tribunal de Grande Instance de Paris251 a rappelé que la prescription courait à partir de la première publication et que les faits litigieux devaient être décrits de façon précise. La publication de propos injurieux ou diffamatoires renouvelée sur Internet n’est donc pas considérée comme un délit répétitif, puisque lorsqu’un délit se renouvelle dans le temps, la prescription ne court qu’à compter du dernier de ces actes252, confirmant ainsi que le délit de presse reste un délit instantané. La rediffusion ne constitue pas une réédition253.

Le 14 septembre 2016, en commission spéciale, le Sénat a proposé un amendement, non voté, faisant démarrer le délai de prescription pour injure et diffamation sur Internet à la cessation de la publication des propos litigieux254, sauf en cas de publication simultanée sur papier.

247 Cour d’Appel Paris, 11e chambre. A, 15 déc. 1999, Licra et a. c/ J.-L. Costes.

Virginie ‑acchina, Philippe A. Schmidt, « La nécessaire adaptation du droit positif à Internet : un tournant jurisprudentiel en matière d'application des règles de prescription prévues par la loi sur la presse du 29 juillet 1881 », La Semaine Juridique Edition Générale n° 13, 29 Mars 2000, p. 10281.

TGI Paris, 17e ch., 6 déc. 2000, Carl Lang c/ Réseau Voltaire.

Agathe Lepage, « Détermination du point de départ de la prescription de l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881 », La Semaine Juridique Edition Générale n° 17, 25 Avril 2001, p. 10515.

248 Cour de cassation, chambre criminelle, 30 janv. 2001.

Cour de cassation, chambre criminelle, 16 oct. 2001, arrêt n° 6374.

Philippe Blanchetier, « Point de départ du délai de prescription des délits de presse sur internet : l'occasion manquée », La Semaine juridique. Édition générale, n° 7,13 février 2002, p. 10028.

249 Article 48-5 de la loi du 29 juillet 1881 modifié par l’article 34 de la Loi no 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance.

250 Loi no 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté, publiée au JOR‑ no 0024 du 28 janvier 2017.

251 Tribunal de Grande Instance de Paris, 17e ch. correctionnelle, jugement du 4 novembre 2016, Messieurs X. et Y., le Procureur de la République / Monsieur Z., Ligne WEB Services et Adista.

252 Cour de cassation, Crim. 7 mai 1998, n° 97-81.102.

253 Christine Courtin, « Prescription de l’action publique », Répertoire de droit pénal et de procédure pénale octobre 2015 (actualisée février 2017).

254 Relaté par Marc Rees, «Injure, diffamation : au Sénat, les délais de prescription sur Internet explosent» le 15 septembre 2016 sur https://www.nextinpact.com/news/101368-injure-diffamation-au-senat-delais-prescription-sur-Internet-explosent.htm, consulté le 2 février 2017.

b)La répression de la haine raciale et de l’incitation au crime ou délit

La loi du 29 juillet 1881, outre les délits de diffamation et injures, a prévu une limitation liée aux propos racistes, homophobes, contraires aux bonnes mœurs et pouvant porter atteinte à l’ordre public, et a créé un certain nombre d’autres délits passibles de sanctions pénales255, ces délits sont : les provocations aux crimes et délits ; les délits contre la chose publique ; les délits contre les personnes ; les délits contre les chefs d’État et agents diplomatiques étrangers ; les publications interdites. La loi Gayssot256 y a ajouté la contestation de crime contre l’humanité257. Certains auteurs258, compte tenu de l’existence dans le Code pénal d’un sous-titre consacré aux crimes contre l’humanité259, s’interrogent sur le bien-fondé d’incriminer le négationnisme au titre de la loi sur la presse de 1881 et non de le faire par le Code pénal, ce qui augmenterait, en conséquence, le pouvoir d’investigation du juge d’instruction pour ces incriminations.

Dans son ordonnance du 9 janvier 2014, le Conseil d’État260 rappelle que « l’exercice de la liberté d’expression est une condition de la démocratie et l’une des garanties du respect des autres droits et libertés », mais qu’il «appartient aux autorités chargées de la police administrative de prendre les mesures nécessaires à l’exercice de la liberté de réunion ; que les atteintes portées, pour des exigences d’ordre public, à l’exercice de ces libertés fondamentales doivent être nécessaires, adaptées et proportionnées». Comme Jean-Yves Monfort261 l’écrit dans le titre d’un article : «Le racisme, le sexisme et l’homophobie ne sont

255 Loi du 29 juillet 1881, Loi sur la liberté de la presse, Chapitre IV : Des crimes et délits commis par la voie de la presse ou par tout autre moyen de publication.

256 Loi no 90-615 du 13 juillet 1990 tendant à réprimer tout acte raciste, antisémite ou xénophobe publiée au JOR‑

no 162 du 14 juillet 1990 p. 8333.

257 Jean-Baptiste Perrier, « Le délit de négationnisme enfin examiné par le Conseil constitutionnel : tout ça pour ça ? », Revue française de droit constitutionnel, septembre 2016, n° 107, pp. 700-703.

Régine Dhoquois, « Les thèses négationnistes et la liberté d'expression en ‑rance », Ethnologie française, 2006/1 (Vol. 36), pp. 27-33. URL : https://www.cairn.info/revue-ethnologie-francaise-2006-1-page-27.htm consulté le 4 avril 2018.

258 Bernard Jouanneau, « Répression du négationnisme : la voix dissonante », LEGICOM 2015/1 (no 54), pp. 59-67. 259 Code pénal, Livre II : Des crimes et délits contre les personnes, Titre Ier : Des crimes contre l’humanité et contre l’espèce humaine, Titre Ier : Des crimes contre l’humanité et contre l’espèce humaine, Chapitre Ier : Du génocide, articles 211-1 et 211-2.

260 Conseil d’État, Ordonnance No 374508 du 9 janvier 2014, Ministre de l’intérieur c/Société Les Productions de la Plume et M. Dieudonné M’Bala M’Bala.

261 Jean-Yves Monfort, « Le racisme, le sexisme et l’homophobie ne sont pas des "opinions" », LEGICOM 2015/1 (no 54), pp. 77-81.

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pas des "opinions" » et constituent un abus illicite de la liberté d’expression. Cet abus ne relève pas du code pénal, mais bien de la loi de 1881.

Mais l’incrimination de cet abus n’est pas simple, comme le montrent deux décisions de la Cour de cassation concernant Jean-Marie Le Pen qui a été jugé plusieurs fois pour incitation à la haine raciale. Ainsi, en 1993, il est poursuivi pour avoir prononcé dans l’émission télévisée

« l’heure de vérité » des propos contre un danger mortel de colonisation de notre pays par le monde islamo-arabe. La Chambre criminelle de la Cour de cassation262 a cassé la condamnation de la Cour d’appel attendu que ces propos ne visant pas une personne ni un groupe de personnes déterminées «n’étaient pas de nature à inciter le public ni à la haine, ni à la violence, ni à la discrimination raciale», et restaient dans les limites de la liberté d’expression. Mais quelques années plus tard, cette même chambre criminelle approuve une condamnation263 pour provocation à la haine contre le même personnage politique en raison de propos tenus lors d’une interview, propos également dirigés vers l’immigration clandestine arabe. La Cour de cassation a refusé en 2010264 et 2012265 les demandes de Jean-Marie Le Pen de transmettre une demande de conformité de la loi Gayssot au Conseil constitutionnel266.

Les hommes politiques utilisent la diffamation ou l’injure pour ester en justice contre des journalistes ou leurs homologues, mais ils disposent d’une certaine immunité. ‐n effet, les parlementaires267 sont protégés par l’article 41 de la loi du 29 juillet 1881268 au sein de leur assemblée, leurs propos et discours ainsi que la relation de ces propos et discours par tout moyen de communication ne peuvent être poursuivis en justice, seule une sanction disciplinaire peut être prononcée. Cette irresponsabilité ne concerne que les parlementaires, les ministres ne bénéficient pas de cette mansuétude269. ‐lle ne protège pas non plus les parlementaires en

262 Cour de cassation, Chambre criminelle, Affaire no 89-83 298, arrêt du 8 juin 1993.

263 Cour de cassation, Chambre criminelle, Affaire no 93-82.552, arrêt du 27 juin 1995.

264 Cour de cassation, 7 mai 2010, Affaire n° 09-80.774.

265 Cour de cassation, 10 octobre 2012, Affaire n° 12-81.505.

266 Lire les commentaires de Anne-Marie Le Pourhiet, « Politiquement correct, mais juridiquement incorrect », Constitutions 2010 p.583, 15 septembre 2010 ; Jean Barthélémy, Louis Boré, « La chose jugée sur la QPC devant les juridictions de filtrage », Constitutions 2012 p.583

267 Didier Baumont, Liberté d’expression et irresponsabilité des députés, accessible à https://www.unicaen.fr/puc/images/crdf0202baumont.pdf, consulté le 4 février 2017.

268 Loi du 29 juillet 1881sur la liberté de la presse, article 41 : «Ne donneront ouverture à aucune action les discours tenus dans le sein de l’Assemblée nationale ou du Sénat ainsi que les rapports ou toute autre pièce imprimée par ordre de l’une de ces deux assemblées. […]».

269 Madame Ségolène Royal, alors ministre déléguée à l’enfance et à la famille, est comparue en mai 2000, devant la Cour de justice de la République pour « complicité de diffamation envers des fonctionnaires publics » (Armelle Thoraval, « Ségolène Royal relaxée avec les félicitations de la Cour. La ministre était jugée pour diffamation envers deux enseignants », Libération, 17 mai 2000).

dehors de l’enceinte de leur Assemblée. Cette irresponsabilité dont bénéficient les parlementaires vise à ce que leurs travaux ne soient pas entravés ni par les citoyens, ni par les juges, ni par le gouvernement270. Cette immunité est largement admise dans les Parlements européens et acceptée par la Cour européenne des droits de l’homme271.

Cet article 41 étend cette immunité à la relation des débats parlementaires ainsi qu’à la relation

Cet article 41 étend cette immunité à la relation des débats parlementaires ainsi qu’à la relation

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