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CHAPITRE I : CADRE THÉORIQUE

1. La construction identitaire

La notion d’identité prend différentes définitions selon la discipline qui l’étudie (psychologie, sociologie, anthropologie, etc.) ; toutefois ces disciplines ont en commun une vision dynamique, interactionniste et sociale du concept (Camilleri et al., 1997). Pour le psychologue social Pierre Tap (1979) :

L’identité est l’ensemble des caractéristiques physiques, psychologiques, morales, juridiques, sociales et culturelles à partir desquelles la personne se définit, se présente, se connaît et se fait connaître, ou à partir desquelles autrui la définit, la situe ou la reconnaît. L’identité, c’est ce par quoi l’individu se sent exister en tant que personne, dans tous ses rôles et toutes ses fonctions, se sent accepté et reconnu comme tel par autrui, par son groupe ou sa culture d’appartenance. (cité par Chicoine et al., 2003, p. 434)

On parle donc parfois d’identité « culturelle », « nationale », « professionnelle »,

« religieuse », etc. Ces appartenances objectivement perçues et attribuées par la société forment l’identité sociale de l’individu.

Chacune des composantes de l’identité sociale prend son sens dans des contextes précis en interaction avec d’autres personnes. Ainsi, d’un point de vue interactionniste, l’identité est également définie comme

[…] Un ensemble de significations (variables selon les acteurs d’une situation) apposées par des acteurs sur une réalité physique et subjective, plus ou moins floue, de leurs mondes vécus, ensemble construit par un autre acteur. C’est donc un sens perçu donné par chaque acteur au sujet de lui-même ou d’autres acteurs. (A.

Mucchielli, 2003, p. 12)

L’identité se construit et se transforme au fil du temps, à travers les expériences et les rencontres que fait l’individu et n’est donc pas figée, comme le souligne Claude Dubar (2006) :

Or l’identité humaine n’est pas donnée, une fois pour toutes, à la naissance : elle se construit dans l’enfance et désormais, doit se reconstruire tout au long de la vie. L’individu ne la construit jamais seul : elle dépend autant des jugements d’autrui que de ses propres orientations et définitions de soi. L’identité est un produit des socialisations successives. (p. 15)

Par « socialisation », on entend le processus par lequel l’individu apprend à vivre dans sa société, en intégrant ses normes. Selon George Herbert Mead (1934), la socialisation est la construction d’une identité sociale (un Self) à travers l’interaction avec les autres. Pour lui, la socialisation se construit dans une temporalité déterminée – l’enfance – à travers la famille et l’école. Peter Berger et Thomas Luckmann (1968/1986) approfondissent les travaux de Mead et proposent une conception nuancée de la socialisation, en faisant la double hypothèse que celle-ci n’est « jamais complètement réussie » (p. 146) et « jamais totale ni terminée » (p.

189). Dès lors, ils introduisent une conception de la socialisation en deux phases :

• La socialisation primaire qui a lieu de l’enfance à l’adolescence ; l’individu intériorise et s’approprie « l’univers symbolique et culturel » (Dubar, 2005, p. 98) du monde dans lequel il vit ; cette forme de socialisation constitue la structure de base de la socialisation suivante.

• La socialisation secondaire, définie comme « l’intériorisation de sous-mondes institutionnels ou basés sur des institutions » (Berger & Luckmann, 1968/1986, p.

189), débute vers l’adolescence, lorsque l’individu commence à sortir du cadre familial et scolaire et qu’il apprend à connaître d’autres perceptions du monde et d’autres règles.

La perspective de Berger et Luckman – dans laquelle s’inscrit ce travail – admet que les changements qui ont lieu lors de la socialisation secondaire peuvent modifier les dynamiques identitaires.

Selon ces auteurs, le passage entre la socialisation primaire et secondaire peut s’opérer de deux façons :

• La socialisation secondaire se fait dans le prolongement de la socialisation primaire ; l’identité de l’individu se transforme progressivement.

• Il y a une rupture, « un choc biographique » entre la socialisation primaire et la socialisation secondaire ; l’identité peut radicalement changer ou présenter des contradictions avec celle que présentait l’individu durant la socialisation primaire.

Dans ce deuxième cas, la rupture entre les deux mondes de référence est source de déstabilisation pour l’individu :

Certaines des crises qui apparaissent après la socialisation primaire sont en fait causées par la reconnaissance du phénomène suivant : le monde des parents n’est pas le seul monde qui existe, mais possède une situation sociale très spécifique, peut-être même avec une connotation péjorative. (Berger & Luckmann, 1966/1986, pp. 193-194)

Ces phases de déstabilisation peuvent s’apparenter à des « crises identitaires », concept qui est souvent interprété négativement, mais qu’Erik H. Erikson (1968/1972) décrit comme un

« synonyme de tournant nécessaire, de moment crucial dans le développement lorsque celui-ci doit choisir entre des voies parmi lesquelles se répartissent toutes les ressources de croissance, de rétablissement et de différenciation ultérieure » (p. 11). La crise identitaire est donc une phase normale qui a lieu principalement à l’adolescence et au début de l’âge adulte, au cours de laquelle l’individu se redéfinit en référence aux nouveaux mondes qu’il fréquente.

Au cours de sa vie, l’individu s’identifie à des « autrui » – « significatifs » durant la socialisation primaire, « généralisés » à partir de la socialisation secondaire (Mead, 1934) – dans le sens qu’il intègre certains de leurs aspects à la formation de sa propre identité (Goffman, 1963/1975). Il peut y avoir plusieurs identifications, non exclusives, puisque l’individu peut faire partie de plusieurs groupes d’appartenance. L’identification se fait également à travers les catégories sociales que les institutions attribuent à l’individu. Or il peut y avoir un désaccord entre les catégories d’appartenance prêtées à l’individu et celles

qu’il s’attribue lui-même. Pour réduire l’écart entre ces deux identités, les individus – et les groupes – développent des stratégies identitaires. Carmel Camilleri et al. (1997) définissent ces stratégies comme :

Des procédures mises en œuvre (de façon consciente ou inconsciente) par un acteur (individuel ou collectif) pour atteindre une, ou des finalités (définies explicitement ou se situant au niveau de l’inconscient), procédures élaborées en fonction de la situation d’interaction, c’est-à-dire en fonction des différentes déterminations (socio-historiques, culturelles, psychologiques) de cette situation. (p. 24)

Cette notion de stratégies identitaires inclut l’idée que les individus « ont une certaine capacité d’action sur les choix de leur groupe d’appartenance et de référence », « face aux clivages intérieurs et aux contradictions institutionnelles » (Camilleri et al., 1997, p. 23).

Je ne saurais clore la question de la construction identitaire sans distinguer avec Dubar (2005) l’identité sociale « pour soi » de l’identité sociale « pour autrui » (ou identité personnelle selon les auteurs), tout en gardant à l’esprit que ces deux faces de l’identité sont interdépendantes. Cet auteur propose une théorie sociologique de l’identité dans laquelle « la division du Soi comme expression subjective de la dualité du social apparaît clairement à travers les mécanismes d’identification. Chacun est identifié par autrui, mais peut refuser cette identification et se définir autrement » (p. 109). Il présente ainsi deux processus identitaires : le processus relationnel et le processus biographique au cours desquels se forment respectivement mais de façon articulée l’identité pour autrui (l’identité de l’individu telle qu’elle lui est attribuée par autrui) et l’identité pour soi (l’identité de l’individu à laquelle il se sent appartenir). Il aboutit à une conception générale de l’identité comme « espace-temps générationnel » qu’il définit ainsi :

L’identité sociale n’est pas transmise par une génération à la suivante, elle est construite par chaque génération sur la base des catégories et des positions héritées de la génération précédente mais aussi à travers les stratégies identitaires déployées dans les institutions que traversent les individus et qu’ils contribuent à transformer réellement. (p. 122)

2. LITTERATURE SUR LA CONSTRUCTION IDENTITAIRE DES PERSONNES ADOPTEES A L’ETRANGER

La recherche bibliographique sur la construction identitaire des personnes adoptées à l’étranger s’est faite en deux étapes. Tout d’abord, j’ai lancé les recherches avec les mots clés

« adoption » et « identité » (uniquement en français) dans « Google recherche de livres »,

dans le Catalogue du réseau des bibliothèques genevoises et dans la base de données Francis.

J’ai également consulté les références bibliographiques proposées par divers sites spécialisés dans l’adoption (notamment Espace Adoption). A part quelques articles sur des recherches réalisées en psychologie obtenus à travers « Francis », je n’ai pas trouvé d’ouvrage accessible portant spécifiquement sur la problématique de la construction identitaire des personnes adoptées.

J’ai donc étendu la recherche bibliographique à l’adoption en générale et à l’adoption internationale. Ceci m’a menée à une grande quantité d’ouvrages portant à la fois sur diverses problématiques liées à l’adoption (telles que l’histoire des pratiques d’adoption, les procédures d’adoption, l’adoption vécue de part et d’autre, etc.) ou sur des thèmes spécifiques liés à l’adopté (comme par exemple la recherche des origines). La plupart des ouvrages dont je me suis servie ont été rédigés par des intervenants médicaux (pédiatres, psychiatres, etc.) sur la base de leur expérience clinique ; les autres ont été réalisés par des parents adoptifs (Adler, 1978 ; Delannoy, 2004), par des chercheurs des Etats-Unis (Hoopes, 1970) ou du Canada (Ouellette & Belleau, 1999), ou encore par des intermédiaires en adoptions (Hürzeler-Caramore, Hofstetter, Bengoa & Chibatte, 2004). Parmi ces références, j’ai sélectionné les parties ou chapitres qui concernaient l’identité ou la construction identitaire des personnes adoptées en général (2.1), les spécificités liées à l’adoption internationale (2.2) et les facteurs familiaux jouant un rôle sur la construction identitaire (2.3).

2.1 La construction identitaire des personnes adoptées

Les différentes recherches comparant le développement des personnes adoptées et non adoptées n’arrivent pas à un consensus quant à savoir s’il y a une réelle différence entre les deux (Lamotte, Tourbez, Faure & Duverger, 2007 ; Harf, Taïeb & Moro, 2006 ; Hoopes, 1990). Il semblerait toutefois qu’il y ait une surreprésentation des enfants adoptés dans les consultations pédopsychiatriques (Cohen Herlem, 2002 ; Harf et al., 2006 ; Hoopes, 1990) que Fanny Cohen Herlem (2002) nuance en précisant que « les familles adoptantes, du fait de leur parcours, connaissent bien les réseaux d’aide et n’hésitent pas à s’en servir » (p. 103) (voir aussi Hürzeler-Caramore et al., 2004).

L’âge au moment de l’adoption

Il y aurait un lien entre l’apparition de troubles à l’adolescence et l’âge au moment de l’adoption. En effet, l’adaptation de l’enfant varierait selon s’il a été adopté de façon

« précoce » (c’est-à-dire avant l’âge de trois8 ans) ou « tardive » (après trois ans). Plus longue a été la période avant l’adoption, plus il y a de risques que l’enfant ait vécu dans des conditions de vie difficiles voire traumatisantes (Harf et al., 2006 ; Lamotte et al., 2007). Pour certains auteurs le développement de l’enfant se déroulera mieux lorsqu’il a été adopté tout jeune, alors que d’autres pensent qu’un enfant plus grand pourra plus s’impliquer dans son adoption (Hürzeler-Caramore et al., 2004). D’autres encore disent qu’entre deux (autour des 3-4 ans), l’enfant se rend compte de ce qui lui arrive, mais qu’il n’a pas les mots pour l’exprimer et de ce fait vit « l’adoption comme une rupture plutôt que comme un passage vers une meilleure vie » (Ouellette et Belleau, 1999, p. 52).

Difficultés psychologiques

Comme nous l’avons vu dans le cadre théorique sur la construction identitaire, l’adolescence est une période sensible du développement de l’individu dans le sens où celui-ci est amené à se redéfinir et à devenir un individu à part entière, en dehors du cadre familial. L’adoption apporte une autre dimension à cette phase de la vie, les productions fantasmatiques de l’adolescent étant amplifiées notamment dans les questions de la recherche des origines et de la filiation (Harf et al., 2006 ; Lamotte et al., 2007 ; Steck, 1997). Barbara Steck (1997) précise que la « production fantasmatique peut être considérée comme une tentative de compréhension et de signification des événements passés » (p. 67). Les adolescents adoptés en consultation présentent donc certaines spécificités psychopathologiques en partie liées à ces fantasmes non résolus. En se référant aux travaux de Sorosky et al. (1975), Janet L.

Hoopes (1990) relève quatre catégories de difficultés psychosociales présentes dans le conflit identitaire des personnes adoptées :

- La relation d’attachement dans les premières années

Ce qui est essentiel pour la santé mentale est que le nourrisson et le jeune enfant expérimentent une relation chaleureuse, intime et continue avec leur mère ou leur mère permanente de substitution dans laquelle chacun trouve de la satisfaction et du

8 Les avis divergent par rapport à l’âge limite pour parler d’adoption précoce vs. tardive. Ici, je me suis alignée sur Ouellette & Belleau (1999).

plaisir9. Il y a deux aspects à souligner de ce qui précède : d’une part il est nécessaire pour l’enfant de grandir dans un sentiment de sécurité vis-à-vis de la personne qui s’occupe de lui, et d’autre part celle-ci peut être aussi bien sa génitrice qu’une autre personne de substitution. Ce qui compte donc c’est que la personne qui s’occupe de l’enfant réponde à ses besoins essentiels (nourriture, affection, soins, etc.) pour qu’il puisse se sentir en confiance.

Selon Chicoine et al. (2003), « l’attachement influence non seulement la relation entre un jeune bébé et l’adulte qui en prend soin, mais aussi toutes les autres relations significatives sociales futures de cet enfant » (p. 281).

Ainsi, si l’enfant a eu la possibilité de développer cette confiance de base, il sera en mesure d’entrer dans des relations affectives stables et de faire des apprentissages.

Dans le cas contraire, il aura au cours de sa vie des difficultés à s’attacher à des personnes, n’y montrera peut-être même pas d’intérêt et présentera éventuellement un retard sur le plan cognitif. D’après Boris Cyrulnik (1999), les troubles varient selon la durée de l’abandon : « Lorsque l’abandon n’a pas été trop prolongé, [les enfants abandonnés] manifestent par la suite un hyperattachement anxieux aux gens, aux choses et au lieu. Quand l’isolement affectif se prolonge, ces enfants, au contraire, deviennent indifférents » (cité par Delannoy, 2004, p. 159).

Les enfants adoptés tardivement ont souvent peu de chance « de vivre auprès de gens si disponibles et dans un milieu répondant à tous ces critères » (Chicoine et al., 2003, p. 282). C’est pourquoi il arrive parfois qu’ils développent au cours de leur vie des troubles liés à ce manque d’attachement.

- Les complications œdipiennes ou sexuelles

Hoopes (1990), en référence à Easson (1973), décrit trois domaines de croissance émotionnelle qui peuvent affecter le développement d’une identité sexuelle stable chez l’adolescent adopté :

9 Traduit par Laure Vergari Pacchiani: “What is […] essential for mental health is that the infant and young child experience a warm, intimate and continuous relationship with his mother or permanent mother substitute in which both find satisfaction and enjoyment”. (Bowlby, 1969, cité par Hoopes, 1990, pp. 150-151)

Le processus d’émancipation

Pour qu’il y ait émancipation, il faut préalablement que l’adolescent se soit identifié à ses parents adoptifs, les acceptant tels qu’ils sont et donc faisant le deuil de ce qu’il aurait voulu qu’ils soient. Si cette identification préadolescente tarde, il manquera une relation confiante comme base essentielle à l’émancipation.

Dans le même ordre d’idée, Lamotte et al. (2007) soulèvent la nécessité de l’affiliation pendant la période d’adolescence, c’est-à-dire l’identification de l’adolescent à d’autres groupes d’appartenance que celui de la famille (comme par exemple celui de la communauté d’origine). Mais cette affiliation ne peut se faire que sur une base solide d’identification à sa famille adoptive, sans quoi :

Le risque pour ces adolescents est alors de se sentir également étranger dans ce groupe d’appartenance, car ils ne sont pas comme les enfants de migrants du fait justement de leur famille adoptive. Il en résulte un profond désarroi car ils se sentent étrangers au sein de leur milieu familial comme au sein du groupe des pairs. (p. 384)

La problématique de l’inceste dans la relation adoptive Selon Lamotte et al. (2007),

Dans les fantasmes entourant l’adoption, il existe la peur d’une transgression des interdits : les pulsions meurtrières ou incestueuses, du fait de l’absence d’une ‘conviction de filiation’. (Flavigny, 1997) […] Ce fantasme interroge inconsciemment les parents adoptifs dans leur relation à leur adolescent, lequel connaît une réactivation de ses pulsions incestueuses. (p. 385)

Ce lien incestueux non résolu ralentit l’émancipation sexuelle de l’adolescent adopté et rend plus difficile le développement approprié de relations sexuelles avec des pairs en dehors de la famille10.

10 Traduit par LVP: « This unresolved incestuous bond slows down the sexual emancipation of the adopted adolescent and makes it more difficult to develop appropriate peer sexual relationships outside the family. » (Easson, 1973, cité par Hoopes, 1990, p.151)

L’identification finale avec le parent du même sexe

En lien avec le « roman familial » qui sera développé plus bas, les fantasmes de l’adolescent sur les parents biologiques peuvent empêcher l’identification aux parents adoptifs du même sexe.

Hoopes (1990) ajoute les propos de Schechter (1960) sur l’importance d’attendre que le conflit œdipien soit résolu avant de révéler l’adoption à l’enfant, afin d’éviter des complications dans cette étape du développement psychosocial.

- Le roman familial

Le roman familial est un fantasme commun à tous les enfants, adoptés ou non :

« l’enfant s’imagine être un enfant trouvé ou avoir été volé par ses parents adoptifs et être issu d’autres parents, plus idéaux » (Steck, 1997, p. 69). Il permet à l’enfant

« d’éviter les problèmes œdipiens, de refouler ses angoisses » (Mattei, 1997). Or, pour l’enfant adopté le roman familial est réel puisqu’il a effectivement deux paires de parents. Ainsi, au lieu que ce fantasme s’efface au cours de l’enfance comme c’est habituellement le cas, chez l’enfant adopté il se prolonge parfois dans l’adolescence et finit même par se fixer, empêchant l’identification à ses parents adoptifs (Chicoine et al., 2003 ; Kipman, 1988 ; Lamotte et al., 2007 ; Mattei, 1997). Hoopes (1990) souligne que pour Lawton et Gross (1964) la prolongation et la fixation du roman familial chez l’enfant adopté résultent d’un rejet des parents biologiques et de stimulation à faire des comparaisons avec eux de la part des parents adoptifs.

- Les problèmes généalogiques

Pour tout individu, il est important de pouvoir s’inscrire dans une lignée transgénérationnelle afin de mieux se construire et de trouver sa « place dans l’humanité » (Delannoy, 2004). Cette question de la filiation ou « quête des origines » de même que l’hérédité apparaissent principalement à l’adolescence, car l’adolescent a la possibilité de procréer et donc de prolonger la généalogie, et également de transmettre des facteurs génétiques dont il a hérité. Dans le cas des adolescents adoptés, ces questions prennent une forme particulière : d’une part ils doivent intégrer une double généalogie à leur identité (Lamotte et al., 2007) et d’autre part elles se heurtent la plupart du temps à des éléments inconnus (Harf et al., 2006). C’est

pourquoi la quête des origines prend parfois la forme d’une recherche des parents biologiques (Harf et al., 2006).

D’autre part, à l’adolescence, la filiation est souvent « attaquée » :

[…] Les adolescents testent ou agressent leurs parents non seulement pour se détacher des imagos parentales, mais aussi pour vérifier que, quoi qu’ils fassent, la filiation n’est pas remise en cause, que les parents accepteront malgré tout de conserver leur rôle de parents. (Lamotte et al., 2007, p.

382)

Pour les adolescents adoptés, derrière ces attaques, il n’y a pas la réassurance du biologique et les angoisses d’abandon sont donc plus fortes. C’est pourquoi ces adolescents ont besoin plus que les autres « de se sentir inscrits irréversiblement comme enfant de leurs parents et comme membre de l’histoire de leur famille » (Lamotte et al., 2007, p. 382).

A travers les difficultés psychologiques décrites ci-dessus apparaît l’expérience de la perte et du deuil, caractéristique de toute adoption et vécue aussi bien par l’enfant que par ses parents biologiques (perte de son enfant et à travers l’adoption de son statut de parent) et adoptifs (souvent, perte de la possibilité de procréer). En ce qui concerne l’enfant, la perte de ses parents biologiques représente aussi la perte de ses origines, la perte d’un sentiment de stabilité et de continuité généalogique, la perte de statut liée au fait d’être différent parce qu’il n’a pas été désiré, parce qu’il a été abandonné (Ouellette et Belleau, 1999 ; voir aussi Chicoine et al., 2003 ; Delannoy, 2004). Si ces deuils ne sont pas faits, l’attachement à la famille adoptive ne peut se créer ou peut mener à des régressions dans le cas d’adoptions tardives. Au contraire, « grâce à des liens affectifs significatifs avec ses parents adoptifs, l’enfant sera apte à élaborer un deuil de la perte de son histoire personnelle. […] Le processus du deuil demande une communication ouverte et authentique et l’acceptation de différences […] » (Steck, 1997, p. 70).

2.2 Spécificités liées à l’adoption internationale

Outres ces spécificités qui se rapportent à des adolescents adoptés aussi bien au niveau national qu’à l’étranger, l’adoption internationale introduit la problématique de la différence d’origine qui peut être mise en évidence par l’apparence physique (couleur de peau, yeux bridés, etc.), le prénom de naissance à connotation étrangère et, dans le cas d’adoption tardive,

la langue et la culture d’origine. Ces spécificités vont être abordées une à une pour ensuite voir comment elles sont gérées de façon générale par la personne adoptée.

L’apparence physique Selon Harf et al. (2007),

C’est véritablement à l’adolescence que la différence d’aspect physique s’impose à l’enfant. L’enfant pense tout d’abord qu’en grandissant il deviendra comme ses parents. Un enfant a la notion de sa couleur de peau

C’est véritablement à l’adolescence que la différence d’aspect physique s’impose à l’enfant. L’enfant pense tout d’abord qu’en grandissant il deviendra comme ses parents. Un enfant a la notion de sa couleur de peau