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La construction identitaire de personnes adoptées: une approche compréhensive de l'adoption internationale

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Master

Reference

La construction identitaire de personnes adoptées: une approche compréhensive de l'adoption internationale

VERGARI PACCHIANI, Laure

Abstract

Cette recherche exploratoire s'intéresse à la construction identitaire des personnes adoptées au niveau international. La perspective épistémologique qui oriente la recherche relève de la compréhension, posture qui considère l'individu comme un acteur dans son milieu, dans le sens qu'il interprète les déterminismes (sociaux, historiques, biologiques, etc.) qui pèsent sur lui et qu'il contribue à leur construction par ses échanges avec le collectif. L'élaboration des hypothèses s'est faite par induction, c'est-à-dire en partant du terrain, à savoir les récits de vie obtenus auprès de huit personnes adoptées en Suisse romande et âgées de 23 à 27 ans aumoment de l'entretien. L'analyse de contenu des récits de vie a abouti à deux interprétations générales. La première concerne les conditions de production du discours à travers lesquelles apparaissent les représentations des interviewés sur l'objectif de l'entretien.

La deuxième interprétation porte sur la construction identitaire des personnes adoptées et ses composants, par la proposition d'un modèle qui la conçoit comme un processus [...]

VERGARI PACCHIANI, Laure. La construction identitaire de personnes adoptées: une approche compréhensive de l'adoption internationale. Master : Univ. Genève, 2009

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:3803

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Université de Genève

Faculté de Psychologie et des Sciences de l’éducation Laure Vergari Pacchiani

Juin 2009

Mémoire de licence en Sciences de l’éducation, mention recherche et intervention Jury : Maryvonne Charmillot D’Odorico (directrice), Anahy Gajardo Muñoz, Charles Magnin, Daria Michel-Scotti

La construction identitaire de personnes adoptées

Une approche compréhensive de l’adoption

internationale

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Dédicace Ce travail est dédié aux enfants de la Pouponnière Marie-Thérèse Houphouët-Boigny à Abidjan. En espérant qu’ils aient trouvé une famille pour les aimer et les aider à devenir.

Remerciements Un grand merci à mon mari pour ses encouragements, ses relectures et ses conseils tout au

long de ce travail ; je n’en serais jamais venue à bout sans lui.

Merci aussi aux personnes qui ont accepté de participer à cette recherche et de partager leur histoire avec moi ; ce fut une expérience humaine très enrichissante.

Merci encore à toutes les personnes qui m’ont soutenue dans ce travail et qui se sont organisées pour me permettre de le finir.

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RÉSUMÉ

Cette recherche exploratoire s’intéresse à la construction identitaire des personnes adoptées au niveau international. La perspective épistémologique qui oriente la recherche relève de la compréhension, posture qui considère l’individu comme un acteur dans son milieu, dans le sens qu’il interprète les déterminismes (sociaux, historiques, biologiques, etc.) qui pèsent sur lui et qu’il contribue à leur construction par ses échanges avec le collectif. L’élaboration des hypothèses s’est faite par induction, c’est-à-dire en partant du terrain, à savoir les récits de vie obtenus auprès de huit personnes adoptées en Suisse romande et âgées de 23 à 27 ans au moment de l’entretien.

L’analyse de contenu des récits de vie a abouti à deux interprétations générales. La première concerne les conditions de production du discours à travers lesquelles apparaissent les représentations des interviewés sur l’objectif de l’entretien. La deuxième interprétation porte sur la construction identitaire des personnes adoptées et ses composants, par la proposition d’un modèle qui la conçoit comme un processus complexe évoluant en interaction avec des éléments internes et externes à la personne adoptée.

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SOMMAIRE

INTRODUCTION ... 5

CHAPITRE I : CADRE THÉORIQUE ... 11

1. La construction identitaire ... 11

2. Littérature sur la construction identitaire des personnes adoptées à l’étranger ... 14

3. Commentaire ... 26

CHAPITRE II : PERSPECTIVE ÉPISTÉMOLOGIQUE ET CHOIX MÉTHODOLOGIQUES ... 27

1. Personnes interviewées ... 27

2. Technique de production des données ... 32

3. Traitement des données ... 35

4. Analyse des données ... 37

CHAPITRE III : CONSTATS ET OBSERVATIONS ... 44

1. Résumé des entretiens ... 44

2. Analyse transversale ... 57

2.1 Conditions de production des discours... 57

2.2 Contexte socio-historique ... 62

2.3 Analyse catégorielle ... 65

CHAPITRE IV : DISCUSSION ET INTERPRÉTATION ... 99

1. Les conditions de production du discours ... 99

2. Composants de la construction identitaire des personnes adoptées à l’étranger ... 103

2.1 L’histoire de vie adoptive inscrite dans un contexte général ... 109

2.2 Les ressources dont dispose l’individu ... 113

2.3 Interprétation et gestion des modalités de l’histoire adoptive ... 121

2.4 Identité ... 124

CHAPITRE V : CONCLUSION ... 129

1. Apports et limites de la recherche ... 129

2. Quelques pistes de réflexion ... 131

3. Apport personnel ... 132

REFERENCES ... 133

1. Bibliographie ... 133

2. Webographie ... 136

ANNEXE 1 : GUIDE D’ENTRETIEN ... 137

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INTRODUCTION

C’est suite à un stage effectué en 2001 dans un orphelinat à Abidjan (Côte d'Ivoire) auprès d’enfants de 0 à 6 ans que j'ai commencé à m'intéresser à l'adoption internationale. Au cours de cette expérience, je m'étais beaucoup interrogée sur l'avenir de ces enfants, principalement sur la construction de leur identité socioculturelle une fois qu'ils seraient adoptés, que ce soit au niveau national ou international. Notamment, je me demandais si l’on tenait compte de leur origine ethnique avant de les placer dans une famille du pays et dans quelle mesure cela aurait de l’importance pour eux à l’âge adulte. En effet, les « mamans auxiliaires » avec lesquelles je travaillais me décrivaient souvent les origines ethniques des enfants et je me disais que si elles aimaient autant souligner ces appartenances, c’est qu’elles devaient tenir une place importante d’un point de vue identitaire. Par contre, j’imaginais que dans le cadre d’une adoption internationale la question de l’origine ethnique devait être moins saillante que l’origine nationale ou même « continentale » de l’enfant en rapport à ses parents adoptifs. Ces réflexions et une quantité d’autres questions m’ont amenée à penser que l’adoption doit être considérée comme un élément psycho-affectif ressenti par la personne adoptée tout au long de sa vie et non pas comme un simple acte juridique ponctuel. La littérature que j'ai consultée plus tard a d'ailleurs confirmé ce pressentiment :

Ainsi, il est de plus en plus admis qu'il convient d'aborder l'adoption comme un processus évolutif, se déroulant potentiellement sur toute la durée d'une vie, plutôt que comme un événement ponctuel dont on pourrait juger définitivement de la réussite ou de l'échec. L'adoption internationale est ainsi envisagée comme déterminant une trajectoire de vie qui ne se distinguera pas toujours fortement de celle de la majorité des enfants élevés dans leur milieu d'origine, mais qui comporte des spécificités ou des modulations particulières qu'il importe de reconnaître. (Ouellette et Belleau, 1999, pp. 125-126)

Lorsque j’ai entrepris mes études en Sciences de l’éducation en 2003, mon objectif était d’ores et déjà de faire un mémoire ayant pour problématique centrale la construction identitaire des personnes adoptées à l’étranger. Toutefois, la démarche pour l’explorer a considérablement évolué depuis le début de la recherche. A la base, j’envisageais d’étudier une année à Abidjan dans le cadre d’une mobilité interuniversitaire et d’en profiter pour suivre le déroulement d’une adoption en me centrant sur l’enfant et ses besoins d’encadrement depuis son pays d’origine (la Côte d’Ivoire) à son pays d’accueil (la Suisse). Ce projet n’a pas pu se réaliser pour plusieurs motifs dont la durée et les coûts qu’il impliquait et surtout… la guerre civile qui a éclaté en Côte d’Ivoire en 2004 !

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J’ai donc réorienté ma démarche en me centrant uniquement sur le pays d’accueil et les mesures à mettre en place pour accompagner les personnes adoptées dans leur parcours de vie et leur construction identitaire. Or, à travers mes premières recherches sur le domaine de l’adoption internationale, je me suis vite aperçue que cette orientation de travail ne pouvait pas fonctionner. D’une part, j’ai constaté qu’il existe déjà plusieurs formes d’institutions mises en place en réponse aux besoins des personnes adoptées et de leurs parents adoptifs et que l’objectif de mon projet était par conséquent déjà atteint. D’autre part, j’ai réalisé que ce projet partait de plusieurs idées préconçues telles que : « une personne adoptée aura forcément besoin d’accompagnement au cours de sa vie », « une personne adoptée va forcément faire une forte crise identitaire à l’adolescence », « une personne adoptée voudra forcément retourner à ses origines », etc.

Ayant pris conscience de ces préjugés, j’ai décidé d’aborder la problématique sous une toute autre perspective : au lieu d’émettre des hypothèses sur la construction identitaire des personnes adoptées à l’étranger et de chercher à les vérifier (démarche déductive), il m’a semblé plus légitime de laisser émerger une réflexion à partir du discours des personnes directement concernées (démarche inductive). Je parle de « légitimité » dans le sens que mon court séjour à la pouponnière ne m’a pas donné une expérience suffisante pour me permettre d’énoncer des hypothèses sur les besoins des personnes adoptées et que pour pouvoir en parler, il était plus judicieux de me baser directement sur le vécu des personnes adoptées.

C’est donc en travaillant sur mes préjugés et à partir du discours des personnes concernées que j’ai décidé d’aborder la problématique. Cela ne s’est pas fait sans quelques difficultés. En effet, nullement habituée à entreprendre une recherche dans une perspective qui s’avère relever de la compréhension, il m’a fallu réaliser tout un travail d’appropriation théorique et terminologique pour parvenir à définir la problématique de mon travail et l’orientation de ma démarche sous cet angle d’approche.

Ainsi, cette recherche s’inscrit dans une perspective compréhensive dont les caractéristiques principales « consistent à envisager la personne humaine en tant qu’acteur et à centrer l’analyse sur la dialectique individuel/collectif » (Charmillot & Dayer, 2007, p. 132). En outre, cette posture a pour cadre théorique général l’interactionnisme historico-social qui cherche à saisir les « actions individuelles à la lumière des activités collectives » tout en accordant « une place essentielle à l’histoire » (p. 133); elle procède par un « va-et-vient entre la théorie et le terrain » (p. 134) pour élaborer des hypothèses ; et elle utilise l’entretien de recherche comme méthode principale de production des données. Cette brève description des

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différents pôles de la démarche compréhensive permet de se faire une première idée de l’orientation de cette recherche ; ils seront toutefois développés de façon plus approfondie au cours du travail.

La démarche de ma recherche étant désormais connue du lecteur, il me semble également utile de lui dresser un rapide aperçu du paysage de l’adoption pour qu’il puisse se rendre compte – comme je l’ai fait au cours de mes premières recherches – de son évolution constante et des pratiques et représentations sociales actuelles.

Evolution des pratiques de l’adoption jusqu’à ce jour

Les recherches anthropologiques montrent que l’adoption est présente dans toutes les cultures depuis des temps reculés. L’adoption et la place de l’enfant dans cette filiation ont toutefois fortement évolué au cours de l’histoire de notre société, comme l’illustre brièvement la chronologie1 ci-dessous :

Dans la Rome antique: l'homme choisit un héritier pour préserver son lignage familial lorsqu'il n'a pas d'enfant mâle ;

Dès le Moyen-âge : l'Église, les hospices puis les orphelinats recueillent des enfants abandonnés qui seront ensuite pris en charge par des adultes en échange de travaux (maison, ferme, usine) ;

A partir du milieu du XIXe siècle : des services d'aide aux mères et aux enfants sont mis en place, accordant à ces derniers une valeur qui jusque-là leur avait été niée ; Au cours du XXe siècle : l'adoption locale s'étend à l'internationale avec la hausse du taux d'infertilité dans les pays développés, l'essor des moyens de communication à l'échelle planétaire, et une conscientisation sociale à l'égard des enfants abandonnés et orphelins ;

Dès les années 1950 : la Seconde guerre mondiale, la guerre de Corée, puis celle du Vietnam laissent des milliers d'enfants orphelins; ils seront recueillis au Canada, en Australie et en Europe, dans un élan « humanitaire » ;

1 Cette chronologie est basée sur l’historique de l’adoption internationale à disposition sur le site Internet du Secrétariat à l’adoption internationale du Québec.

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Fin des années 1960 : développement d'un axe nord-sud de l'adoption internationale (Amérique latine et Asie vers les Etats-Unis et l'Europe) dans l'esprit que les pays du Nord, pour se déculpabiliser, cherchent à porter secours aux enfants des pays pauvres ; 1989 : Convention des Nations Unies sur les droits de l'enfant ;

Début des années 1990 : nouvel axe est-ouest de l'adoption internationale, à la suite de l'effondrement de l'URSS ;

1993 : Convention de La Haye (CLaH) sur la protection de l'enfant et la coopération en matière d'adoption internationale.

Ces quelques points clés montrent qu'avec le temps, le respect et le bien-être de l'enfant sont devenus le centre des préoccupations dans les pratiques de l'adoption et qu'il ne s'agit donc plus seulement de répondre aux besoins d'une famille, mais surtout à ceux d’un enfant.

Actuellement, cette nécessité se traduit notamment à travers quatre principes fondamentaux de la CLaH :

• L’intérêt supérieur de l’enfant et le respect de ses droits fondamentaux2, la prévention de l’enlèvement et la vente ou la traite d’enfants. On cherche tout d’abord à combler les besoins de l’enfant en lui trouvant une famille et non pas l’inverse.

• La subsidiarité3. L’adoption internationale est une solution alternative dans le cas où l’enfant ne peut être accueilli par sa famille proche ou élargie, ni dans son pays d’accueil.

• L’adoptabilité4. On évalue au début de chaque procédure d’adoption si les parents sont aptes à adopter et si les enfants sont adoptables avant de prendre une décision de

« matching5 ».

• Le recueil du consentement6. La procédure d’adoption ne peut se faire qu’avec l’accord signé des parents biologiques (après la naissance de l’enfant) et celui de l’enfant, selon son âge et sa maturité.

2Art. 4a CLaH

3 Art. 4b CLaH

4 Art. 4a, 15 et 16 CLaH

5 Le “matching” ou “apparentement” est la proposition d'établir une relation adoptive entre un enfant et une famille.

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Les autorités centrales ayant signé la CLaH doivent s’assurer que ces conditions soient respectées dans toute procédure d’adoption. En outre, elles mettent en place un suivi de l’enfant à son arrivée au pays d’accueil.

Parallèlement aux mesures officielles, de nombreuses associations (principalement d’enfants adoptés et/ou parents adoptifs) et organismes (les intermédiaires en adoption) ont vu le jour pour répondre aux demandes et aux besoins des personnes adoptées et de leurs parents adoptifs. Sur Internet, une multitude de sites et de forums de discussion abordent les questions les plus diverses sur l’adoption. L’un d’entre eux, qui est une référence en la matière, est celui d’Espace adoption7, une association genevoise animée par une équipe interdisciplinaire qui reçoit aussi bien les enfants et parents adoptifs que les professionnels. Elle offre un encadrement dans les diverses étapes du parcours adoptif et propose des conférences, ateliers ou autres sources d’informations telles que la mise à disposition d’une bibliothèque ou un forum sur le site Internet.

Bien que l’adoption nationale et internationale aient été étudiées sous différents angles par diverses disciplines à des échelles variées et qu’on en connaisse actuellement mieux les enjeux, elles n’en restent pas moins une problématique qui suscite beaucoup de questions aussi bien chez les chercheurs de tout domaine que dans l’opinion publique. Selon Jean- François Chicoine, Patricia Germain et Johanne Lemieux (2003), « ces préoccupations proviennent peut-être d’un phénomène de projection plus ou moins conscient : si l’autre se définit comme moi tout en étant fondamentalement différent, alors qui suis-je au juste ? » (p.

435). Pour Michel Soulé (1978),

L’éducation d’un enfant adopté ne pose pas d’autres problèmes que celle de tous les enfants, mais elle les révèle alors qu’ils sont généralement méconnus. Il faut d’abord constater que la curiosité pour l’éducation d’un enfant adopté est le fait du public et des couples qui justement ne sont pas des adoptants. Cela explique le succès de toutes les émissions, de tous les articles de journaux qui concernent l’adoption. Celle-ci éveille une curiosité très particulière. (p. 65)

Cette curiosité est à la fois attisée par des idées préconçues et reproductrice de ces idées allant même jusqu’à la construction de mythes sur l’adoption, tel que celui décrit par Soulé :

6 Art. 4c CLaH

7 C’est à travers Espace adoption que j’ai trouvé mes principales références bibliographiques et que j’ai commencé à me familiariser aux récits de vie de personnes adoptées en assistant à deux témoignages ayant eu lieu dans le cadre des conférences organisées par cette association.

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Décrivons le mythe: un adolescent, non informé de sa condition d’enfant adopté, l’apprend par des circonstances fortuites (camarades, voisins, actes d’état civil, papiers dérobés). Dès lors, il quitte son domicile familial, rejette ses parents adoptifs et part à la recherche de ses parents naturels. (p. 68)

Ce court détour par l’historique, les pratiques et représentations actuelles de l’adoption m’a semblé nécessaire pour « planter le décor ». Il avait pour objectif de permettre au lecteur de se rendre compte de l’évolution du phénomène d’une part, et de l’inciter à prendre conscience de ses propres représentations sur la question d’autre part. Ceci, également dans le but de mieux l’introduire dans la perspective qui oriente ce travail, à savoir : que chacun est un acteur en partie déterminé par sa société et son histoire, mais également producteur de ces déterminismes. Dans cette optique, la personne adoptée fait partie d’un monde qui lui confère un statut auquel elle donne un sens personnel, contribuant ainsi aux représentations collectives.

Construction du travail

Le chapitre I expose le cadre théorique de la recherche qui est celui de la construction identitaire avec un aperçu des recherches effectuées à ce sujet dans le cadre de l’adoption internationale. La perspective compréhensive qui oriente ce travail et les choix méthodologiques y relatifs sont décrits au deuxième chapitre. Le chapitre III présente les constats et observations auxquels a abouti l’analyse des entretiens. Ces constats sont discutés et interprétés au chapitre suivant pour aboutir à une conception personnelle de la construction identitaire des personnes adoptées. Enfin, le dernier chapitre conclut la recherche avec une revue de ses apports et de ses limites, une proposition de pistes de réflexion et ce qu’elle m’a apporté personnellement.

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CHAPITRE I : CADRE THÉORIQUE

Le cadre théorique général dans lequel s’inscrit cette recherche est celui de l’interactionnisme historico-social. Cette théorie pose comme point de départ l’activité collective, que Maryvonne Charmillot et Caroline Dayer (2007) définissent comme « les modalités pratiques d’organisation des groupes humains ». C’est à travers cette activité que se comprennent les actions individuelles :

Il s’agit de saisir comment se construit ce que Schütz (1967) appelle ‘le monde de la vie quotidienne’, de comprendre comment le passé nous devient présent, comment l’histoire collective s’incorpore dans les significations que nous produisons par rapport à notre environnement. (Charmillot & Dayer, 2007, p. 133)

Le choix des références théoriques directement liées à la problématique de ce travail – à savoir la construction identitaire – s’inscrivent par conséquent dans cette perspective interactionniste. La construction identitaire est examinée dans une première partie à travers la socialisation de l’individu, et complétée par la clarification d’autres concepts tels que l’identité, l’identité sociale, la crise identitaire, l’identification, les stratégies identitaires. Dans la deuxième partie, la construction identitaire est traitée dans le contexte de l’adoption internationale en référence à la littérature convoquée en la matière.

1. LA CONSTRUCTION IDENTITAIRE

La notion d’identité prend différentes définitions selon la discipline qui l’étudie (psychologie, sociologie, anthropologie, etc.) ; toutefois ces disciplines ont en commun une vision dynamique, interactionniste et sociale du concept (Camilleri et al., 1997). Pour le psychologue social Pierre Tap (1979) :

L’identité est l’ensemble des caractéristiques physiques, psychologiques, morales, juridiques, sociales et culturelles à partir desquelles la personne se définit, se présente, se connaît et se fait connaître, ou à partir desquelles autrui la définit, la situe ou la reconnaît. L’identité, c’est ce par quoi l’individu se sent exister en tant que personne, dans tous ses rôles et toutes ses fonctions, se sent accepté et reconnu comme tel par autrui, par son groupe ou sa culture d’appartenance. (cité par Chicoine et al., 2003, p. 434)

On parle donc parfois d’identité « culturelle », « nationale », « professionnelle »,

« religieuse », etc. Ces appartenances objectivement perçues et attribuées par la société forment l’identité sociale de l’individu.

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Chacune des composantes de l’identité sociale prend son sens dans des contextes précis en interaction avec d’autres personnes. Ainsi, d’un point de vue interactionniste, l’identité est également définie comme

[…] Un ensemble de significations (variables selon les acteurs d’une situation) apposées par des acteurs sur une réalité physique et subjective, plus ou moins floue, de leurs mondes vécus, ensemble construit par un autre acteur. C’est donc un sens perçu donné par chaque acteur au sujet de lui-même ou d’autres acteurs. (A.

Mucchielli, 2003, p. 12)

L’identité se construit et se transforme au fil du temps, à travers les expériences et les rencontres que fait l’individu et n’est donc pas figée, comme le souligne Claude Dubar (2006) :

Or l’identité humaine n’est pas donnée, une fois pour toutes, à la naissance : elle se construit dans l’enfance et désormais, doit se reconstruire tout au long de la vie. L’individu ne la construit jamais seul : elle dépend autant des jugements d’autrui que de ses propres orientations et définitions de soi. L’identité est un produit des socialisations successives. (p. 15)

Par « socialisation », on entend le processus par lequel l’individu apprend à vivre dans sa société, en intégrant ses normes. Selon George Herbert Mead (1934), la socialisation est la construction d’une identité sociale (un Self) à travers l’interaction avec les autres. Pour lui, la socialisation se construit dans une temporalité déterminée – l’enfance – à travers la famille et l’école. Peter Berger et Thomas Luckmann (1968/1986) approfondissent les travaux de Mead et proposent une conception nuancée de la socialisation, en faisant la double hypothèse que celle-ci n’est « jamais complètement réussie » (p. 146) et « jamais totale ni terminée » (p.

189). Dès lors, ils introduisent une conception de la socialisation en deux phases :

• La socialisation primaire qui a lieu de l’enfance à l’adolescence ; l’individu intériorise et s’approprie « l’univers symbolique et culturel » (Dubar, 2005, p. 98) du monde dans lequel il vit ; cette forme de socialisation constitue la structure de base de la socialisation suivante.

• La socialisation secondaire, définie comme « l’intériorisation de sous-mondes institutionnels ou basés sur des institutions » (Berger & Luckmann, 1968/1986, p.

189), débute vers l’adolescence, lorsque l’individu commence à sortir du cadre familial et scolaire et qu’il apprend à connaître d’autres perceptions du monde et d’autres règles.

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La perspective de Berger et Luckman – dans laquelle s’inscrit ce travail – admet que les changements qui ont lieu lors de la socialisation secondaire peuvent modifier les dynamiques identitaires.

Selon ces auteurs, le passage entre la socialisation primaire et secondaire peut s’opérer de deux façons :

• La socialisation secondaire se fait dans le prolongement de la socialisation primaire ; l’identité de l’individu se transforme progressivement.

• Il y a une rupture, « un choc biographique » entre la socialisation primaire et la socialisation secondaire ; l’identité peut radicalement changer ou présenter des contradictions avec celle que présentait l’individu durant la socialisation primaire.

Dans ce deuxième cas, la rupture entre les deux mondes de référence est source de déstabilisation pour l’individu :

Certaines des crises qui apparaissent après la socialisation primaire sont en fait causées par la reconnaissance du phénomène suivant : le monde des parents n’est pas le seul monde qui existe, mais possède une situation sociale très spécifique, peut-être même avec une connotation péjorative. (Berger & Luckmann, 1966/1986, pp. 193-194)

Ces phases de déstabilisation peuvent s’apparenter à des « crises identitaires », concept qui est souvent interprété négativement, mais qu’Erik H. Erikson (1968/1972) décrit comme un

« synonyme de tournant nécessaire, de moment crucial dans le développement lorsque celui-ci doit choisir entre des voies parmi lesquelles se répartissent toutes les ressources de croissance, de rétablissement et de différenciation ultérieure » (p. 11). La crise identitaire est donc une phase normale qui a lieu principalement à l’adolescence et au début de l’âge adulte, au cours de laquelle l’individu se redéfinit en référence aux nouveaux mondes qu’il fréquente.

Au cours de sa vie, l’individu s’identifie à des « autrui » – « significatifs » durant la socialisation primaire, « généralisés » à partir de la socialisation secondaire (Mead, 1934) – dans le sens qu’il intègre certains de leurs aspects à la formation de sa propre identité (Goffman, 1963/1975). Il peut y avoir plusieurs identifications, non exclusives, puisque l’individu peut faire partie de plusieurs groupes d’appartenance. L’identification se fait également à travers les catégories sociales que les institutions attribuent à l’individu. Or il peut y avoir un désaccord entre les catégories d’appartenance prêtées à l’individu et celles

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qu’il s’attribue lui-même. Pour réduire l’écart entre ces deux identités, les individus – et les groupes – développent des stratégies identitaires. Carmel Camilleri et al. (1997) définissent ces stratégies comme :

Des procédures mises en œuvre (de façon consciente ou inconsciente) par un acteur (individuel ou collectif) pour atteindre une, ou des finalités (définies explicitement ou se situant au niveau de l’inconscient), procédures élaborées en fonction de la situation d’interaction, c’est-à-dire en fonction des différentes déterminations (socio-historiques, culturelles, psychologiques) de cette situation. (p. 24)

Cette notion de stratégies identitaires inclut l’idée que les individus « ont une certaine capacité d’action sur les choix de leur groupe d’appartenance et de référence », « face aux clivages intérieurs et aux contradictions institutionnelles » (Camilleri et al., 1997, p. 23).

Je ne saurais clore la question de la construction identitaire sans distinguer avec Dubar (2005) l’identité sociale « pour soi » de l’identité sociale « pour autrui » (ou identité personnelle selon les auteurs), tout en gardant à l’esprit que ces deux faces de l’identité sont interdépendantes. Cet auteur propose une théorie sociologique de l’identité dans laquelle « la division du Soi comme expression subjective de la dualité du social apparaît clairement à travers les mécanismes d’identification. Chacun est identifié par autrui, mais peut refuser cette identification et se définir autrement » (p. 109). Il présente ainsi deux processus identitaires : le processus relationnel et le processus biographique au cours desquels se forment respectivement mais de façon articulée l’identité pour autrui (l’identité de l’individu telle qu’elle lui est attribuée par autrui) et l’identité pour soi (l’identité de l’individu à laquelle il se sent appartenir). Il aboutit à une conception générale de l’identité comme « espace-temps générationnel » qu’il définit ainsi :

L’identité sociale n’est pas transmise par une génération à la suivante, elle est construite par chaque génération sur la base des catégories et des positions héritées de la génération précédente mais aussi à travers les stratégies identitaires déployées dans les institutions que traversent les individus et qu’ils contribuent à transformer réellement. (p. 122)

2. LITTERATURE SUR LA CONSTRUCTION IDENTITAIRE DES PERSONNES ADOPTEES A L’ETRANGER

La recherche bibliographique sur la construction identitaire des personnes adoptées à l’étranger s’est faite en deux étapes. Tout d’abord, j’ai lancé les recherches avec les mots clés

« adoption » et « identité » (uniquement en français) dans « Google recherche de livres »,

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dans le Catalogue du réseau des bibliothèques genevoises et dans la base de données Francis.

J’ai également consulté les références bibliographiques proposées par divers sites spécialisés dans l’adoption (notamment Espace Adoption). A part quelques articles sur des recherches réalisées en psychologie obtenus à travers « Francis », je n’ai pas trouvé d’ouvrage accessible portant spécifiquement sur la problématique de la construction identitaire des personnes adoptées.

J’ai donc étendu la recherche bibliographique à l’adoption en générale et à l’adoption internationale. Ceci m’a menée à une grande quantité d’ouvrages portant à la fois sur diverses problématiques liées à l’adoption (telles que l’histoire des pratiques d’adoption, les procédures d’adoption, l’adoption vécue de part et d’autre, etc.) ou sur des thèmes spécifiques liés à l’adopté (comme par exemple la recherche des origines). La plupart des ouvrages dont je me suis servie ont été rédigés par des intervenants médicaux (pédiatres, psychiatres, etc.) sur la base de leur expérience clinique ; les autres ont été réalisés par des parents adoptifs (Adler, 1978 ; Delannoy, 2004), par des chercheurs des Etats-Unis (Hoopes, 1970) ou du Canada (Ouellette & Belleau, 1999), ou encore par des intermédiaires en adoptions (Hürzeler-Caramore, Hofstetter, Bengoa & Chibatte, 2004). Parmi ces références, j’ai sélectionné les parties ou chapitres qui concernaient l’identité ou la construction identitaire des personnes adoptées en général (2.1), les spécificités liées à l’adoption internationale (2.2) et les facteurs familiaux jouant un rôle sur la construction identitaire (2.3).

2.1 La construction identitaire des personnes adoptées

Les différentes recherches comparant le développement des personnes adoptées et non adoptées n’arrivent pas à un consensus quant à savoir s’il y a une réelle différence entre les deux (Lamotte, Tourbez, Faure & Duverger, 2007 ; Harf, Taïeb & Moro, 2006 ; Hoopes, 1990). Il semblerait toutefois qu’il y ait une surreprésentation des enfants adoptés dans les consultations pédopsychiatriques (Cohen Herlem, 2002 ; Harf et al., 2006 ; Hoopes, 1990) que Fanny Cohen Herlem (2002) nuance en précisant que « les familles adoptantes, du fait de leur parcours, connaissent bien les réseaux d’aide et n’hésitent pas à s’en servir » (p. 103) (voir aussi Hürzeler-Caramore et al., 2004).

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L’âge au moment de l’adoption

Il y aurait un lien entre l’apparition de troubles à l’adolescence et l’âge au moment de l’adoption. En effet, l’adaptation de l’enfant varierait selon s’il a été adopté de façon

« précoce » (c’est-à-dire avant l’âge de trois8 ans) ou « tardive » (après trois ans). Plus longue a été la période avant l’adoption, plus il y a de risques que l’enfant ait vécu dans des conditions de vie difficiles voire traumatisantes (Harf et al., 2006 ; Lamotte et al., 2007). Pour certains auteurs le développement de l’enfant se déroulera mieux lorsqu’il a été adopté tout jeune, alors que d’autres pensent qu’un enfant plus grand pourra plus s’impliquer dans son adoption (Hürzeler-Caramore et al., 2004). D’autres encore disent qu’entre deux (autour des 3-4 ans), l’enfant se rend compte de ce qui lui arrive, mais qu’il n’a pas les mots pour l’exprimer et de ce fait vit « l’adoption comme une rupture plutôt que comme un passage vers une meilleure vie » (Ouellette et Belleau, 1999, p. 52).

Difficultés psychologiques

Comme nous l’avons vu dans le cadre théorique sur la construction identitaire, l’adolescence est une période sensible du développement de l’individu dans le sens où celui-ci est amené à se redéfinir et à devenir un individu à part entière, en dehors du cadre familial. L’adoption apporte une autre dimension à cette phase de la vie, les productions fantasmatiques de l’adolescent étant amplifiées notamment dans les questions de la recherche des origines et de la filiation (Harf et al., 2006 ; Lamotte et al., 2007 ; Steck, 1997). Barbara Steck (1997) précise que la « production fantasmatique peut être considérée comme une tentative de compréhension et de signification des événements passés » (p. 67). Les adolescents adoptés en consultation présentent donc certaines spécificités psychopathologiques en partie liées à ces fantasmes non résolus. En se référant aux travaux de Sorosky et al. (1975), Janet L.

Hoopes (1990) relève quatre catégories de difficultés psychosociales présentes dans le conflit identitaire des personnes adoptées :

- La relation d’attachement dans les premières années

Ce qui est essentiel pour la santé mentale est que le nourrisson et le jeune enfant expérimentent une relation chaleureuse, intime et continue avec leur mère ou leur mère permanente de substitution dans laquelle chacun trouve de la satisfaction et du

8 Les avis divergent par rapport à l’âge limite pour parler d’adoption précoce vs. tardive. Ici, je me suis alignée sur Ouellette & Belleau (1999).

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plaisir9. Il y a deux aspects à souligner de ce qui précède : d’une part il est nécessaire pour l’enfant de grandir dans un sentiment de sécurité vis-à-vis de la personne qui s’occupe de lui, et d’autre part celle-ci peut être aussi bien sa génitrice qu’une autre personne de substitution. Ce qui compte donc c’est que la personne qui s’occupe de l’enfant réponde à ses besoins essentiels (nourriture, affection, soins, etc.) pour qu’il puisse se sentir en confiance.

Selon Chicoine et al. (2003), « l’attachement influence non seulement la relation entre un jeune bébé et l’adulte qui en prend soin, mais aussi toutes les autres relations significatives sociales futures de cet enfant » (p. 281).

Ainsi, si l’enfant a eu la possibilité de développer cette confiance de base, il sera en mesure d’entrer dans des relations affectives stables et de faire des apprentissages.

Dans le cas contraire, il aura au cours de sa vie des difficultés à s’attacher à des personnes, n’y montrera peut-être même pas d’intérêt et présentera éventuellement un retard sur le plan cognitif. D’après Boris Cyrulnik (1999), les troubles varient selon la durée de l’abandon : « Lorsque l’abandon n’a pas été trop prolongé, [les enfants abandonnés] manifestent par la suite un hyperattachement anxieux aux gens, aux choses et au lieu. Quand l’isolement affectif se prolonge, ces enfants, au contraire, deviennent indifférents » (cité par Delannoy, 2004, p. 159).

Les enfants adoptés tardivement ont souvent peu de chance « de vivre auprès de gens si disponibles et dans un milieu répondant à tous ces critères » (Chicoine et al., 2003, p. 282). C’est pourquoi il arrive parfois qu’ils développent au cours de leur vie des troubles liés à ce manque d’attachement.

- Les complications œdipiennes ou sexuelles

Hoopes (1990), en référence à Easson (1973), décrit trois domaines de croissance émotionnelle qui peuvent affecter le développement d’une identité sexuelle stable chez l’adolescent adopté :

9 Traduit par Laure Vergari Pacchiani: “What is […] essential for mental health is that the infant and young child experience a warm, intimate and continuous relationship with his mother or permanent mother substitute in which both find satisfaction and enjoyment”. (Bowlby, 1969, cité par Hoopes, 1990, pp. 150-151)

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Le processus d’émancipation

Pour qu’il y ait émancipation, il faut préalablement que l’adolescent se soit identifié à ses parents adoptifs, les acceptant tels qu’ils sont et donc faisant le deuil de ce qu’il aurait voulu qu’ils soient. Si cette identification préadolescente tarde, il manquera une relation confiante comme base essentielle à l’émancipation.

Dans le même ordre d’idée, Lamotte et al. (2007) soulèvent la nécessité de l’affiliation pendant la période d’adolescence, c’est-à-dire l’identification de l’adolescent à d’autres groupes d’appartenance que celui de la famille (comme par exemple celui de la communauté d’origine). Mais cette affiliation ne peut se faire que sur une base solide d’identification à sa famille adoptive, sans quoi :

Le risque pour ces adolescents est alors de se sentir également étranger dans ce groupe d’appartenance, car ils ne sont pas comme les enfants de migrants du fait justement de leur famille adoptive. Il en résulte un profond désarroi car ils se sentent étrangers au sein de leur milieu familial comme au sein du groupe des pairs. (p. 384)

La problématique de l’inceste dans la relation adoptive Selon Lamotte et al. (2007),

Dans les fantasmes entourant l’adoption, il existe la peur d’une transgression des interdits : les pulsions meurtrières ou incestueuses, du fait de l’absence d’une ‘conviction de filiation’. (Flavigny, 1997) […] Ce fantasme interroge inconsciemment les parents adoptifs dans leur relation à leur adolescent, lequel connaît une réactivation de ses pulsions incestueuses. (p. 385)

Ce lien incestueux non résolu ralentit l’émancipation sexuelle de l’adolescent adopté et rend plus difficile le développement approprié de relations sexuelles avec des pairs en dehors de la famille10.

10 Traduit par LVP: « This unresolved incestuous bond slows down the sexual emancipation of the adopted adolescent and makes it more difficult to develop appropriate peer sexual relationships outside the family. » (Easson, 1973, cité par Hoopes, 1990, p.151)

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L’identification finale avec le parent du même sexe

En lien avec le « roman familial » qui sera développé plus bas, les fantasmes de l’adolescent sur les parents biologiques peuvent empêcher l’identification aux parents adoptifs du même sexe.

Hoopes (1990) ajoute les propos de Schechter (1960) sur l’importance d’attendre que le conflit œdipien soit résolu avant de révéler l’adoption à l’enfant, afin d’éviter des complications dans cette étape du développement psychosocial.

- Le roman familial

Le roman familial est un fantasme commun à tous les enfants, adoptés ou non :

« l’enfant s’imagine être un enfant trouvé ou avoir été volé par ses parents adoptifs et être issu d’autres parents, plus idéaux » (Steck, 1997, p. 69). Il permet à l’enfant

« d’éviter les problèmes œdipiens, de refouler ses angoisses » (Mattei, 1997). Or, pour l’enfant adopté le roman familial est réel puisqu’il a effectivement deux paires de parents. Ainsi, au lieu que ce fantasme s’efface au cours de l’enfance comme c’est habituellement le cas, chez l’enfant adopté il se prolonge parfois dans l’adolescence et finit même par se fixer, empêchant l’identification à ses parents adoptifs (Chicoine et al., 2003 ; Kipman, 1988 ; Lamotte et al., 2007 ; Mattei, 1997). Hoopes (1990) souligne que pour Lawton et Gross (1964) la prolongation et la fixation du roman familial chez l’enfant adopté résultent d’un rejet des parents biologiques et de stimulation à faire des comparaisons avec eux de la part des parents adoptifs.

- Les problèmes généalogiques

Pour tout individu, il est important de pouvoir s’inscrire dans une lignée transgénérationnelle afin de mieux se construire et de trouver sa « place dans l’humanité » (Delannoy, 2004). Cette question de la filiation ou « quête des origines » de même que l’hérédité apparaissent principalement à l’adolescence, car l’adolescent a la possibilité de procréer et donc de prolonger la généalogie, et également de transmettre des facteurs génétiques dont il a hérité. Dans le cas des adolescents adoptés, ces questions prennent une forme particulière : d’une part ils doivent intégrer une double généalogie à leur identité (Lamotte et al., 2007) et d’autre part elles se heurtent la plupart du temps à des éléments inconnus (Harf et al., 2006). C’est

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pourquoi la quête des origines prend parfois la forme d’une recherche des parents biologiques (Harf et al., 2006).

D’autre part, à l’adolescence, la filiation est souvent « attaquée » :

[…] Les adolescents testent ou agressent leurs parents non seulement pour se détacher des imagos parentales, mais aussi pour vérifier que, quoi qu’ils fassent, la filiation n’est pas remise en cause, que les parents accepteront malgré tout de conserver leur rôle de parents. (Lamotte et al., 2007, p.

382)

Pour les adolescents adoptés, derrière ces attaques, il n’y a pas la réassurance du biologique et les angoisses d’abandon sont donc plus fortes. C’est pourquoi ces adolescents ont besoin plus que les autres « de se sentir inscrits irréversiblement comme enfant de leurs parents et comme membre de l’histoire de leur famille » (Lamotte et al., 2007, p. 382).

A travers les difficultés psychologiques décrites ci-dessus apparaît l’expérience de la perte et du deuil, caractéristique de toute adoption et vécue aussi bien par l’enfant que par ses parents biologiques (perte de son enfant et à travers l’adoption de son statut de parent) et adoptifs (souvent, perte de la possibilité de procréer). En ce qui concerne l’enfant, la perte de ses parents biologiques représente aussi la perte de ses origines, la perte d’un sentiment de stabilité et de continuité généalogique, la perte de statut liée au fait d’être différent parce qu’il n’a pas été désiré, parce qu’il a été abandonné (Ouellette et Belleau, 1999 ; voir aussi Chicoine et al., 2003 ; Delannoy, 2004). Si ces deuils ne sont pas faits, l’attachement à la famille adoptive ne peut se créer ou peut mener à des régressions dans le cas d’adoptions tardives. Au contraire, « grâce à des liens affectifs significatifs avec ses parents adoptifs, l’enfant sera apte à élaborer un deuil de la perte de son histoire personnelle. […] Le processus du deuil demande une communication ouverte et authentique et l’acceptation de différences […] » (Steck, 1997, p. 70).

2.2 Spécificités liées à l’adoption internationale

Outres ces spécificités qui se rapportent à des adolescents adoptés aussi bien au niveau national qu’à l’étranger, l’adoption internationale introduit la problématique de la différence d’origine qui peut être mise en évidence par l’apparence physique (couleur de peau, yeux bridés, etc.), le prénom de naissance à connotation étrangère et, dans le cas d’adoption tardive,

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la langue et la culture d’origine. Ces spécificités vont être abordées une à une pour ensuite voir comment elles sont gérées de façon générale par la personne adoptée.

L’apparence physique Selon Harf et al. (2007),

C’est véritablement à l’adolescence que la différence d’aspect physique s’impose à l’enfant. L’enfant pense tout d’abord qu’en grandissant il deviendra comme ses parents. Un enfant a la notion de sa couleur de peau vers 7 ans et comprend la signification de l’adoption vers 8-12 ans (Bimmel et al., 2003).[…] Les différences physiques évidentes entre l’enfant et ses parents entraînent des regards dans la rue, des questions permanentes et rendent visible, publique, la faillite du pouvoir de fécondation des parents. (p. 553)

Du fait de leur apparence physique « étrangère », les personnes adoptées sont parfois sujettes à des attitudes racistes qui s’ajoutent aux difficultés de construction identitaire :

La confrontation au racisme et la difficulté d’établir une identité culturelle et une estime de soi satisfaisantes à l’adolescence sont des facteurs explicatifs potentiels de troubles ou d’une souffrance à l’adolescence, d’autant plus pour un adolescent adopté qui ne s’était jamais pensé, défini ou perçu comme un étranger. (Harf et al., 2007, pp. 553-554)

Toutefois, selon les études que Chicoine (2003) a consultées, « en moyenne seulement de 15% à 20% des adoptés estiment que la différence de leur couleur de peau ou de leur origine ethnique sont de réels inconvénients pour eux » (p. 446). Il semblerait même parfois que ce soit plutôt un avantage pour eux dans leurs relations sociales et amoureuses.

Le prénom

Le prénom d’une personne constitue un marqueur important de son identité et est souvent révélateur de ses origines11. Pour une personne adoptée se pose la question de la légitimité de son prénom de naissance dans la mesure où elle grandira dans une culture éventuellement très différente de sa culture d’origine. Selon les études recensées par Françoise-Romaine Ouellette et Hélène Belleau (1999), la pratique observée dans la plupart des pays est d’attribuer à l’enfant un prénom de la culture d’accueil et de garder son prénom d’origine en deuxième position. Ceci lui permet de favoriser son identification sociale familiale et sociale, tout en reconnaissant son histoire individuelle et sa culture d’origine. Néanmoins, la plupart des

11 Quoique, comme le souligne Delannoy (2004), de nos jours les parents portent de plus en plus souvent leur choix sur des prénoms d’origines étrangères pour leurs enfants biologiques alors on peut se demander si, dans un tel contexte, le port de leur prénom d’origine pose vraiment problème pour les personnes adoptées.

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études révèlent qu’il est très fréquent que les enfants adoptés tardivement gardent leur prénom de naissance. Il arrive tout de même parfois que dans un sens ou dans l’autre la personne adoptée souhaite changer de prénom, c’est-à-dire soit de récupérer son prénom de naissance dans une revendication des origines, soit obtenir un prénom de la culture d’accueil afin de mieux pouvoir être intégrée.

La langue

La langue est également un symbole de l’origine culturelle d’une personne et fait donc partie de son identité. Dans le cas des adoptions tardives qu’advient-il de la langue maternelle de l’enfant en contact avec celle de la famille adoptive ? La plupart du temps, les enfants apprennent très vite la langue du pays d’accueil (dans les six mois qui suivent leur arrivée), mais il semblerait que « des lacunes finissent par faire face tôt ou tard » (Ouellette & Belleau, 1990, p. 62), « surtout quand vient le temps de faire de la gymnastique avec des concepts abstraits » (Chicoine et al., 2003, p. 278). Cet apprentissage rapide de la langue se fait dans une volonté d’intégration mais très souvent au détriment de la langue maternelle, « ce qui peut avoir un effet perturbateur sur le processus de formation de l’identité » (Ouellette & Belleau, 1999, p. 62). Delannoy (2004) ajoute :

Le plus souvent il perd de même ses souvenirs ; demeurent quelques odeurs persistantes, quelques chansons.

[…] L’enfant entre dans une autre phase de son existence, dans une autre culture et il occulte tout ce qui le rattachait à son enfance, quitte à le regretter à l’adolescence ». (p. 35)

Car, comme le soulignent Chicoine et al. (2003), « une langue n’est pas faite que de mots.

Son sens est profondément enraciné dans un contexte social, dans une culture et au sein de références historiques » (p. 278).

La culture

Il semblerait que l’intérêt pour la culture d’origine et par extension la construction de l’identité « ethnique et culturelle » soit lié à l’âge de l’enfant au moment de son adoption.

Dans leur recension d’écrits sur l’adoption internationale, Ouellette et Belleau (1999) trouvent différentes opinions par rapport à l’adoption précoce : certains auteurs pensent que les enfants n’ont pas eu le temps d’être enculturés dans leur pays d’origine et qu’il n’y aura donc pas réellement d’acculturation dans le pays d’accueil ; alors que d’autres estiment que les

« différences culturelles affectent l’ajustement initial à la famille » (p. 114), ne serait-ce que dans la façon de donner des soins et de materner. Les études s’accordent toutefois à dire que

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« la culture d’origine est d’abord un référent symbolique pour les enfants adoptés très jeunes et non un facteur qui structure réellement leur manière de penser, d’agir et de percevoir leur environnement » (p. 114). En revanche, dans le cas d’adoptions tardives, les enfants ont déjà eu le temps d’intérioriser une part de leur culture d’origine et celle-ci va donc représenter un

« pôle d’identification important » dans leur construction identitaire. Ils sembleraient qu’ils soient

[…] Plus nombreux à vivre une certaine confusion identitaire ou à s’identifier à leur groupe d’origine plutôt qu’à leur famille adoptive et à la culture d’accueil. Ils cherchent à valoriser et à sauvegarder leur culture d’origine et doivent donc négocier pour eux-mêmes une double appartenance (Lussier, 1992). (Ouellette &

Belleau, 1999, p. 115)

En outre, il semblerait que les parents adoptifs jouent un rôle très important dans la conservation du lien avec la culture d’origine. Selon s’ils perçoivent positivement ou négativement la culture d’origine de leur enfant et selon la place qu’ils lui accordent dans leurs échanges, ils les inciteront plus ou moins à garder un lien avec cette culture. Les parents qui souhaitent que leur enfant maintienne un lien avec sa culture d’origine le font de différentes manières : certains par leur connaissance du pays d’origine (qui peut parfois contenir une foule de stéréotypes) ou de la langue, par le recours à des livres ou des reportages télévisés, par des produits culturels (objets, habits, nourriture, musique, etc.) ou encore en favorisant le contact interpersonnel lors d’événements particuliers.

Gestion de la différence

Quelle que soit l’étape de sa vie, Chicoine et al. (2003) soulignent l’importance de

« l’influence des attitudes parentales sur les stratégies d’ajustement de l’enfant face à sa différence » (p. 436) Selon ces auteurs, l’enfant adopté aurait d’abord tendance à rejeter ses différences. Comme tout enfant, il s’identifie d’abord à sa famille, premier lieu de socialisation. Ensuite, il souhaite être vu comme les autres, et faire partie de la culture dominante.

Au moment de l’adolescence apparaît une ambivalence quant à la différence ; l’adolescent adopté prend plus conscience de ses différences physiques et doit les gérer dans son émancipation, dans la construction de son identité « pour soi ». Selon l’étude de Ginette Morrier (1995) à laquelle Chicoine et al. (2003) font référence, « même si l’identité est un processus complexe et dynamique, la majorité des adolescents finissent par trouver une

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stratégie identitaire satisfaisante » (p. 439). D’après cette recherche, ceux-ci seraient pour la plus part des « assimilationnistes » (identification à la culture dominante du pays d’adoption) ; ensuite viendraient les « biculturels » (identification à la majorité, mais revendication de leur couleur et/ou autres aspects de leur culture d’origine) ; une petite partie seraient des

« internationalistes » (pas d’identification à la culture dominante ni à celle d’origine, mais à

« l’humanité en général ») ; très peu s’identifieraient uniquement à leur culture d’origine.

Lorsqu’elles sont adultes, les personnes adoptées « ont généralement trouvé une double identité satisfaisante, même si de nombreuses questions et deuils restent à faire. Mais leur réalité identitaire continue trop souvent à être définie par le regard des autres » (Chicoine et al., 2003, p. 440). Où qu’elles soient, dans le regard des gens, elles ne sont pas ce qu’elles ont l’air d’être. Chicoine et al. (2003) parlent de « complexe de la banane » : « tu es Jaune en dehors, mais Blanc en dedans, c’est-à-dire d’apparence africaine ou asiatique ou latino ou autre, mais avec des comportements, des valeurs et des idées blanches. Un peu imposteur dans les deux camps » (p. 441). Cette ambivalence les pousse parfois à se retrouver en groupes ou associations d’adoptés (comme par exemple La voix des adoptés en France), de façon à pouvoir partager avec des gens « comme eux ».

A travers les études qu’elles ont recensées sur la gestion de la différence au sein des familles adoptives, Ouellette et Belleau (1999) arrivent à la conclusion que :

L’insistance trop grande sur la différence raciale ou ethnoculturelle (menant à un rejet ou à l’inverse, à une exaltation de la mixité) ou le déni de son importance (menant au daltonisme) constitue une impasse pour ceux et celles qui doivent assumer une identité adoptive […]. (p. 24)

Dans son article sur la reconnaissance ou le rejet de la différence dans les familles adoptives et sur la base d’une de ses recherches, Kenneth Kaye (1990) parvient au même constat : il se peut que l’enfant adopté souffre de trop de différentiations aussi bien que de trop peu12. Il ajoute que, dans le cas où les différences sont plus reconnues au sein de la famille, il semblerait que les mécanismes de défense entrent en jeu de façon plus évidente que dans les familles où elle est rejetée.

12 Traduit par LVP: “It might be the case that adopted children can suffer from too much distinguishing as well as from too little.” (p. 140)

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2.3 Facteurs familiaux jouant un rôle sur la construction identitaire

Pour Hoopes (1990), il y a trois facteurs susceptibles de favoriser ou empêcher la construction identitaire des personnes adoptées : les relations familiales (comme c’est également le cas pour les enfants non adoptés), la forme de dialogue autour de l’adoption, les attitudes parentales face à l’adoption. En ce qui concerne les relations familiales, les qualités et attitudes parentales jouent un rôle dans l’estime de soi et le sentiment d’appartenance à la famille.

La façon dont est abordée l’adoption (communication ouverte/fermée) aurait également un rôle dans l’affirmation ou non de l’identité : il semblerait que les familles qui encouragent les discussions ouvertes sur l’adoption tendent à favoriser une identité plus affirmée et sûre chez les adolescents (Hoopes, 1990 ; Hürzeler-Caramore et al., 2004). Toutefois, trop en parler n’est pas nécessaire et pourrait même être néfaste ou créer des malentendus ; le mode de

« révélation13 » est également mis en question par certains auteurs (Cohen Herlem, 2002 ; Delannoy, 2004 ; Neuburger, 1997). Robert Neuburger (1997) insiste sur la nécessité d’attendre que la « greffe mythique14 » ait eu lieu – donc de s’assurer que les liens entre l’enfant et la famille adoptive sont solides – avant d’apprendre à l’enfant qu’il est « entré dans sa famille par adoption ». Bien que les auteurs s’accordent sur la nécessité pour l’enfant de connaître son statut d’adopté, leurs avis divergent quant à son intérêt de connaître l’identité de ses parents biologiques (Harf et al., 2007). Dans ce débat, il semblerait finalement que ce qui compte ce n’est pas tant le droit pour la personne adoptée de connaître ses parents biologiques, mais le sens que prend ce besoin de savoir à un moment précis de sa vie, sens qui sera différent pour chacun (Chicoine et al., 2003 ; Harf et al., 2007).

Enfin, l’attitude des parents face à l’adoption influencerait également l’estime de soi des enfants ou adolescents adoptés. Un haut degré d’assurance dans la façon d’aborder l’adoption et des représentations positives sur le l’histoire de l’enfant (parents biologiques, origines culturelles, etc.) favoriseraient une bonne image de soi chez l’enfant ou l’adolescent adopté. A l’inverse, des parents montrant peu d’assurance (parce qu’ils craignent de ne pas être adéquats et d’être rejetés par leur enfant) ou parlant négativement du passé de l’enfant (parce qu’ils

13 Terme communément utilisé pour parler du moment où les parents disent à leur enfant qu’il a été adopté. Mais certains auteurs préfèrent parler « d’information » plutôt que de révélation étant donné qu’actuellement on ne garde plus « le secret ».

14 Neuburger définit ce concept comme un « processus imaginaire qui fait entrer un enfant dans son appartenance familiale, qui le situe dans une filiation et une affiliation. » (p.118)

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sont envahis par les représentations qu’ils se font sur les comportements ou goûts de leur enfant en relation à son histoire) créeraient chez l’enfant une image négative de soi (Delannoy, 2004 ; Hoopes, 1990).

3. COMMENTAIRE

Les apports théoriques sur la construction identitaire des personnes adoptées présentés ci- dessus sont principalement d’orientation psychologique. Ce travail étant lui orienté dans une perspective sociologique, la partie analytique abordera la problématique surtout de ce point de vue, en tenant compte toutefois de ces références psychologiques.

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CHAPITRE II :

PERSPECTIVE ÉPISTÉMOLOGIQUE ET CHOIX MÉTHODOLOGIQUES

Comme le soulignent Maryvonne Charmillot et Caroline Dayer (2007), il est nécessaire de définir sa posture épistémologique15 dans toute démarche de recherche. La position épistémologique dans laquelle s’inscrit ce travail est celle de la compréhension. S’appuyant sur le cadre théorique de l’interactionnisme historico-social, cette posture soutient que chaque individu produit du sens sur ce qu’il fait et ce que font les autres, tout en tenant compte du poids de l’Histoire qui agit sur eux ; l’individu est donc à la fois agent (déterminé par des forces extérieures à lui) et acteur (il construit des significations et de ce fait contribue à la reproduction des déterminismes) (Charmillot & Seferdjeli, 2002). Dans cette perspective, l’objet de ce travail est de voir comment les personnes adoptées se construisent et donnent du sens à leur parcours en interaction avec leur milieu. La construction de l’objet d’étude se fait progressivement sur la base des savoirs des acteurs et non sous forme d’un raisonnement hypothético-déductif dans lequel il s’agirait de vérifier des hypothèses préalablement élaborées. La méthode privilégiée pour étudier ces savoirs est celle de l’entretien de recherche, et dans ce travail plus particulièrement celle du récit de vie, comme cela sera expliqué plus bas.

Le chapitre est divisé en quatre parties développant les différentes moyens utilisées pour la production et l’analyse des données : les personnes interviewées ; l’utilisation du récit de vie comme technique de production des données ; les trois étapes du traitement des données ; la description des différents axes de l’analyse des données.

1. PERSONNES INTERVIEWÉES

J’ai décidé d’interviewer uniquement des personnes adoptées puisqu’elles sont au centre de la problématique de ce travail. Dans un premier temps, je vais expliquer comment les participants ont été choisis et contactés et dans un deuxième temps quelles sont leurs caractéristiques.

15 En recherche, une posture ou position épistémologique est un modèle de penser, de voir le monde qui englobe ses propres choix théoriques et méthodologiques.

(29)

1.1 Choix des personnes interviewées et prise de contact

Au niveau de la sélection, seulement deux critères ont été retenus, de façon à obtenir une diversité de profils pour une première approche de ce terrain. Il est important de préciser que dans ce domaine il n’est pas évident de trouver beaucoup de personnes prêtes à témoigner sur leur adoption, d’autant plus que la technique de l’entretien implique des contraintes (temps, lieu, enregistrement, etc.) qui peuvent dissuader les gens de participer. Les deux caractéristiques prises en compte sont : l’âge au moment de l’interview et le pays d’accueil.

Pour l’âge au moment de l’entretien, les répondants devaient avoir entre 20 et 40 ans pour plusieurs motifs. Premièrement, ils seraient tous adultes et donc suffisamment responsables dans leur consentement à parler d'un thème aussi délicat et personnel que celui de leur adoption. Deuxièmement, cette tranche d'âge regroupe des périodes clés de remises en question et (re-)définition de l'identité. En effet, l'adolescence étant parfois traversée par une crise identitaire, il me semblait intéressant d'entendre le témoignage de personnes sortant tout juste de cette période. En outre, à partir de la vingtaine, les individus commencent à trouver leur propre logement, à envisager le mariage ou la conception d'enfants, entrent dans un nouveau milieu professionnel, etc., événements qui suscitent également souvent des questionnements identitaires. D'autres moments de crises apparaissant à un âge plus avancé que 40 ans auraient également pu être pris en compte mais la délimitation de cette tranche d'âge avait pour but d'éviter trop de disparités dans les réponses à cause d’une trop grande différence d’âge entre les participants. Par rapport au pays d’accueil, les personnes devaient avoir été adoptées par des familles en Suisse romande. Ce lieu a été ciblé le plus possible – tout en couvrant un espace géographique suffisamment large pour trouver des volontaires – afin de voir s'il se dégage éventuellement des caractéristiques dans la construction identitaire liées à cette partie de la Suisse. Toutefois, il faut garder à l’esprit que chaque canton a son Autorité compétente en matière d’adoption et que cela peut donc avoir une influence sur la façon dont l’adoption se déroule et donc sur l’évolution de la personne adoptée. Il m’a tout de même semblé qu’il y aurait moins de disparités en restant dans la même région linguistique et que cela garantirait que les entretiens se fassent dans la même langue.

La prise de contact avec les participants s’est faite à travers mon entourage à l’exception de deux hommes rencontrés grâce à deux des interviewées. Un courrier électronique a été envoyé à mon entourage avec le message suivant :

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