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La concession des mines de Hòn Gai et de Kế Bào

Dans l’Avenir du Tonkin du 18 septembre 1886, Francis Laur, député et ingénieur civil des mines, rappela la prochaine étape à suivre pour la préparation de l’exploitation des mines du Vietnam :

La houille existe près de la mer ; il y a un marché à proximité du Tonkin. Des difficultés restent à vaincre pour donner au combustible la forme commerciale. Des recherches sont encore à faire pour trouver les houilles grasses. Mais il y a les éléments d’une exploitation. La houille est là qui attend à la mine Jauréguiberry, dans l’île de Kébao, les adjudicataires-concessionnaires. Que le gouvernement se presse donc d’y appeler des exploitants, des Français bien entendus, et l’avenir économique de l’Indo-Chine aura vu sa véritable aurore.140

Néanmoins, il fallut attendre encore un an et demi pour voir concéder les premières mines de charbon du Tonkin. Ce n’était pas la mise en œuvre du règlement minier, rendu le 16 octobre 1888, qui retarda le commencement de l’exploitation, mais c’étaient les incidents qui se pro- duisirent autour de la question de la propriété des mines qui retardèrent l’établissement du ré- gime minier. Nous retracerons ici comment les principaux terrains houillers du Tonkin furent concédés à leurs exploitants.

L’intention des autorités françaises sur la concession des mines

Dès avant l’établissement du protectorat, plusieurs demandes de concession des mines de charbon du Tonkin avaient déjà été soumises aux autorités françaises à Paris et à Sài Gòn,141

140 Francis LAUR, « La houille dans l’Extrême-Orient », L’Avenir du Tonkin, 18 septembre 1886. 141 ANOM, IC AF, T41(1), Lettre de la maison Oppenheimer frères au consul à Hải Phòng, 25 aout 1881 ;

ANOM, Amiraux, 10929, Lettres de Blutstein, directeur de la Société générale des tramways à vapeur de Cochinchine, au gouverneur de la Cochinchine, 9 et 16 septembre 1881 ; ANOM, Amiraux, 12712, Lettre de Charles de Montebello, Alfred Domalain et Henri Castelier au ministre de la Marine et de Colonies, 15 février 1882 ; ANOM, Amiraux, 12714, Lettre de Charles Mourin d’Arfeuille au ministre de la Marine et des Colonies, 20 avril 1882 ; ANOM, Amiraux, 12713, Lettres de J. Talon au gouverneur de la Cochinchine,

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mais elles se gardèrent de donner une réponse affirmative à ces demandes.142 Après la signature

des traités de protectorat du 25 aout 1883 et du 6 juin 1884, les demandes se multiplièrent encore plus.143 Pourtant, le gouvernement français se résolut à ne concéder aucune mine avant

la mise en œuvre du règlement minier.144

Comme nous l’avons vu plus haut, la commission des mines de l’Annam et du Tonkin envisageait de mettre en adjudication publique toutes les mines de charbon de la province de Quảng Yên, de manière à accroitre au maximum les revenus du Trésor public et, en même temps, à éviter les attaques de la presse qu’un choix arbitraire de concessionnaire entrainerait. Il était prévu de procéder, d’abord, à l’adjudication de trois lots de Hòn Gai, de Hà Tu et de Kế Bào, dont la délimitation et le bornage étaient confiés à Sarran.145 En divisant les principaux

terrains houillers en plusieurs lots, la commission entendait stimuler une saine concurrence entre différents exploitants. Toutefois, au moment où l’on élaborait ce programme à Paris, au Vietnam se déroula un incident allant à l’encontre de l’intention des autorités françaises : un aventurier, Bavier-Chauffour, profitant du désordre créé par l’occupation française, passa avec la Cour de Huế un contrat de concession d’importants terrains houillers.

5 aout et 16 septembre 1882.

142 ANOM, Amiraux, 12712, Lettre de l’amiral Jean Bernardin Jauréguiberry, ministre de la Marine et

de Colonies, au gouverneur de la Cochinchine, 16 décembre 1882.

143 ANOM, IC AF, T01(3), Lettre du général Charles-Théodore Millot, commandant en chef du corps

expéditionnaire, au ministre de la Marine et des Colonies, 28 juin 1884 ; ANOM, IC AF, T41(1), Lettre de Gabriel Lemaire, résident général, au ministre de la Marine et des Colonies, 21 décembre 1884.

144 ANOM, IC AF, T01(3), Lettre de Félix Faure, sous-secrétaire d’État à la Marine et aux Colonies, au

commandant en chef du corps expéditionnaire, 4 juillet 1884.

145 ANOM, IC AF, T00(1), Edmond Fuchs, Note-programme sur le service de l’ingénieur des mines

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La concession de la mine de Hòn Gai à Bavier-Chauffour

Un contrat passé entre Bavier-Chauffour et la Cour de Huế pour la concession des mines de Hòn Gai et de Kế Bào (26 aout 1884)

De nationalité suisse, Bavier-Chauffour était, par son mariage, parent de Jules Ferry, alors président du Conseil.146 Il n’obtint la nationalité française qu’en 1887.147 D’après un ar-

ticle de journal, il avait fondé à Berne une entreprise, qui ne marcha pas.148 Après cet échec, il

quitta la France et arriva au Tonkin en avril 1884. Selon lui, il explora le bassin houiller de Quảng Yên pendant trois semaines avec un ingénieur qu’il avait amené.149 Il adressa ensuite

au général Millot une demande de concession de l’ile de Kế Bào.150 Il n’était pas le seul à

demander la concession des mines de charbon : trois autres demandes furent présentées au commandant en chef du corps expéditionnaire à peu près au même moment, sans compter les demandes plus anciennes.151 Ce qui le distingua des autres candidats, c’est qu’il se rendit à Huế

sans attendre la réponse des autorités françaises et entra directement en pourparlers avec les régents du royaume. Le 26 aout, il parvint à signer un contrat pour la concession des terrains houillers dits de Hòn Gai et de Kế Bào pour cent ans contre le versement au Trésor royal d’une somme fixe de 100 000 piastres mexicaines, soit environ 450 000 francs, et d’une redevance annuelle d’un pour cent des bénéfices nets d’exploitation. Outre le droit d’exploiter les mines,

146 Bavier-Chauffour épousa la fille de Victor Chauffour, conseiller d’État, laquelle était la cousine ger-

maine de l’épouse de Jules Ferry.

147 AN, Base Léonore, 19800035/194/25351, Dossier Antoine Bavier-Chauffour. 148 L’Intransigeant, 18 aout 1884.

149 Antoine BAVIER-CHAUFFOUR, Un épisode de la colonisation du Tonkin, Haiphong : F.-H. Schneider,

1891, pp. 1-2.

150 ANOM, IC AF, T41(2), Lettre d’Antoine Bavier-Chauffour au commandant en chef du corps expédi-

tionnaire, 25 mai 1884.

151 TTLTQG I, RST, 69918, Lettre de Joseph Isidore Didier Saint-Amand et Eugène Augustin Hess au

commandant en chef du corps expéditionnaire, 29 avril 1884 ; TTLTQG I, RST, 69907, Lettre de Georges Fillion au commandant en chef du corps expéditionnaire, 31 mai 1884 ; TTLTQG I, RST, 77227, Lettre de E. Huchet au commandant en chef du corps expéditionnaire, Hanoi, 20 juin 1884.

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le contrat accordait au concessionnaire la propriété de terre et les droits d’entreprendre toutes les autres exploitations et de construire les chemins de fer et les appontements sur le domaine concédé.152

Ce domaine se composait de deux terrains distincts, l’un situé à l’ouest de la baie de Hòn Gai et l’autre comprenant toute l’étendue de l’ile de Kế Bào (cf. Carte 6). Le « Hòn Gai » dont il s’agissait n’était donc pas celui qu’on entend communément par ce toponyme, indiquant en général la zone à l’est de la baie du même nom. De ce fait, les autorités françaises continuèrent à tort de croire que Huế lui avait concédé la région à l’est de la baie. Jusqu’à la fin de cette affaire, la confusion de la part de l’administration française resta totale.

Comment cet homme d’affaires parvint-il à convaincre les fonctionnaires vietnamiens de lui accorder les vastes terrains houillers ? La Cour de Huế n’avait-elle pas jusque-là évité de concéder toutes les mines aux Français et à d’autres Européens ? La réponse est simple : Ba- vier-Chauffour acheta les régents du royaume. Depuis la mort de l’empereur Tự Đức le 17 juillet 1883, le pouvoir était dans les mains de deux régents, Tôn Thất Thuyết et Nguyễn Văn Tường.153 Bavier-Chauffour s’engagea à leur distribuer 20 % des bénéfices nets d’exploitation,

alors qu’ils ne fournissaient aucun fonds.154 Il écrivit de sa propre main le détail de ce marché :

Je m’aperçus bien vite que j’avais touché juste. Ma proposition fut acceptée par eux avec empressement, et ils me témoignèrent toute leur satisfaction pour la part que je leur offrais dans le développement industriel, que, dans leur pensée, le Protectorat devait provoquer dans le pays. […] Du moment que les régents étaient appelés à toucher des dividendes dans les entreprises fondées sur notre protectorat, le soin de leur propre fortune nous garantissait leur concours.155

152 ANOM, IC AF, T41(2), Acte de vente et de concession du domaine de Hòn Gai, 26 aout 1884 ; Acte

de vente et de concession du domaine de Kế Bào, 26 aout 1884. Voir en annexe B-1-a et B-1-b.

153 Voir NGUYỄN Thế Anh, Monarchie et fait colonial au Việt-Nam, op. cit. ; Charles FOURNIAU, Annam-

Tonkin 1885-1896, op. cit.

154 ANOM, IC AF, T41(2), Contrat passé entre les régents du royaume de Vietnam et Antoine Bavier-

Chauffour, 2 septembre 1884. Voir en annexe B-1-c.

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S’il ne fait aucun doute que Bavier-Chauffour sut manipuler les deux régents qui cher- chaient à faire leur propre fortune par la concession des mines, il est non moins certain qu’il se servit des agents français qui se trouvaient sur place pour atteindre son but. D’après Rheinart, le général Millot avait connaissance de la démarche que Bavier-Chauffour se proposait de faire à la capitale du royaume et recommandait au chargé d’affaires de veiller à la sécurité de celui- ci.156 Rheinart ajoutait : « En l’absence de toute instruction contraire, je pensais devoir m’abs-

tenir d’intervenir en aucune façon dans la transaction ; mais je crois aussi devoir laisser toute liberté à Bavier-Chauffour. »157

Tenant compte des circonstances, nous pouvons cependant supposer que Rheinart a joué un rôle plus actif que celui d’un simple spectateur. Sans son intervention, comment Bavier- Chauffour aurait-il pu rencontrer personnellement les hommes les plus influents de la Cour ? Le général Brière de l’Isle, successeur du général Millot, affirma que le contrat de Bavier- Chauffour avait été passé avec l’approbation de Rheinart.158 Préoccupé par la question des

mines depuis son arrivée au royaume, ce dernier voyait sans doute en Bavier-Chauffour un homme permettant de réaliser son vieux souhait, l’exploitation des richesses minières du Viet- nam sous les mains des Français.159

De plus, un autre homme d’affaires, Daniel Bernard, agissant au nom d’une Société fran- çaise d’exploration industrielle et commerciale au Tong King, passa, le 11 septembre 1884, avec les mandarins de la province de Quảng Yên un contrat de concession de l’ile de Kế Bào, déjà accordée à Bavier-Chauffour par la Cour de Huế quelques jours plus tôt.160 Embarrassée

156 Après avoir quitté Huế en mars 1883, alors que le commandant Rivière attaqua Hòn Gai et Nam Định,

Rheinart revint à la capitale du royaume en juillet 1884.

157 TTLTQG I, RST, 63355, Lettre de Pierre-Paul Rheinart des Essarts, ancien chargé d’affaires à Hué,

au résident général, 14 mars 1886.

158 ANOM, IC AF, T41(2), Lettre du général Louis Brière de l’Isle, commandant en chef du corps expé-

ditionnaire, au ministre de la Guerre, 28 février 1885.

159 TTLTQG I, RST, 63355, Lettre de Pierre-Paul Rheinart des Essarts, ancien chargé d’affaires à Hué,

au résident général, 14 mars 1886. Il est fort curieux que Rheinart ait ignoré la nationalité de Bavier-Chauf- four.

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de constater qu’une concession était octroyée sans son autorisation, celle-ci déclara précipi- tamment que le contrat de Bernard était nul et non avenu et que Bavier-Chauffour était le seul propriétaire légal du domaine de Kế Bào.161 Ayant appris qu’il était devancé par Bavier-Chauf-

four, Bernard lui reprocha d’avoir abusé de son lien de parenté avec le président du Conseil pour obtenir le soutien et le privilège des autorités françaises au Tonkin.162 Cette affaire ne

tarda pas à être connue à la presse française.

Le refus du gouvernement français de reconnaitre le contrat de Bavier-Chauffour

Même avant que la transaction de Bavier-Chauffour fût connue, un courant d’opinion hostile à Jules Ferry avait accusé ce dernier de vouloir la conquête du Tonkin pour s’enrichir lui-même ainsi que les siens. Le député Paul de Cassagnac avait interpelé le président du Con- seil dans la séance du 30 juillet 1883 de la Chambre des députés :

Voilà ce qu’a dit un député de la gauche, M. Henry Maret, de l’expédition de Tunisie. Dans l’opinion publique, partout, la même chose est dite de l’expédition du Tonkin. Et s’il n’y a pas ici un tripotage financier, sous la forme de Crédit foncier ou de tout autre crédit, il y a des con- cessions de mines qui sont encore à la disposition des républicains qui les attendent.163

Daniel Bernard, agent général de la Société française d’exploration industrielle et commerciale au Tong King, 11 septembre 1884 ; Lettre de Daniel Bernard au commandant en chef du corps expéditionnaire, 14 septembre 1884.

161 AAE, MD, Asie, 97, Lettre du Conseil secret [Viện cơ mật] du royaume de Vietnam au résident gé-

néral, 22 octobre 1884 ; ANOM, IC AF, T41(2), Déclaration du conseil de régence du royaume de Vietnam, 2 novembre 1884.

162 ANOM, IC AF, T41(2), Lettre d’Antoine Bavier-Chauffour au ministre de la Marine et des Colonies,

12 septembre 1884 ; TTLTQG I, RST, 77220, Lettre de Daniel Bernard, agent général de la Société française d’exploration industrielle et commerciale au Tong King, au commandant en chef du corps expéditionnaire, 20 septembre 1884.

163 Compte rendu in extenso de la séance du 10 juillet 1883 de la Chambre des députés, JORF, Débats

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Les activités de Bavier-Chauffour au Tonkin rendirent ce scénario plus plausible. Citant une lettre envoyée de Sài Gòn, L’Intransigeant mit pour la première fois l’opinion métropoli- taine au courant de cette affaire :

Je reviens d’Hanoï profondément découragé et convaincu qu’il n’y a rien à faire au Tonkin pour les Français qui voudront, avec leurs seules ressources, tenter un établissement sérieux dans le pays. Pour avoir quelque chance de succès, il faudrait que les conditions de la tentative fussent égales pour tous. Or, ce n’est pas le cas. Dès maintenant, un puissant syndicat de capitalistes a pris moralement possession du pays. Ce syndicat est représenté au Tonkin par un certain Bavier- Chauffour, cousin germain de M. Jules Ferry, débarqué à Hanoï au commencement du mois de mars dernier avec des lettres de son parent qui ont mis à ses ordres toutes les autorités, même les plus hautes, de notre nouvelle colonie. M. Sylvestre, chef de bataillon d’infanterie de marine et directeur des affaires civiles à Hanoï, s’est fait le cicérone, le protecteur et le complaisant de M. Bavier-Chauffour. […] En présence de pareils faits, il n’y a rien à essayer. L’immense richesse du Tonkin consiste dans ses mines ; le droit de concéder ces mines est entre les mains du gouver- nement, et ceux qui sollicitent la concession sont représentés par un proche parent du Premier ministre. Dans ces conditions-là, que voulez-vous que l’on puisse faire ?164

Pendant quelque temps, le nom de Bavier-Chauffour passionna vivement la presse fran- çaise. Plusieurs journaux prirent prétexte de ce scandale pour critiquer la politique coloniale de Ferry, ou pour exprimer purement leur haine contre le « Tonkinois », sans connaitre ou sans vouloir connaitre si ce dernier était vraiment impliqué dans l’affaire de Bavier-Chauffour.165

C’est ainsi qu’un article publié dans Le Petit parisien écrivait :

Pendant que nos soldats se faisaient tuer, pendant qu’on dépensait nos millions, M. Bavier- Chauffour s’occupait tranquillement de faire sa petite fortune. Déjà, le frère de M. Jules Ferry s’était enrichi avec l’expédition de Tunisie : il fallait bien que l’expédition tonkinoise servît au

164 L’Intransigeant, 16 aout 1884.

165 Pour l’hostilité de l’opinion publique française contre la politique coloniale de Jules Ferry, voir Jean-

Marie MAYEUR, Les débuts de la IIIe République, 1871-1898, Paris : Seuil, 1973, pp. 124-133 ; Jacques

THOBIE & Gilbert MEYNIER, Histoire de la France coloniale, T. 2, L’apogée, Paris : Armand Colin, 1991,

89 cousin. […] En tous cas, l’incident Bavier-Chauffour aura pour effet d’éclairer le pays sur les véritables origines de l’expédition du Tonkin : Il nous révèle que des tripoteurs d’affaires sui- vaient nos braves troupes afin de se faire des rentes avec leurs victoires.166

Bavier-Chauffour, de son côté, démentit énergiquement la rumeur selon laquelle il s’était muni d’une lettre de Ferry lors de son voyage au Tonkin : « C’est une légende qui a fait le tour de la presse sans que personne ait jamais pu produire ou attester l’existence d’une seule de ces prétendues lettres. »167 Il semble en effet que Ferry n’ait pas été au courant des activités de

Bavier-Chauffour au Tonkin et à fortiori, ne lui ait écrit aucune lettre. Dans une lettre person- nelle adressée à son épouse, il ne cachait pas son irritation de son cousin suisse :

Ce Gascon des bords de la Limmat a l’art de s’insinuer, il sait jouer au besoin de sa petite famille comme de son « tout-puissant » cousin. Il n’a certainement tenu secrètes ni ses alliances, ni ses espérances. Nous ne recueillerons de sa main que des désagréments… Mais tout ceci n’était pas facile à prévoir ? et que penser de cette faiblesse d’un père, qui connaît le temps et les hommes et qui s’expose à se voir, lui et les siens, traînés dans la boue par l’insulteur public. Il ne m’est survenu depuis longtemps rien d’aussi désagréable.168

En fait, le gouvernement de Ferry n’eut pas connaissance du contrat de Bavier-Chauffour jusqu’à ce que le général Brière de l’Isle signalât le fait par un télégramme du 5 octobre 1884.169

Toute de suite, Jules Ferry, à la fois président du Conseil et ministre des Affaires étrangères, instruisit le sous-secrétaire d’État aux Colonies de déclarer immédiatement au gouvernement vietnamien : « ces concessions sont non avenues et que les mines de Kébao suivront la loi commune. »170

166 Le Petit parisien, 6 aout 1885. 167 Le Figaro, 4 décembre 1885.

168 Cité par Dieter BRÖTEL, Französischer Imperialismus in Vietnam : die koloniale Expansion und

Errichtung des Protektorates Annam-Tongking 1880-1885, Zürich : Atlantis, 1971., p. 268.

169 ANOM, IC AF, T41(1), Télégramme du commandant en chef du corps expéditionnaire au ministre de

la Marine et des Colonies, 5 octobre 1884.

170 Lettre de Jules Ferry, président du Conseil des ministres, ministre des Affaires étrangères, au sous-

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Dans une lettre datée du 5 décembre, Ferry expliquait plus précisément le point de vue du gouvernement concernant le contrat de Bavier-Chauffour. Selon lui, le gouvernement viet- namien, s’étant engagé, d’après le traité de protectorat, à régler avec le gouvernement français le régime et l’exploitation des mines, ne pouvait plus, à partir du moment de la signature de ce traité, disposer d’aucune mine :

Nous ne pouvions admettre que le gouvernement annamite se dérobât à l’engagement for- mel qu’il a pris vis à vis de nous par le traité du 6 juin, ni que les mines les plus connues et dont le produit est le plus assuré fussent concédées, sans publicité préalable, et en dehors des règles qui seront établies en vue d’en rendre l’exploitation aussi favorable que possible aux intérêts du Trésor.171

Comme nous l’avons déjà fait remarquer, la rédaction du préambule de la convention minière du 18 février 1885 traduisait cette idée. La Cour de Huế protesta que le contrat avait été passé avec l’approbation des autorités françaises.172 Même après la signature de la conven-

tion, les régents essayèrent de la révoquer :

Nous considérons les actes de vente et de concession de Kébao et Hon Gâc que nous avons