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L’exploitation des mines au Vietnam avant la colonisation française

Lorsque les Français s’établirent au Nord du Vietnam, l’exploitation minière avait déjà une longue histoire dans le royaume de Đại Nam.5 Le Khâm định Đại Nam hội điển sự lệ

[Répertoire des édits royaux du Đại Nam] énumère 124 mines exploitées de 1802 à 1851 dans

procolonial franco-vietnamien en Centre et Nord Vietnam (1856-1883), Thèse de doctorat, Université Paris

7, 1997 ; Philippe DEVILLERS, Français et Annamites : partenaires ou ennemis ? 1856-1902, Paris : Denoël,

1998 ; Charles FOURNIAU, Vietnam : domination coloniale et résistance nationale, 1858-1914, Paris : Les

Indes savantes, 2002.

4 JEOUNG Jaehyun, « Coal mining between national modernisation and colonialism : a comparative study

of Vietnam and Korea », article présenté à la conférence organisée par l’International Institute for Asian

Studies (IIAS), « Vietnam and Korea as “longue durée” : from the pre-modern to the early modern periods »,

Hà Nội, 3-4 mars 2017.

5 « Đại Nam », signifiant « Grand État du Sud », est la dénomination officielle adoptée par les Nguyễn

en 1838, remplaçant l’ancienne appellation « Viêt Nam », utilisée depuis l’unification du pays par l’empe- reur Gia Long en 1802.

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tout le pays, dont 34 mines d’or, 29 de fer, 14 d’argent, 9 de cuivre, 7 de zinc, etc.6 L’État

exploitait directement certaines d’entre elles, en ayant recours à des soldats et des corvéables. Ces exploitations d’État, dirigées par les mandarins n’ayant pas de connaissance particulière en la matière, se caractérisaient pourtant le plus souvent par une faible productivité. Par consé- quent, un grand nombre de mines étaient concédées à des entrepreneurs privés contre le verse- ment annuel d’une somme forfaitaire. Ces entrepreneurs ainsi que les travailleurs qualifiés qu’ils employaient étaient, en grande partie, chinois d’origine du Yunnan ou d’autres régions limitrophes. Disposant d’une technique plus avancée, les exploitants chinois s’imposaient comme un élément dont les autorités vietnamiennes ne pouvaient se passer sans porter préju- dice au Trésor.7

Parmi les 124 mines énumérées dans le Khâm định Đại Nam hội điển sự lệ, aucune mine de charbon ne figurait. Cela ne veut pas dire que le charbon n’était pas exploité à cette époque- là. Le charbon apparait pour la première fois en 1837 parmi les produits achetés par la Cour dans le Nord. Pendant le règne de Minh Mạng (1820-1841), le ministère des Travaux [bộ Công] fit transporter de Đông Triều, province de Quảng Yên, à la capitale 100 000 cân de charbon, soit environ 60 tonnes. L’utilisation du charbon était également attestée en 1841 dans la pro- vince de Quảng Nam, où ce combustible servait à traiter le zinc.8 Ces faits témoignent que le

charbon était exploité, sans que les mines fussent régulièrement concédées.

En 1840, le gouverneur général [tổng đốc] de Hải Dương et Quảng Yên, Tôn Thất Bật, adressa une requête à l’empereur pour solliciter des ouvriers afin d’exploiter une mine de char- bon située sur la montagne de An Lãng dans le district [huyện] de Đông Triều. L’empereur

6 Parmi 261 livres du Répertoire des édits royaux du Đại Nam [Khâm Định Đại Nam Hội Điển Sự Lệ],

les livres XLII et XLIII concernent les mines. « Les mines de l’Annam et du Tonkin », Excursions et

reconnaissances, T. 6, no. 16, 1883, donne la substance du livre XLII. Charles B. MAYBON, Histoire moderne

du pays d’Annam (1592-1820), Paris : Plon-Nourrit, 1919, p. 361.

7 NGUYỄN Thanh Nhã, Tableau économique du Viêt Nam aux XVIIe et XVIIIe siècles, Paris : Cujas, 1970,

pp. 86-90 ; LÊ Thành Khôi, Histoire du Viêt Nam des origines à 1858, Paris : Sudestasie, 1992, pp. 374-375.

8 PHAN Huy Lê, « Tình hình khai mỏ dưới triều Nguyễn » [La situation de l’exploitation des mines sous

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approuva son projet, mais les documents vietnamiens ne nous racontent pas les résultats con- crets de cette première exploitation des mines de charbon menée par les autorités vietna- miennes.9 En tout cas, il semble qu’elle était entreprise comme une opération temporaire.

À partir des années 1860, au contact de l’Occident, quelques lettrés vietnamiens com- mencèrent à considérer la valeur du charbon comme une des bases nécessaires pour le déve- loppement d’industries modernes. Par exemple, Nguyễn Trường Tộ, qui adressa de 1863 à 1871 une quarantaine de mémoires à l’empereur, suggérant un vaste programme de réforme pour la modernisation du pays, préconisait la mise en valeur des mines, et plus particulièrement celles de charbon. Selon l’historienne Hà Thị Thu Thủy, il explora lui-même les régions mi- nières et dressa des cartes.10 Sans doute influencé par le mouvement réformateur, l’empereur

Tự Đức fit recenser en 1868 toutes les mines de charbon du royaume. Les administrateurs de la province de Thái Nguyên en signalèrent alors deux gisements situés dans leur province, ayant l’une et l’autre des traces d’exploitation. L’empereur ordonna de reprendre leur exploi- tation, mais il n’est pas dit si son ordre fut suivi d’actes.11

Sur l’exploitation des mines de charbon du Vietnam avant la colonisation, il reste encore beaucoup à étudier. Nous ne connaissons pas par exemple les techniques utilisées pour l’ex- traction. En tout cas, il ne nous semble pas que la production ait été importante et que l’utilisa- tion ait dépassé le cadre local, à l’exception sans doute de quelques tonnes expédiées à la Cour. Le charbon était connu, mais son impact sur la vie économique restait négligeable.

9 Đại Nam thực lục chính biên [Annales du royaume de Đại Nam – partie principale], 2e période, vol.

208 (Viện khoa học xã hội Việt Nam & Viện sử học (éds.), Đại Nam thực lục [Annales du royaume de Đại Nam], vol. 5, Tam Kỳ : Nxb. Giáo dục, 2007, p. 623).

10 HÀ Thị Thu Thủy, « Vấn đề phát triển ngành công nghiệp khai thác mỏ trong các tư tưởng cải cách

kinh tế … », op. cit., pp. 54-56.

11 Đại Nam thực lục chính biên, 4e période, vol. 38 (Viện khoa học xã hội Việt Nam & Viện sử học (éds.),

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