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1.Les industries culturelles: un secteur stratégique dans un monde globalisé

1.3 La concentration médiatique et les autres vo

S'il existait au milieu du XXème siècle une séparation distincte entre le secteur culturel et les autres secteurs économiques, cette situation a pris un tour nouveau. Nous assistons à un réaménagement du rôle des acteurs liés aux industries culturelles126.

Le secteur public, au-delà de son rôle direct dans le monde de la culture au travers des financements, des productions ou des structures de communication propres, renforce sa présence en concentrant ses efforts sur la réglementation de l'activité du secteur privé. De plus, les industries culturelles autrefois aux mains de capitaux familiaux127, plus soucieuses de l'intérêt des contenus, se sont ouvertes à

125 CHANTEPIE Philippe et LE DIBERDER Alain. Révolution numérique et industries culturelles. Op. cit., P79

126 “La question de la concentration des medias et des industries culturelles, chaque jour un peu plus regroupées entre les

mains de puissants groupes de communication, eux-mêmes contrôlés par des noyaux financiers ou des conglomérats industriels, est devenu un sujet de préoccupation de tout premier plan : cela concerne autant les responsables politiques au niveau des régions (au sein de l'Union Européenne, par exemple) que les dirigeants des medias et surtout ceux intéressés en particulier par les changements financiers, et bien sûr, tous ceux qui sont liés à la “crédibilité” des medias comme à la “qualité” et à la “diversité” des productions culturelles et de l' information. Nous assistons également ces dernières années à la multiplication d'associations de citoyens et de mouvements ayant pour objectif le contrôle ou l'examen des contenus des produits informatifs et médiatiques, dont la vigilance s'exerce surtout à l'occasion des annonces d'opérations financières. MIEGE Bernard. La concentración y las industrias culturales y mediáticas y los cambios de contenidos. Cuadernos de Información y de Comunicación. Madrid : Universidad Complutense de Madrid, 2006, Vol 11, p. 155

95 des capitaux financiers externes avec pour conséquence de nouveaux critères de rentabilité au sein de leurs structures.

Se profile alors une diversité de formes de capitalisation qui conditionnent les modes de fonctionnement et de production. Ainsi l'explique Christian Pradié devant les industries indépendantes et celles qui aujourd'hui comptent au sein de leur capital des investisseurs externes:

« Le schéma d´ensemble résultant de ces différentes situations conduit

ainsi à un antagonisme entre deux stades opposés: celui de firmes indépendantes, de taille souvent réduite, à la tête desquelles le dirigeant est également le propriétaire, et qui bénéficie d´une latitude de gestion sans toutefois pouvoir réunir les moyens financiers de grande ampleur et, par opposition, celui de firmes tirant leurs moyens des marchés financiers, de taille importante dans le cadre le plus souvent des structures d´un groupe de sociétés, dont le dirigeant est un administrateur salarié adoptant une conduite de la gestion devant répondre aux objectifs de rendement déterminés par les institutions opérant sur les marchés financiers »128.

En plus des nombreuses structures existantes, nous assistons aujourd'hui à la concentration, la convergence et à l'incursion d'autres types de d'entreprises au sein des industries culturelles. Ces industries ont évolué d'un statut national à un statut international, et le phénomène de concentration n'a pas eu lieu seulement au sein même de la chaîne de production, mais également avec d'autres types d'entreprises.

C'est une grande opportunité pour les grandes firmes multinationales en termes d'impact économique mais aux conséquences négatives en termes de diversité culturelle. Deux raisons justifient cette affirmation: le rachat des industries culturelles nationales et la pression portée par ces compagnies sur d'autres secteurs faisant partie de la même entité économique. Ainsi, la capacité de promotion de leurs propres produits à partir de différents supports et la publicité faite depuis d'autres

début du XXième siècle. En Colombie, la presse et la radio ont été aussi le fait de sociétés familiales telles que la famille Santos, propriétaire du journal El Tiempo, ou la famille Tobón, propiétaire de la chaîne de radios Todelar, entre autres.

128 PRADIE Christian. Capitalisme et financiarisation des industries culturelles. En : Revue Réseaux. Paris : La Découverte,

2005/3, N0 131 p 83-109, p7. [Consultado 12 de diciembre de 2012] Disponible : Http : www.cairm.info/revue-Réseaux-2005-

96 entreprises restreint les possibilités des organisations indépendantes qui ne peuvent y accéder aux mêmes conditions. La concentration réduit les incertitudes propres à ce type d'industrie.

« L'avènement de la nouvelle configuration en groupes multimedia et la

croissance accélérée à partir des années 1980 s'est trouvée complétée par de nouvelles logiques de production, qui confectionnent ce qui a toutes les chances d'être vendu, réduisant ainsi l'incertitude intrinsèque du produit. Dit autrement, les majors se risquent avec de grands investissements sur peu de productions qui leur assurent un retour d'investissement et de juteux bénéfices »129.

Si par concentration, nous voulons signifier l'intégration des structures de production, quand nous parlons de convergence, nous nous référons à la mise à profit d'un message par différents medias et supports. Comme l'explique Henry Jenkins:

« [La convergence médiatique] décrit les changements technologiques, industriels, culturels et sociaux [intervenant] pour la circulation des médias dans notre culture. Parmi les idées admises communément auxquelles se réfère ce terme figurent le flux de contenus au travers des plateformes médiatiques, la coopération entre diverses industries médiatiques, la recherche de nouvelles structures de financiation médiatique qui échouent dans les interstices entre les anciens et les nouveaux medias, et le comportement migratoire des audiences médiatiques, qui n'hésiteraient pas à se rendre dans presque n'importe quel lieu à la recherche du type d'expériences de divertissement qu'ils souhaitent. En termes peut-être plus généraux, la convergence médiatique désigne une situation dans laquelle coexistent de multiples systèmes médiatiques et dans lesquelles les contenus médiatiques discourent avec fluidité à travers eux. La convergence doit s'entendre ici comme un processus ou une série d'intersections entre différents systèmes médiatiques et non comme une relation fixe »130.

129 TORRES Daniel. La industria discográfica en la encrucijada digital : particularidades y escenarios de futuro. Trabajo de

grado de doctorado, Facultad de Ciencias de la Información : Universidad Complutense de Madrid. [Consultado 14 de diciembre de 2012] Disponible : http : //eprints.ucm.es/16231/1/T33847.pdf , p. 135

130 JENKINS Henry. Convergence Culture. La cultura de la convergencia de los medios de comunicación. Barcelona :

97 En effet, utiliser un seul contenu pour de multiples supports réduit non seulement les coûts, mais engendre également un impact plus important dans la promotion des contenus.

Il est important de signaler que les avancées technologiques ont aussi aidé à la convergence. On peut tirer parti d'un contenu pour de multiples supports. C'est une option dont profitent tant les industries culturelles indépendantes que les multinationales.

Si nous nous penchons sur la réalité de ces autres voix que constituent ces industries créatives ou indépendantes, nous devons préalablement procéder à une caractérisation des différences entre ces structures; les majors et les indépendantes sont ici présentées à partir de la réflexion de Mario D'Angelo131 :

98

Table N°1 - Différences entre Majors et Indépendants (Indies)

Source : . La Renaissance du disque

Majors Pme/ Indies/ Indépendants

Groupe diversifié avec une activité,

musique enregistrée Peu ou pas de diversification Grande entreprise avec de

nombreuses filiales Entrepreneur individuel. Entreprise moyenne mono nationale ou seulement quelques filiales

Fabricant de supports Rarement fabricant de supports Part du marché mondial, de

significative à forte / leader Part du marché mondial insignifiante à faible Leader sur les principaux marchés

territoriaux Part faible à significative sur le marché national d’origine, mais rarement leader Produits internationaux et

départements internationaux dans des filiales chargées de commercialiser ces produits

Produits conçus d’abord en fonction d’un marché national, éventuellement exportés

Part significative des produits internationaux dans le chiffre d’affaires mondial

Part des exportations faible dans le chiffre d’affaires

Distributeur Rarement distributeur

Segment produit- marché structure et autonome des segments finances/stratégie

Segment produit- marché plus ou moins

automatisé; segments finances/stratégies peu constituées

Grandes vedettes Politique de créneaux, de coups

Dans la pratique, ces autres voix ne sont pas toujours séparées des majors, il existe même pour nombre d'auteurs une relation fonctionnelle entre ces structures132, caractérisée par des relations de bénéfice partagé. Les indépendants

font appel aux services des grandes firmes pour la distribution et la reproduction. Les majors, à leur tour, ont délaissé la recherche de nouveaux talents et s'appuient sur les risques qu'assument les petites structures pour lancer de nouvelles musiques ou de nouveaux artistes. Lorsque une offre nouvelle prend de l'essor, elles rachètent

132 La fonctionnalité entre majors y Pymes a été pensée par nombre d'auteurs, parmi lesquels Antoine Hennion et Mario

D’Angelo. Selon leur point de vue, la relation entre grandes et petites entreprises est régulée par le marché plus que par la concurrence directe. Les grandes firmes se chargent du marché mondial quand les plus petites entreprises se tournent plus vers la découverte de nouveaux talents et se concentrent sur des niches locales. Les majors se placent au centre et les Pymes à la périphérie. Les auteurs cités ont présenté leurs réflexions dans les textes suivants : Mario D’Angelo in : La renaissance du disque, et Antoine Hennion, dans un livre co-écrit avec Jean Pierre Vignolle : L’Economie du disque en France. D’ANGELO Mario. La Renaissance du disque. Paris : La documentation Française, 1989. HENNION Antoine et VIGNOLE Jean Pierre. L’Economie du disque en France. Paris : Service des Etudes et Recherches France, 1978

99 alors ces structures ou les droits des créateurs. Le système s'organise donc ainsi, les petits prennent en charge les innovations pendant que les grands se concentrent sur des stratégies de distribution et de consolidation des succès133.

Actuellement, dans le panorama des industries culturelles, la concentration et la convergence concernent les majors ; du côté des indépendants, à l'opposé, il est à signaler l'accroissement du nombre des acteurs au cours des dernières années.

« L´accroissement quantitatif de l´offre « indépendante » par rapport aux

majors. Même si cela ne concerne pas directement l´économie du hit, les programmes premium de la télévision ou les blockbusters, il est raisonnable de prévoir un rééquilibrage des marchés et des pratiques en faveur des “petites” œuvres – petites par leurs coûts de production, sous réserve d´une évolution parallèle de la distribution et des capacités d´information sur ces productions »134.

Avant de conclure avec ce chapitre dans lequel nous avons présenté les changements intervenus dans les industries culturelles, nous devons nous arrêter sur un point particulier, la tendance à la création d'activité qui apparaît comme une tendance propre des sociétés néolibérales, et qui représente une alliance entre les secteurs public et privé comme une option pour l'auto-création d'emplois.

Nous commencerons par définir la “création ou initiative d'activité, l'entrepreunariat”: « Ensemble de personnes, de variables et de facteurs qui interviennent

dans le processus de création d'une entreprise. Une façon de penser et d'agir orientée vers la création de richesse. C'est une façon de penser, de raisonner et d'agir centrée sur les opportunités, envisagée avec une vision globale et menée à bien moyennant un leadership équilibré et une gestion du risque calculée, son résultat étant la création de valeur au bénéfice de l'entreprise, de l'économie et de la société »135.

133 BOUQUILLION Philipe et COMBES Yolande. Les industries de la culture et de la Communication en mutation. Paris :

L´Harmattan, 2007, p. 178

134 CHANTEPIE Philippe et LE DIBERDER Alain. Révolution numérique et industries culturelles. Paris : La Découverte,

2005, p. 50

135 MINISTERIO DE CULTURA COLOMBIA. Manual de emprendimiento cultural. Manual para la implementación de

procesos de emprendimiento y creación de industrias culturales Bogotá : Ministerio de Cultura. [Consultado 11 de diciembre 2012] Disponible : http : //www.mincultura.gov.co/?idcategoria=34576#, p.11

100 La définition de l'entrepreneur que nous venons de présenter nous fournit quelques éléments clés pour distinguer ce nouvel agent culturel. L'innovation, le risque et le leadership sont trois éléments fondamentaux pour démarrer une idée d'entreprise dans la perspective d'une création d'activité.

Appliquée à l'idée de création d'activité culturelle, il est important de contextualiser son développement dans le changement des politiques culturelles en charge du financement et de la régulation dudit secteur. Selon cette logique, les gouvernements ont envisagé cette tendance d'un point de vue strictement économiste. Dans cette perspective, il y a une division entre la culture considérée comme un droit, au sein duquel sont clairement définies les actions à mener en secteur culturel afin de compenser les déficiences du marché, et la culture pensée comme une ressource136, qui promeut la mise à profit des potentialités engendrées

dans le monde de la culture, certaines d'entre elles en relation directe avec des facteurs économiques.

Dans cette perspective, les entrepreneurs culturels des industries créatives ont un réel apport, quand ils ne génèrent pas de valeur ajoutée vers d'autres secteurs :

« Les entrepreneurs culturels sont les travailleurs de cette production aux

effets positifs. Ils mettent leurs savoirs et leurs connaissances au service d'un secteur émergent, mais toujours dominé par des clients institutionnels. Ils arrivent pour occuper de nouvelles niches que l'Etat libère de par son désengagement progressif lié à l'externalisation de ses compétences. Ils travaillent pour fournir des contenus aux festivals, foires, fêtes et autres événements publics qui s'organisent avec une assiduité croissante aux quatre coins du territoire avec l'objectif de les « vendre » et de produire une quelconque singularité qui les « installera sur la carte ». Ils contribuent à la « culturalisation » de l'économie et à la doter de nouveaux imaginaires, sons et autres signes d'identité. La culture est ainsi un faux secteur stratégique. Dans cette perspective, ces industries ne sont pas productives en soi, elles ne servent qu'à améliorer la « productivité » d'autres secteurs d'activité qui pullulent dans son entourage »137.

136 La culture comme un droit et comme une ressource est un concept développé par George Yúdice, une explication

détaillée en a été présentée dans le chapitre consacré aux auteurs latinoaméricains.

137 ROWAN Jaron. Emprendizajes en cultura. Discursos, instituciones y contradicciones de la empresarialidad cultural.

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