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Chapitre I : Interactions entre la matière organique dissoute et les particules : de la station

2.1 Généralités sur la matière organique dissoute

2.1.2 La caractérisation de la matière organique dissoute

Plusieurs techniques analytiques physiques et chimiques apportant des informations différentes et complémentaires sont disponibles pour caractériser la MOD. Étant données l’hétérogénéité et la complexité de la MOD, ces techniques sont souvent combinées pour mieux caractériser la MOD. Abbt-Braun et al. (2004) ont listé plusieurs techniques de caractérisation.

La technique la plus couramment utilisée est l’analyse élémentaire (C, H, N, O, S) pour connaître la composition de la molécule. Cette méthode peut nous donner des indications sur la nature saturée et polaire des composés de la MOD. En effet les rapports (N+O)/C ou encore H/O peuvent nous renseigner sur la polarité tandis que la saturation des chaînes de carbone (qui traduit un caractère aromatique) s’estime via les rapports O/C et H/C. Ma et al. (2001) observent que le ratio H/C est de l’ordre de 1 pour les acides humiques hydrophobes et de 1,5 pour les acides hydrophiles. De même, le rapport O/C est deux fois plus élevé pour les molécules hydrophiles que pour les substances humiques, traduisant le caractère aromatique insaturé de celles-ci.

Les analyses isotopiques du 13C et du 15N apportent des informations pertinentes sur les processus biogéochimiques à l’origine de la MOD et également sur l’origine elle-même de la MOD (type de végétaux terrestres ou aquatiques, type de mécanismes pour la photosynthèse, effet de la chaîne trophique, processus microbiens à l’œuvre). En effet l’isotopie du carbone et de l’azote peut varier selon l’origine de la MO. En outre certains processus qui affectent la MO dans l’environnement induisent un fractionnement isotopique du carbone et l’azote.

Certains composés sont identifiables par de simples dosages colorimétriques ou par des dosages en chromatographie liquide à haute performance (HPLC). Il s’agit principalement des protéines, des polysaccharides et des lipides. De nombreuses techniques d’analyse moléculaire existent telles que les méthodes de pyrolyse couplée à la chromatographie en phase gazeuse et à la spectrométrie de masse (pyrolyse-GC-MS) (Dignac, 1998; Hatcher et al., 2001; Labanowski, 2004) et les méthodes de chromatographie en phase liquide couplée à la spectrométrie de masse (HPLC/MS, HPLC/MS/MS) (Reemtsma, 2001). Ces techniques sont très sensibles, mais aussi très lourdes à mettre en œuvre. Elles permettent d’étudier la composition moléculaire de la MOD pour des composés à haut poids moléculaire (Dignac, 1998).

Enfin plusieurs analyses fonctionnelles permettent de caractériser la MOD. Il s’agit de la spectroscopie UV-visible (Weishaar et al., 2003), de la spectroscopie Infra Rouge à Transformée de Fourier (IRTF), de la spectrofluorescence (McKnight et al., 2001; Parlanti et

al., 2002, 2000) ou de la RMN (1H et 13C) afin de déterminer les groupement fonctionnels aromatiques, aliphatiques et carboxyliques (Wilson, 2013).

La spectroscopie d’absorption UV est une des techniques les plus couramment utilisées pour la caractérisation de la MOD. L’absorption dans l’UV est liée à l’existence des transitions π-π* dans les cycles benzéniques et des fonctions alcènes et est donc reliée à l’aromaticité de la MOD (Traina et al., 1990). Toutefois il s’agit d’une méthode peu spécifique qui ne permet

pas d’identifier distinctement les classes de chromophores présentes. Généralement, le caractère aromatique de la MOD est estimé par le SUVA (Specific UV Absorbance), c'est-à- dire la mesure de l’absorbance spécifique à une longueur d’onde (souvent à 254 nm mais aussi parfois à une longueur d’onde dans la gamme 254-280 nm) relative à la concentration en COD. Aujourd’hui la mesure de SUVA est utilisée en routine comme indicateur simple et rapide de l’aromaticité de la MOD (Leenheer and Croué, 2003).

La spectroscopie infrarouge à transformée de Fourier est largement répandue pour la caractérisation de la MOD (Davis et al., 1999; Tanaka et al., 2002). Cette technique simple d’utilisation possède notamment une plus grande sensibilité grâce à un rapport signal sur bruit plus élevé et fournit une grande quantité d’informations tout en nécessitant une faible quantité d’échantillon (Davis et al., 1999). Il est possible avec cette technique de mettre en évidence la nature des liaisons (C-C, C-O, C-H, C-N, O-H, etc.) et donc les différents groupes fonctionnels présents.

La spectroscopie de fluorescence a également été utilisée comme un outil de caractérisation de la MOD. Elle est plus sensible que l'absorbance UV d’au moins un ordre de grandeur (Leenheer et Croué, 2003). Elle possède un grand potentiel pour la caractérisation de la qualité de la MOD (Baker, 2001; Carstea, 2012; Galapate et al., 1998; Hudson et al., 2007; Parlanti et al., 2002). Le spectre de fluorescence 3D (intensité de fluorescence obtenue pour un couple de longueurs d’onde d’excitation et d’émission), dont un exemple est présenté en Figure 1, permet d’obtenir la fluorescence globale de l’échantillon sur tout le domaine spectral considéré. Cependant, afin de mieux appréhender et apprécier de façon semi quantitative les modifications du matériel organique dissous, il est possible de suivre l’évolution de l’intensité des quatre principales bandes de fluorescence de la matière organique dissoute α, α’, β et γ qui sont représentées en Figure 1 et dont les caractéristiques sont dans le Tableau 1.

Tableau 1 : Bandes de fluorescence majeures pour l'eau (Coble, 1996; Parlanti et al., 2000).

Fluorophores (Coble, 1996) Fluorophores (Parlanti et al., 2000) Longueur d’onde d’excitation (nm) Longueur d’onde

d’émission (nm) Type de composés

C α 330 - 350 420 - 480 Substances type humiques A α’ 250 - 260 380 - 480 Substances type humiques +

matériel plus récent M β 310 - 320 380 - 420 Matériel récent,

composante biologique B γ 270 - 280 300 - 320 Tyrosine

T δ 270-280 320-380 Tryptophane ou protéines + activité bactérienne

Figure 1 : Exemple de spectre de fluorescence et sa projection dans le plan d’un échantillon de rejet de la STEP Seine-Centre (novembre 2014) avec les différentes localisations des bandes

Les rapports entre les intensités maximales de fluorescence associées aux différents fluorophores, tels que Iα’/Iα ; Iβ/Iα ; Iγ/Iα, peuvent être calculés. Ces rapport permettent d’évaluer la qualité de la matière organique en présence en comparant la fluorescence des composés de types humiques (α) aux composés fluorescents issus d’une production de MO récente (α’, β, γ). Enfin, le rapport Iγ/Iα illustre la présence de composés de types protéiques en comparaison des composés humifiés. Le Tableau 2 rassemble les différents ordres de grandeurs associés au rapport Iγ/Iα et leur interprétation.

Tableau 2 : Origine et caractéristiques de la MOD selon le rapport Iγ/Iα (Vacher, 2004)

Indice de fluorescence

Ordre de

grandeur Caractéristiques de la MOD

Rapport Iγ/Iα

< 0.75 Caractère humique dominant

0.75-1.4 Composante autochtone : composés organiques labiles

>1.4 Origine biologique ou bactérienne aquatique

En plus de la détermination des différents pics (α, α’, β et γ), les indices de fluorescence d’humification (HIX) et « biological index » (BIX) peuvent être calculés afin d’avoir des informations sur la maturation de la MOD fluorescente.

L’indice d’humification est calculé à partir du rapport H/L des deux aires dans les intervalles L (300-345 nm) et H (435-480 nm) à une excitation de 254nm (Ohno, 2002; Zsolnay

et al., 1999). Il permet de comparer des échantillons en termes de maturation de la MOD par

l’étude du rapport C/H (Zsolnay, 2003). Plus les valeurs de HIX sont élevées plus la matière organique est aromatique et de poids moléculaire élevé. Des valeurs de HIX comprises entre 10 et 16 correspondent à de la matière organique d’origine terrigène, et des valeurs inférieures à 4 sont associées à une matière organique autochtone. Vacher (2004) propose à partir des valeurs de l’indice HIX d’établir la typologie de la MOD (Tableau 3).

Tableau 3 : Origines et caractéristiques de la MOD selon le HIX

Indice de fluorescence

Ordre de

grandeur Caractéristiques de la MOD

HIX

16-10 Caractère humique avec apport terrigènes fort

10-6 Composante humique importante + composante autochtone récente 6-4 Caractère humique terrigène faible + composante autochtone

récente

<4 Origine biologique ou bactérienne aquatique

Le BIX est calculé à partir des valeurs mesurées pour une excitation à 310 nm en divisant les valeurs d’émission à 380 nm (maximum de la bande β) par celles à 420 nm (maximum de la bande α) (Vacher, 2004). L’indice BIX détermine la présence de fluorophores β et donne des informations sur l’origine et la maturation de la MOD : plus les valeurs du BIX sont élevées, plus la matière est récente et autochtone. Comme le fluorophore β est lié à l’activité biologique autochtone, l’indice BIX permet de juger de la production de matière organique dissoute due à cette activité : des valeurs supérieures à 1 correspondent à une production autochtone et des valeurs d’environ 0,6 à 0,7 à une faible production autochtone (Huguet et al., 2009). Ces valeurs sont présentées dans le Tableau 4.

Tableau 4 : Origine et caractéristiques de la matière organique selon le BIX

Indice de fluorescence

Ordre de

grandeur Caractéristiques de la MOD

BIX

0,6-0,7 Faible activité biologique 0,7-0,8 Activité biologique moyenne

0,8-1 Forte activité biologique

>1 Origine biologique ou bactérienne aquatique

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