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L’usage de l’expérience et de sa verbalisation comme moyen pour la formation

L’objectif de l’article a consisté à comprendre en quoi les conduites de verba-lisation qui prennent place au cours d’entretiens d’accompagnement en VAE peuvent être instrumentées comme une forme de médiation et d’étayage aux dynamiques développementales de la pensée du candidat sur son expérience de travail.

C’est ainsi la question des processus psychologiques de développement engagés dans la réalisation de l’activité dialogale en situation d’accompagne-ment VAE qui a été posée. En effet, pour le candidat, nous avons constaté qu’il ne s’agit pas de susciter seulement une remémoration et des formula-tions descriptives au plus près de l’activité vécue, mais de faire en sorte que ce dernier se distancie et adopte une posture plus explicitement analytique, afin de comparer, analyser, évaluer ce qui s’est passé et élaborer son expé-rience. L’expérience en tant que « vécu de l’activité » y est explorée à travers

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la description de situations singulières, mais également l’expérience comme

« élaboration de vécus ». Nous avons ainsi cherché à repérer des traces de ces dynamiques de développement dans les verbalisations du candidat sur son expérience de travail.

Nous avons souligné en introduction combien la problématique de la ver-balisation peut se poser à différents niveaux dans les entretiens d’accompa-gnement en VAE : verbalisation comme mise en écriture par le candidat de son expérience de travail, verbalisation comme format langagier induit par les contingences du livret, et verbalisation en tant que dialogue entre le candidat et l’accompagnateur. Au terme de l’analyse de l’extrait proposé, il est intéres-sant d’observer comment l’expérience de ces différents niveaux où se joue la verbalisation peut constituer, dans les pratiques d’accompagnement en VAE, un objet de tension et de résistance au développement de l’expérience. En effet, les contingences induites par le format langagier du livret pèsent sur les conditions d’élaboration de l’expérience du travail du candidat. Ceci nous rappelle que

les situations sociales dans lesquelles l’expérience est objet de l’activité n’ont pas toute des visées ni des effets formatifs, même si l’on pense parfois un peu vite que le fait de revenir sur des expériences ou bien encore d’en parler ou d’écrire à son propos entraineraient inévitablement des effets d’apprentissage. (Mayen, 2009b, p. 775)

Il convient donc de se prémunir, comme le rappelle l’auteur, de l’idée selon laquelle verbaliser son expérience constituerait d’emblée une situation d’ap-prentissage et se positionner davantage dans une posture d’exploration des conditions potentielles d’apprentissage et de développement de ces situations.

Dans ce cadre, l’accompagnateur est, comme nous l’avons vu, engagé et impliqué dans le développement de l’expérience. Il joue un rôle extrêmement important dans les conditions du travail sur l’expérience, permettant non pas de la normaliser mais d’en dégager de nouvelles possibilités à travers le format proposé. L’entretien d’accompagnement VAE est avant tout un dia-logue et c’est de ses propriétés de diadia-logue qu’il tire aussi sa spécificité. Le dialogue occupe une place particulière dans l’activité au sens où c’est à tra-vers lui que les énoncés du candidat relatifs à son expérience de travail se transforment. La contribution permet de montrer à partir d’un cas illustratif que l’élaboration de l’expérience du travail est le résultat d’un dialogue que le candidat engage non seulement avec son interlocuteur immédiat, l’accompa-gnateur, mais aussi avec le métier et la procédure VAE dont il fait l’expérience à travers le livret. Ces formes de médiations, tout autant sociales que sémio-tiques, permettent d’ouvrir l’expérience et non de la contenir ou de l’enca-drer pour en favoriser le développement. En effet, comme le souligne Mayen (2009b),

il n’y a pas de contact direct ou pur entre une personne et son expérience mais celui-ci se fait toujours par des médiations. La première est celle du cadre dans lequel on peut inclure la présence et les interventions des autres, professionnels ou pairs, la seconde médiation est celle du langage […]. Les formes sémiotiques sont à la fois les moyens par lesquels l’expérience peut être identifiée, nommée, exprimée et présentée, mais elles sont aussi ce qui oriente, contraint et permet la remémoration, la sélection, l’organisation, la prise de conscience, l’approfondisse-ment ou les réductions, les mises en relation et les comparaisons. (p. 774)

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