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L’ouverture multimodale et les travaux de Schore sur la régulation affective.

Schore (2003a, 2003b, 2008) présente un m odèle qui intègre des idées

contem poraines issues des sciences du développem ent et du fonctionnem ent social, des données récentes provenant des sciences com portem entales et des nouvelles recherches sur les neurosciences. La théorie q u ’il propose fait état des processus qui sous-tendent la régulation affective dans le développem ent normal et pathologique. Elle décrit com m ent différents types de transactions entre un enfant et sa figure m aternante perm ettent de créer un environnem ent favorable à la croissance. 11 s ’agit d ’un autre exem ple de m odèle qui a su reconnaître tout autant l’im portance des dim ensions déficitaire et conflictuelle de la pathogenèse. Selon Schore (2003a), le développem ent optim al du cerveau ne peut se produire que dans le contexte d ’une relation à autrui, à un autre cerveau. Cette autre personne, la figure d ’attachem ent prim aire, agit en tant que régulateur externe des fonctions psychobiologiques dans le développem ent du systèm e nerveux de l’enfant : c ’est ce qui assurerait la m aturation postnatale d ’un systèm e corticolim bique spécifique situé dans le cortex préfrontal, qui agit à titre de m édiateur des fonctions régulatrices, hom éostatiques et d ’attachem ent. Cet autre m odèle, qui repose sur des fondem ents épistém ologiques sim ilaires et com patibles avec ceux sur lesquels reposent les théories

proposées par Fonagy et ses collègues décrites précédem m ent, offre une description à la fois riche et pertinente de l’im pact des déficits sur la pathogénèse dans sa conception sur l’étiologie des troubles de la personnalité.

La théorie proposée par Schore (2003a, 2003b, 2008) fait de la relation d ’attachem ent m ère-enfant le cadre fondam ental du développem ent. Selon Schore (2003a, 2003b), les psychopathologies constituent des désordres de l’attachem ent qui se m anifestent par des incapacités de régulation de soi ou des interactions. A insi, le développem ent des capacités de régulation affective est issu de la relation d ’attachem ent m ère-enfant : l’attachem ent concerne la régulation dyadique et interactive des ém otions entre un enfant et sa figure m aternante (Stroufe, 1996). Dans cette perspective, ce sont notam m ent des m anques et des déficits récurrents dans le processus de régulation des états internes de l’enfant par son parent m aternant, surtout en ce qui concerne ses états affectifs négatifs et intenses, qui entravent la m aturation optim ale du cerveau, font obstacle au développem ent du S e lf et tracent la voie vers la psychopathologie. De façon plus spécifique, au cours des deux prem ières années de sa vie, le développem ent de l’enfant im plique le passage d ’une position où ses habilités de régulation affectives sont assurées par sa figure m aternelle vers une position où il intériorise ces fonctions (Schore, 2003b). Les interactions précoces entre le nourrisson et la m ère sont « encodées sous la form e d ’un m odèle interne de représentations de l’attachem ent qui guide le com portem ent de la personne dans ses interactions avec les autres » (Schore, 2008, p. 267). Ces représentations sont conservées dans l’hém isphère droit du cerveau, plus

spécifiquem ent dans les aires lim biques, responsable du traitem ent de l’inform ation ém otionnelle (Schore, 2008). Schore dém ontre en quoi les personnes souffrant d ’un trouble de la personnalité porteraient des représentations internes pathologiques qui ont encodé un « Soi dysrégulé en interaction avec un autre, désaccordé » (2008, p.47). Les

prem ières expériences d ’attachem ent im pliquent donc des transactions

psychobiologiques entre les hém isphères cérébraux droits de la m ère et de l’enfant. Le cerveau en développem ent de l’enfant encode les données qui ém ergent du cortex droit de la m ère, celles-ci contenant les m écanism es responsables de la capacité de la m ère à réconforter et apaiser l’enfant (H orton, 1995). La participation et l’engagem ent de la m ère dans des m om ents de régulation interactive avec son enfant, dans des épisodes successifs où elle est « accordée psychologiquem ent» avec lui, où il y a rupture de cet état et où elle s ’accorde à nouveau à lui, perm ettent non seulem ent de m oduler les états affectifs de l’enfant, m ais aussi de forger de façon perm anente la capacité ém ergente du S elf à s ’organiser de m anière autonom e. Ce sont les m anquem ents à ce processus de régulation interactive des états affectifs qui m ènent à la psychopathologie.

Les travaux de Schore (2003a, 2003b, 2008) illustrent bien les dim ensions conflictuelle et déficitaire de la pathogenèse. Par exem ple, ils illustrent com m ent le nourrissons en détresse dirige inévitablem ent son besoin d ’être apaisé vers son parent. Par conséquent, tout com portem ent du parent qui contribue à l’accroissem ent de la détresse du nourrisson place ce dernier dans un dilem m e insoluble où il ne peut ni s ’engager, ni se soustraire du contact avec son parent (Schore, 2003b). D ans ces

contextes propres à la dim ension conflictuelle, le parent tend à induire de hauts niveaux de stress et à provoquer des états de dysrégulation affective chez le nourrisson, laissant ce dernier dans des m om ents prolongés m arqués par la dysrégulation affectives qui dépassent ses stratégies rudim entaires d ’adaptation (Schore, 2003b). À cet effet, T ronick et W einberg (1997) ont décrit com m ent le nourrisson e st à la m erci de ces pertes d ’équilibre hom éostatique et ces états de dysrégulation affective : de tels contextes sollicitent la totalité des ressources d ’adaptation du nourrisson, entraînant ainsi une interruption de son développem ent. Par ailleurs, Schore (2003a, 2003b) décrit aussi com m ent un parent peut s ’avérer incapable de s ’engager dans le processus de régulation interactive des états internes de l’enfant : sans nécessairem ent générer des états de stress ou de trop hauts niveaux d ’activation affective chez l’enfant, le parent n ’arrive pas à m oduler les états internes de l’enfant. D ans ces situations où la figure d ’attachem ent ne stim ule pas suffisam m ent l’enfant ou ne participe pas de façon régulière aux fonctions réparatrices susceptibles de rétablir l’hom éostasie, se rapportant davantage aux contextes déficitaires, il se produit un déséquilibre psychobiologique im pliquant une chim ie cérébrale déréglée et potentiellem ent toxique. Une augm entation du niveau des corticostéroïdes durant l’enfance provoque la m ort des cellules neuronales dans les centres affectifs du systèm e lim bique (K athol, Jaeckle, Lopez, & M eller, 1989) et cause des lésions fonctionnelles perm anentes de la capacité à diriger les ém otions dans des canaux adaptés (D eK osky, N onnem an, & Scheff, 1982). A insi, un parent dépourvu de la capacité à stim uler suffisam m ent son enfant ou à s ’engager dans le processus de régulation interactive des états internes de celui-ci est à risque de le priver des conditions

essentielles à son développem ent. C ela peut se m anifester de différentes façon, dont passer peu de tem ps à jo u e r avec l’enfant, priver l’enfant de la protection dont il a besoin face à des abuseurs potentiels, se m ontrer inaccessible et réagir aux stress et à l’expression des ém otions de son enfant de façon im passible, etc. L ’exposition à de telles conditions déficitaires durant la période critique d e m aturation du systèm e corticolim bique entraîne le développem ent de systèm es inefficaces, incapables de gérer de façon adaptée les états internes en réponse à des stresseurs provenant de l’environnem ent externe.