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N ous avons précédem m ent décrit les difficultés fréquem m ent rencontrées dans l’utilisation du dilem m e de contact et les avons illustrées à l’aide de vignettes cliniques. N ous avons aussi affirm é notre désir d ’offrir une nouvelle form ulation au dilem m e de contact, qui soit plus ouverte et opérationnelle que celle q u ’elle possède actuellem ent, tout en dem eurant épistém ologiquem ent com patible avec les postulats fondam entaux de la PGRO. Pour ce faire, nous trouvons chez Karasu (1992, 1995) une source

d ’inspiration particulièrem ent intéressante. Cet auteur propose un m odèle

développem ental visant à com prendre les enjeux étiologiques im pliqués dans le développem ent de la dépression et à guider le processus thérapeutique des patients dépressifs. Les travaux de K arasu (1992, 1995) sont inspirés de différents auteurs qui se sont avéré des théoriciens influents : ces inspirations m ultiples ne sont pas sans rappeler l’ouverture m ultim odale que l’on retrouve en PGRO. Pour rendre com pte des postulats à

la base du m odèle de Karasu (1992, 1995), nous allons faire un survol des sources dont il s ’est inspiré en décrivant brièvem ent, pour chaque auteur concerné, le support théorique q u ’il y a trouvé. Karasu (1992, 1995) s ’appuie d ’abord sur les écrits d ’Abraham (1927), en m ettant les principes psychanalytiques, notam m ent les stades psychosexuels freudiens, au service de la com préhension clinique des troubles de l’hum eur. Ensuite, il puise chez Rado (1928) le postulat de facteurs intersubjectifs à la dépression, en m ettant l’em phase sur la dépendance de la personne dépressive sur des sources externes de soutien de son estim e d ’elle-m êm e. K arasu (1992, 1995) s ’inspire aussi de Fenichel (1945) qui a décrit l ’état rég ressif propre à certains états dépressifs où le soi est indifférencié de l’objet, dans lequel les attaques dirigées vers l’objet d ’am our sont équivalentes à des attaques du Self. 11 incorpore la conception de Klein (1945), avec ses travaux sur la position dépressive, notam m ent l’hypothèse d ’une période d ’am bivalence m arquée non seulem ent par la peur de perdre l ’am our objectai, m ais aussi par la culpabilité liée au désir du m auvais objet qui, lorsque non résolue, prédisposerait l’enfant à d ’ultérieures dépressions. Le contexte théorique de K arasu (1992, 1995) s ’appuie aussi sur les travaux de Gero (1936) : il retient de cet auteur l’im portance d ’élargir la com préhension de l’expérience dépressive en considérant l’ensem ble des interactions m ère-enfant dans l’étiologie de ce trouble. A l’instar de Bibring (1953), Karasu (1992, 1995) associe la dépression à l’ém otion d ’im puissance liée à l’incapacité de l’enfant à atteindre les idéaux du parent. Il reconnaît aussi l’idée selon laquelle la dépression représente une perte du sentim ent de bien-être d ’une personne où la perte de l’objet est secondaire à la perte des fonctions assurés par l ’objet, telle q u ’elle a d ’abord

été form ulée par Sandler et Joffeee (1965). K arasu (1992, 1995), tout com m e Jacobson (1953, 1971), m et l’accent sur l’im portance du développem ent d ’une image de soi chez l’enfant dans l’acquisition d ’un sentim ent d ’identité et d ’un registre d ’affects suffisam m ent élaboré. 11 puise chez K ohut (1971, 1977) le besoin de l’enfant d ’avoir accès à des objets-soi em pathiques pour le développem ent d ’une estim e de soi norm ale : c ’est notam m ent de cette façon q u ’il illustre la dim ension déficitaire de la pathogenèse, en décrivant, dans le m êm e sens que K ohut (1971), des contextes développem entaux où les interactions entre le parent et l’enfant sont m arqués par des insuffisances, spécialem ent en ce qui concerne des m anques, dans la capacité d ’ajustem ent em pathique du parent à l’enfant, qui font obstacle au développem ent du Self. Enfin, il s ’accorde avec B ow lby (1980) en plaçant l’origine de la disposition dépressive dans l’expérience précoce de l’enfant en interaction avec ses parents où seraient présents des sentim ents d ’être inadéquat et de m anque d ’am our. En som m e, K arasu (1992, 1995) reprend différents concepts issus de théories psychodynam iques (par exem ple, les pulsions, le M oi, les relations d ’objets, le Self, etc.), ainsi que différentes expériences interpersonnelles décrites par ces théories (par exem ple, des pertes et déceptions précoces, les atteintes à l’estim e de soi provenant d ’un écart m arqué entre le soi actuel et l’idéal du M oi, etc.), pour tracer une m atrice qui représente le fondem ent des épisodes dépressifs à travers la répétition d ’expériences interactionnelles précoces. Dans cette perspective, la réactivation de ces expériences précoces se m anifeste par une interruption des processus intrapsychiques qui soutiennent l’estim e de soi.

L es d im e n sio n s d é fic ita ire e t c o n flictu e lle selon K a ra su . K arasu (1992, 1995) décrit deux types de problèm es qui peuvent se présenter à l’enfant en développem ent : ceux qui se m anifestent sous la form e de déficits et ceux davantage liés à des conflits. Selon lui, ces problèm es font obstacle au développem ent sain et tracent la voie de la psychopathologie en entravant le processus des différentes phases du développem ent psychosexuel. Ainsi, Karasu (1992, 1995) décrit com m ent les prem ières expériences

relationnelles de l’enfant sont essentiellem ent dyadiques. É ventuellem ent, les

interactions incluent d ’autres personnes, spécialem ent le père, et deviennent donc progressivem ent triadiques. D es difficultés qui surviennent dans la relation à la m ère (et les représentations m entales qui en découlent) peuvent occasionner soit des déficits dyadiques ou des conflits dyadiques. De la m êm e façon, des difficultés qui apparaissent dans les interactions entre la m ère, le père et l’enfant (et les représentations m entales qui en résultent) créent des déficits triadiques ou des conflits triadiques. Ce sont les conséquences de ces problèm es développem entaux, dyadiques, triadiques, conflictuels ou déficitaires, qui m ènent aux différentes form es de psychopathologies. Karasu (1992, 1995) spécifie toutefois en quoi ces catégories ne sont pas étanches les unes par rapport aux autres : il les décrit com m e se recoupant dans des degrés et des com binaisons variées. C ’est davantage pour des raisons heuristiques et pratiques q u ’il les sépare ainsi en catégories distinctes. Cela donne lieu à quatre prototypes de trouble dépressif, se rapportant aux enjeux développem entaux relatifs à la m aturation psychosexuelle. T outes ces form es de dépression réfèrent à différents types de contextes interactionnels allant des relations dyadiques vers les relations triadiques et im pliquant des enjeux conflictuels

ou déficitaires. Il en ressort une taxonom ie situant les enjeux étiologiques et les m anifestations cliniques des différentes form es que peuvent prendre la dépression : la dépression dyadique-déficitaire, la dépression dyadique-conflictuelle, la dépression triadique-déficitaire et la dépression triadique-conflictuelle. Pour chacune de ces catégories, K arasu (1992, 1995) donne des exem ples de contextes développem entaux et décrit des types d ’interactions parents-enfants qui les caractérise : nous avons placé en annexe (voir l’appendice 2) des tableaux illustrant des exem ples, pour chacune de ces catégories, de contextes développem entaux qui s ’y rapportent, de leurs im pacts respectifs sur le développem ent et de m anifestations com portem entales subséquentes à l’âge adulte. N ous nous contenterons ici de résum er ces inform ations en présentant, pour chaque catégorie, quelques exem ples perm ettant d ’illustrer ce à quoi elle réfère dans le m odèle de Karasu (1992, 1995). D ’abord, en ce qui concerne les contextes dyadiques déficitaires, Karasu (1995) décrit com m ent l’obstacle m ajeur au développem ent sain concerne l’absence ou la déficience d ’un attachem ent sécure, incluant un processus d ’interactions m utuelles, entre l’enfant et le parent. Cela peut notam m ent se traduire par une figure m aternelle (et sa représentation interne) qui n ’est pas disponible, ne se m ontre pas suffisam m ent aim ante, etc. Par ailleurs, les contextes dyadiques conflictuels seraient davantage m arqués par des problèm es liés aux tâches développem entales se rapportant au processus de séparation-individuation et aux luttes im pliquées par le développem ent de la perm anence de l’objet et de la consolidation de l’identité (Karasu, 1995). M ettant d ’abord l’em phase sur l’aspect intrapsychique de la dim ension conflictuelle, K arasu (1995) décrit com m ent la dépendance com plète de l’enfant envers sa figure m aternelle

im plique que celui-ci ne peut tolérer les fantaisies agressives ou destructrices qui pourraient m enacer sa relation à sa m ère : elles doivent être refoulées, ce qui entrave le développem ent du Self. L ’auteur illustre ces enjeux conflictuels à partir de différents types d ’interactions pouvant prendre place dans l’espace intersubjectif entre la m ère et l’enfant. Les expériences dyadiques conflictuelles peuvent par exem ple se m anifester par des com portem ents intrusifs où il y a abus ou exagération du contrôle et des exigences de la m ère envers l’enfant. P our leur part, les contextes triadiques déficitaires sont le plus souvent m arqués par l’absence du père : il peut être présent, m ais inaccessible, rejetant, indifférent, etc. ou physiquem ent absent. Karasu (1995) décrit différents im pacts de la privation d ’un contact satisfaisant avec le père sur le développem ent de l’enfant : il est notam m ent question de lacunes dans les habiletés sociales, dans le développem ent d ’un jugem ent m oral sain, dans le développem ent de l’identité sexuelle, etc. Enfin, en ce qui concerne les contextes triadiques conflictuels, K arasu (1992, 1995) décrit notam m ent des enjeux liés à la rivalité sexuelle entre les m em bres de la fam ille qui font obstacle au développem ent sexuel sain ou à l ’exposition à des m odèles relationnels m alsains, im pliquant souvent le recours à la violence entre des m em bres de la fam ille. Bref, c ’est en large partie en raison de la possibilité q u ’offre le m odèle de K arasu (1992, 1995) de reconnaître des dim ensions diverses im pliquées dans la pathogenèse, sans faire de celles-ci des catégories m utuellem ent exclusives, que nous avons choisi de nous en inspirer dans le cadre de notre dém arche visant la reform ulation du concept de dilem m e de contact en PGRO.

Des relations dyadiques vers les relations triadiques.

Selon K arasu (1992, 1995),