• Aucun résultat trouvé

L’option révolutionnaire : Elena Urrutia et Marta Lamas

FEMINISMES ET STRATEGIES D'ECRITURE

1. Des féminismes

1.2. Les courants de pensée

1.2.2. L’option révolutionnaire : Elena Urrutia et Marta Lamas

Les orientations du féminisme défendu par Esperanza Brito sont insuffisantes pour Elena Urrutia et Marta Lamas pour qui « l’oppression des femmes provient d’un système, et n’est pas redevable simplement à des mentalités ou valeurs individuelles rétrogrades », qu’une éducation adaptée pourrait modifier. (Toupin, 1998 : 13). C’est pourquoi, sensibles aux idéaux de gauche qui ont marqué le tournant des années 1970, elles optent pour le féminisme de tradition marxiste et socialiste dans leurs analyses tout en penchant également vers le courant radical (Toupin, 1998 : 21 et suiv).

L’ « ennemi principal368 » ici est le système, « c’est l’organisation économique, le capitalisme, qui explique l’exploitation des deux sexes. » L’exploitation dans le monde du travail et le travail gratuit des femmes seront analysés dans leurs rapports avec l’économie capitaliste, les réponses seront trouvées dans la collectivisation des tâches ménagères et de la garde des enfants. Les féministes socialistes considèrent deux systèmes d’oppression des femmes : le patriarcat et le capitalisme. Autant Esperanza Brito prend la parole de façon très personnelle dans Novedades pour ensuite se glisser dans la peau de la leader féministe, à la tête du MNM, Elena Urrutia fait entendre, elle, une voix multiple, majoritairement féminine, et qu’elle s’approprie pour en défendre la pensée, la rejeter, ou la prolonger en affirmant ainsi ses positions, laissant émerger une sympathie mitigée pour le courant marxiste.

Elena Urrutia ou le cheminement d’une pensée

Son engagement décisif correspond à son rôle moteur dans l’initiative de « la création de la première revue féministe mexicaine […] depuis le cardénisme369 », Fem, « La voix du féminisme » : « FEM, publicación feminista trimestral.Vol.1, No.1, de oct, nov y dic de 1976. Dirección de Alaíde Foppa y Margarita García Flores. » (n°20, E. Urrutia, “La voz del feminismo” Novedades, 19/09/1976). Elena Urrutia fait la promotion de la publication qui

368 L’expression « ennemi principal » fait référence à un texte « fondateur » du néo-féminisme français, écrit en 1970 par Christine Delphy, sous le pseudonyme de : Christine Dupont, « L’ennemi principal », Partisans, 54-55, juillet-octobre 1970, p. 157-172. (Toupin, 1998 : 12)

apparaît à un moment opportun, toujours selon elle, pour rompre le monopole des revues féminines, en plein essor. Elle prend à témoin le lecteur qui se doit d’apprécier cet événement exceptionnel : « l’apparition de la première revue féministe au Mexique crée une heureuse surprise, elle réunit les intellectuels les plus prestigieux dans notre domaine370. » C’est ce qu’elle prouve en présentant le Conseil éditorial composé de sept membres, Elena Poniatowska, Lourdes Arizpe, Margarita Peña, Beth Miller, Elena Urrutia, Marta Lamas y Carmen Lugo371, avant de détailler le sommaire et le contenu de chaque article.

Cette « voix du féminisme » n’est pas monocorde : elle se fait l’écho des théories du féminisme, en particulier de l’analyse marxiste, dans les pages de El Nacional, Novedades et

unomásuno. Dans le chapeau de l’article « Pour une théorie féministe » (« Por una teoría

feminista »), Elena Urrutia précise d’emblée sa pensée : « Le problème ne consiste pas à parler de ce que l’on sait déjà : l’oppression, mais de comprendre les façons de s’y opposer et de révolutionner [le système], et non seulement [le] réformer… 372« (n°18, E. Urrutia,

Novedades, 13/06/1976). Cette perspective ne peut faire l’impasse d’une « théorie scientifique

de la libération de la femme », « immédiate et urgente », qui doit privilégier l’action et abandonner le registre de la victimisation afin de comprendre l'origine de l'oppression. Elena Urrutia s’appuie sur trois essais, de Mirta Henault, Peggy Morton et Isabel Larguía, réunis dans un livre : Las mujeres dicen basta, qui analyse la subordination de la femme dans une perspective marxiste (n°18, E. Urrutia, Novedades, 13/06/1976). Tour à tour, les trois spécialistes posent les jalons de la théorie féministe marxiste. Isabel Larguía, dans son essai : « La Mujer », montre que la femme joue un rôle essentiel mais non reconnu dans l’organisation économique, au sein de «la famille patriarcale », selon un schéma en trois points : « a) Reproduction strictement biologique ; b) Éducation et soin des enfants, des malades et des personnes âgées ; c) Reproduction de la force de travail dépensée quotidiennement373. « L’entrée des femmes sur le marché du travail, lors de la Révolution industrielle, n’a pas remis en cause ces trois volets, ce qui a entraîné la «seconde journée de

370 « […] sorprende felizmente la aparición de la primera revista feminista de México, que reúne a los intelectuales más prominentes de nuestro medio. »

371 Elena Poniatowska est écrivaine et journaliste; Lourdes Arizpe est anthropologue à la UNAM et spécialiste de la question indienne; Margarita Peña est professeure de littérature à la UNAM et écrivaine; Beth Miller est critique de littérature latino-américaine ; Carmen Lugo est avocate et historienne.

372 « El problema no está en hablar de lo que ya se sabe: la opresión, sino en entender las formas de rebelarse contra ella y revolucionar, no sólo reformar...»

373 « a) Reproducción estrictamente biológica; b) Educación y cuidado de los hijos, enfermos y ancianos; c) Reproducción de la fuerza de trabajo consumida diariamente. »

travail». Mirta Henault développe cette idée dans son essai : « La mujer y los cambios sociales ». L’organisation du travail salarié a reproduit la situation de subordination qui existe au sein du foyer ; les formes d'oppression ont changé, pas l'oppression, même dans les pays socialistes, « ( L’ Union soviétique, la Chine, Cuba) » :

L’aliénation capitaliste est la plus récente et la plus visible. C’est la plus facile à combattre (les ouvriers captent tout de suite la nécessité de lutter contre le patron). L’aliénation qui sépare les sexes est millénaire et profonde, si profonde qu’elle est devenue naturelle374.

Peggy Morton, dans son essai : « El trabajo de la mujer nunca se termina » poursuit l’analyse sur la double journée de travail pour les femmes en affirmant que l'oppression est perçue comme individuelle et non comme une oppression « de sexe et de classe » et conclut que les femmes sont opprimées comme femmes et exploitées comme travailleuses. La révolution politique n’offre pas toutes les conditions pour garantir la libération des femmes. En fait, selon Mirta Henault : « […] la révolution culturelle est beaucoup plus difficile que la révolution politique375. »

Le courant marxiste a proposé par ailleurs une solution au travail ménager, en passant par sa rémunération à partir d’un constat : le travail domestique ne reçoit aucun type de reconnaissance, ni sociale, ni salariale, alors qu’il est à la base de l’organisation de la société capitaliste. L’intérêt de cette perspective est qu’elle a jeté les bases théoriques de la reconnaissance du travail invisible des femmes. Comme le précise L. Toupin :

Alors que les marxistes classiques s’intéressent à la production des marchandises, les marxistes du courant du salaire contre le travail ménager s’intéressent au travail de reproduction des êtres humains, donc au travail généralement exercé par des femmes, principalement dans la famille. (Toupin, 1998 : 20)

Elena Urrutia, dans un article intitulé « La femme dans la communauté » (« La mujer en la comunidad »), présente cette option en critiquant le livre phare sur la question, de Mariarosa della Costa et de Selma James, El poder de la mujer y la subversión de la

comunidad, traduit par Isabel Vericat, en 1975. (n°3, E. Urrutia, El Nacional, 5/12/1976). Elle

émet des réticences face à ce choix car elle y voit une institutionnalisation du rôle de la

374 « La alienación más reciente y más sensible es la capitalista. Es la más fácil de combatir (los obreros captan en seguida la necesidad de luchar contra el patrón). La alienación que separa a los sexos es milenaria y profunda, tan profunda que se la ha transformado en algo natural. »

femme au foyer, le remède étant pire que le mal : « Cette demande de la part des femmes d’un salaire contre le travail domestique traditionnellement non payé porte un gros risque : cela ne ferait qu’institutionnaliser encore plus la fonction de maîtresse de maison pour les femmes376. » Elle élargit l’analyse en insistant sur le fait que ce travail est invisible parce qu’il est considéré comme naturel : « […] on considère comme naturelles ces capacités qui sont acquises et qui figent nos fonctions à vie tout comme la qualité de nos relations avec les autres377. » Emerge ici la notion de la culture comme explication des relations sociales et économiques. Au lieu de penser à un salaire pour les femmes, Elena Urrutia propose plutôt des garderies car, explique-t-elle, le problème n’est pas tant le travail domestique, mais celui du rôle de la femme dans la famille, qu’il faut « refuser » (« rechazar »). Elle exprime cette orientation radicale dans la proposition suivante :

[des] formes de lutte qui rompent immédiatement avec toute la structure du travail domestique, en refusant le rôle de maîtresses de maison et le foyer comme étant le ghetto de leur existence, puisque le problème n’est pas uniquement de cesser de faire ce travail mais bien de briser complètement le rôle de femme au foyer378.

Pour sortir de ce « ghetto », Elena Urrutia, dans un article intitulé « Para liberarse, la mujer debe participar en las reformas sociales profundamente: Noelle Monteil », reprend l’idée de la collectivisation de ce travail domestique, présentée par Noelle Monteil sur le thème suivant « la femme et le changement social » lors d’un symposium à Tijuana, B.C., « Mujer y Sociedad en América », qui s’est tenu du 31 mars au 2 avril 1978:

‘Organiser des services qui libèrent la femme mexicaine des tâches ménagères et qui lui permettent de s’insérer sur le marché du travail sans surcharge, grâce à des services communs de laveries, de réfectoires et de garderies très bon marché’379. (n°7, E. Urrutia, Unomásuno, 17/04/1978).

376 « Hay un grave riesgo en esta demanda de las mujeres por salario al trabajo doméstico tradicionalmente no pagado: que el otorgarlo no haría más que institucionalizar aún más a las mujeres como amas de casa . »

377 « […] estas capacidades adquiridas se toman como si fueran nuestra naturaleza y fijan nuestras funciones de por vida, fijando también la calidad de nuestras relaciones mutuas. »

378 « formas de lucha que rompan inmediatamente con toda la estructura del trabajo doméstico, rechazándolo absolutamente, rechazando el papel de amas de casa y el hogar como el gueto de su existencia, ya que el problema no es únicamente dejar de hacer este trabajo sino destrozar todo el papel de ama de casa. »

379 « ‘Organizar servicios que liberen a la mujer mexicana del quehacer doméstico y le permitan integrarse en la producción sin sobrecargo, por medio de lavanderías, comedores, guarderías muy económicos’. »

Le vécu de cette double journée de travail est différent selon la classe sociale et le type de travail salarié. Pour l’écrivaine Elena Poniatowska, être écrivain, selon qu’on est homme ou femme, ce n’est pas la même chose au quotidien. Lors d’une interview, elle déclare à Elena Urrutia : « je dois me démultiplier : je suis ma propre épouse, ma secrétaire, et je dois faire ce que l’on fait toutes : courir pour laisser les enfants à l’école, courir au marché, courir à la teinturerie380. » (n° 11, E. Urrutia, “De cuando se usaba que las mujeres fueran reporteras sólo de sociales: Elena Poniatowska”, unomásuno, 12/06/1978). La formulation quelque peu incongrue, « je suis mon épouse » (« soy mi esposa »), comme s’il s’agissait d’un métier, rappelle un texte écrit en 1971 par l’Américaine Judy Syfers qui décrit avec humour et malice le mariage. Paru dans la revue Ms. Magazine, il fut largement diffusé par les féministes381.

Les limites de la révolution politique

Quel modèle politique serait-il en mesure d’offrir les meilleures conditions pour la libération de la femme ? De façon subversive, Esperanza Brito, dans un article daté de 1968, approuve la garde collective des enfants selon le modèle soviétique :

Le Docteur Benjamin Spock, pédiatre de renommée mondiale, s’est rendu dans les pays soviétiques à un moment où le rideau de fer commençait à s’ouvrir. Il y allait avec tous les préjugés issus de son éducation. Sachant qu’en URSS les mères travaillent comme les pères et que les enfants sont élevés dans les garderies et les écoles, il pensait trouver des enfants sauvages, inadaptés socialement, aigris. Ce qu’il a vu était différent, il l’a écrit dans diverses publications américaines. L’enfant russe est un enfant gai, bien adapté à son milieu, sociable et doté d’une grande capacité affective. Les adultes le traitent avec bienveillance et le gâtent382. (n°40, E.Brito, Novedades, 29/02/1968).

Cependant, certains aspects positifs ne cachent pas les insuffisances d’un système où le contrôle de l’Etat empêche l’émergence de voix dissidentes et où perdurent les inégalités entre les hommes et les femmes, comme dans le Viêt-nam réunifié décrit par Margaret Randall

380 « tengo que cuadruplicarme : soy mi esposa, mi secretaria, y tengo que hacer todo lo que hacemos todas : correr a dejar a los niños a la escuela, correr al mercado, correr a la tintorería.” »

381 Judy Syfers, “I belong to that classification of people known as wives. I am A Wife”, Ms. Magazine, 1971; <http://www.cwluherstory.org/why-i-want-a-wife.html>

Elena Urrutia a traduit cet article sous le titre « Quiero una esposa », Fem, vol VIII, n°32, feb-mar 1981.

382 « El doctor Benjamín Spock, pediatra de fama mundial visitó los países soviéticos cuando la cortina de hierro empezaba a abrirse. Iba con todos los prejuicios que su educación le había formado. Sabiendo que en la URSS las madres trabajan lo mismo que los padres, y que los niños se crían en guarderías y escuelas, creyó encontraría criaturas hoscas, antisociales, inadaptadas, amargadas. Lo que vio fue diferente y así lo escribió para diversas publicaciones norteamericanas. El niño ruso es un niño alegre, bien adaptado a su medio, sociable y con gran capacidad de amar. Los adultos lo miran con benevolencia y lo miman. »

dans : El espíritu de un pueblo: Las mujeres de Vietnam ( n°13, E. Urrutia, Novedades, 12/10/1975). En URSS, même si Alexandra Kollontai accède à des postes politiques prestigieux, elle reste sous le contrôle du parti communiste, qui n’apprécie guère ses préoccupations pour la sexualité de la femme ouvrière et la « double morale sexuelle traditionnelle ». Alexandra Kollontai aspirait à la venue de la « femme nouvelle », une illusion selon Elena Urrutia : « elle a cru qu’arriverait, inévitablement, le moment où la femme serait jugée selon les mêmes critères moraux appliqués aux hommes383. » (n°27, E. Urrutia, Novedades, 10/04/1977). Elena Urrutia ne cache pas son admiration pour cette femme « extraordinaire, écrivain et brillante oratrice », connue pour ses engagements féministes384. Elle est l’une des grandes inspiratrices du courant marxiste socialiste, aux côtés de Clara Zetkin385. Marta Lamas précise la rupture d'Alexandra Kollontai, « AK » ou « la Kollontai », avec le Parti communiste et donc avec le gouvernement « qui reporte indéfiniment la résolution des questions féministes » (« que aplaza indefinidamente la resolución de las cuestiones feministas »), en adhérant à l'Opposition ouvrière. Elle porte, par ailleurs, un avis partagé sur son livre : La mujer en el desarrollo social, à la fois une œuvre « importante », un « livre extraordinaire » servi par une « pensée originale », mais aussi une œuvre non exempte de « limites et de contradictions », l’auteure étant « fonctionnaire du Parti Communiste de Russie (KPR). » (n°35, M. Lamas, El Universal, 25/07/1978).

Face au modèle chinois, Elena Urrutia (n°14, unomásuno, 28/06/1978) et Marta Lamas (n°31, El Universal, 27/06/1978), rapportent que la situation des Chinoises a bien changé en passant d’un système féodal au système communiste. La question, pour Elena Urrutia, est de savoir si la « révolution sociale a conduit à la libération de la femme », ce qu’exprime Marta Lamas , de façon enthousiaste: « Quel meilleur exemple que ce pays pour étudier à fond cette question ?386 ». La Chine de Mao a rompu avec un modèle de société féodale : « Avant la révolution, les femmes avaient une valeur vénale […] légalement elles étaient mineures […] et n’avaient pas le droit d’hériter387. » Après la Révolution, « les femmes sont considérées

383 « creyó que llegaría, inevitablemente, el momento en que la mujer sería juzgada de acuerdo con las mismas pautas morales aplicadas al hombre. »

384 « extraordinaria mujer, escritora y oradora brillante […] destacada feminista. »

385 Voir Alexandra Kollontai, Conférences sur la libération des femmes, Paris, La Brèche, 1978 (prononcées en 1921).

386 « ¿Qué mejor ejemplo que este país para estudiar a fundo esta cuestión? »

387 « Antes de la revolución las mujeres eran objetos vendibles [...] en forma legal eran menores […] no tenían derecho a heredar. »

comme des personnes, des êtres humains comme leurs camarades masculins388. » (n°31, M. Lamas, El Universal, 27/06/1978). En théorie et selon les principes dictés par Mao – que citent tour à tour Elena Urrutia et Marta Lamas – l’égalité entre les hommes et les femmes est la base de la nouvelle société chinoise : « ‘Une femme peut faire tout ce que peut faire un homme et un homme peut faire aussi tout ce que fait une femme’ », « ‘les femmes soutiennent la moitié du ciel’389. » Cependant, Elena Urrutia, moins admirative, remarque qu’en réalité subsistent de grandes disparités entre les hommes et les femmes, comme partout, les responsabilités familiales et les tâches ménagères restant à la charge des femmes. Sur le plan politique, Elena Urrutia et Marta Lamas s’accordent pour reconnaître la faible représentativité féminine : « (Au onzième Congrès du Parti, en 1977, 19% des délégués étaient des femmes et au Comité central, il n’y avait que 6% de femmes)390. » Pour Marta Lamas, ces « chiffres sur la participation des femmes au pouvoir sont décourageants391. »

Dans les pays qui ont connu la révolution et l’avènement d’un régime communiste, les inégalités persistent au détriment des femmes. Le Mexique, qui a ouvert le XXe siècle avec la première révolution sociale dans le monde, n’échappe pas à ce constat. Peu importe le régime politique, il faut dans tous les cas « modifier les structures patriarcales » de la société, selon les vœux des féministes radicales. (n°49, M.Lamas, El Universal, 31/10/1978)

Le radicalisme d’une jeune militante : Marta Lamas

Le féminisme radical de Marta Lamas, se situe dans le sillage de celui d’Elena Urrutia et s’oppose au féminisme « bourgeois » que défend Esperanza Brito. Le titre de son premier article donne le ton, direct et énergique, qui sert une attitude contestataire face au système, remis en cause: « Combattre le système / Le mouvement de libération de la femme » (« Impugnación al sistema / El movimiento de liberación de la mujer ») (n°1, M. Lamas, El

Universal, 29/11/1977). La prise de position est collective, Marta Lamas parle au nom du

groupe, « les femmes », « nous les femmes », en s’opposant au collectif « hommes », ou alors au nom du collectif « les féministes », « nous les féministes », quand il s’agit de protester, de dénoncer, de formuler des attaques ou des propositions. Dans ce premier article théorique, au

388 « las mujeres son consideradas personas, seres humanos al igual que sus camaradas masculinos. »

389 « ‘Una mujer puede hacer todo lo que puede hacer un hombre y un hombre también puede hacer todo lo que hace una mujer’ », « ‘las mujeres sostienen la mitad del cielo’. »

390 « ( En el Onceavo Congreso del Partido, en 1977, el 19 por ciento de los delegados eran mujeres y en el Comité Central había 6 por ciento de mujeres). »

ton militant et dans un style concis, elle expose sans les approfondir les points communs entres les différents courants du « nouveau féminisme ou Mouvement de Libération de la Femme », selon quatre volets présentés par ordre alphabétique:

a- Elle part du postulat selon lequel les femmes souffrent d’une oppression à caractère sexiste (« somos un grupo que sufrimos ») et que la différence biologique des sexes expliquerait les discriminations sexistes. Elle associe des comportements négatifs à des groupes humains selon une hiérarchie qui crée des discriminations, des injustices et des inégalités : « Le sexisme va de pair avec le racisme et l’esprit de classe, de la même façon qu’historiquement la race blanche et la bourgeoisie se sont crues supérieures tout comme le sexe masculin392. »

Elle précise que la discrimination sexiste va de « l’oppression psychologique » jusqu’à « l’exploitation économique », avec « la double journée de travail ».