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2. Radiographie des quotidiens et du lectorat

2.3. Les genres journalistiques : « un savoir et des savoir-faire »194

2.3.2. Les impératifs du genre

Les genres conditionnent le recueil d'informations, l'écriture ainsi que la valorisation visuelle, et sont soumis à des impératifs dans un espace balisé attendu par le lecteur où le journaliste entre en scène. Dans ce sens, c’est la figure du journaliste qui fonde une distribution des genres, entre les « les genres corporalisants, les genres caractérisants, les genres dépersonnalisants », définis par Ringoot et Rochard (2005). Nous ne retiendrons que les deux premiers dans lesquels se rangent respectivement l’interview et la critique, « genres corporalisants » et le commentaire, « genre caractérisant ».

Le commentaire dit aussi article de commentaire, par définition, « accompagne une nouvelle, un dossier, une enquête, un reportage. » (Martin-Lagardette, 2005 : 99). Toutefois, le commentaire, « complément naturel de la nouvelle » (Albert, 1989 : 38) reste valable une fois vidé de toute contingence temporelle. « Il donne une interprétation, une analyse de l’information qu’il accompagne » où « [l]e jugement personnel a tout à fait sa place. » (Martin-Lagardette, 2005 : 99). Il appartient au groupe des « genres caractérisants » où le journaliste occupe deux positions, qui oscillent entre l’objectivité et la subjectivité :

L’implication du journaliste signifiée dans le texte est une implication qui renvoie davantage à l’intellectualité. Le mouvement mis en scène dans ces textes est un mouvement du dit et du pensé (argumentation), et du ressenti (humeur, prise de position), […]. (Ringoot et Rochard, 2005 : 79).

Ajoutons, avec Violette Naville-Morin, que tout « article de fond pose un problème, donc confronte nécessairement au moins deux solutions, c’est-à-dire deux idées fondamentales […]. » (Naville-Morin, 2003 : 25). Une situation générale est accompagnée de son analyse, un problème de sa solution ou au moins d’une orientation ou d’une suggestion, ou encore d’une réponse.

Esperanza Brito reprend, dans un article intitulé « Obéissance à l’époux » (« Obediencia al esposo »), un sujet polémique qui a fait « grand bruit dans tous les médias de la capitale »197. (n°41, E. Brito, Novedades, 21/03/1968). Il s’agit de la proposition de la

sénatrice María Lavalle Urbina198 de modifier la Lettre de Melchor Ocampo199 (« Epístola de Melchor Ocampo »), datant de 1859, qui est lue lors de la cérémonie du mariage civil et qui confine la femme dans une position d’infériorité. Le problème est le contenu discriminatoire de cette lettre, face auquel deux avis s’expriment : la conserver revient à défendre la tradition, « les idées de vénération, de soumission et d’obéissance au mari » (« las ideas de veneración, sumisión y obediencia al marido »), à qui le texte confère « le courage et la force » (« el valor y la fuerza »). La modifier pour défendre l’égalité dans le couple, comme unité fusionnelle, est l’option choisie par Esperanza Brito : « Le mariage parfait est celui de deux êtres qui se sentent égaux, seule façon de parvenir à ne former qu’un200. » Elle conclut sur une note plus réaliste en souhaitant un partage de l’autorité : « Dans la famille, les deux personnes adultes […] devront intervenir avec la même autorité pour résoudre les problèmes qui touchent tous les membres de la famille […]201. »

Des événements et des faits divers, de la réalité nationale ou étrangère sont analysés d’un point de vue féministe et sont donc réécrits: « L’événement, c’est la surprise qui nous oblige à repenser », selon E. Morin (Morin, 2008). Les faits sont repris dans une perspective nouvelle :

Je prenais des événements de la vie nationale et je les commentais avec un regard féministe. Je parlais alors des concours de beauté, de leur célébration, …comme ce concours de Miss Mexique [n°11- n°28]. Le Ministre annonçait son programme de planification familiale et je le commentais, sur le plan social… Je commentais ce qui arrivait dans le pays dans une perspective féministe et parfois, mais rarement, j’essayais d’écrire un article un peu plus théorique, sur des idées, mais presque toujours je m’appuyais sur quelque chose qui s’était passé dans la société202. (Ent. M. Lamas: 2005)

198 María Lavalle Urbina, avec Alicia Arellano Tapia furent les deux premières sénatrices de la République mexicaine, élues en 1964 (Cervantes, 2003)

199 Réformateur libéral du gouvernement de Benito Juárez (1858), Melchor Ocampo participa à la rédaction des lois de la Réforme. Il ne se maria jamais avec sa compagne qu’il considérait comme sa servante, et ses filles grandirent dans un orphelinat. Sa lettre reflète la vision d’une partie de la société, pour qui la femme doit être « une colombe dans son nid et l’homme un lion prêt au combat » (« paloma para el nido y el hombre, león para el combate »). (Galeana, 2005)

200 « El matrimonio perfecto es el de dos que se sienten iguales, única manera de que puedan llegar a sentirse uno. »

201 « En la familia, las dos personas adultas […] deberán intervenir con la misma autoridad en la resolución de los problemas que a todos afectan [...].»

202 «Yo agarraba hechos de la vida nacional y sobre ellos comentaba con una mirada feminista. Entonces... hablaba de los concursos de belleza, las festividades esas, y entonces yo…va a haber este concurso de Miss México, yo escribía sobre eso. El Secretario anunciaba su plan de planificación familiar y yo comentaba sobre lo social...Yo comentaba cosas que pasaban en el país desde una perspectiva feminista, y a veces, muy pocas veces, intentaba como hacer un artículo más de pensamiento, las ideas...Casi siempre, tomaba algo que había ocurrido en la sociedad nacional. »

Dans une séquence de trois articles, Marta Lamas reprend une nouvelle, un fait divers qui relate le viol d’une jeune fille : elle en fait un compte rendu dans le premier article, « Légitime défense / Cecilia González Balderas » (n°6, M.Lamas, « En legítima defensa / Cecilia González Balderas », El Universal, 3/01/1978) et déroule son commentaire dans les deux autres, intitulés respectivement « Changement au Tribunal / Liberté pour Cecilia González Balderas » et « Cecilia González Balderas / Préjugés et Mauvaise Réputation » (n°7, M.Lamas, « Cambios en la “Procu” / La libertad de Cecilia González Balderas », El

Universal, 10/01/1978 ; n°8, M.Lamas, « Cecilia González Balderas / Prejuicios y Mala

Imagen », El Universal, 17 /01/1978). Marta Lamas recrée un suspense dans cette série de trois articles, tout d’abord en donnant un compte rendu exact des faits :

Au Mexique, des milliers de femmes sont violées et peu se défendent. Cecilia González Banderas a osé se défendre le jeudi 28 et le jeune qui s’était introduit dans son appartement par effraction et qui a essayé de la violer est mort accidentellement. Le jeune homme l’a menacée avec un couteau et elle, paralysée de peur, a cherché son pistolet avec l’intention de lui faire peur pour qu’il s’enfuie. Alors qu’elle lui demandait de s’en aller, le jeune, qui était ivre, comme il a été légalement constaté, au lieu de partir, s’est jeté sur elle en disant : « Tu ne me fais pas peur avec ton fichu pistolet, allez laisse-toi faire. » Elle a pensé viser les pieds mais il lui a dévié la main en essayant de la désarmer et il a été frappé d’une balle mortelle. Cecilia, en le voyant s’écrouler, est sortie de l’appartement pour chercher un téléphone afin d’appeler la Croix rouge. Dans la rue, elle est tombée sur une patrouille à qui elle a demandé de l’aide. Aujourd’hui le jeune homme est mort et Cécilia est sous mandat d’arrêt, elle attend la sentence203. (n°6, M. Lamas, El Universal, 3/01/1978)

L’attente est maintenue dans le second article qui révèle la sentence (n°7) tandis que le troisième article annonce un rebondissement (n°8). Les faits rapportés se sont déroulés le jeudi 28 novembre 1977, selon le premier article (n°6), ou le 27 novembre selon le troisième article (n°8). Ce qui importe, c’est susciter à nouveau l’intérêt du lecteur pour un événement passé qui devient le support d’une analyse du viol comme acte criminel, en dehors de tout repère temporel. Les faits ne sont plus d’actualité : un mois et demi s’est écoulé, mais le jugement, le commentaire le sont toujours. Le commentaire comporte, selon Pierre Albert,

203 « En México, miles de mujeres son violadas, pocas se defienden. Cecilia González Banderas lo hizo el jueves 28 y murió accidentalmente el joven que se había introducido por la fuerza a su departamento y que intentó violentarla. El muchacho la amenazó con un cuchillo y ella, presa del terror, buscó una pistola que tenía con intención de asustarlo y ahuyentarlo. Al pedirle que se fuera, el joven, que estaba ebrio, como consta en las pruebas legales, en vez de irse se le abalanzó diciendo: ‘No me asustas con tu pinche pistolita, a ver de cómo nos toca’. Ella pensó en dispararle en los pies; él le empujó la mano al intentar quitarle la pistola y recibió un tiro fatal. Cecilia, al verlo caer, salió del departamento en busca de un teléfono para llamar a la Cruz Roja. En la calle encontró una patrulla y les pidió ayuda. Hoy el muchacho está muerto y Cecilia consignada, esperando su sentencia. »

l’ » [e]nsemble des données d’un article d’actualité qui débordent le simple exposé des faits rapportés » en y incluant un jugement. P. Albert ajoute qu’ « [i]l est évidemment toujours difficile de fournir un récit factuel « objectif » sans l’accompagner d’un commentaire » (Albert, 1989 : 38). La nouvelle et le commentaire sont souvent mêlés pour « faciliter la compréhension de l’événement et de la situation. » (Albert, 1989 : 127). Ces définitions montrent l’utilisation de faits ponctuels, repris pour argumenter ici la demande d’une pénalisation plus grande du viol. Marta Lamas cherche par ailleurs à éveiller l’intérêt du lecteur sans user d’armes condamnables utilisées par la presse à sensation (« reporteros amarillistas ») dont elle dénonce l’« acharnement » (« la saña ») et la « grossièreté » (« la grosería ») envers la jeune femme, mais en reproduisant cependant leurs déclarations indécentes et obscènes :

Cécilia a dû alors faire face à l’acharnement et à la grossièreté des journalistes : ‘Avoue qu’il t’a trouvée avec un autre’, ‘Arrête de pleurer, menteuse’, ‘ Personne ne te sortira d’ici, saleté.’ Ils l’ont tirée par les cheveux et lui ont donné des coups pour la photographier204. (n°7, M. Lamas, El Universal, 10/01/1978).

Marta Lamas, indignée, leur reproche leur manque de déontologie:

Je trouve normal que si la presse publie, avec un luxe de détails et de présomptions, des informations sur un soi-disant crime, elle doit aussi publier, au même endroit, le résultat des enquêtes, plus encore si l’inculpé est innocent205. (n°7, M. Lamas, El Universal, 10/01/1978).

Mais ne tombe-t-elle pas elle-même dans ce travers quand elle décrit le viol collectif, « peu de mois auparavant », de Guadalupe, étudiante à la l’Université nationale autonome de Mexico (UNAM), et le diagnostic gynécologique qui a suivi l’agression ?

Ils l’emmènent dans un endroit désert du campus de Ciudad Universitaria et, tandis que l’un la viole, les deux autres la tripotent, l’immobilisent et ‘attendent leur tour’. [...] la jeune outragée subit un examen gynécologique (‘ déchirure de l’entrée du vagin’)206. (n°10, M. Lamas, El Universal, 31-01/78).

204 « Allí Cecilia se enfrentó con la saña y la grosería de los periodistas: ‘Confiesa que te encontró con otro’, ‘ya no llores, mosca muerta’, ‘de aquí no te saca ni Dios, maldita.’ Le jalaron el pelo y la golperaron para fotografiarla. »

205 « Considero elemental que si la prensa publica, con lujo de detalles y presunciones, un supuesto crimen, publique también, en el mismo lugar, el resultado de las averiguaciones, máxime si el inculpado resulta inocente.»

Elena Urrutia également révèle, dans un article intitulé « La victime qui est coupable » (« La víctima que es culpable »), des détails morbides, dans la description sensationnaliste du viol d’une jeune italienne qui plante également le cadre d’une réflexion sur le viol et l’avortement, deux actes condamnés socialement au détriment de la femme. Claudia Caputi, une Italienne de 18 ans, est victime d’un viol perpétré par « 16 jeunes ». La jeune fille est « à nouveau attaquée, cette fois par 4 jeunes, ceux-ci veulent qu’elle retire sa plainte ; après l’avoir violée, ils la blessent à l’arme blanche aux seins, au ventre, aux jambes et au visage207 », ce qui entraîne son hospitalisation. (n°17, E.Urrutia, El Sol de México, 5/05/1977). La presse à sensation est à nouveau la cible de deux articles, intitulés « Défense insolite / Répression sexiste à Oaxaca » et « Machisme répresseur et anticonstitutionnel », respectivement de Marta Lamas et d’Elena Urrutia, qui reprennent un cas d’homophobie publié le 26 juillet 1978, dans le quotidien El Informador de Oaxaca, et qui stigmatisent le machisme et le sexisme des autorités (n°36, Marta Lamas, « Insólita defensa / Represión sexista en Oaxaca », El Universal, 01/08/1978; n°18, E. Urrutia, « Machismo represor y anticonstitucional », unomásuno, 05/08/1978).

Elles résument les faits, une descente de police dans une fête privée homosexuelle, en soulignant le comportement inacceptable, non seulement des autorités mais aussi d’une forme de presse, la presse à sensations (« la prensa amarillista »), représentée par la revue Alarma, présente sur les lieux, qu’Esperanza Brito, avait, à son tour fortement critiquée, à cause de « son contenu en permanence obscène, violent et pornographique208 » (n°17, E. Brito,

Siempre!, 21/11/73). Marta Lamas est plus précise dans son résumé des faits, qu’Elena

Urrutia :

Dans la nuit du 22 juillet dernier, à l’Hôtel San Luis de la ville de Oaxaca, le sous-chef de la police judiciaire Mario Marín, sans aucun ordre légal, mais simplement parce qu’il avait décidé ‘qu’il était temps pour Oaxaca de projeter une image saine comme au temps passé’, a occupé la salle de réception avec des éléments de la police préventive, habillés en civil, et de nombreux photographes de la police judiciaire. En pleine nuit, exactement à 12H50, environ soixante invités ont été emmenés dans un bâtiment de la fourrière « Paradis n°1 », où ils sont restés reclus et dans l’isolement jusqu’aux premières heures de l’après-midi. Pendant toute la durée de

manosean, la sujetan y ‘esperan su turno’. […] se pratica el examen ginecológico a la ofendida (‘desgarre del borde de la entrada de la vagina’). »

207 « fue nuevamente atacada, en esta ocasión por 4 jóvenes que le exigían se negara a testimoniar y que, después de violarla una vez más, le produjeron heridas con arma blanca en los senos, el vientre, las piernas y el rostro. »

leur détention, sous la menace d’armes à feu, ils ont souffert vexations et humiliations209. (n°18, E. Urrutia, unomásuno, 05/08/1978)

D’autre part, elle donne plus de détails sur les conditions de détention, ce qui peut renforcer un sentiment d’indignation chez le lecteur :

Les 56 détenus ont été maintenus isolés dans le bâtiment d’une fourrière pratiquement ouvert aux quatre vents et sans nourriture, jusqu’au dimanche après-midi. Pendant leur détention, on les a obligés, sous la menace d’une arme, à poser pour la presse à sensation. Deux jeunes ont été obligés de poser nus pour le photographe de la revue Alarma ; on a forcé neuf autres à porter des vêtements féminins et à adopter des poses exagérées210. (n°36, M. Lamas, El Universal, 01/08/1978)

Toutefois, l’origine des photographes n’est pas la même : pour Elena Urrutia, elle est officielle, les photographes font partie du corps de police tandis que Marta Lamas fait intervenir des photographes de presse. Réécrire ce que l’on condamne ailleurs ou chez l’autre, grâce à une forme de prétérition, ne serait-il pas un stratagème pour associer, de façon efficace, le lecteur à une nouvelle lecture de l’événement ? Par ailleurs, elles stigmatisent toute forme de presse qui altère la réalité, dont elles font aussi les frais, dans cet article intitulé : « la Désinformation / Les Féministes et Miss Mexique » (« La Desinformación / Las Feministas y Miss México ») (n° 28, M. Lamas, El Universal, 06/06/1978). Marta Lamas reproche à la presse, d’avoir rendu compte d’une manifestation féministe contre le concours Miss Mexique organisée par la Coalition des Femmes féministes (Coalición de Mujeres

Feministas), de façon caricaturale, incomplète, superficielle et dénonce ces pratiques de

désinformation dont sont victimes non seulement les féministes mais aussi les lecteurs :

209 « La noche del sábado 22 de julio pasado, en un salón del Hotel San Luis de la ciudad de Oaxaca, el subjefe de la policía judicial Mario Marín, sin orden legal alguna y porque simplemente decidió “que ya era tiempo de que Oaxaca proyectara una imagen sana como en épocas pasadas”, ocupó el salón con miembros de la policía preventiva, vestidos de civil, y varios fotógrafos de la judicial. A las 12:50 de esa misma noche cerca de sesenta asistentes a la fiesta fueron llevados al corralón “Paraíso número 1” para ser recluidos ahí y permanecer incomunicados hasta las primeras horas de la tarde. Durante el tiempo de aprehensión e incomunicación los detenidos fueron sometidos con armas, sufriendo vejaciones y burlas. »

210 « Los 56 detenidos permanecieron incomunicados en un corralón casi a la intemperie y sin alimentos hasta la tarde del domingo. Durante la detención, fueron obligados, a punta de pistola, a posar para la prensa amarillista. A dos muchachos los obligaron a desnudarse para que el fotógrafo de “Alarma”, tomara placas; a nueve se les obligó a vestirse con ropas femeninas y a adoptar poses exageradas. »

De façon regrettable, la presse, à quelques exceptions près, a déformé les déclarations des féministes, causant chez les lecteurs une confusion et une incompréhension face à l’opposition des féministes211. (n°28, M. Lamas, El Universal, 06/06/1978)

Informer, c’est faire des choix, non seulement de contenu mais de forme, ce qui peut laisser une place au non-dit et à la désinformation, au détriment du lecteur. Grâce à leur position et perspective, Elena Urrutia et Marta Lamas rectifient ou corrigent certaines informations, dans une « version corrigée et augmentée » ou en révèlent d’autres, en exclusivité.

Parfois il y avait des nouvelles que le journal ne publiait pas, mais dont nous avions connaissance, nous les féministes, dans notre mouvement. Un jour par exemple une Espagnole avait été violée, moi j’ai raconté le viol de la fille, mais comme ce n’était pas bon pour le tourisme, etc etc… le journal n’a pas publié la nouvelle. Parfois c’étaient des sujets que publiait le journal, oui, mais parfois c’étaient des informations auxquelles j’avais accès parce que je faisais partie du mouvement féministe212. (Ent. M. Lamas: 2005)

Le commentaire est le lieu de l’interprétation de l’information qui le fonde ou encore une réinterprétation qui envisage avec justesse et dans toute leur complexité certains faits historiques (Martin-Lagardette, 2005 :99). Dans un entretien-commentaire, Elena Urrutia s’interroge, légitimement, sur l’adoption de deux dates consacrées à la femme (n°13, E. Urrutia, « ¿Por qué dedicar dos días a la mujer?”, El Sol de México, 17/03/1977). Elena Urrutia reprend des fragments d’un entretien avec la journaliste et femme de théâtre Maruxa Vilalta du quotidien Excélsior, à propos de la campagne lancée par ce journal qui proposa la date du 15 février comme journée nationale de la femme, rappelant ainsi l’accès au droit de vote des Mexicaines le 15 février 1953, ceci en parallèle du 8 mars, journée internationale de la femme. Des raisons politiques ont déterminé ce choix, le 8 mars étant une « date fêtée dans les pays communistes»213, selon la journaliste d’Excélsior. Cette interprétation erronée donne lieu à un commentaire d’Elena Urrutia sur l’origine de cette date du 8 mars, qui démontre qu’au Mexique, elle était tout à fait légitime et justifiée. Dans une perspective

211 « Lamentablemente la prensa, con pocas excepciones, distorsionó las declaraciones de las feministas dejando a los lectores confundidos y sin entender las razones de esta oposición. »

212 « A veces había noticias que el periódico no sacaba, pero que el movimiento feminista, sabíamos, una vez violaron a una chica española, yo contaba lo de la violación de la chica, y para el turismo no convenía, lo que implicaba tatatata... la noticia no salió publicada en el periódico, no? A veces eran cosas que sí publicaba el periódico, y a veces eran informaciones a las que yo tenía acceso por estar dentro del movimiento feminista. » 213 « una fecha celebrada en los países comunistas »

historique, internationale et nationale, Elena Urrutia apporte des informations et un résumé des faits qui, d’une part, permettent de comprendre qu’il est inopportun de créer une nouvelle