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L’offensive du développement durable dans les organisations : le choix du véhicule de livraison

PROSPECTIVE DU JEU DES ACTEURS A HORIZON

3.2 Des organisations logistiques urbaines innovantes pour relever le défi de la livraison en ville

3.2.2 L’offensive du développement durable dans les organisations : le choix du véhicule de livraison

Le développement durable, et notamment son pilier environnemental, préoccupe les acteurs de la distribution urbaine depuis la fin des années 1990.

Aujourd’hui, actionner ce levier permet à la fois aux professionnels un gain en matière d’efficacité énergétique, voire organisationnelle lorsque l’arrivée d’un nouveau mode de transport s’accompagne d’une réflexion sur l’organisation logistique dans son ensemble, et donc un gain économique. Il peut également être marketing et communicationnel auprès du public et des collectivités. Enfin, ceci permet de se conformer aux obligations réglementaires en matière de

Chapitre 3 Les stratégies et organisations logistiques des acteurs de la distribution de colis en ville : adaptation, innovation et durabilité

116 Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE). A l’avenir, si des réglementations environnementales plus strictes (péages, zone d’émission limitée, etc.) sont mises en place à l’entrée des villes, ces stratégies s’avèreront payantes également.

Depuis le début des années 2000, et plus nettement depuis 2008 par l’intermédiaire d’incitations gouvernementales (super bonus écologique reconduit en 2012 dans le « plan auto » du gouvernement), des efforts sont faits en vue d’une transition énergétique des modes de transport. Ce mouvement vers le véhicule propre ou « décarboné » n’épargne pas les acteurs de la distribution urbaine de colis. Recherches, expérimentations et renouvellement de la flotte sont les étapes de cette mutation.

Sous l’impulsion de l’Union européenne, la première norme Euro I est entrée en vigueur en 1992 (en 2014 Euro VI est entrée en vigueur). Dans un premier temps, le premier geste durable de la distribution urbaine est souvent concrétisé par un renouvellement des flottes de véhicules utilitaires légers thermiques selon les normes Euro.

Changer de motorisation est une autre possibilité. Nous avons observé l’utilisation de flottes au GNV chez différents acteurs du segment (Geodis, Vert chez vous, Speed Distribution). Toutefois, le mouvement le plus important a lieu en direction du véhicule électrique. Grandes villes et très grandes villes françaises sont le lieu de tournées électriques : Paris, Lyon, Bordeaux, Saint Etienne, Dijon, Toulouse, Rennes, Nice, Montpellier, Orléans, etc. La motorisation électrique et l’effort associé sur le design s’adaptent aux contraintes spatiales des cœurs de ville parfois historiques, toujours contraints, et de plus en plus difficiles d’accès du fait de réglementations des horaires de livraison plus sévères. L’assistance électrique permet de renouveler l’utilisation des modes doux, comme le vélo, qui, par ailleurs, marquent la distribution du dernier kilomètre des colis. Les triporteurs à assistance électrique sont utilisés par les nouveaux acteurs de la distribution de colis (the Green Link, Vert chez Vous, etc.) comme les héritiers (TNT, Fedex, etc.). Ils sont moins chers à l’achat qu’un VUL électrique et sont de très bons relais marketing. Les VUL électriques sont plus récents. Le Goupil marque le tout début de ce phénomène : en 2006 Chronopost l’utilise pour ses tournées à Toulouse. Dès 2009 Deret a résolument choisi le Modec et adapté son organisation logistique à ce nouveau véhicule électrique. La Poste a commencé les tests de véhicules électriques en 2004 et utilise des quads électriques depuis 2009. Mais 2011 marque une rupture, avec notamment l’achat de 10 000 Kangoo ZE de Renault par La Poste au sein de la grande commande de véhicules électriques menée sous l’égide du PDG du Groupe La Poste pour différentes entreprises françaises. Ce mouvement est suivi par les autres acteurs de la distribution du colis : Colizen et le Kangoo ZE, DHL et le Colibus, Chronopost et le Mooville. La co-construction des véhicules dans le secteur de la distribution de colis

117 témoigne d’un changement de paradigme. Le véhicule Mooville est par exemple une co-construction DHL-Chronopost-Dilitrans et la société Muses, le Colibus une collaboration Nexter-DHL.

Néanmoins, l’équipement en véhicules électriques ne va pas sans poser de problème en termes de coût. Certains acteurs parlent d’un surcoût de 30% à l’achat même si la durée d’utilisation et les coûts d’entretiens plus bas (freins, pneus) le compensent sur le long terme. La batterie est aussi un investissement important même si elle dure longtemps. En outre, la filière du véhicule électrique n’est pas encore suffisamment développée pour que le véhicule soit abordable et les modèles utilitaires aboutis, l’entretien sécurisé. Peu de grands constructeurs proposent des modèles vraiment opérationnels. Les petites structures qui innovent ne sont pas toujours suivies car leur pérennité est questionnée. Les acteurs évoquent également des enjeux concernant les infrastructures de recharge (faible réseau, coût de l’installation des bornes de recharge, faible standardisation des prises), la recharge (question du cycle), l’approvisionnement en énergie, la formation du conducteur et l’organisation logistique.

Les acteurs de la distribution se tournent également vers d’autres modes de transport alternatifs lourds pour effectuer l’approche des grandes villes. En 2007, Samada, filiale logistique de Monoprix, a créé un précédent en réalisant l’approche de sa distribution parisienne par le fer. Franprix utilise la Seine depuis 2012. Un exemple d’expérimentation pour faire circuler un tramway de fret est également visible à Paris. En Europe, les organisations multimodales à l’œuvre dans la distribution de colis légers en ville utilisent préférentiellement le transport fluvial et des trains légers à l’exemple des Pays-Bas. En France, Vert chez Vous a mis en œuvre en mai 2012 le premier service associant approche par voie fluviale sur la Seine et livraison finale par triporteurs électriques. Toutefois le colis, fret léger et petits volumes, ne se prête pas forcément à des approches multimodales massifiées selon les termes proposés par les premières expérimentations de Samada, Franprix ou Volkswagen.

Selon les acteurs, les stratégies en la matière sont différentes mais le mouvement touche tous les protagonistes, même les sous-traitants, quoique dans une moindre mesure. Les messagers innovants sont à la pointe quant à l’utilisation de véhicules propres et à l’expérimentation de nouvelles organisations. Il s’agit de leur ADN. C’est également un argument commercial pour attirer de nouveaux clients. Certains clients sont prêts à payer une offre verte et innovante qui colle à leur image. Citons les exemples de Sephora avec le prestataire Deret, Nespresso avec Colizen, Monoprix avec The Green Link, etc.

Chapitre 3 Les stratégies et organisations logistiques des acteurs de la distribution de colis en ville : adaptation, innovation et durabilité

118 Les héritiers, les prestataires logistiques et messagers classiques ne semblent pas en reste même si leur stratégie est moins performative. Elle doit être replacée dans le cadre de stratégies d’entreprises en matière de développement durable et de RSE plus larges. Par exemple, la stratégie Go Green de DHL comprend des engagements de réduction des émissions de CO2 qui ont aiguillonné les choix en matière de véhicule électrique pour la distribution urbaine notamment. L’innovation en matière de véhicule passe à la fois par les partenariats et contrats de sous-traitance avec les nouveaux acteurs et également par des recherches et innovations internes avec une orientation marquée vers le VUL électrique et le design urbain. Ces stratégies sont rendues possibles par les ressources financières importantes de ces entreprises.

Les autres messagers spécialisés, dont l’ADN vert est moins marqué, témoignent néanmoins d’une ouverture progressive, dans « l’air du temps ». Les conséquences en matière de communication et vis-à-vis des collectivités territoriales et des clients sont les premières espérées, en même temps que des gains environnementaux et économiques.

Les sous-traitants de plus grande taille, relativement indépendants de leurs donneurs d’ordres, et dont l’activité est diversifiée, présentent également une réflexion vers le véhicule décarboné qui tend à élever la qualité de la sous-traitance. Par exemple, Dilitrans a participé à l’élaboration du Mooville. Autour de la location d’une véhicule électrique peuvent aussi se nouer des partenariats de sous-traitance de plus grande valeur.

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