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Un contexte urbain qui induit des recompositions au sein de la messagerie

Chapitre 2. Le segment de la distribution de colis en ville : des familles d’acteurs en recomposition rapide

2.1 La distribution de colis, un segment autonome d’une messagerie en recomposition

2.1.2 Un contexte urbain qui induit des recompositions au sein de la messagerie

Les effets des enjeux macroscopiques prennent une résonance plus forte encore et sont décuplés dans la ville où les flux d’hommes et de biens et les contraintes sont concentrés.

En outre, la ville est également le lieu de mutations qui lui sont propres et qui interrogent les organisations logistiques. Les messagers évoluent dans un environnement urbain fortement contraint et dont la complexité va croissant.

Le territoire français est soumis à une urbanisation constante qui concentre les hommes dans des espaces urbains et périurbains dont la surface s’accroît. En 2010, 77,5 % de la population française vivait en zone urbaine et les villes occupaient 21,8 % du territoire, soit une progression de la superficie de l’espace urbain de 19 % en dix ans, notamment par l’intermédiaire d’une augmentation du nombre de petites unités urbaines et le rattachement de communes rurales à des aires urbaines (Insee, 2011a). L’urbanisation est associée au phénomène de métropolisation qui

49 concentre, selon des degrés divers, les hommes, les capitaux et les activités de services, industrielles et commerciales et les marchandises associées dans les espaces urbains. Urbanisation et métropolisation ont des conséquences sur les chaînes logistiques d’approvisionnement, d’amont en aval, notamment par une augmentation des mouvements de marchandises dans les zones urbaines, dont le colis prend une part importante (Cherrett T., et al., 2012 ; Weltevreden JWJ., Rotem-Mindali O., 2009 ; Rotem-Mindali O., Salomon I., 2007 ; Esser K., Kurte J., 2005). L’urbanisation des territoires s’accompagne d’une urbanisation concomitante des modes de vie et des attentes des consommateurs en matière de service. Elle est également synonyme d’un étalement des caractéristiques associées à la ville : espace rare, dense, contraint, et habité.

Si les contraintes de la livraison du dernier kilomètre exercent une pression sur le modèle économique de la livraison finale, l’organisation spatiale de la ville, la congestion s’y formant ou encore les réglementations en matière de livraison rendent plus aigu le problème du dernier kilomètre dans l’espace urbain, qu’il soit à destination des particuliers ou des professionnels (INRETS, LET, 2010 ; Gevaers R., Van de Voorde E., Vanelslander T., 2011).

Du côté du B2B, les mutations des organisations logistiques en ville sont les suivantes : phénomène de retour en centre-ville pour les distributeurs, réduction globale des stocks, flexibilité, diminution de la taille et « dépondéralisation » des envois, fractionnement des envois, réduction des délais d’acheminement, élargissement de l’éventail de produits vendus, important taux de rotation des collections et objets en vente, etc. (Dablanc L., 2011 ; Menge J., Hebes P., 2011). Celles-ci pèsent évidemment sur les prestataires de transport auprès desquels les professionnels externalisent de plus en plus leurs activités logistiques et leurs contraintes (Savy M., 2006a).

Ces éléments font du fret une activité essentielle à la croissance et à l’attractivité des villes dans la compétition qu’elles se livrent. Certains acteurs politiques locaux en ont pris conscience (Paris, Lyon, Londres). Dans le même temps, la distribution urbaine de marchandises est souvent considérée par les autorités politiques locales et les citoyens comme étant partiellement responsable de la congestion, des nuisances urbaines, de la pollution ou encore du réchauffement climatique (Macharis C., Melo S., 2011 ; Dablanc L., 2011 ; Giuliano G., O'Brien T., Dablanc L., Holliday K., 2013). Le fret urbain est alors devenu un intérêt et une préoccupation des villes françaises (Diziain D., Gardrat M., Routhier J-L., 2013 ; Lindholm M., 2013a ; Ducret R., 2014). Diverses mesures réglementaires ou de planification à l’échelle européenne, nationale ou locale mais également des projets et expérimentations ont vu le jour avec pour but de gérer la distribution urbaine de marchandises et de diminuer ses externalités négatives (Dablanc L., 2009 ; Russo F., Comi A., 2010 ;

Chapitre 2 Le segment de la distribution de colis en ville : un jeu d’acteurs en recomposition rapide

50 Dablanc L. (ed), 2011). Les tendances principales en France sont de limiter dans le temps ou d’interdire l’accès des centres-villes à certains types de véhicules de livraison selon leur poids ou type de motorisation ou encore leur surface, d’améliorer les conditions de stationnement des véhicules de livraison par une réorganisation des règles et du balisage du stationnement (Diziain D., Gardrat M., Routhier J-L., 2013 ; Ducret R., 2014) ou encore de favoriser des aménagements urbains contraignants (zone piétonne, couloirs de bus, système de transport urbain en site propre, rues à sens unique, etc.) qui sont autant de complications pour la livraison des commerces et consommateurs. Au titre des projets et expérimentations, il existe de nombreuses incitations à mutualiser les flux par l’intermédiaire des CDU ou ELP (espaces logistiques de proximité), assez prisés en France (Browne M., Allen J., Attlassy M., 2007 ; Diziain D., Gardrat M., Routhier J-L., 2013 ; Bracchi E., Durand B., 2014). En outre, l’intérêt renouvelé des acteurs locaux pour la question des marchandises en ville à travers le prisme des questions de santé publique et d’environnement pourrait se traduire dans les années à venir par des mesures restrictives, ou pour le moins incitatives, au travers de péages urbains ou encore de ZER (zone d’émission réduite) qui achèveraient de complexifier l’environnement de travail des professionnels de la distribution de colis légers. Ces mesures réglementaires pèsent sur la messagerie de colis légers en milieu urbain en interrogeant ses organisations, ses véhicules et ses pratiques de la ville, de même qu’elles l’obligent à se recomposer pour protéger et améliorer son efficience et sa productivité économiques.

L’expression « last-mile issue » ou problème du dernier kilomètre résument les enjeux auxquels fait face la livraison urbaine. Des chercheurs parlent même du problème du dernier mètre ou hectomètre. Gevaers et al. définissent le chaînon final de la livraison comme « the final leg in a

business-to-consumer delivery service whereby the consignment is delivered to the recipient, either at the recipient’s home or at a collection point » (Gevaers R., Van de Voorde E., Vanelslander T., 2011,

57). Cette définition, circonscrite au B2C, peut être élargie au B2B, dont nous avons vu le rapprochement avec le segment des particuliers, quoique les enjeux du dernier kilomètre pèsent moins fortement sur ce segment.

Les enjeux du dernier kilomètre consistent en un coût important et une faible efficience organisationnelle, économique et environnementale (Gevaers R., Van de Voorde E., Vanelslander T., 2011). De nombreuses estimations de coût sont proposées dans la littérature, avec parfois des écarts importants selon les maillons de la chaîne considérés et l’objet transporté. Pour Savy, le coût du colis ou d’un petit objet distribué sur le dernier kilomètre représente 20% du coût total du last-mile et plus de 50% du coût de la chaîne logistique du colis de porte à porte (Savy M., 2014). Selon Gevears et al., il représente entre 13% et 75% du coût total de la supply chain (Gevaers R., Van de Voorde E.,

51 Vanelslander T., 2011, 60). L’OCDE estime que le dernier kilomètre compte pour environ 50% du coût total du transport (OCDE, 2003), tandis que le PIPAME estimait en 2009 la livraison du dernier kilomètre à 20% du coût total de la chaîne (PIPAME, 2009b). Les échecs de livraison (10 à 20% des livraisons), les re-livraisons ou instances associées, le taux de remplissage des véhicules de livraison, la faible massification des flux du dernier kilomètre, le type de VUL utilisés, l’allongement du dernier kilomètre, la répartition des points de livraison, les contraintes de l’espace géographique, etc. sont autant d’explications au coût élevé du last mile (Patier D., Alligier L., Bossin P., Perdrix A., 2002 ; Gevaers R., Van de Voorde E., Vanelslander T., 2011).

Face à cet enjeu, les prestataires de la livraison du dernier kilomètre doivent optimiser et améliorer leurs organisations et penser des services adaptables à l’environnement de travail contraint (Macário R., Rodrigues M., Gama A., 2011 ; Maes J., Vanelslander T., 2012 ; Gevaers R., Van de Voorde E., Vanelslander T., 2011).

2.1.3 La création d’un segment spécifique de la messagerie autour du colis et de la

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