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Les contraintes et atouts des fortes densités urbaines pour la distribution

Préambule aux chapitres 5 et

Chapitre 5. Quand l’organisation spatiale du territoire influence la distribution urbaine

5.1 La répartition des hommes et des activités sur le territoire, facteur de productivité de la livraison urbaine

5.1.1 Les contraintes et atouts des fortes densités urbaines pour la distribution

Le phénomène de métropolisation, qui tend à une concentration, à des degrés divers, des hommes et des activités dans les pôles urbains de toutes tailles, a des conséquences multiples sur la distribution urbaine, positives comme négatives, directes et indirectes.

La densité est le nombre de points de distribution72 (entreprises ou particuliers) pour une surface donnée. Elle définit le nombre de mouvements (livraisons ou enlèvements) réalisés par un livreur au cours de sa tournée et la productivité (nombre de livraisons par tournée ou par km, etc.).

S’agissant de la relation densité de points à livrer et mouvements de marchandises, nous savons que les zones de plus forte densité humaine et d’activité sont synonymes de volumes plus élevés et de plus nombreux mouvements de marchandises (Dablanc L., 1998 ; Routhier JL., Dufour JG., Patier D., 2006). Conformément aux mouvements de métropolisation, les villes sont le lieu privilégié de concentration des commerces et d’activités industrielles et commerciales, c’est

72 Point de distribution (PDI) : critère utilisé par La Poste pour désigner un arrêt du facteur pour distribuer le

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148 pourquoi s’y concentrent également de nombreux mouvements de marchandises (Rodrigue J.P., Dablanc L., 2013). La taille de la ville (Routhier JL., 2002) et son degré de métropolisation font varier la proportion des constantes. Les figures 19 et 20 expriment cette relation pour cinq villes de notre panel pour lesquelles les données nous ont été fournies.

Figure 19- Relation entre densité d’établissements d’une ville et mouvements de marchandises

Source : entretiens 2013 et données INSEE

Figure 20- Relation entre densité de population d’une ville et mouvements de marchandises

149 La densité pèse sur l’organisation de la distribution. Elle détermine le nombre de tournées de distribution, l’organisation des tournées, le type de véhicule et, finalement, la productivité. Une forte densité de points de distribution est au premier abord synonyme de forte productivité pour des tournées bien chargées et moins longues. Toutefois, une forte densité de points peut également être contraignante en agissant sur la vitesse de circulation des véhicules par l’intermédiaire du nombre, de la fréquence et de la durée des stops pour livraison ou enlèvement. Une forte densité de points peut se traduire par un grand nombre de points de remise (PRE)73 sur un même point de distribution (PDI), ce qui est relativement productif. Il peut s’agir également d’un grand nombre de points à desservir le long d’un tronçon de voie. La densité peut être alors synonyme d’arrêts fréquents du véhicule de livraison accompagné d’un temps de remise plus ou moins long selon qu’il s’agisse d’une remise en main propre, en boîte ou d’un avisé ; d’un professionnel ou d’un particulier. Ces éléments peuvent diminuer la vitesse des tournées et donc leur productivité.

A Avignon, un professionnel interrogé nous indique livrer en moyenne douze clients à l’heure en zone industrielle, dense d’un point de vue client mais peu contrainte du point de vue structurelle (destinataire bien identifié, plusieurs remises sur un même point, parking aisé), contre en moyenne six clients à l’heure en centre-ville74. La densité de points y est importante, mais les points de remise sont indépendants, ce qui augmente le nombre de stops. En outre, le réseau viaire est étroit et rend l’arrêt moins aisé ; le bâti, fragile et protégé, est quelque fois difficile d’accès et la réglementation horaire dans la zone piétonne rend la circulation chaotique.

La contrainte de densité peut s’accompagner d’une contrainte fonctionnelle dans des zones spécialisées comme des zones de restaurants (Place de la Comédie ou Antigone à Montpellier), bars (Petit Bayonne) ou encore des quartiers d’affaires (Part Dieu à Lyon) en raison de la nature des objets à distribuer (encombrants, périssables, objets variés) qui nécessite des moyens de manutention spécifiques (diable, tire-palette, etc.), voire plusieurs allers-retours, etc.

Dans le même temps, densité et urbanisation peuvent peser sur la productivité des axes de transport et l’accessibilité des territoires, en favorisant des zones de congestion aux abords des zones d’habitat denses ou dans les zones d’emplois ou mixtes denses. Elles agissent indirectement sur la

73 Point de remise (PRE) : critère défini par La Poste comme l’endroit où le facteur remet le courrier ou le colis

dans une boîte ou en main propre, il est matérialisé le plus souvent par la présence d’une boîte aux lettres. Pour un même point de distribution (PDI) (voir définition page 147), il peut exister plusieurs points de remise (PRE). Par exemple un immeuble = 1 PDI = 1 ou plusieurs PRE.

Chapitre 5. Quand l’organisation spatiale du territoire influence la distribution urbaine

150 productivité des activités de TMV qui empruntent les mêmes axes que les déplacements domicile- travail des navetteurs ou les déplacements d’achat.

L’urbanisation fait également peser une menace sur l’implantation des activités logistiques dont la cohabitation avec des zones d’habitat est souvent remise en question.

Si, du point de vue des transporteurs urbains, la densité est tantôt un atout, tantôt une contrainte, les gestionnaires de réseaux de point-relais ou de consignes automatiques cherchent des implantations qui maximisent les densités d’emplois ou d’habitat, le flux de colis (Morganti E., et al, 2013). Toutefois une densité trop importante peut fragiliser le relais en risquant la saturation du stock.

Les centres-villes sont exemplaires de la contrainte que fait peser la densité sur la distribution urbaine de manière directe et indirecte. Les centres des villes concentrent hommes, activités et flux, c’est-à-dire des points de distribution desservis plus ou moins fréquemment, par un ou plusieurs opérateurs et pour un ou plusieurs colis. Les villes dotées du logiciel Freturb peuvent ainsi constater le nombre de mouvements de marchandises lié à la concentration des activités dans l’espace restreint du centre-ville (historique/touristique/commerçant) et à la nature des entreprises implantées dans cette zone, pourvoyeuses de livraisons ou enlèvements (DRAST, LET, 2000 ; Routhier JL., 2002 ; LET, 2005).

La contrainte de densité de points de distribution est renforcée par le fait que les centres villes sont les espaces privilégiés de la réglementation du fret urbain par les collectivités, gestion qui peut faciliter ou entraver la distribution.

Ces zones sont alors le lieu de concurrences entre professionnels du transport (et d’autres activités urbains) pour la voirie et les aires de livraison. La concurrence peut également mettre aux prises véhicules particuliers et utilitaires pour se garer, notamment dans les quartiers mixtes résidentiels et d’activité où les aires de livraison sont souvent occupées illégalement. A ce titre, dans les villes de notre panel d’étude, les professionnels trouvent en majorité qu’il est plus dur de se garer que de circuler.

Enfin, du point de vue de l’organisation spatiale, en France, il n’est pas rare que les centres-villes soient localisés dans des sites contraints et souvent hérités de l’histoire (boucle du Doubs à Besançon, Presqu’île à Lyon, centre historique entouré de remparts à Avignon, etc.) qui impliquent plus ou moins de difficultés liées au réseau viaire et au bâti.

151 Les conséquences de la forte densité sur l’organisation de la distribution sont multiples et les stratégies d’adaptation des professionnels de la distribution urbaine de plusieurs ordres. Si à Lille, le volume plus important de colis à destination de la ville et la plus forte densité de points à livrer conditionnent la mise en place de plusieurs tournées « ville » dédiées et découpées selon les rues, à Lens, qui est une petite ville, il n’y a pas de tournées dédiés pour le centre-ville car le nombre de points de distribution n’est pas suffisamment élevé et dense. L’unique tournée dédiée dessert donc à la fois la ville et les villages contigus de l’agglomération, pour parvenir à une densité de points de distribution, et donc une productivité, suffisante75. En effet, et comme nous allons le voir plus loin, la faible densité est également un enjeu d’organisation.

A La Part Dieu, quartier des affaires de Lyon, très dense en nombre de points de remise et points de distribution, certains professionnels indiquent devoir diviser les tournées « trop lourdes », de même dans la Presqu’île ou encore dans l’Ecusson à Montpellier. Cette division s’accompagne d’une diminution de la taille des véhicules.

Dans le même temps, pour pouvoir réaliser les livraisons d’une zone dense dans les limites réglementaires d’une journée de travail (7 heures), la tendance est à une réduction de la taille d’emport des véhicules de distribution.

Lorsque la densité urbaine est vécue comme une contrainte, les transporteurs peuvent faire appel à des sous-traitants. A Tours par exemple, un expressiste indique proposer six tournées en ville dont une tournée d’hypercentre sous-traitée à Veologistic, qui réalise une tournée en triporteur depuis une plate-forme de centre-ville76. Cette pratique permet au donneur d’ordres d’externaliser les coûts liés à la congestion, à la réglementation et, plus globalement, la difficulté de livrer en zone urbaine dense. En outre, les coûts de fonctionnement du sous-traitant sont moindres (le véhicule étant son principal et parfois seul coût fixe avec les salaires). Malgré la sous-traitance, le différentiel de coût reste en faveur du donneur d’ordres qui remédie ainsi à une insuffisance ou fragilité de son appareil de production.

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