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L’interprétation jurisprudentielle des auteurs progressistes

Chapitre 2 : Théorie de la critique de la charte

2.2 Prémisses conceptuelles et analytiques de la théorie

2.2.2 L’interprétation constitutionnelle et jurisprudentielle

2.2.2.2 L’interprétation jurisprudentielle des auteurs progressistes

L’interprétation jurisprudentielle des auteurs progressistes est présentée d’une part par l’entremise de l’analyse qu’ils font concernant les juges, la révision judiciaire et l’activisme judiciaire et, d’autre part, par l’entremise de l’analyse qu’ils font de jugements phares.

Les juges, la révision judiciaire et l’activisme judiciaire

Dans l’ordre légal prévu au sein du constitutionnalisme libéral « madisonnien » (Chevrier, 2009) le pouvoir judiciaire jouit d’un rôle intrinsèquement politique. En effet, Hutchinson soutient d’une part que la pratique adjudicative « is inescapably political and non- objective » et, d’autre part, qu’activiste ou non, « the judges are involved in an inevitably and thoroughly political endeavour » (2004 : 269 ; 273). La cour ne peut rendre des jugements chartistes sans questionner la sagesse législative d’une politique publique en tant que telle, puisque « [r]ights issues, by their nature, concern the allocation of political entitlements in a society » (Petter, [1986] 2010: 55). Ainsi, la question raisonnable à se demander lorsque dans une « constitutional democracy » (lire « madisonnienne ») n’est pas si la Cour a agi politiquement, mais, plutôt, si son « political choice » – c’est-à-dire, le jugement quelle émet à un moment donné –, lui, épaule la démocratie (Hutchinson, 2004 : 281).

Les auteurs progressistes qui discutent de la judiciarisation du politique au Canada se donnent comme devoir en tant qu’intellectuels engagés, d’être bienveillant envers la masse de citoyens ordinaires que sont les Canadiens. Notamment, parce que ceux-ci auraient été utilisés dans la grande saga des réformes constitutionnelles de 1982. Par exemple, on prétend que les juges « are granted an elevated status in determining policy outcomes at the expense of ‘We the People’, laypersons who make up the vast majority of the populace » (Hirschl, 2004: 187). Identiquement, Lebel-Grenier soutient que les juges ne sont pas représentatifs « des réalités sociales auxquelles ils disent vouloir répondre et les abordent souvent avec une certaine incompréhension mêlée de bonne foi » (1999 : 37). En effet, la magistrature du pays, en ce qui

concerne son statut social et son niveau d’éducation supérieure, se retrouve à des lieux de la majorité des Canadiens. Ironiquement, cette même magistrature est appelée, depuis 1982, à adopter le « rôle d’arbitre social, un rôle qui devrait revenir au pouvoir législatif en vertu de la théorie de la séparation des pouvoirs » (Lebel-Grenier, 1999 : 36).

Face à ce constat sociologique, les théoriciens progressistes pensent qu’il est légitime de se demander si la magistrature a la capacité – institutionnellement parlant55 – de discerner les

besoins réels des Canadiens, et ce, lorsqu’elle est confrontée à des causes légales ayant des ramifications complexes envers une ou des politiques publiques, notamment celles relatives à la distribution de la richesse56. Par exemple, des causes où s’opposent d’un bord et de l’autre des

intérêts divergents ayant des visées contradictoires et induisant des impacts sociaux différents, notamment quant au maintien ou non d’une ou de plusieurs politiques essentielles au tissu social canadien. Lorsque c’est le cas, les juges doivent jauger de politiques publiques dont ils ne connaissent ni les tenants, ni les aboutissants.

À ce titre, Hutchinson affirme que l’objectif avoué des juges devrait être celui de faire avancer la justice sociale en étant progressistes (2004 : 282). Mackay abonde dans le même sens, car, dit-il, « [w]hat is needed is flexible and progressive Canadian judges who can fashion a unique Canadian jurisprudence around the words of the Charter » (1985: 329). Ainsi, ces auteurs suggèrent que les juges fassent preuve de diligence, tout particulièrement lorsqu’ils sont amenés à trancher dans des causes légales comprenant une ou des politiques publiques (Hutchinson, 2004 : 271). Les juges devraient respecter la séparation des pouvoirs classique envisagée par Montesquieu telle qu’interprétée par le constitutionnalisme britannique (Lebel- Grenier 1999 : 36); ne serait-ce parce que le pouvoir judiciaire ne doit point s’ingérer plus qu’il ne le faut dans les prérogatives constitutionnelles appartenant aux autres branches du pouvoir (Hutchinson, 2004 : 271).

À ce titre, selon Mandel, la légitimité de la révision judiciaire repose sur la légitimité des juges en tant que telle (2000 : 444). Sur ce point Mandel est plutôt pessimiste notamment en ce qui concerne le contenu de la Charte, puisqu’il y note que « [l]a plupart de ses dispositions formulent de vagues idéaux sans fournir toutefois la moindre instruction sur la manière de les satisfaires concrètement » (1996 : 70). Pareillement, en spécifiant que les lois du pouvoir

55 Le mot « institution » est utilisé ici dans son acception juridique qui renvoie à l’organisation administrative en tant

que telle, c’est-à-dire une structure hiérarchique composée d’individus et d’établissements. À ce titre, la majorité des auteurs du débat de ce mémoire sont d’accord que l’institution qu’est le pouvoir judiciaire n’a ni les effectifs, ni les ressources nécessaires pour évaluer convenablement certaines politiques publiques.

56 Chiffre à l’appui, Hirschl fait la démonstration que l’enchâssement de la Charte n’a pas été concluant dans le

domaine de la répartition de la richesse, c’est-à-dire en ce qui concerne les inégalités économiques : « In 2000, eighteen years after the adoption of the Charter, the richest onefifth of the Canadian population received 44.5 percent of all income (compared with 41.7 percent in 1981, one year prior the the adoption of the Charter), while the poorest one-fifth of the populace got only 4.5 percent (no real change since 1981) » (2004 : 157).

judiciaire sont ses lois et non les nôtres, l’auteur contemple avec un brin de mépris le fait que les juges n’ont pas de compte à rendre à quiconque, ce qui « enlève tout caractère démocratique » à cette institution (Mandel, 1996 : 73). Même réalité pour les institutions parlementaires, dit-il – ainsi que pour les autres institutions démocratiques (tels que les conseils municipaux, les syndicats, etc.) –, car elles « sont désormais exclues de l’avant-scène et ce sont maintenant des juges, que personne n’a jamais élu […] qui leur dictent ce qu’elles peuvent faire ou non » (Mandel, 1996 : 17). Par conséquent, il conclut que « nous sommes plus près de la primauté des

juges que de la primauté du droit » (Mandel, 1996 : 73). La dynamique ayant cours entre le

libéralisme classique et le pouvoir judiciaire canadien étant dévoilée, les auteurs progressistes contemplent avec anxiété l’activisme judiciaire grandissant et tributaire des réformes constitutionnelles de 1982. Hirschl nous révèle que les réformes constitutionnelles de 1982 ont bel et bien mis en place les conditions propices pour voir apparaitre au Canada une « revolution » (2004 : 19) dans la pratique du contrôle judiciaire de la constitutionnalité des lois (Bernatchez, 2000). En effet, « the Constitution Act marked a departure from a generally deferential, British-style mode of restrained judicial review by Canadian courts in the pre- Charter era » (Hirschl, 2004: 19).

Pour mieux en saisir l’ampleur, Hirschl a procédé à une évaluation quantitative des jugements émis dans les vingt premières années suivant l’enchâssement de la Charte dans la Constitution. Durant cette période, l’auteur conclut que 20 pour cent (440 causes sur 2195) des décisions rendues par la Cour suprême du Canada concernaient la Charte (Hirschl, 2004 : 19). De plus, allongeant la période d’étude, Hirschl soutient que depuis 1987 « the proportion of Charter cases has never fallen below 21 percent and represents an average 26 percent of all décisions » (2004 : 19). Enfin, sur les 440 jugements concernant des articles de la Charte, entre 1982 et 2002, 71 d’entre eux ont donné lieu à l’invalidation constitutionnelle d’une loi ; ce qui fait dire à Hirschl que « [t]he overall record of a 16 percent rate of statute nullification (71 of 440 Charter cases) contrasts sharply with the Court’s previously restrained exercise of judicial review under the 1960 Bill of Rights » (2004 : 20). En effet, sous l’égide de la Déclaration canadienne des droits (1960 à 1982), seul 1 jugement fut l’objet d’une invalidation constitutionnelle (Hirschl, 2004 : 20). Toujours selon cet auteur, trois facteurs institutionnels au sein du pouvoir judiciaire poussent les juges à adopter un comportement activiste: (1) depuis 1975, les juges ont un pouvoir davantage discrétionnaire dans la sélection des causes qu’ils entendent ; (2) le modèle judiciaire canadien est décentralisé, permettant à toutes les instances judiciaires – peu importe le palier pyramidal dans lequel elles se trouvent – de déclarer une loi inconstitutionnelle ; (3) dans les deux dernières décennies – soit de 1984 à 2004 – la Cour « has begun to liberalize the rules of standing (locus standi) and to expand intervener […] status » (Hirschl, 2004 : 21-20). Enfin, Hirschl (2004) soutient que malgré une tradition politique

antérieure de suprématie parlementaire et de restreinte judiciaire, le Canada s’est rapproché, depuis l’enchâssement de la Charte, au modèle américain de la judiciarisation du politique (21). « In many respects, Canada has in fact surpassed the United States in terms of deference to the judiciary » (Hirschl, 2004: 21).

Devant ces critiques acérées, la Cour suprême cherche à se justifier ; cette attitude en elle-même est nouvelle. En effet, la tradition veut que l’indépendance judiciaire s’exprime notamment par le fait que les juges n’ont pas à se justifier publiquement. Pourtant, les juges canadiens sentent aujourd’hui le besoin de procéder à la démonstration voulant que la révision judiciaire au Canada soit un fait historique et louable de surcroît. À titre d’exemple classique, le pouvoir judiciaire fait référence aux jugements d’invalidité constitutionnelle prononcés tout au long de l’histoire du Canada par le Comité judiciaire du conseil privé (CJCP). Bien qu’il soit juste de dire que le CJCP invalidait des lois – tout comme la Cour suprême entre 1949 et 1982 – , Petter ([1986] 2010) considère qu’il s’agit d’une comparaison boiteuse puisque la révision judiciaire préchartiste concernait la répartition des pouvoirs juridictionnels dans la fédération, c’est-à-dire qu’elle était « a means of allocating powers within a system dedicated to majoritarian democracy » (55). La revue chartiste est à l’opposé, dit-il, parce que « predicated upon a counter-majoritarian principle » (Petter, [1986] 2010: 55).

Pour terminer cette partie, notons les propos de Mackay (1985), selon lesquels les juges ne doivent pas s’adonner à une révision judiciaire substantielle. L’auteur soutient qu’il soit préférable que ce soit les législateurs qui s’occupent de l’aspect substantiel lors de la formulation et de l’application d’une loi, puisque « Canadians have traditionnally preferred that the elected legislators make policy decisions about substantive fairness within a procedural framework set by the courts » (Mackay, 1985 : 296)57. Mackay met en lumière dix raisons pour

appuyer son raisonnement, à savoir : (1) que le pouvoir judiciaire est une institution conservatrice ; (2) qu’une révision judiciaire substantielle conduit inévitablement à une trop forte politisation du pouvoir judiciaire ; (3) que la Cour manque d’expertise dans le domaine des politiques publiques ; (4) que le pouvoir législatif est plus accessible aux citoyens que la Cour ; (5) que les législateurs peuvent utiliser la clause dérogatoire ; (6) que les juges n’ont pas un rôle moral58 ; (7) que d’autres moyens moins drastiques qu’une révision judiciaire substantielle

existent ; (8) que cela risque d’induire une homogénéisation du droit dans l’ensemble de la fédération et, ainsi, un renforcement du fédéral comme acteur prépondérant dans la vie politique

57 Il est possible de douter aujourd’hui, de cette affirmation faite en 1985. En effet, Howe et Fletcher (2002) ont

conduient une recherche portant sur l’opinion publique des Canadiens vis-à-vis la Charte qui démontre que ceux-ci appuient fortement les changements induit par les réformes constitutionnelles de 1982.

58 Ici, notons que Mackay fait route à part avec Hutchinson, Lebel-Grenier et Petter, selon lesquels les juges doivent

des Canadiens ; (9) que les juges devraient intervenir que dans les cas extrêmes59 ; et,

finalement, (10) que la première partie de l’article 7 (« life, liberty and security of the person ») peut être interprétée substantiellement, sans toutefois que la deuxième partie de l’article (« fundamental justice ») le soit (Mackay, 1985 : 296-300). Enfin, l’auteur prescrit que la révision judiciaire devrait être conduite sur la base de droits communautaires ce qui, selon lui, constitue les fondements même du Canada ; contrairement aux États-Unis où le droit « is based upon a philosophy of individual rights » (Mackay, 1985 : 335).

Les jugements

Les décisions judiciaires qui font référence à la Charte sont la plupart du temps empreintes de jugements de valeur arbitraires (Petter, 2003). Par conséquent, la Cour suprême du Canada rend souvent des jugements déplorables à la fois pour le maintien du tissu social canadien ainsi que pour la culture politique du pays. Mandel (1996, 2000) illustre des cas qui selon lui sont patents de cette réalité où la Cour suprême a erré dans son interprétation constitutionnelle, notamment en regard des droits fondamentaux. Par exemple, lorsque le pouvoir judiciaire interprète la « liberté d’expression » inscrite à l’article 2(b) de la Charte comme donnant libre cours à la propagation publique de propos haineux (dans R. c. Zundel [1992]), ou, encore, en considérant que la publicité relative aux compagnies de tabac constitue une liberté d’expression (dans RJR-Macdonald c. Canada [1995]) (Mandel, 2000 : 447-48). Pareillement, lorsque le pouvoir judiciaire interprète la « liberté de religion » inscrite à l’article 2(a) de la Charte de manière à ce qu’elle suggère l’obligation « to do business seven days a week » (dans R c. Big M Drug Mart Ltd [1985]) (Mandel, 2000 : 448).

Selon les théoriciens progressistes, le mérite donné à la Cour suprême du Canada pour avoir amélioré, entre autres, la justice procédurale dans le cas du droit criminel, la condition féminine ou la condition des homosexuels (dans M. c. H [1992]; Vriend c. Alberta [1998]60;

Egan c. Canada [1995]) est, dans son ensemble, plus ou moins fécond. En effet, disent-ils, les

bandits à cravate et les racistes tirent avantage des avancées effectuées en terme de droit procédural (Mandel, 2000 : 448). Également, les avancées sociales effectuées pour les femmes ne proviennent pas exactement de la Cour, mais plutôt d’une lutte politique gagnée à long terme et « trench by trench » (Mandel, 2000 : 448). Enfin, en termes de droits pour les homosexuels, l’attitude de la Cour suprême n’était guère qu’un « attempt to scramble atop a

59 L’auteur fait référence ici à deux exemples de cas extrêmes où les juges sont intervenus pour protéger les droits

fondamentaux des Canadiens et ce, avant 1982. Il s’agit des cas du Crédit social albertain et de l’Union nationale au Québec (Mackay, 1985 : 300). Dans le premier cas, le gouvernement albertain, dans les années 1930, avait tenté de réduire la liberté d’expression de la presse. Dans le deuxième cas, le gouvernement québécois avait tenté de limiter la liberté de religion des Témoins de Jéhovah. Comme quoi les droits fondamentaux, contrairement aux idées reçues, étaient bel et bien protégés avant l’avènement de la Charte.

60 Pour Lebel-Grenier, le jugement rendu dans cette cause « marque la transgression de la barrière derrière laquelle la

cour se rabattait pour prétendre au respect de la séparation des pouvoirs » (1999 : 36). À cet égard, les théoriciens conservateurs sont d’accord, car, pour eux, se jugement est issue d’un activisme judiciaire inacceptable.

legislative bandwagon that had almost passed it by » (Mandel, 2000 : 448). En écho à ces observations, Lebel-Grenier (1999) soutient que dans bon nombre de jugements les juges ont, à vrai dire, été à l’encontre des valeurs sous-jacentes à l’esprit de la Charte. Par exemple, ceux-ci ont avalisé « la négation de la protection du droit de grève » et promus « la reconnaissance de droits extensifs protégeant les accusés au détriment des victimes d’actes criminels (en matière de viol par exemple) » (Lebel-Grenier, 1999 : 37). Devant la quantité de jugements gagnés par des intérêts privés corporatistes versus le nombre de jugements perdus par des intérêts publics d’ordres syndicalistes, Hutchinson et Petter remarquent que « while ‘private’ corporate teams get a chance to score on every Charter shot, ‘public’ union teams have trouble even getting onto the ice » (1988 : 92). Ainsi, ces auteurs concluent, relativement aux droits énoncés dans la Loi constitutionnelle de 1982 et de l’interprétation qui en est faite par le pouvoir judiciaire, que la

Charte – qui s’appuie sur une fausse distinction public-privé (Hutchinson et Petter, 1988) – ne

permet pas une égalité des chances, mais plutôt une égalité devant l’action de l’État ; le moins vous possédez, et le moins vous pouvez effectivement exercer des droits (Hutchinson et Petter, 1988 : 90-91)61.

À l’égard de ces exemples – tout particulièrement là où la Cour suprême aurait émis des jugements conservateurs – Mandel tient des propos parfois acérés en spécifiant par exemple, en ce qui concerne les droits sociaux inclus dans la Charte, que « their insertion into the constitutional project was […] obviously part of a strategy by Right-wing governements and sell-out Left-wing governments to legitimate their very concrete destruction of the public sphere » (2000 : 451). Cela explique entre autres, aux yeux d’Hirschl, que la jurisprudence de la Cour suprême depuis 1982 « reveals a clear tendency to adopt a narrow conception of rights, emphasizing uninhibited Lockean individualism and the dyadic and antistatist aspects of constitutional rights » (2004 : 146). Toujours sur ces propos, Hirschl (2004) affirme que l’unique domaine où des jugements peuvent être considérés comme étant de nature progressive et donc porteurs de progrès social, c’est dans le droit des homosexuels et des femmes puisqu’il s’agit de droits qui s’insèrent dans la sphère privée, où on garantit la protection d’un citoyen contre l’État. Petter concourt à cette interprétation en spécifiant que les groupes désavantagés les plus à même de gagner en Cour suprême sont les criminels et les homosexuels, « [y]et even in these areas, courts have sometimes been reluctant to disrupt government policies, and the

Charter record has been mixed » (2010 : 238). Pour conclure, Hirschl avance l’idée selon

laquelle la Cour suprême saura faire acte de progressisme – avec la prémisse d’enrayer les injustices et les inégalités sociales – que dans des cas litigieux « where it is congruent with the

61 C’est pouquoi, pensent-ils, qu’il faut remplacer le libéralisme « with a substantive vision of social justice that is

capable of responding to the vast inequalities of economic and political power that liberalism and its disciples permit and, throught their theoretical intransigence, condone » (Hutchinson et Petter, 1988 : 93).

prevailing conceptualization of rights as protecting and expanding the boundaries of the private sphere » (2004 : 148).

Enfin, pour faire l’illustration que l’activisme judiciaire est empreint d’un manque de cohérence – si effectivement on considère, tout comme les auteurs de la critique de la Charte, que l’activisme judiciaire est basé non pas sur une approche de légalisme libéral (objectivité judiciaire, procédures institutionnelles strictes et respect de la jurisprudence), mais bien sur une approche basée sur des jugements de valeur utilisant des critères arbitraires et idiosyncrasiques – Petter ([2005] 2010) identifie quelques exemples de jugements qui sont selon celui contradictoires. À titre d’exemple, l’auteur explique que parfois les juges protègent les plus faibles (Irwin Toy Ltd. c. Québec [1989]), alors que parfois non (RJR-Macdonald c. Canada [1995]). Que parfois les juges défèrent au pouvoir judiciaire par manque de connaissance sur une question d’ordre social (R. c. Sharpe [2001]), alors que parfois non (Thomson Newspaper

Co. c. Canada [1998]). Que parfois les juges affirment que le droit à l’égalité inscrit à l’article

15(1)62 de la Charte est fait pour aider les plus désavantagés (R. c. Turpin [1989]), alors que

parfois non (Law c. Canada [1999]). Que parfois les juges sont prêts à faire du « reading in » afin de rajouter textuellement des bénéfices dans une législation (Nova scotia c. Martin [2003]), alors que parfois non (Schachter c. Canada [1992]). Que parfois les juges estiment que la protection d’un individu ou d’un groupe, prévue par une législation quelconque, n’a pas lieu d’être (Dunmore c. Ontario [2001]), alors que parfois oui (Newfoundland [Treasury Board] c.

Newfoundland [2004]). Enfin, que parfois les juges invoquent la Charte pour modifier le

Common law (S.D.G.M.R., section locale 558 c. Pepsi-Cola Canada Beverages [West] Ltd. [2002]), alors que parfois non (Hill c. Church of Scientology of Toronto [1995]) (Petter, [2005] 2010: 175).

Pour terminer, notons que les idées incluent dans l’article 7 de la Charte tels que « ‘liberty’, ‘security’, and ‘fundamental justice’ are contested concepts whose content has been the ongoing preoccupation of political debate » (Petter [1986] 2010: 72). Ainsi, les juges ne peuvent tout simplement pas prétendre interpréter ces concepts objectivement, puisque ceux-ci sont à l’origine de débats raisonnables ayant cours entre des personnes raisonnables (Morton et Knopff, 2000 : 25)63.

62 L’article 15(1) prévoit ce qui suit : « La loi ne fait acception de personne et s’applique également à tous, et tous ont

droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l’âge ou les déficiences mentales ou physiques ».