• Aucun résultat trouvé

2.2 L’Internet des objets : un laboratoire de nouveaux usages du territoire

Nous vivons au milieu des années 2010 un tournant important de l’histoire de l’Internet, que marque en ce moment-même la croissance exponentielle des applications dites IOT (Internet of things)83 : « l’Internet des objets ». Les démonstrations qui ont été faites devant nos yeux dans les laboratoires du troisième opérateur téléphonique français84 nous permettent d’imaginer la force des impacts de ces nouveaux outils sur le territoire habité. Ils nous semblent en pleine puissance de bouleverser notre connaissance, notre perception du territoire, notre compréhension des évènements, des situations proches ou éloignées de nous mais dont nous sommes parties prenantes, nous invitant à remettre en question nos pratiques, notre façon d’être, d’agir et interagir dans l’espace habité.

La figure 9 montre quelques exemples de ce qu’on appelle un objet connecté : il peut s’agir d’un véhicule, d’un vêtement, d’un article électro-ménager, d’une barrière de sécurité, d’une lampe, d’un circuit électrique, d’un animal, d’un emplacement de parking… Chacun est équipé :

- d’une source d’énergie (batterie, cellule photo-voltaïque)

- d’un capteur (qui relève une température ou le débit d’un fluide ou un volume ou un choc ou un degré d’ensoleillement ou le déplacement d’un objet dans un périmètre donné ou la localisation d’un matériel ou l’humidité d’une surface ou la force d’un vent ou la présence / l’absence / le poids d’un objet dans un lieu déterminé…)

- d’une puce GPS (pour préciser la localisation ou le mouvement d’un objet). Cette puce n’est pas obligatoire. La technologie des antennes Lora ou SigFox permet d’éviter l’utilisation (et le coût) de ce type de composant électronique)

L’objet va transmettre à un terminal (un smartphone ou un serveur de données par exemple) l’information relevée. Cet échange d’information se fera à distance par réseau WiFi ou GSM si l’objet est muni d’une carte SIM. Ainsi, sans aucune connexion filaire, un capteur posé sur la barrière de sécurité d’une autoroute est capable de « ressentir » un choc et adresser aussitôt un message d’alerte au centre de secours.

Appliqué à la relation de l’habitant au territoire, l’Internet des objets nous invite à imaginer toutes sortes d’applications pouvant à la fois répondre aux besoins :

- du citoyen : traçabilité d’un objet ou d’une personne en déplacement, analyse de présence, information en temps réel sur l’état d’une voie de circulation, sur celui du trafic automobile, détection d’une intrusion, d’une fumée, gestion de la consommation

83

Selon l’étude « Internet of Things : Mapping the Value Behind the Hype » que le Cabinet Mac Kinsey a publiée en juin 2015, près de 6 millions d’objets sont connectés chaque jour à Internet en 2016. Il seraient un milliard en 2020

84

d’un médicament (alerte remontant au centre de soin pouvant dépêcher un intervenant)…

- de l’entreprise : suivi logistique, localisation d’un colis, d’un véhicule de livraison, gestion de la flotte automobile (durée, nature, moment du déplacement, diagnostic d’un véhicule…) et de l’empreinte environnementale des activités de l’entreprise, - de la collectivité locale : détection d’un incendie, de la pollution de l’air, du niveau

d’enneigement, d’une inondation, d’une sècheresse excessive, de l’encombrement d’une voie, de l’état d’un éclairage public, d’un accident de voiture, d’une anormale consommation d’eau, de gaz ou d’électricité, du besoin de maintenance d’un équipement d’infrastructure…

Figure 9 : Exemples de quelques objets connectés remontant leurs informations au Cloud (source : Wikipedia)

Beaucoup de ces applications sont encore à développer par des éditeurs qui accepteront de prendre le risque commercial de les écrire sans avoir l’assurance formelle d’un « marché » suffisant pour rentabiliser un tel investissement. Ces éditeurs devraient pouvoir trouver en la personne publique un partenaire, un co-financeur : il serait incongru que l’élu local ne soit pas partie prenante de cette aventure visant à dessiner fonctionnellement le territoire de demain. Qui d’autre mieux que lui aurait davantage de légitimité pour exprimer, porter, défendre la vision de l’évolution de notre espace de vie ?

L’internet des objets n’est plus œuvre de science-fiction mais un ensemble d’outils déjà existants permettant des usages du territoire qui ne sont pas tous encore imaginés. Ces outils

ont la vertu essentielle aux yeux des pouvoirs publics locaux de valoriser et développer une dimension cognitive du territoire administré qu’il est aujourd’hui indispensable de maîtriser : son capital informationnel. Nous voyons à cela au moins trois raisons :

- l’IOT apporte une réponse au besoin de savoir et comprendre les évènements que « vit » le territoire au travers les interactions de l’habitant avec son environnement naturel et artificiel, au besoin de prévenir des risques d’anomalies ou d’accident qui en découlent, au besoin de piloter aussi finement que possible les paramètres qui décrivent le territoire à un instant précis (météorologie, densité de population en un lieu, état d’un équipement public) susceptibles de commander la nécessité d’investir dans une infrastructure. Il s’agit en ce premier cas d’aider l’élu à piloter la complexité du territoire que les TIC permettent de modéliser (au prix parfois d’une simplification excessive qui va altérer la réalité des faits restitués),

- l’IOT permet de défendre le territoire dans un environnement de compétitivité régionale, nationale et parfois internationale. L’accès à une information localisée (que permet l’investissement dans une infrastructure télécom GSM ou réseau bas débit d’antennes), ouvrant l’horizon des connaissances à disposition des entreprises (pour développer de nouveaux services et marchés) peut aider à appeler et attirer de nouveaux employeurs. Il s’agit en ce deuxième cas de faciliter à l’élu la mise en valeur économique du patrimoine territorial,

- l’IOT offre aux habitants, chaque jour mieux équipés (baisse des coûts domestiques des TIC, équipement généralisés des écoles et collèges poussant les foyers à de nouvelles dépenses nécessaires à la techno-éducation des enfants) et plus exigeants (la gratuité et l’impact des médias, la publicité font savoir et naître des besoins d’objets, de services et de connexion à Internet) une couverture informationnelle du territoire vécu toujours plus fiable, et plus dense. Il s’agit en ce troisième cas du développement des aménités numériques qui vont séduire l’habitant et l’inciter à demeurer plus longtemps sur le territoire, à y consommer davantage de services et ressources (à proximité du domicile pour favoriser le maintien d’une offre marchande locale)… Mais il est nombre d’obstacles à affronter. En premier point sans doute celui du coût. Si l’investissement de l’infrastructure numérique nécessaire à l’essor de l’Internet des objets est laissé aux seuls opérateurs privés, il est alors évident qu’une nouvelle fracture va se dessiner sur le territoire, fracture qui pourrait être fatale au mandat de l’élu s’il ne parvenait pas à l’anticiper et la réduire. Un autre obstacle est celui de la capacité qu’il saura démontrer à construire et partager une vision prospective du territoire connecté alors que le visage de ce territoire de demain est à peine esquissé :

- tant pour ce qui est des services et fonctionnalités qui en feront les traits, aujourd’hui majoritairement encore à inventer,

- que pour ce qui concerne les attentes très partiellement exprimées des habitants et entreprises déjà présents sur le territoire ou susceptible de s’y trouver dans les années à venir

Dernier obstacle qui est plutôt aujourd’hui une inconnue : quelle sera l’adhésion des habitants à ce projet ? Combien de temps durera-t-elle ? Jusqu’où sont-ils prêts à voir mobiliser les fonds publics (le produit de leurs impôts) pour des chantiers d’infrastructure et de développement de nouveaux services dont les avantages pourraient ne pas être perçus avant quelques années ? C’est sur ce point délicat de l’appropriation de la démarche par les habitants que l’équipe municipale de Parthenay s’est trompée et s’est vue refuser un nouveau mandat.

2.3 - Le territoire augmenté offre l’aspect d’un prestataire de services