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L’impact de l’environnement financier sur le pass-through

Transmission des décisions de politique monétaire

B) L’impact de l’environnement financier sur le pass-through

Toutefois, le renforcement de l’intégration des différents compartiments des capitaux aux Etats-Unis et dans la zone euro a aussi des incidences majeures sur les activités des établissements bancaires. En effet, avec le renforcement de l’intégration financière, ces deux espaces monétaires se sont dotés d’un vaste marché obligataire profond et liquide, ce qui permet aux établissements de crédit d’accroître leur levier financier. Grâce notamment à la taille conséquente du marché obligataire, les activités de transfert de risque et les émissions de titres de créance se sont largement développées.

D’ailleurs, en l’espace d’une décennie, les établissements bancaires font partie des plus grands émetteurs de titres de créance sur les marchés des capitaux. Leurs activités d’émission ne cessent de progresser depuis les années 2000. Comme le montre le tableau ci-dessous, l’essentiel des émissions au cours de la période 2000-2006 est assuré par les établissements de crédit comparativement aux sociétés non financières qui occupent de plus en plus une position marginale, dépassant à peine les 5% dans la zone euro.

190 OCDE (2009a), op. cit.

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Tableau 34: Emissions obligataires des résidents de la zone euro (milliards d’euros)

Sources: BCE, AMF192

La situation est similaire aux Etats-Unis avec des émissions des sociétés non financières qui dépassent rarement les 15% sur un marché obligataire estimé aux alentours de

21500 dollars en fin 2006193. Avec cette présence massive des institutions bancaires, il est fort

probable que la distribution de crédits soit sensible aux conditions du marché obligataire. Il apparaît de plus en plus que les banques modulent leur portefeuille de prêts en tenant compte des conditions du marché monétaire surtout pour les emprunts à long terme comme notamment les crédits à l’habitat.

Aux Etats-Unis comme dans la zone euro, la dette immobilière est de loin le premier

poste des engagements financiers des ménages. Elle est estimée en 2008 par la BCE (2009)194

à 75,9% de l’endettement total des ménages américains et de 63,6% pour ceux de la zone euro. Or, cette dette est essentiellement financée par des ressources longues obtenues via le marché obligataire.

Par conséquent, les taux pratiqués sur le marché obligataire peuvent être considérés comme les principaux taux de référence pour les emprunts immobiliers. Dès lors, les banquiers centraux peuvent-ils ignorer le marché obligataire dans leur prise de décisions ? De même, peut-on se contenter d’analyser la qualité du pass-through en excluant les taux obligataires ? La réponse est évidemment négative.

192 AMF, «Quelles sont les tendances de l’offre et de la demande d’obligations dans la zone euro et aux Etats-Unis ? », Lettre Economique et Financière, hiver 2006, p. 6-12.

193 AMF (2006), op. cit., p. 6.

194

BCE (2009b), op. cit., p. 75.

Années Emissions brutes Totales SNF 2001 2002 2003 2004 2005 2006 1619,9 1640,1 1897,9 1939,6 2069,0 2150,0 137,5 80,1 115,4 97,2 89,0 92,0

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revient à admettre en autre que la transmission des décisions de politique monétaire passe aussi par les taux obligataires. D’ailleurs Mishkin (1996) est du même avis. L’auteur considère que le canal des taux d’intérêt opère exclusivement à travers les taux longs. Il critique la pertinence des analyses du pass-through fondées sur les taux courts. Pour lui, les décisions d’investissements sont gouvernées par l’évolution des taux longs et non des taux courts.

Alors que pendant longtemps, la présentation la plus répandue du canal des taux d’intérêt confère aux taux courts un rôle déterminant sur les décisions des entreprises et des particuliers, Mishkin considère au contraire que les actes d’investissements dépendent très largement des taux longs.

1. Mouvements des taux du marché et réactivité des agents privés

Classiquement, le canal des taux d’intérêt s’opère via trois effets bien distincts à savoir: les effets de revenus, les effets de substitution et les effets de richesse. L’ampleur de ces trois effets dépend en grande partie de la sensibilité de la structure bilancielle des agents privés aux chocs monétaires. D’ailleurs, on juge de l’efficacité, en partie, de la politique monétaire en s’appuyant sur ces trois effets. Selon certains éléments théoriques et empiriques relatifs à la transmission des décisions monétaires, le lien entre sphère monétaire et sphère réelle passe par ces trois effets. Toutefois, il convient de reconnaître qu’il est très difficile de réunir dans une économie l’ensemble de ces trois effets en même temps.

En général, certaines économies sont plus marquées par l’un au moins de ces trois effets. Cette disparité est liée à plusieurs facteurs structurels comme notamment le niveau d’exposition du bilan des agents privés. En cas d’exposition plus forte du bilan des agents économiques aux marchés financiers, il est fort probable que les effets de richesse soient plus intenses. D’ailleurs, l’approfondissement des marchés des capitaux est considéré souvent comme un puissant vecteur d’amplification des effets de richesse. Toutefois, comment se comportent les effets de revenu en cas de progression des effets de richesse. Les effets de revenu suivent-ils le mouvement inverse ? En effet, il est courant dans la littérature d’opposer les effets de richesse et les effets de revenu.

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On considère souvent que les économies orientées marchés sont plus sensibles aux effets de richesse contrairement aux économies orientées banques. En tout cas, il possible que certains effets se trouvent affaiblis par rapport à d’autres, ce qui a un impact sur les délais du

pass-through.

a) Les effets-revenu

Parmi ces trois effets, l’analyse des effets-revenu permet de mieux appréhender la vulnérabilité actuelle des ménages. D’ailleurs, la configuration du bilan des ménages dans les pays industrialisés dénote que les ménages sont devenus très sensibles aux mouvements des taux d’intérêt en raison notamment de la hausse de leurs engagements financiers. C’est le cas notamment dans la zone euro même si l’impact d’une remontée des taux est relativement moins élevé en raison notamment de la structure de la dette des agents privés qui s’endettent majoritairement à taux fixe.

D’ailleurs, une étude de l’OFCE d’avril 2006195 fait valoir qu’une remontée des taux

d’intérêt augmente d’une manière très conséquente la fragilité des ménages. En se basant uniquement sur le niveau d’endettement des agents privés de 2004 qui est de l’ordre de 157% du PIB aux Etats-Unis et de 114% dans la zone euro, l’OCDE estime qu’il suffit d’une hausse d’un point de base des taux officiels pour alourdir davantage les charges financières des emprunteurs. Avec une hausse permanente d’un point des taux directeurs, les charges financières vont augmenter de 2,2 points du PIB par an aux Etats-Unis et de 1,9 point dans la zone euro.

La diffusion de cette hausse sera d’ailleurs plus rapide aux Etats-Unis en raison notamment de la structure de la dette (dominée par l’endettement à taux variables). Cette étude évalue le surcoût supporté par les agents débiteurs américains à 40% dès la première

année. Une étude récente, avril 2009, de la BCE196 conforte les tests effectués par l’OCDE en

montrant que les charges du service de la dette des ménages européens et américains se sont déplacées entre 2000 et 2008 à des niveaux très élevés, accréditant la thèse de la fragilité financière de ces agents.

195 Le Bayon, C., Reynès, F., Rifflart, C. et X. Timbeau, «Flux d’intérêts et risques de taux», Revue de l’OFCE,

№ 97, avril 2006.

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2000 et 2008 de 12% du revenu disponible brut à plus de 14%. De même, sur la même période, la zone euro a aussi connu une progression relativement forte du service de la dette passant de 9,80% à presque 12%.

b) Les effets de substitution

Outre les effets de revenu, les mouvements des taux d’intérêt peuvent aussi avoir un impact sur le portefeuille d’actifs des ménages. Et pourtant, cette problématique semble très peu présente dans la littérature théorique et empirique actuelle, alors qu’avec la financiarisation croissance des économies, les effets de substitution auraient pu susciter un réel intérêt en raison notamment de leur impact sur les comportements de détention d’actifs. D’ailleurs, les marchés des capitaux ont progressé parallèlement à l’expansion du bilan des agents privés.

La taille de leur portefeuille d’actifs a considérablement augmenté. Et donc, les agents privés, exposés aux chocs monétaires, sont amenés à ajuster la taille et la composition de leur portefeuille d’actifs. Généralement, ils délaissent certains types d’actifs au profit d’autres afin de limiter leurs pertes. Ces réallocations de portefeuille peuvent prendre une ampleur considérable si plusieurs marchés sont affectés.

Vu la diversité des placements financiers des agents privés, notamment, des ménages et des établissements financiers, il est fort probable que les ajustements de portefeuille vont avoir des répercussions beaucoup plus larges. Toutefois, si cette position semble pertinente, elle dépend aussi entre autre du degré de substituabilité entre les différents actifs présents dans le portefeuille des agents privés.

D’ailleurs le débat sur la substituabilité entre les actifs a fait l’objet d’une vive controverse entre monétaristes et keynésiens. Si ces derniers trouvent que la substituabilité entre les actifs financiers est parfaite, ils rejettent toute possibilité de substitution entre actifs financiers et actifs réels. Par contre, les monétaristes vont élargir le champ des actifs substituables en incorporant les actifs réels. Pour eux, les actifs monétaires, financiers et même réels sont substituables. Si cette position semble plutôt radicale, il n’en demeure pas moins que certains types d’actifs réels comme notamment les actifs immobiliers sont traités comme des produits financiers.