• Aucun résultat trouvé

L’évolution du système financier

Transmission des décisions de politique monétaire

A) La difficulté d’appréhender la problématique du pass-through

2. L’évolution du système financier

Comme dans la plupart des économies, le paysage financier a subi de profondes modifications tant du côté du nombre des intervenants que de celui des produits commercialisés. L’ensemble de ces changements ont induit des transformations importantes sur la taille et la structure du système financier. Toutefois, il semble que ces évolutions ont facilité l’intégration et l’approfondissement des marchés des capitaux. L’extension des marchés des capitaux en s’accompagnant d’un fort mouvement d’intégration a permis, selon

plusieurs études de l’OCDE dont la plus récente remonte à janvier 2009187, de consolider les

interrelations entre les différents acteurs du marché.

Les interdépendances entre les différents compartiments du marché financier mais également entre les établissements financiers se sont renforcées au cours de ces dernières années. Si cette dynamique est plus marquée au cours de cette dernière décennie dans la zone euro, il apparaît selon les arguments de Sellon (2002) que le mouvement d’intégration des marchés des capitaux s’est amorcé beaucoup plus tôt aux Etats-Unis grâce notamment à plusieurs séries de réformes.

a) Le cas du système financier américain

En retraçant les grandes étapes de l’approfondissement des marchés des capitaux aux Etats-Unis, surtout dans le domaine du crédit hypothécaire, Sellon (2002) a révélé comment cette évolution a modifie le pass-through. Pour Sellon, la transmission des décisions monétaires dépend largement des établissements de crédit et du paysage financier. Or, au cours de ces dernières décennies, l’environnement financier a connu une profonde mutation. Ces changements se résument par un seul terme : déréglementation financière.

En effet, la déréglementation financière a commencé très tôt aux Etats-Unis au cours des années soixante-dix et elle s’est traduite par le démantèlement progressif des mesures protectrices héritées de la Grande Dépression. En effet, jusqu’au début des années quatre-vingt, la rémunération des dépôts bancaires était plafonnée. Ce plafonnement, imposé par le Congrès par le vote du « Glass-Streagall Act » en 1933, visait au départ à protéger le système bancaire.

187 OCDE (2009a), «Le secteur financier: intégration, innovation et transmission de la politique monétaire », in OCDE (dir), Etudes Economiques de l’OCDE: zone euro, volume 2009/1, janvier, p. 57-88.

193

entraîner des dérives si les différents établissements bancaires se mettaient à proposer des taux très élevés afin d’attirer le maximum d’épargnants. Or, pour les autorités publiques, cette concurrence va inévitablement tirer les rendements proposés par le système bancaire vers le haut, entraînant plus de prise de risques, ce qui peut déstabiliser le système bancaire.

En effet, la protection du système bancaire est considérée par les autorités américaines comme une priorité suite aux enseignements tirés de la Grande Dépression. Toutefois, si les banques étaient pénalisées par cette réglementation, les autres établissements financiers de types mutualistes étaient plutôt libres pour fixer leurs taux d’intérêt créditeurs. Cette différence de traitement ne posait aucun problème en raison notamment du cadre institutionnel de l’époque, marqué par la segmentation des différentes activités financières et bancaires. Il a fallu attendre le milieu des années 1980 pour voir disparaître le plafonnement des taux d’intérêt créditeurs.

Ce déplafonnement est le fruit d’un long processus pendant lequel les banques ont fait preuve de beaucoup d’imaginations en créant des produits financiers (comme notamment le

Negociable Orders of Withdrawal et le Automatic Transfer Service pour les petites épargnants

et Repurchase Agreement pour les grands déposants) qui leur permettaient de contourner la loi

de 1933, plus connue sous le nom de la réglementation Q. Avec la loi de 1980188, les banques

américaines peuvent désormais lutter à armes égales avec les autres établissements financiers. Avant cette réforme, les banques de détail perdaient des clients en cas de relèvement des taux de marché du fait que les épargnants retiraient leurs fonds pour les déposer dans les autres institutions financières qui alignaient leurs rémunérations sur la hausse. Les banques étaient doublement pénalisées d’une part, par le départ de leurs épargnants et, d’autre part, par les sorties de capitaux qui limitaient leurs capacités d’octroyer des crédits.

Parmi les différents compartiments du marché du crédit, les crédits à l’habitat étaient les plus affectés par la hausse des taux. En corrigeant ces incidences sur le marché du crédit, le législateur a aussi éliminé en 1994 la concurrence déloyale qu’entraînait la fragmentation géographique. C’est la loi Riegle-Neal-Interstate Banking and Branching Efficiency Act, votée en 1994 qui a mis fin à l’interdiction d’implantation dans plusieurs Etats, imposée par le Glass-Streagall Act dès 1933.

188 Le «Depository Institutions Deregulation and Monetary Control Act » stipule que le plafonnement des taux d’intérêt créditeur doit prendre fin à partir d’avril 1986. Dès 1980, il autorise le paiement d’intérêt sur les dépôts à vue.

194

En effet, le marché hypothécaire américain n’était pas aussi intégré, ce qui faussait la concurrence entre les différents établissements financiers. Du fait des spécificités régionales, les établissements financiers, installés dans un Etat, avaient des difficultés à commercialiser leurs produits dans les autres Etats. Les banques étaient obligées de réadapter leurs produits par rapport aux normes en vigueur dans chaque Etat. Dans le même sillage, le législateur a supprimé l’ensemble des barrières, pouvant limiter la concurrence entre les établissements de crédit et aussi entre les banques et les autres institutions financières. Ces changements ont induit progressivement une harmonisation beaucoup plus large des pratiques bancaires.

b) Le cas du système financier de la zone euro

Si tous les pays membres ont connu une modification conséquente de leur système financier, il est important de souligner que l’intégration financière de la zone euro constitue en soi une innovation majeure avec notamment l’introduction de la monnaie unique. En effet, l’intégration financière a complètement bouleversé la structure financière des pays membres du fait que la plupart des économies de cet espace monétaire ont modifié leur cadre institutionnel afin de répondre aux exigences d’harmonisation des pratiques bancaires en termes de vente ou d’acquisition de produits financiers. Ces changements ont touché l’ensemble des compartiments du marché financier.

Pour préparer la mise en circulation de la monnaie commune, des progrès conséquents sont réalisés en l’espace d’une décennie afin de faciliter la libre prestation transfrontalière des services financiers. Déjà, dès 2001, plusieurs recommandations ont été formulées à travers le processus de Lamfalussy, composé de plusieurs comités techniques, afin d’accélérer l’harmonisation des pratiques bancaires dans la zone euro. Ainsi progressivement, la plupart des Etats ont adopté dans leur cadre législatif les recommandations issues du dispositif Lamfalussy. Ces recommandations ont progressivement bouleversé la structure et la taille du paysage financier de la zone euro. Avec l’élimination des obstacles sur les prestations de services financiers, la taille des institutions financières a fortement augmenté (2,5 fois le PIB

de la zone euro189). Cette croissance est alimentée en partie par la levée de nombreux

obstacles, entravant l’activité des établissements financiers. Désormais, quelle que soit leur localisation géographique, les institutions financières sont soumises aux mêmes règles, ce qui facilite les activités transfrontalières.

189

195

marchés des capitaux, il apparaît que sur le marché monétaire à court terme, la fragmentation

géographique a complètement disparu. Les résultats des études empiriques récentes190

confirment que l’intégration financière de la zone euro est sur une bonne dynamique même si certains compartiments du marché sont nettement plus en avance que d’autres. Contrairement aux marchés du crédit hypothécaire, marqués jusqu’à présent par de nombreuses disparités entre pays membres, le marché monétaire a court terme est aujourd’hui entièrement intégré comme le montrent la plupart des estimations empiriques (OCDE, 2009).

« Le marché monétaire a court terme de la zone euro est en fait un marché unique

depuis l’introduction de l’euro, l’écart type entre les pays pour les taux de prêts interbancaires non garantis étant tombé de plus de 100 points de base au milieu de 1998 à un niveau proche de zéro entre le début de 1999 et le milieu de 2007191 ».