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Ajustement à la baisse du portefeuille d’actifs

Section II - Ajustement à la baisse du bilan des banques et niveau des fonds propres

B) Ajustement à la baisse du portefeuille d’actifs

Si, l’érosion du capital bancaire est un facteur aggravant dans la transmission des chocs au reste de l’économie via une baisse très importante de l’offre de financements intermédiés, elle oblige aussi les banques à réduire la taille globale de leur portefeuille d’actifs afin d’améliorer la qualité de leur bilan. Les conséquences de cette stratégie, absentes dans la plupart des modèles macroéconomiques relatifs au canal du capital bancaire, ont aussi des répercussions considérables sur le financement de l’économie.

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Choulet et Quignon (2010) de même que Meh et Moran (2008) ont complètement minimisé voire ignoré l’impact sur le marché du crédit de ce qui peut être considéré comme de la vente forcée de titres par les établissements bancaires. Si Meh et Moran ont fait le choix d’utiliser un autre cadre conceptuel différent des modèles de choix de portefeuille, Choulet et Quignon quant à eux concluent que les établissements bancaires visent à augmenter systématiquement la taille de leur portefeuille d’actifs afin de pouvoir maintenir leur taux du ROE conforme aux exigences du marché.

« Les exigences du marché en matière de rentabilité contraignent, toutefois, la banque

à détenir un portefeuille global de taille plus conséquente, ce qui, à niveau de fonds propres donné, élève l’effet levier139 ».

Cette position qui est d’ailleurs un des principaux enseignements de leur modèle, s’inscrit dans le débat actuel sur les effets vicieux que pourraient comporter un renforcement trop important des exigences en fonds propres. D’ailleurs, nous pouvons lire les mêmes arguments chez les auteurs qu’ils ont précités comme notamment Kim et Santomero (1988), Rochet (1992) et Blum (1999).

Tous ces auteurs soulignent que le resserrement de la contrainte en capital peut avoir des effets non désirables, contraires aux objectifs visés par le régulateur. Si cet argument semble bénéficier d’un large consensus au sein de la communauté académique, pour preuve le débat récurrent sur le caractère procyclique des régimes prudentiels, il reste, bien entendu, à clarifier les motivations des banques à opter pour une augmentation de la taille de leur portefeuille d’actifs plutôt qu’à une réduction massive.

La pertinence des arguments de ces auteurs sur la taille du portefeuille d’actifs des banques nous laisse en tout cas perplexe eu égard aux observations tirées lors des épisodes de crises bancaires. S’il est vrai, comme le soutiennent Choulet et Quignon que le renforcement des contraintes réglementaires induit une réallocation des placements des banques à destination des investissements les moins risqués, les actifs risqués, présents dans leur portefeuille les obligent à passer des provisions colossales, grevant davantage leur rentabilité financière.

139 Choulet, C. et Quignon, L., «Régulation prudentielle: les enjeux d’une réforme», Direction des Etudes Economiques, Conjoncture BNP Paribas, janvier, 2010, p. 5.

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Pour conserver le même taux de rentabilité, l’accroissement de la part des actifs les moins risqués, bien que nécessaire, doit aussi s’accompagner d’une réduction conséquente des placements risqués. Toutefois, cette vision semble négliger les coûts de la dépréciation des actifs dans le bilan des banques. La récente crise financière (datée à partir d’août 2007) offre des indications claires sur les choix stratégiques des banques pour réduire les exigences en capitaux propres.

Pour circonscrire la dégradation de leur bilan, les établissements bancaires ont cherché à réduire la taille de leur portefeuille de titres en vendant à la fois des actifs de bonne signature, liquides, mais également des actifs risqués. La vente des actifs liquides, dictée par l’urgence leur permettent de trouver des ressources immédiatement disponibles pour faire face à leurs engagements. Par contre, la cession d’actifs les plus risqués permet aux banques de réaliser quelques économies substantielles de fonds propres.

1. Amplification de la spirale de baisse du capital bancaire

Confrontées à de fortes dépréciations de leurs portefeuilles d’activités, les banques

ont fait le choix de réduire d’une manière conséquente la taille de leur bilan. Cette stratégie opérée depuis le début de la crise bancaire en fin 2007, s’est poursuivie jusqu’au milieu de l’année 2009. Cette décision, contraire aux thèses de Choulet et Quignon, est une réaction tout à faite courante lors des épisodes de tensions financières. S’il est difficile de réaliser des plus-values sur des actifs mal notés, la cession d’actifs vise à réduire la consommation de fonds propres et aussi à atténuer le cycle de baisse des valeurs bancaires.

Une chute très importante des valeurs bancaires augmente la fragilité du bilan des banques, rendant plus difficile les conditions de refinancement sur les marchés des capitaux. Comme le montre le tableau ci-dessous, l’ampleur des pertes subies par les banques n’a fait qu’amplifier le mouvement de vente forcée, accentuant la baisse du portefeuille d’actifs des banques.

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Tableau 28: Perte de capitalisation boursière des banques (juin 2007-mars 2009)

Source: OFCE140№110, juillet 2009, p.184

En subissant une forte dévalorisation, les banques sont ainsi amenées à durcir davantage les conditions d’accès aux financements intermédiés, restreignant ainsi les investissements productifs. Le fléchissement du financement bancaire risque de perdurer tant que le climat de défiance sur les valeurs bancaires se maintienne à un niveau élevé. L’orientation à la baisse risque même d’alimenter des inquiétudes sur la solidité financière des établissements bancaires.

Conclusion

Au terme de cette deuxième section, il apparaît que le canal du capital bancaire donne une dimension amplificatrice des canaux traditionnels de la politique monétaire. Avec la contrainte sur le capital bancaire, les conditions d’octroi de prêts peuvent se durcir davantage lors des épisodes de crise financière. Confrontés à des chocs défavorables, les établissements de crédit doivent répondre aux exigences réglementaires dans un moment où il semble très difficile de lever des fonds sur les marchés des capitaux. Cette difficulté de refinancement les contraint à effectuer des opérations de réaménagement de leur bilan, se traduisant dans la plupart des cas par une baisse conséquente de leur offre de crédits mais également par une réduction de la taille de leur portefeuille d’actifs. Ces réajustements à la baisse de la taille de leurs portefeuilles d’activités ont pour principal but de limiter les pertes tout en préservant leur rentabilité financière.

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M. Plane et G. Pujals, «Les banques dans la crise», Revue de l’OFCE, № 110, 2009/3, p. 179-219.

Perte de capitalisation Monde Zone euro Etats-Unis En milliards En % du PIB 4735 2111 1097 8,7 12,5 7,9

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exigences du marché en termes de rentabilité constituent une contrainte supplémentaire qui va dans le sens de l’accélération du processus d’ajustement du bilan des banques. Ce qui conduit au moins à deux effets sur le marché du crédit. D’une part, la prudence excessive des investisseurs y compris des banques assèche le marché de la dette corporate, entraînant ainsi une baisse importante du financement intermédié. D’une part, pour réaliser des économies de fonds propres, les banques réduisent la production et la distribution de nouveaux crédits.

Conclusion du chapitre

Le caractère procyclique des exigences prudentielles, mis en avant par de nombreuses études théoriques et empiriques, apporte une dimension amplificatrice dans la propagation des chocs. Comme nous l’avons rappelé dans la première section, la perception des banques à l’égard du risque et leur comportement à son égard sont de nature à accentuer l’offre de crédits en phase ascendante du cycle de l’activité. Borio et Zhu (2008) ont présenté à travers le canal de la prise de risque que les banques ont tendance à assouplir les conditions d’accès au financement bancaire lorsque l’aversion au risque est faible, accentuant les effets des décisions de politique monétaire sur l’économie.

En effet, comme l’ont souligné ces deux auteurs, les effets de la baisse des taux directeurs induisent plus d’opérations de transfert de risque dans le bilan des banques. Ainsi grâce au niveau très faible de la perception du risque, les banques arrivent à transférer plus facilement les risques sur leur portefeuille de prêts vers les autres investisseurs en quête de rendement plus élevé.

La multiplication de ces opérations de transfert de risque encouragée par la politique monétaire accommodante, donne accès aux banques à des ressources supplémentaires pour distribuer davantage de prêts à des conditions très avantageuses. Par contre, en cas de retournement de la conjoncture, le durcissement des conditions de financement risque d’être amplifié par les besoins en fonds propres. Comme le notent Meh et Moran (2008), l’érosion du capital bancaire en fragilisant la santé financière des établissements de crédit influe sur la propagation des chocs, entraînant une hausse du coût de la liquidité.

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