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Section II – Innovations financières et renforcement du canal du crédit bancaire

B) Les activités de titrisation

La titrisation a pris une dimension particulière au cours de ces dernières années dans la plupart des pays industrialisés. Certes, les mécanismes de transfert de risque de crédit ont toujours existé comme notamment les prêts consortiaux. Ces prêts permettent de mieux répartir le risque de crédit entre les prêteurs. Ils obéissent aux mêmes mécanismes de transfert de risque dans la mesure où un groupe de banques forme un consortium pour accorder des prêts à un emprunteur, le plus souvent un Etat.

Les prêts consortiaux sont apparus au cours des années 1970 en raison notamment des besoins de financement importants des pays émergents comme le Mexique. A l’origine, ils étaient essentiellement destinés aux emprunteurs souverains avant de s’élargir à partir de 1990 à d’autres catégories d’agents économiques comme les grandes entreprises. Contrairement aux crédits classiques, les prêts consortiaux sont des instruments hybrides à mi-chemin entre un crédit bancaire et un titre de créance négociable.

Cependant, grâce aux progrès réalisés par l’ingénierie financière, les mécanismes de transfert de risque ont connu une ampleur sans précédent contrastant avec les anciennes techniques (prêts consortiaux). Avec la titrisation, les banques sont désormais capables de démembrer le risque attaché à un actif et de le transférer entre de nombreux acteurs.

Désormais le risque est négociable à l’exemple du marché des dérivés de crédit31 (swaps de

défaut ou CDS) qui est estimé en 2007 par la BCE à 60000 milliards d’euro32alors qu’il était relativement inexistant en 2001 dans la zone euro. Une telle accélération des mécanismes de transfert de risque est facilitée dans la zone euro par les progrès réalisés en matière d’intégration des marchés des capitaux.

Toutefois, même si dans la plupart des pays, les établissements financiers titrisent un éventail de plus en plus large d’actifs, il convient de souligner que cette technique était autrefois réservée uniquement aux prêts hypothécaires (mortgage-backed securities ou de MBS).

31 Ce sont des instruments financiers qui permettent de transférer par un contrat tout ou une partie du risque de crédit portant sur un tiers. Le risque peut porter sur la faillite, le non remboursement ou la baisse de la notation.

32 BCE, «Le rôle des banques dans le mécanisme de transmission de la politique monétaire», Bulletin mensuel de la BCE, août 2008b, p. 91.

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générale, les opérations de titrisation mettent en jeu au moins trois acteurs qui ont chacun un rôle bien spécifique. Ainsi le détenteur d’actifs peu ou pas liquides ici en l’occurrence la banque cède tout ou une partie de son portefeuille de prêts à une entité spécialisée, appelée souvent véhicule spécifique (special purpose vehicle ou SPV), qui finance ces achats en émettant des titres de créance négociables sous réserve qu’un certain nombre règles comptables et juridiques soient respectées. Grâce à cette opération, la banque transfère la propriété et le risque des actifs titrisés au véhicule. Ce dernier vend les titres émis à des investisseurs domestiques ou étrangers qui vont percevoir en contrepartie un revenu fixe (intérêts et principal) issus des flux de trésorerie générés par les actifs titrisés (ou des créances sous-jacentes).

La littérature financière retient 1970, année de la création de Freddie Mac33, comme la

date des premières opérations de titrisation. Ce qui est discutable si l’on se réfère aux objectifs

qui étaient assignés à Fannie Mae34 dès sa création en 1938. Cette agence fédérale avait pour

principale mission de créer un marché secondaire pour les prêts immobiliers afin d’alléger les contraintes qui pesaient sur les banques commerciales.

Le secteur bancaire pouvait se séparer de son portefeuille de crédits immobiliers auprès de Fannie Mae en échange de capitaux. Fannie Mae était mieux armée pour assumer les risques de liquidité, de crédit et de marché dans la mesure où, contrairement aux banques, elle ne faisait que des emprunts à long terme, destinés uniquement à financer les achats de prêts immobiliers. Par ce mécanisme de transfert de risques, les banques pouvaient accroître leur offre de crédits immobiliers.

Cependant, comme l’ensemble des risques était supporté par l’Etat fédéral, les autorités publiques ont mis en place un second établissement financier en 1968 (Ginnie

Mae35) afin de mieux diversifier le risque vers les autres intermédiaires financiers. Deux ans

plupart, pour accélérer le mouvement de transfert de risques vers les autres investisseurs, Freddie Mac est créée. C’est cette date: 1970, qui est retenue comme le point de départ des premières opérations de titrisation.

33 Freddie Mac: Federal Home Loan Mortgage Corporation, créée 1970.

34 Fannie Mae: Federal National Mortgage Association, créée en 1938.

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Or, bien avant cette date, c'est-à-dire dès 1938, date de la création de Fannie Mae, les banques pouvaient procéder à la cession de leur portefeuille de créances immobilières. Même si le statut de ces agences est resté le même, leur fonction a relativement évolué ainsi que les opérations de titrisation.

1. L’élargissement du champ des activités de titrisation

Si les opérations de titrisation concernaient initialement des prêts immobiliers, désormais tout type de crédits peut servir de support. En dehors des crédits immobiliers, supports traditionnels des opérations de titrisation nous avons sur ce marché des créances bancaires portant sur des prêts aux ménages (cartes de crédit, automobile, immobiliers), aux entreprises et aux autres intermédiaires financiers. Néanmoins, malgré l’éventail de supports, le marché de la titrisation a dressé une nomenclature assez claire, permettant ainsi de différencier chaque type de produit commercialisé.

D’une manière générale nous avons deux types de lots de produits commercialisés: d’une part, les titres adossés à des actifs qui continuent de suivre le schéma classique de la titrisation et, d’autre part, les titres garantis par des créances, produits plus hétérogènes.

a) Les titres ayant pour support des créances

Les titres garantis par des créances sont dans l’ensemble relativement homogènes et

facilement identifiables. L’émetteur regroupe un portefeuille de titres homogènes afin de le découper en trois tranches: la tranche senior, la tranche mezzanine et la tranche equity. Toutes ces tranches sont adossées au même portefeuille, ce qui permet de suivre la traçabilité du produit.

Les détenteurs de la tranche senior sont les mieux protégés en cas de défaillance des emprunteurs contrairement à ceux qui ont acheté la tranche equity. Les détenteurs de la tranche equity supportent l’essentiel des risques.

47 supports suivants:

- les asset-backed securities (ABS), regroupant des actifs financiers en dehors des prêts hypothécaires ;

- les mortgage-backed securities (MBS), adossés à des actifs immobiliers ;

- les residential mortgage-backed securities (RMBS) pour les biens immobiliers résidentiels ; -et, les commercial mortgage-backed securities (CMBS) qui désignent de biens immobiliers d’entreprises (centres commerciaux, bureaux).

Toutefois, à côté de ces produits ci-dessus, d’autres instruments financiers plus complexes sont commercialisés, combinant à la fois les techniques de titrisation classiques et les récentes avancées en matière de gestion de risque de crédit.

b) Les titres garantis par les créances

L’émergence de titres négociables garantis par les créances constitue une avancée spectaculaire en matière de titrisation au cours de ces dernières années. En effet, ce sont des produits plus complexes même s’ils offrent plus de souplesse tant du côté du cédant que de celui du souscripteur. Avec ces produits financiers, seul le risque de crédit est transféré par le cédant au véhicule spécifique.

Autrement dit, le prêt reste dans le bilan du prêteur. Cette technique qui consiste à transférer uniquement le risque sans cession du prêt est appelée par la littérature de titrisation synthétique. Cette technique permet de titriser un volume plus important de crédits peu standardisés. Ainsi nous avons parmi les produits financiers issus de la titrisation synthétique : - les collateralised debt obligations (CDO), adossés à un portefeuille de créances très hétérogènes, mélangeant différents types de créances allant des crédits hypothécaires à des obligations privées. Néanmoins, selon la composition des CDO nous avons des appellations différentes :

-les collateralised loan obligation (CLO) lorsque le sous-jacent sert à financer des rachats d’entreprises avec levier ;

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Avec tous ces instruments de transfère de risque, les banques ont transformé le modèle d’intermédiation traditionnelle de l’activité bancaire, ce qui va avoir une incidence majeure sur la production de crédits. L’évolution du schéma classique d’intermédiation où les banques produisaient des crédits et les conservaient jusqu’à échéance est désormais bouleversé par les innovations sur les marchés du crédit.