• Aucun résultat trouvé

Le basculement de l’intermédiation financière sur le marché des titres

Section III - Les évolutions de l’intermédiation financière

C) Le basculement de l’intermédiation financière sur le marché des titres

Capelle-Blancard (200059, 2003) nous invite à la plus grande prudence concernant

l’interprétation des analyses concluant à l’accélération de la désintermédiation dans les économies développées. Il nuance ces analyses en s’appuyant sur la méthodologie de calcul qui comporte un biais important. Pour preuve, Capelle-Blancard (2003), remarque en reprenant le mode de calcul sans correction que la part des financements intermédiés baisse régulièrement de deux points en moyenne par an depuis 1994. Entre 1994 et 1999, le taux

d’intermédiation au sens étroit est passé de 40% à 34%.60 A partir de 2000, nous avons une

brusque remontée du taux d’intermédiation, dépassant même les trois points dans tous les pays étudiés.

Or, cette remontée n’est pas justifiée par une hausse importante de la demande de crédits des agents privés mais coïncide exactement avec la période de la chute des cours boursiers. En clair, l’ajustement mécanique du taux d’intermédiation est induit uniquement

par la baisse des valeurs boursières61. En neutralisant les effets de la valorisation boursière

avec la méthode en volume, la baisse du taux d’intermédiation financière en Europe continentale est de 1,5 point en moyenne au lieu des 10 points en valeur. Le cas de la France est beaucoup plus saisissant, le recul est uniquement de 8 points au lieu des 20 points en valeur.

« C’est pour la Finlande (-12 points en valeur contre -5 points en volume) et la

France (-20 points en valeur contre -8 points en volume) que la correction est la plus notable62 ».

De même, selon l’auteur, la baisse est très faible, seulement de 0,2 point avec les établissements de crédit. La part des financements offerts par les établissements de crédit passe de 54% en 1995 à 53% en 2000. Il constate sur la même période que la part du secteur bancaire s’est renforcée au Royaume-Uni, Suède, Danemark et au Portugal. La croissance de la part des financements intermédiés est expliquée par l’auteur en évoquant le redéploiement de l’intermédiation sur le marché des titres.

59 G. Capelle-Blancard, «Une nouvelle mesure du taux d’intermédiation financière: l’approche en volume», Revue d’Economie Financière, № 59, 2000, p. 163-187.

60 G. Capelle-Blancard et J. Couppey-Soubeyran, «Le financement des agents non financiers en Europe: le rôle des intermédiaires financiers demeure prépondérants», Economie et Statistique, № 366, 2003, p.72.

61 G. Capelle-Blancard, et J. Couppey-Soubeyran, op. cit., p. 74

62

67

La structure de l’épargne et les canaux par lesquels elle est mobilisée ont favorisé l’allongement de la chaîne de l’intermédiation financière. En effet, les intermédiaires financiers sont toujours au centre de la sphère financière du fait de la faiblesse de la relation directe entre prêteurs et emprunteurs malgré la montée en force des marchés de titres. Cette faiblesse de la détention directe de titres est due à la place croissante des intermédiaires financiers sur le marché de la collecte de l’épargne. Cependant, malgré le rôle central des intermédiaires financiers sur les marchés des titres et de l’épargne, le modèle d’intermédiation est différent entre les pays.

Le modèle anglo-saxon est dominé par les investisseurs institutionnels de type fonds de pension, OPCVM et compagnies d’assurance alors que le modèle de l’Europe continentale est plutôt centré autour des établissements de crédit qui distribuent l’essentiel des supports d’épargne collective. D’ailleurs, le choix opéré par les autorités anglo-saxonnes pour les régimes de retraite par capitalisation a contribué de manière très significative au basculement de l’intermédiation vers les investisseurs institutionnels. En revanche, dans la zone euro, l’intermédiation financière est toujours sous le contrôle du secteur bancaire.

a) Produits des placements intermédiés et intermédiation financière

La place croissante des intermédiaires financiers dans les systèmes financiers s’est renforcée au cours de ces dernières années en raison de la modification de la structure de l’épargne des ménages, composée de plus en plus de supports issus des placements intermédiés au détriment des achats directs de titres. Autrement dit, la finance indirecte s’est renforcée au moment même où l’offre des instruments de placements s’est diversifiée. Malgré la diversification de l’offre, les investissements des ménages se dirigent essentiellement vers les supports, proposés par les banques et les investisseurs institutionnels. Depuis les années 2000, les flux des placements financiers des ménages se portent sur les produits d’OPCVM, d’assurance-vie et de fonds de pension.

68

Un examen détaillé de la structure du portefeuille des placements financiers des ménages des pays industrialisés montre une nette préférence pour les produits d’assurance-vie même si, les dépôts bancaires traditionnels continuent à résister.

Tableau 14: Part des dépôts bancaires traditionnels au sein des actifs financiers des ménages

Pays Etats-Unis Espagne France Italie Allemagne Royaume-Uni Dépôts 16% 50% 35,7% 34,7% 36% 27,4% Source: AMF63 (2007), p. 10.

La part des dépôts bancaires au sein du patrimoine financier des ménages demeure relativement élevée contrairement aux Etats-Unis. Ce qui se justifie d’ailleurs par le fait que les banques continuent de dominer largement le marché de la collecte de l’épargne. Par ailleurs, la littérature financière souligne aussi des raisons historiques en évoquant l’adoption de longue date du système de retraite par capitalisation aux Etats-Unis.

Cependant, la faible aversion au risque qui caractérise d’une manière générale les ménages contribue également à maintenir la part des dépôts bancaires à des niveaux très élevés dans leur patrimoine financier. Il est important aussi de souligner que dans tous les pays, les placements liquides comme notamment les dépôts bancaires traditionnels sont privilégiés par les ménages.

b) La préférence pour la détention intermédiée

Depuis quelques années, la principale nouveauté est la place prépondérante des placements intermédiés dans le portefeuille des ménages. D’ailleurs, quel que soit le système financier, orienté banque ou orienté marché, la part des placements intermédiés dépasse les 90%. Dans les pays orientés banques comme les pays de la zone euro, la détention intermédiée de titres tourne autour de 95% à l’exception de l’Italie.

63 AMF, «Les supports de placement des ménages dans les grands pays développés: tendances et perspectives à moyen terme», Lettre économique et financière, Été 2007, p. 9-20.

69

en force depuis les années 2000 des supports d’épargne collective. Ces produits commercialisés par les banques et les organismes de placements collectifs notamment dans les pays anglo-saxons et aux Pays-Bas, occupent une place essentielle dans le patrimoine financier des ménages. La seule part des placements collectifs de types : assurance-vie, fonds de pension, OPCVM représente plus des deux tiers des titres détenus par les ménages.

Au Royaume-Uni et aux Pays-Bas, plus de 60% du patrimoine financier des ménages n’est composé que de produits d’épargne collective, ce qui confirme la forte vitalité de l’intermédiation des placements. De même, aux Etats-Unis et dans les autres pays de l’Europe continentale, les placements intermédiés demeurent aussi largement prédominants.

Tableau 15: Part des produits d’épargne64 collective dans le patrimoine financier des ménages (année 2006)

Pays Etats-Unis Royaume-Uni Pays-Bas France Epargne collective 54,7% 61,3% 64,4% 51,7% Source: AMF65 (Eté 2007), p. 12.

Ce tableau confirme que les placements directs continuent d’occuper une position marginale par rapport aux placements intermédiés.

64 Seuls les trois produits sont comptabilisés (OPCVM, assurance-vie et parts de fonds de pension)

65

70

Conclusion du chapitre

A travers ce chapitre nous avons vu que le canal étroit du crédit bancaire s’est renforcé au cours de ces dernières décennies. Loin d’être affaibli, le canal du crédit bancaire continue d’être un puissant vecteur de transmission des décisions de politique monétaire jusqu’au secteur réel. Même si, les différents mécanismes de transfert de risques à travers le modèle bancaire d’« octroi puis cession du crédit » ont complètement affaibli les fondements théoriques du canal du crédit bancaire qui reposent essentiellement sur la non substituabilité entre crédit et titres.

Or, c’est grâce à la violation de cette hypothèse que le canal étroit du crédit s’est renforcé. A travers les opérations de titrisation, les banques ont désormais la possibilité d’amplifier leur offre de crédits en cas d’assouplissement des conditions monétaires. Cette amplification est d’autant plus importante que la part des créances bancaires titrisées est élevée. Les opérations de titrisation ont aussi contribué au renforcement de l’intermédiation financière.

En effet, au fur et à mesure que les systèmes financiers évoluent, les banques trouvent les moyens de s’adapter, montrant ainsi que les pratiques fondées sur les relations entre emprunteurs et prêteurs occupent toujours une place centrale dans les économies monétaires de production. Nous notons que désormais, le financement bancaire ne se limite plus à la distribution de crédits, les banques achètent de plus en plus de titres émis par les agents, participant ainsi au financement de l’économie. Même dans les pays anglo-saxons, associés au modèle orienté marché, les entreprises sont étroitement dépendantes du financement intermédié. Toutefois, nous avons constaté que le développement des marchés financiers a rendu plus difficile la distinction faite entre le financement intermédié et le financement de marché, installant une confusion dans la façon de mesurer le taux d’intermédiation.

71

Chapitre II